En 1297, la bulle Super reges et regna réunissait la Corse et la Sardaigne au sein d’un nouveau royaume vassal du pape, inféodé à Jacques II d’Aragon1. Conçu pour compenser la perte du royaume de Sicile, qui devait être restitué aux Angevins2, ce nouveau royaume ne connut une première réalité qu’en 1323, lorsque Jacques II en entreprit la conquête, après en avoir porté le titre théorique pendant plus de vingt ans3. Confiée à l’Infant Alphonse, devenu, de fait, le primogènit aragonais suite à la renonciation au trône de son frère aîné4, la conquête de la Sardaigne fut un moment de parfaite collaboration entre le roi et son héritier. De nombreux documents illustrent le dialogue permanent entre Alphonse et son père5, dont il était le représentant en Sardaigne avec le titre de “ lieutenant ” 6. Longuement décrite dans les chroniques de Muntaner7 et de Pierre le Cérémonieux8, la conquête de la Sardaigne par Alphonse met en exergue l’attitude d’obéissance exemplaire d’un primogènit aragonais envers son père. Les chroniques exaltent ainsi la valeur militaire exceptionnelle de l’Infant, en proie aux attaques de la malaria, et son esprit de sacrifice. Un modèle qui semble avoir été déterminant dans l’attitude des successeurs de Jacques II et d’Alphonse en Sardaigne. Au nom des difficultés de la conquête et des nombreux morts qu’elle avait causés, les souverains aragonais s’employèrent à conserver l’île envers et contre tout, en y menant une longue guerre, aux conséquences désastreuses pour les finances royales, dans laquelle s’impliquèrent tous les primogènits9. La question sarde se trouve dès lors au cœur de la réflexion sur la diplomatie des princes héritiers dont elle éclaire notamment les aspects militaires. La guerre de Sardaigne permet en outre d’étudier les relations entre souverains et primogènits aragonais dans la durée, en offrant un échantillon significatif allant de l’étroite collaboration au conflit ouvert.
Nous nous intéresserons donc au rôle confié aux primogènits par les souverains aragonais dans la conquête du royaume de Sardaigne et de Corse, de la naissance du Regnum sous le règne de Jacques II (1323), à sa pacification définitive sous les règnes de Martin l’Humain et d’Alphonse le Magnanime. En nous appuyant sur les chroniques, reflet du discours royal et de la mémoire dynastique10, nous montrerons d’abord comment la conquête de la Sardaigne par l’Infant Alphonse donna naissance à un modèle théorique : celui du prince héritier victorieux à la guerre, en raison de son obéissance totale à son père. Une image visant à masquer l’échec diplomatique réel du prince héritier, qui ne parvint pas à construire une paix durable dans l’île. En contrepoint de cette représentation de la soumission du primogènit au roi, exaltée par Pierre le Cérémonieux dans son Livre, nous étudierons les relations conflictuelles de ce dernier avec l’Infant Jean, et leurs conséquences sur la pacification du royaume de Sardaigne. Enfin, nous évoquerons la conquête définitive de l’île sous le règne de Martin l’Humain, qui met en scène un primogènit aragonais, lui-même roi de Sicile, soumis à son père jusqu’au sacrifice. Ce qui nous conduira à nous interroger sur la rupture introduite par l’avènement des Trastamare.
I. La conquête de la Sardaigne comme apprentissage de la guerre et de la diplomatie sous le contrôle étroit du roi : l’Infant Alphonse
La chronique de Muntaner offre un témoignage vivant de la décision soudaine, prise en 1322 par Jacques II, de conquérir le royaume de Sardaigne et de Corse, après en avoir porté le titre depuis 1297:
Il est certain que le seigneur roi Jacques d’Aragon, voyant que ses fils étaient grands, élevés et bons, convoqua un parlement dans la cité de Gérone, où furent présents le seigneur roi Sanche de Majorque et tous les barons de Catalogne. Et là il rendit public le fait qu’il chargeait son fils, l’Infant Alphonse, de conquérir le royaume de Sardaigne et de Corse, dont il devait être le possesseur, car il lui paraissait à lui et à ses gens, que c’était une honte de ne point le conquérir, alors qu'il portait le titre de roi depuis si longtemps11.
L’entreprise est donc d’abord présentée comme une mission confiée par le souverain à son fils, ce dernier ayant atteint l’âge requis - une vingtaine d’années - pour entreprendre une telle conquête en lieu et place de son père, âgé de 55 ans. Or, en 1322, Alphonse venait d’être nommé prince héritier en substitution de son frère aîné, qui avait renoncé au royaume pour entrer dans les ordres en 131912. Le succès de l’entreprise était donc crucial pour restaurer l’honneur aragonais qui avait été quelque peu affaibli par la renonciation de l’Infant Jacques. La conquête devait en outre permettre à l’Infant Alphonse de s’initier au métier de roi, à travers la guerre et la diplomatie.
Alors que Muntaner reste évasif sur les motivations de Jacques II, la construction de la chronique de Pierre le Cérémonieux13 établit clairement un lien entre le renoncement de l’Infant Jacques, la nomination d’Alphonse en tant qu’héritier, et la décision de conquérir la Sardaigne. Tout se passe comme si l’exploit militaire, attendu d’Alphonse, devait effacer la tache née du renoncement de son frère aîné. De même que Jacques Ier avait compensé la défaite de son père à Muret en s’emparant de Majorque14, Alphonse devait se rendre maître de la Sardaigne afin de renforcer le prestige de la Couronne d’Aragon sur la scène internationale15. À travers cette conquête, l’Infant Alphonse devait expérimenter jusque dans sa chair les sacrifices nécessaires à la fonction royale. À cet égard, le discours de Jacques II à son fils, juste avant son départ en Sardaigne, tel qu’il est rapporté par Pierre IV dans son Livre, est particulièrement éclairant :
Et alors que le roi Jacques était dans ledit lieu de Portfangós, pour donner les instructions au seigneur infant Alphonse sur les affaires de la conquête dont il avait la charge, il fit devant tous les prélats, les barons, les richommes, les chevaliers, et d’autres qui devaient participer au voyage, un long sermon bien ordonné afin d’informer son fils, ledit seigneur infant, de ce qu’il convenait de faire durant la conquête, en lui donnant de nombreux conseils, au sujet de nombreuses péripéties qui pourraient advenir durant la conquête, parmi lesquels il lui donna les trois ordres suivants :
La première chose qu’il lui dit, fut qu’il lui transmettait un privilège, que notre seigneur Dieu par sa grâce et sa miséricorde, avait fait à la Maison d’Aragon, lequel privilège était scellé d’une bulle d’or, et était clair et net et non corrompu en aucune chose, et qui était que la bannière de la maison royale d’Aragon ne fut jamais vaincue ni arrachée du camp, à l’exception il est vrai de ce qui fut perdu une fois par folie, voulant dire par là, par le roi Pierre, roi d’Aragon et seigneur de Montpellier, qui par sa folie fut tué à Muret. Et il recommanda à son fils de faire en sorte que ledit privilège revienne et demeure ainsi, fort et bon comme il le lui avait confié. La seconde, que dans chaque conquête accomplie par le passé par des grands souverains, il y avait eu des batailles, et comme son fils faisait ladite conquête avec la légitimité de la sainte Église de Rome, il devait savoir et être convaincu que la volonté de Dieu lui amènerait la victoire dans ledit royaume de Sardaigne et que pour cette conquête, il devrait mener bataille sur bataille. Et il lui donna ce conseil : “ Fils, quand vous serez au combat, vous attaquerez le premier avec force et puissance : ou mourir ou vaincre, ou vaincre ou mourir, ou mourir ou vaincre ”. Et ainsi il répéta trois fois. La troisième chose qu’il lui dit fut : “ Fils, il est souvent arrivé qu’une bataille se gagne grâce à l’ingéniosité d’un chevalier ; c’est pourquoi, lorsque vous irez au combat, ayez tous vos chevaliers. Et s’il en manque un, attendez-le pour deux raisons : la première, parce qu’il pourrait vous donner un conseil essentiel pour gagner la bataille ; la seconde, parce que vous lui procureriez grand déplaisir s’il ne participait pas à la gloire d’une bataille victorieuse, comme les autres qui y seraient ”. Et ayant fait et achevé ledit sermon, le seigneur roi Jacques signa et bénit son fils et lui donna de la part de Dieu sa grâce et bénédiction, et il autorisa chacun à se préparer à quitter Portfangós pour se rendre dans ledit royaume de Sardaigne16.
Le sermon de Jacques II n’est pas évoqué par Muntaner, qui demeure la principale source historiographique sur la conquête de la Sardaigne, et semble donc plutôt relever d’une tradition familiale et dynastique qui aurait été transmise à Pierre le Cérémonieux par son propre père. Cette tradition sera d’ailleurs reprise par Martin l’Humain dans un discours prononcé lors des Corts catalanes de Perpignan (1406)17.
Les conseils de Jacques II livrent une vision de la défaite de Muret, mettant directement en cause la responsabilité du roi Pierre II, qui sert ici de contre-modèle à l’attitude que doit suivre l’Infant Alphonse. Ce dernier devait préserver le privilège divin d’invincibilité accordé à la Maison d’Aragon18, en remportant une nouvelle victoire19. Pour encourager son fils, Jacques II lui rappela que la Sardaigne lui avait été inféodée par le pape, soulignant ainsi le caractère juste et légitime de ladite conquête, placée directement sous la protection divine. En outre, l’Infant devait savoir profiter des conseils de ses compagnons et ne pas commettre l’erreur de son aïeul qui n’avait pas attendu certains de ses chevaliers à Muret. Au total, le discours de Jacques II plaçait donc son fils face à l’honneur de la Casa d’Aragó, ce dernier n’avait d’autre choix que de “ vaincre ou mourir ”. À travers les chroniques, la conquête de la Sardaigne fait ainsi figure de rite de passage ayant permis au prince héritier de devenir roi.
Dans la chronique de Muntaner, le récit de la victoire de Lucocisterna contre les Pisans fait écho au sermon imputé à Jacques II dans la chronique de Pierre IV, notamment un passage relatif à la bannière aragonaise :
Et lorsque les sept cavaliers sur douze, virent que cinq d’entre eux étaient morts de la main du seigneur Infant, et qu’ils virent les exploits qu’il accomplissait, ils se mirent d’accord pour se jeter ensemble sur lui et le faire tomber de cheval. Et ils firent ainsi, et tous ensemble ils se précipitèrent sur le cheval de l’Infant et le tuèrent, et de même ils tuèrent le cheval de son porte-étendard, et la bannière tomba à terre […] et alors que l’Infant était au sol, son épée s'envola de ses mains, et il n’en conserva qu’une partie, l’autre moitié s’étant brisée et n’oubliant pas qui il était, l’Infant se descella de son cheval qui était au-dessus de lui, en faisant preuve d’une force et d’un courage dignes du meilleur cavalier du monde, et il s’empara de la dague qu’il avait à la ceinture, et voyant sa bannière à terre, et la dague à la main, il souleva sa bannière, la redressa et la brandit bien haut. Alors un de ses cavaliers, nommé Berenguer de Boxadors, mit pied à terre, alla prendre la bannière et céda son cheval à l’Infant. Celui-ci monta à cheval et remit la bannière à un cavalier. Ayant relevé la bannière, il vit les sept cavaliers devant lui, parmi lesquels il reconnut Orrigo l’Allemand. Et avec son poignard il fondit sur lui et le frappa si fort à la poitrine qu’il le transperça. Ce dernier tomba mort et ne put jamais rentrer en Allemagne pour raconter la bataille20.
Conformément aux instructions de son père, l’Infant Alphonse avait défendu la bannière et l’honneur de la Maison d’Aragon, en combattant le premier et en s’appuyant sur ses chevaliers. Il avait ainsi vaincu les Pisans21.
Dans les chroniques, l’Infant Alphonse laisse donc à la postérité l’image d’un prince victorieux et s’inscrit dans la galerie des modèles royaux aragonais prestigieux aux côtés de Jacques le Conquérant, héros de la conquête de Majorque. Notons que dans son Livre, son fils Pierre le Cérémonieux prit bien soin de ne pas mentionner la révolte de Sassari et la rupture de la paix par les Pisans, seulement quelques mois après le départ de l’Infant. L’évocation des exploits guerriers d’Alphonse permit ainsi d’atténuer l’échec cuisant de son action diplomatique. Dès les premières négociations de paix, les critiques furent nombreuses aussi bien dans l’entourage royal qu’à la cour pontificale22. La paix conclue par l’Infant Alphonse était jugée fragile et chacun se préparait à un retour de la guerre, ce qui ne manqua pas d’arriver quelques mois plus tard. Muntaner lui-même, dans son sermon adressé au souverain aragonais, inséré juste avant le récit de la conquête mais écrit à posteriori, formulait quelques critiques sur l’expédition de Sardaigne23. Selon ce dernier, l’Infant Alphonse aurait commis deux erreurs principales : suivre les conseils d’Ugone d’Arborea, en attaquant d’abord Villa di Chiesa24, dont les 7 mois de siège décimèrent les armées aragonaises en proie à la malaria25; avoir accordé foi à la parole des “gens de la Commune”, c’est-à-dire les Pisans et les Génois. En filigrane, le prince héritier faisait donc figure de jeune homme inexpérimenté, à la fois mauvais chef de guerre et piètre diplomate. Un regard critique que confirment les documents d’archives qui soulignent l’échec diplomatique d’Alphonse en Sardaigne26.
Contrairement à l’image construite par Pierre le Cérémonieux dans son Livre, la conquête de la Sardaigne par l’Infant Alphonse ne fut pas une réelle victoire : non seulement les morts furent nombreux parmi les troupes royales mais encore la paix fut-elle des plus précaires. Or si le roi insista sur la mémoire de cet événement, ce fut sans doute pour deux raisons principales : souligner l’importance de la possession de la Sardaigne pour l’honneur de la Couronne d’Aragon, afin de valoriser sa propre offensive dans l’île en 1355, qu’il décrivit en détail au chapitre V27; livrer un modèle de relation idéale entre père et fils, alors qu’il était lui-même en proie à la désobéissance de son héritier28.
II. Pierre le Cérémonieux et son primogènit face à la guerre de Sardaigne : une diplomatie en concurrence
Jusqu’en 1377, les documents montrent la parfaite collaboration entre Pierre le Cérémonieux et l’Infant Jean, au sujet du Regnum Sardiniae et Corsicae29. C’est ainsi qu’en juillet 1377, l’Infant Jean, après avoir reçu une ambassade du comte de Corse, Arrigo della Rocca, écrivait en son nom et celui de son père aux “consiliaris et populo insule Corsice” 30:
Nous avons reçu vos lettres, dans lesquelles vous exprimez votre grande dévotion et appartenance naturelle, et nous les avons comprises ainsi que ce que Arrigo della Rocca, comte de Corse, et nos fidèles Opizzo de Balonia, chevalier, et Guido, archiprêtre de Mariana, vos compatriotes et ambassadeurs, nous ont expliqué en votre nom. Nous vous répondons que le seigneur roi notre père et nous-mêmes avons pourvu et pourvoyons, avec l’aide de Dieu, à notre et votre honneur et utilité dans l’île de Corse, de telle manière que, en combattant vos ennemis, nous vous maintiendrons dans vos libertés et honneurs et vous protégerons par la force des attaques et offenses des ennemis, comme le comte et les ambassadeurs pourront eux-même vous l’expliquer oralement de notre part. Datée de Gérone, le dernier jour de juillet 137731.
D’un commun accord, le roi et son Primogènit décidèrent de soutenir le comte Arrigo della Rocca, en lui fournissant une galère avec laquelle il devait surveiller le détroit corso-sarde32. Il s’agissait ainsi de défendre les possessions aragonaises dans le nord de la Sardaigne33, soumises aux attaques conjointes d’Ugone III d’Arborea34 et de la Commune de Gênes.
La discorde éclata, cependant, en 1378 au sujet du remariage de l’Infant récemment devenu veuf. Pierre IV avait en effet souhaité que Jean épousât sa cousine Marie, l’héritière du royaume de Sicile35. Il faut ici rappeler qu’en 1349, au terme de son conflit féodal avec Jacques III de Majorque, Pierre le Cérémonieux avait annexé le royaume de Majorque, mettant ainsi un terme définitif à son indépendance politique. En janvier 1377, la mort de Frédéric IV le Simple sans héritier mâle, permettait au souverain d’envisager, à son tour, la réintégration de la Sicile aux États de la Couronne d’Aragon, et de clore ainsi l’histoire du royaume indépendant de Trinacrie, né en 1296 de la seule volonté des Siciliens36. Selon le testament de Frédéric III de Sicile (1296-1337), en l’absence d’héritier direct, le royaume devait, en effet, revenir à la branche aînée de la dynastie aragonaise. Toutefois, avant de mourir Frédéric IV avait obtenu que Marie soit reconnue par Grégoire XI comme unique héritière du trône. La réintégration de la Sicile impliquait donc le mariage de la reine Marie avec le primogènit Jean. À cette fin, en 1378, Pierre IV avait réussi à empêcher un projet de mariage entre Marie et le seigneur de Milan, Giovanni Galeazzo Visconti, comme il le rappela à son fils dans une lettre datée du 8 août 137937. Or contre la volonté de Pierre IV, l’Infant Jean, âgé de vingt-neuf ans, refusa d’épouser Marie et négocia lui-même son mariage avec Yolande de Bar38, la nièce du roi de France. Il provoqua ainsi l’ire paternelle :
Nous vous répondons que de l'empressement avec lequel vous avez pourvu à votre mariage, nous avons eu et avons souverain déplaisir et grande affliction, d’autant plus que nous avons reçu de nouveaux messagers de don Artale et du comte Guillem Ramon [de Montcada] et d’autres barons siciliens et du sire Gilabert Cruyles, qui se disent prêts à mettre le royaume de Sicile et l’Infante en votre main et à vous tenir pour leur roi et leur seigneur. Et c’est pourquoi lorsque l’on peut avoir un tel royaume par mariage, cela ne nous fait pas souffrir sans raison, et de vous dire avec force que nous sommes mécontent et que nous serions fort heureux si l’affaire pouvait être réparée et corrigée39.
Malgré les protestations véhémentes de Pierre IV, le mariage de Jean avec Yolande de Bar fut conclu. Ce choix français s’inscrivait dans le contexte du schisme pontifical et en avril 1381, l’Infant Jean envoyait une ambassade à son père pour le convaincre de se ranger du côté de Clément VII. Il s’engageait en échange à mener lui-même une offensive en Sardaigne contre Ugone III d’Arborea pour mettre un terme définitif au soulèvement de l’île, comme en témoignent les instructions données à ses deux ambassadeurs, le vicomte de Rocabertí et Lop de Gorrea :
Sachez que nous, voyant la destruction et la perdition du royaume de Sardaigne, qui en tous points est au bord de la chute, déplorant qu’un tel royaume puisse se perdre à défaut de secours, nous avons envisagé une manière d’y remédier dont, nous semble-t-il, vous devez parler d’abord à la Reine puis au Roi, et la chose est la suivante : que si ledit seigneur dès maintenant, et par ses actes, se déclare en faveur du pape Clément, nous passerons personnellement en Sardaigne et nous trouverons assez de gens pour nous accompagner40.
Ces instructions révèlent l’influence qu’exerçait la dernière épouse de Pierre IV, Sibilla di Fortià41, puisque le Primogènit demande expressément à ce qu’elle soit avisée la première, sans doute dans l’idée que son intervention pouvait être déterminante. Datée du 4 mai 1381, la réponse du roi à la proposition de son fils aîné fut ambivalente, s’il louait la volonté de ce dernier de pacifier la Sardaigne, il refusait catégoriquement de se prononcer en faveur de Clément VII, condition pourtant posée par l’Infant Jean pour se rendre dans l’île :
Très cher héritier, par le vicomte de Rocabertí et le sire Lop de Gorrea nous avons reçu votre lettre, disant que, voyant la situation dramatique de l’île de Sardaigne, et voulant nous épargner, comme vous le devez, vous avez décidé, si cela nous plaît, de vous rendre en Sardaigne, selon la forme et la manière que nous expliqueront les dits vicomte et sire Lop. Ils nous ont expliqué cela conformément à la créance que vous leur aviez donnée dans la lettre. Et nous en avons eu et en avons grand plaisir, cher fils, et nous rendons grâce à Dieu de nous avoir donné un fils qui dans une telle situation veut faire ce qu’impose l’honneur et ce qui est nécessaire pour restaurer le royaume de Sardaigne qui risque d’être perdu. Des autres choses, cher fils, que lesdits vicomte et sire Lop nous ont demandé de votre part, à savoir que nous nous déterminions en faveur du pape Clément, nous nous étonnons au plus haut point, et vous faites mal en agissant dans ces affaires selon une affection incontrôlée. Car vous devez être certain que nous, pour rien au monde, s'agissant de cette affaire qui touche à la foi chrétienne et au christianisme, une affaire spirituelle et de conscience, même si notre personne et notre royaume devaient de ce fait être mis en péril, il nous appartient tout particulièrement d’être fidèle, notamment pour la Sardaigne, à celui qui sera le vrai pape, et nous ne ferons rien d'autre que suivre Dieu et la justice42.
Cet extrait éclaire l’intrication du problème sarde dans la question plus générale du schisme pontifical. La prudence de Pierre IV tenait précisément au fait qu’il était vassal du pape pour le Regnum Sardiniae et Corsicae. À l’inverse son fils était convaincu que se rapprocher du pape d’Avignon et du roi de France devait permettre la reconquête de la Sardaigne. Père et fils menèrent donc des négociations diplomatiques parallèles pour “récupérer” le royaume de Sardaigne. Cette mésentente, entretenue par la rivalité de leurs épouses respectives, qui avaient introduit leurs propres conseillers dans l’entourage royal, fut la source de l’affaiblissement du souverain face aux Corts.
En 1383, lors des Corts de Monzón, dont la convocation avait été imposée au souverain43, ce dernier fut sommé par le Bras militaire, représenté par son fils cadet Martin, de mettre de l’ordre parmi ses propres conseillers et ceux de son fils aîné. Les nobles accusaient l’entourage du roi et de son fils de s’être enrichi au détriment de la “chose publique” et d’avoir négocié une paix indigne avec Gênes. L’octroi de subsides pour “el fet de Sardenya” restait ainsi conditionné au châtiment des coupables. D’une durée exceptionnelle de plus d’une année, cette assemblée ne fut jamais véritablement clôturée. À sa mort, en 1387, Pierre IV n’était toujours pas parvenu à organiser le “passage en Sardaigne”.
Devenu roi, Jean Ier ne put accomplir l’offensive militaire qu’il avait envisagée mais il parvint à négocier la paix avec Eleonora d’Arborea. À la différence de son aïeul Alphonse le Bénin, cette négociation atteste des qualités diplomatiques du roi puisqu’il obtint le retrait des juges d’Arborea de toutes les terres conquises depuis le début de la guerre44. Aucune paix antérieure, pas même celle qu’avait négociée Pierre le Cérémonieux à l’issue de sa propre offensive dans l’île, n’avait été aussi avantageuse pour le roi d’Aragon. La victoire fut cependant de courte durée et la reprise du conflit en 1392 ternit définitivement la mémoire du règne de Jean Ier45, dont la personnalité se trouva écrasée par celles de son prédécesseur Pierre le Cérémonieux, et se son successeur, Martin l’Humain : deux rois victorieux à la guerre46.
La comparaison des relations entre Jacques II et l’infant Alphonse d’une part, et Pierre IV et l’Infant Jean d’autre part, montre de profondes différences qui, outre la personnalité des acteurs, pourraient être liée à l’âge des primogènits. Si Alphonse était un prince héritier d’une vingtaine d’années, Jean avait déjà une trentaine d’années lorsqu’il s’opposa à son père, lequel régnait lui-même depuis plus de quarante ans. Dans le cas de Jean, l’influence de son épouse française, dans le contexte international du schisme et de la guerre de Cent ans, fut, par ailleurs, déterminante. Le début du règne de Martin l’Humain marqua ainsi le retour d’une relation autoritaire entre le roi et son primogènit.
III. Martin l’Humain et Martin le Jeune à la conquête de la Sicile et de la Sardaigne : un primogènit aux ordres de son père
Pour compenser le refus de l’Infant Jean d’épouser Marie de Sicile, cette dernière fut finalement promise au fils de son frère cadet. Les noces eurent lieu en 1391, alors que Martin “ le jeune” était âgé de 14 ans et Marie de 27 ans. L’année suivante Martin le “ vieux” et son fils partaient ensemble à la conquête de la Sicile. Se heurtant à une vive opposition de la noblesse locale, entretenue par le schisme pontifical, la conquête de l’île ne s’acheva qu’en 139747. Entre temps, le duc de Montblanc était devenu roi d’Aragon et Martin le jeune, roi de Sicile et primogènit d’Aragon.
Ainsi que l’a souligné Henri Bresc, après le retour de Martin l’Humain en Catalogne, la titulature des actes siciliens révèle la volonté du souverain de partager le trône de Sicile avec son fils : le nom du roi d’Aragon y précédait celui du roi Martin et de la reine Marie48. En août 1397, cette volonté fut confirmée par le pape Benoît XIII qui reconnaissait les droits de Martin d’Aragon, non seulement sur le royaume de Sardaigne et de Corse mais également sur celui de Trinacrie. Les lettres de Martin Ier à son fils revêtaient en outre un caractère autoritaire qui plaçait le roi de Sicile en position de subordination. Nombre d’entre elles équivalaient à de simples instructions. Selon Henri Bresc : “Martin l’Humain impos[a] [alors] contre les réticences de son fils (qui s’intitule, au moins une fois en 1396, “roi de Trinacrie”, exprimant ainsi sa particularité) et de ses conseillers, une nouvelle conception de l’État sicilien, comme un apanage, uni à la Couronne d’Aragon et confié au primogènit pour y faire son apprentissage” 49. L’union des deux royaumes et la soumission de la Sicile à la Couronne d’Aragon fut donc rendue possible par le fait que Martin le jeune était à la fois roi de Sicile et primogènit aragonais. L’annexion du royaume était déjà en germe. Elle devint effective sous le règne des Trastamare avec la mise en place du système du vice-roi confié au cadet de la famille royale50.
Les factions aristocratiques locales, divisées entre “Catalans” et “latins” s’adaptèrent rapidement à cette évolution institutionnelle, en dénonçant directement au roi d’Aragon les manquements du roi de Sicile et de ses “mauvais conseillers”. Ainsi Martin Ier intervint-il de manière autoritaire dans le gouvernement de son fils, en imposant notamment que son conseil soit composé d’au moins 7 Catalans pour 3 Siciliens. À la mort de Marie en 1401, Martin devint de fait le seul roi de Sicile. Il épousa alors Blanche de Navarre. Un mariage qui avait été, encore une fois, négocié par son père. La documentation suggère toutefois quelques tentatives du primogènit de s’imposer face au roi d’Aragon, en refusant de se soumettre à certains de ses ordres, notamment du point de vue de l’organisation ecclésiastique et des relations avec les papes de Rome51. Il reste que la subordination du royaume de Sicile au roi d’Aragon permit à Martin l’Humain de s’appuyer sur son fils pour achever la conquête du Regnum Sardiniae et Corsicae. Dès les années 1404-1405, le projet de conquérir définitivement les deux îles fut au cœur des préoccupations du roi d’Aragon et de ses échanges avec son primogènit52. La chronique corse de Giovanni della Grossa révèle ainsi le rôle de Martin l’Humain et de son fils dans l’ascension première de Vincentello d’Istria, qui fut par la suite comte de Corse (1407) et vice-roi de l’île pour Alphonse le Magnanime (1418)53:
Vincentello alla en course avec son brigantin pendant quatre ans puis il se rendit en Catalogne avec sa galère pour offrir ses services au roi. Comme ce dernier avait déjà entendu parler de la guerre qu’il avait menée, et sachant que c’était un gentilhomme important de Corse, neveu du comte Arrigo, le roi l’accueillit gracieusement et lui donna une de ses galères et de l’argent pour l’armer. Il écrivit une lettre au roi Martin de Sicile, son primogènit, en lui recommandant Vincentello qui se rendit avec ses galères chez le roi Martin en Sicile. Celui-ci le reçut avec beaucoup d’affection et de bienveillance, lui donnant de l’argent, des vaisseaux et bien d’autres choses. Il ordonna à tous les capitaines de terre et de mer d’obéir au roi d’Aragon qui leur avait recommandé Vincentello54.
Le chroniqueur corse évoque ici un document écrit qu’il avait pu consulter lorsqu’il était lui-même au service du comte Vincentello. Ce document illustre la subordination du roi de Sicile au roi d’Aragon puisque Martin écrit plutôt en tant que primogènit qu’en tant que roi55. Grâce à l’aide de Martin de Sicile, Vincentello parvint à rassembler la noblesse corse sous la bannière aragonaise et à se faire proclamer comte en 140756.
Du point de vue de la conquête du Regnum Sardiniae et Corsicae, la Sicile offrait donc à la fois une flotte située à proximité et d’importantes ressources qui avaient toujours fait défaut aux prédécesseurs de Martin l’Humain. En outre, l’organisation d’une campagne militaire devait permettre à l’Infant Martin de fédérer la noblesse sicilienne en renforçant ses liens avec le jeune roi. En 1408, Martin de Sicile entreprit donc la conquête définitive de la Sardaigne pour son père, renouant ainsi avec le modèle de l’Infant Alphonse. Il fut accompagné de représentants des deux factions de la noblesse sicilienne, Catalans et latins, mais également du comte Vincentello d’Istria à la tête d’une troupe de Corses57. La victoire définitive de Martin de Sicile à la bataille de Sanluri en juin 1409 fut toutefois entachée par la mort, quelques jours plus tard, du primogènit, des suites de la malaria. Si la Sicile et la Sardaigne étaient réintégrées à la Couronne d’Aragon, conformément aux ambitions de Pierre le Cérémonieux, la dynastie des comtes de Barcelone se trouvait désormais sans héritier.
Avec le changement dynastique, se pose la question de la reconfiguration des relations entre souverain et primogènit. Le court règne de Ferdinand Ier (1412-1416), fut marqué par la fragilité du pouvoir royal après le compromis de Caspe, ce qui empêcha toute intervention dans les îles. Ces trois années correspondirent à une période d’apprentissage pour l’Infant Alphonse qui put se familiariser avec les pratiques diplomatiques de la Couronne d’Aragon58. Les documents sur le Regnum Sardiniae et Corsicae révèlent le rôle des anciens officiers de Martin Ier dans cette formation. C’est ainsi que l’Infant Alphonse, informé par son chambellan Juan Ferrandez de Eredia59, qui avait accompagné Martin de Sicile en Sardaigne60, recommanda Vincentello d’Istria à son père, dans une lettre datée du 11 août 1413:
À votre grande excellence je signifie que le bâtard d’Istria, frère du comte de Corse, vient à present à vous avec des lettres dudit comte. Et parce que, seigneur très puissant, selon ce dont j’ai été informé, ledit comte a longuement et notablement servi par le passé la Maison d’Aragon dans l’île de Corse, et à présent veut servir votre royale couronne et maintenir son nom [dans ladite île], je supplie votre sollicitude qu’il soit de votre volonté d’avoir ledit bâtard et ledit comte et leurs affaires pour recommandés. Le Créateur de toutes choses, seigneur très haut, fasse vivre et régner longuement votre altesse et accroître sa royale couronne61.
Malgré le soutien du prince héritier, Ferdinand d’Antequerra refusa toute aide au comte de Corse afin de préserver la paix avec Gênes. Vincentello lui écrivit, en vain, plusieurs lettres désespérées entre 1414 et 141662. Toutefois, dès sa prise de pouvoir, en avril 1416, Alphonse le Magnanime rompit avec la prudence de son père, en accordant son plein soutien au comte de Corse63. Il s’inscrivit ainsi dans l’héritage politique de Martin l’Humain, en pacifiant définitivement la Sardaigne, avant de tenter la conquête de la Corse. Plusieurs documents de la chancellerie aragonaise montrent, en effet, que Martin l’Humain avait lui-même envisagé de s’emparer de Bonifacio et de Calvi, avec l’aide de Vincentello d’Istria64. L’offensive d’Alphonse le Magnanime était donc l’aboutissement de ces premières tractations diplomatiques65. Cependant, l’échec du siège de Bonifacio (1421) marqua le coût d’arrêt de cette tentative d’achever définitivement la conquête du Regnum Sardiniae et Corsicae66. Afin d’atténuer le déshonneur que représentait la victoire génoise, le jeune roi invoqua alors la nécessité impérieuse de conquérir le royaume de Naples67. Dans la propagande royale, le départ précipité de Bonifacio n’était plus le signe d’une défaite mais la conséquence d’une conquête militaire plus glorieuse à accomplir68. Comme il l’écrivit lui-même à son épouse, Alphonse V n’avait pas voulu sacrifier “la maior al menor” 69. Bonifacio demeura donc génoise, tandis que le roi d’Aragon devenait roi de Naples.
Conclusion
L’étude du rôle des primogènits dans les relations avec le royaume de Sardaigne et de Corse met en lumière la place des îles dans la formation des princes héritiers aragonais. Le cas de l’Infant Alphonse, héros de la conquête de la Sardaigne, livre un modèle parfait de prince héritier au service de son père, faisant son apprentissage de la charge royale sous le contrôle étroit de ce dernier. Un modèle que l’on retrouve dans la conquête définitive de l’île par Martin de Sicile. En marge de cette loyauté filiale, présentée dans les chroniques comme la clé du succès, le cas de l’Infant Jean éclaire la capacité d’un prince héritier à mener une politique indépendante de son père. L’action diplomatique de l’Infant Jean révèle ainsi de profondes divergences de vue, notamment au sujet du schisme pontifical et de la guerre de Cent ans. Qualifié par la reine de “philo-français”, l’Infant Jean se distingue par sa tentative d’imposer sa propre politique au roi. S’il ne parvint pas à convaincre Pierre IV, il fut soutenu par son frère cadet, Martin, qui devint lui-même son primogènit à la mort du roi. La collaboration entre les deux frères permit ainsi la conquête de la Sicile et prépara celle de la Sardaigne. Après le compromis de Caspe (1412), l’Infant Alphonse fut dépositaire d’un double héritage : la tradition castillane de son père et les pratiques diplomatiques de Martin l’Humain, qui lui furent transmises par certains des anciens conseillers de ce dernier. Du point de vue du Regnum Sardiniae et Corsicae, dès le début de son règne, Alphonse le Magnanime s’inscrivit ainsi dans la continuité directe de ses prédécesseurs, en préparant une ultime offensive pour conquérir la Corse. Défait par les Génois, le jeune roi de vingt-quatre ans dût toutefois attendre encore une vingtaine d’années, avant de s’imposer dans la galerie prestigieuse des rois conquérants (à la suite de Jacques Ier, Pierre III, Alphonse IV, Pierre IV et Martin Ier), après s’être emparé du royaume de Naples (1443). S’ouvrait ainsi une nouvelle page italienne de l’histoire de la Couronne d’Aragon70.
Bibliographie
Sources manuscrites
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Barcelone, Archives de la Couronne d'Aragon [ACA], Cancelleria, Cartas Reales, Pierre IV
Barcelone, Archives de la Couronne d'Aragon [ACA], Cancelleria, Cartas Reales, Jean Ier
Barcelone, Archives de la Couronne d'Aragon [ACA], Cancelleria, Cartas Reales, Ferdinand Ier
Genova, Archivio di Stato di Genova [ASG], Banco di San Giorgio, Diversorum, Reg. 2262
Genova, Archivio di Stato di Genova [ASG], Banco di San Giorgio, Primi Cancellieri, Busta 21
Sources imprimées
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Epistolari de Ferran I d’Antequera amb els infants d’Aragó i la reina Elionor (1413-1416). Ed. Carlos López Rodríguez, Valence : Université de Valence, 2004.
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