Introduction
Le paradigme de la médiation culturelle, qui éclipse celui de la médiation artistique dès la fin des années 1960 , s’inscrit dans une logique de professionnalisation orientée vers la satisfaction de besoins qui découle de l’extension des marchés des biens culturels (produits et services) et de l’intervention publique en culture (politiques culturelles, politiques éducatives et politiques d’immigration). Le système culturel qui se consolide à compter des années 1980, en précarisant les emplois qu’il crée, requiert du personnel professionnalisé, mais non réuni dans un même corps de métier pour parer à la constitution d’un « pouvoir culturel » équivalent à celui des animateurs dans les années 1970 (Dumazedier et Samuel, 1976).
Les formations qui se mettent en place reposent ainsi moins sur la création d’un ordre professionnel que sur l’acquisition de compétences, définies en termes de savoir-faire et de savoir-être, éparpillées dans les programmes de nombreuses disciplines regroupées autour des trois pôles constitutifs du champ de la médiation culturelle (Auteur, 2017): 1) communication et muséologie (interprétation); 2) sociologie et travail social (animation); 3) éducation artistique et culturelle (initiation).
Cette professionnalisation de la médiation culturelle s’appuie sur des perspectives et des pratiques de démocratisation qui rompent avec celles promues par le dispositif préalable de médiation artistique: la culture se pose dorénavant comme le lieu des conflits alors qu’elle avait vocation d’unification tandis que la figue de la population à (ré)éduquer se substitue à celle du peuple à édifier. Moins définie en termes de legs collectif (patrimoine) que de ressources individuelles (capital), la culture s’incarne dans un style de vie ou un mode de consommation depuis son passage sous le joug d’une logique économique.
Après avoir abordé la formation universitaire sous la figure d’un bricolage en évolution depuis trente ans au Québec, récemment menacé par la médiatisation culturelle avec l’essor de l’économie numérique, nous cernons les grandes orientations découlant de l’émergence du concept et des pratiques de médiation culturelle en les confrontant au dispositif d’intervention que la précède. Puis, nous dépeignons le système culturel dans lequel les médiateurs trouvent leur place, interagissant avec les financeurs des projets qu’ils réalisent, les artistes avec qui ils collaborent et les publics qu’ils ciblent, afin de dégager les jeux d’influence et l’exercice d’un pouvoir qui, parfois dissimulé sous les exigences de la professionnalité , doit être explicitement nommé, confronté et adéquatement assumé dans l’objectif de former des praticiens réflexifs (Schön, 1994).
1. La formation en médiation culturelle: un bricolage en évolution
Découlant d’une logique d’intervention axée sur les processus et les acteurs de terrain, le titre de médiateur est revendiqué depuis vingt ans par un nombre croissant d’intervenants culturels dont les pratiques allient l’élargissement des publics, l’accès de segments « défavorisés » de la population aux ressources institutionnelles et la familiarisation de personnes apprenantes (jeunes ou moins jeunes) avec les procédés de création. L’hétérogénéité des situations et des modalités de médiation culturelle apparaît clairement lorsque l’on examine des expériences concrètes (Auteur, 2012). Multidisciplinaire, elle puise à maints répertoires d’action, qui font appel à des compétences variées.
S’il existe actuellement des programmes courts de formation en médiation culturelle au Québec , aucun cursus intégrant tous les cycles universitaires n’a encore vu le jour. Cette faible structuration de l’offre de cheminements académiques fait écho à la faible structuration du « métier ». L’orientation des programmes épouse des modèles d’évolution tenant compte des conditions professionnelles et personnelles dans lesquelles s’exerce la médiation culturelle. Au deuxième cycle, la formation s’étend à l’étude des pratiques professionnelles. Sans surprise, le profil des cohortes étudiantes est très varié: agents de développement culturel municipaux, animateurs culturels, bibliothécaires, enseignants, éducateurs du secteur non-formel, muséologues, organisateurs d’événements, professionnels de sociétés d’histoire ou de sites archéologiques (Paquin, 2018).
En l’absence d’une discipline constituée, évoluant de pair avec les préoccupations d’un ordre professionnel et susceptible d’établir un cursus unifié, ces formations sont pour l’essentiel sujettes aux aléas des politiques publiques de la culture, qui configurent les enseignements offerts aux guides-interprètes en milieux institutionnels, aux animateurs dans les collectivités locales et aux instituteurs chargés de l’éducation artistique et culturelle (voir Graph. 1).
Trois disciplines sont particulièrement mobilisées par l’action des ressorts identifiés: communication, travail social et éducation. C’est en puisant à leurs concepts et méthodes que se sont bricolées les formations des médiateurs culturels depuis le début des années 2000.
Or, dans le sillon des pratiques récentes de médiation, notamment développées après l’adoption des politiques de la créativité (Unesco, 2018; Patrimoine Canadien, 2017), qui accaparent dorénavant la part essentielle des fonds publics alloués à la culture, et la pandémie de covid-19, qui a projeté à l’avant-scène la logique des plateformes numériques (Srnicek, 2018), le registre de ces compétences à acquérir suit une inflexion vers l’étude des médias, le droit et l’économie (Auteur, 2020). La médiatisation qui se superpose à la médiation culturelle s’accompagne de logiques algorithmiques et de modèles d’affaires qui misent tout sur les technologies de communication. Aubouin, Kletz et Lenay (2010) illustrent cette dynamique professionnelle (voir Graph. 2) sans toutefois établir la part de chaque discipline dans la formation à offrir.
2. Orientations découlant de l’émergence de la médiation culturelle
C’est en suivant la naissance de la médiation culturelle à compter des années 1980, qui s’érige sur les vestiges de la médiation artistique, ancrée essentiellement dans la maîtrise de disciplines artistiques et ayant aiguillé l’action publique au cours des décennies 1950 et 1960, que l’on cerne plus précisément les nouvelles lignes de conduite professionnelle et les compétences correspondantes à acquérir ou peaufiner. Dans le contexte français, la défense par Jean Vilar du Théâtre national populaire procure une base de comparaison. La médiation artistique qu’il promeut repose sur une approche singulière de la rencontre entre les spectateurs et les œuvres, qui sera rejetée par les promoteurs de la médiation culturelle .
Mettant de côté la question du goût pour se centrer sur les sens, la médiation artistique cherchait à forger la citoyenneté en affutant la faculté de juger du sujet politique et à aiguiser son aptitude à délibérer à propos des affaires communes. Traversée par la perspective kantienne, voulant que l’art et la démocratie s’érigent sur un socle commun, la politique culturelle de l’époque tisse un continuum entre l’appréciation des œuvres et celles de la conversation démocratique à partir des notions de jugement et d’opinion manifesté dans l’espace public. Le partage des perceptions entre les membres de l’assistance aux spectacles, ou de l’assemblée, doit devenir un partage de significations. L’élaboration de formes de mise en commun dans des espaces intersubjectifs permet, éventuellement, de mieux décider comment orienter l’action collective.
Il est alors admis que la fréquentation des arts développe la sensibilité, la subjectivité, l’esprit critique et, éventuellement, l’envie de participer aux débats entourant le sens et la valeur des œuvres, autant de dispositions transférables dans le champ politique (Stanley, 2007). Ainsi, la médiation artistique entendait récréer le « peuple » avec des œuvres exigeantes, qui font émaner émotions puis jugement, voire inclinaison à s’engager dans la discussion et l’action.
Or, dès le tournant des années 1970, ce dispositif est largement battu en brèche, tant pour des raisons politiques, la révolte étudiante de 1968 ayant refroidi les ardeurs des dirigeants à soutenir l’éducation politique du peuple, que sociales, l’offre culturelle laissant en pan de larges segments de la population. Ce mouvement pavera la voie à la médiation culturelle, à la fois dépolitisée et militante, substituant l’éducation populaire de nature politique par une éducation artístico-culturelle susceptible d’élargir la participation, mais rabattue pour l’essentiel sur le seul secteur de la culture.
Après une décennie d’ardents débats sur le rôle de la culture dans la reproduction sociale (critique bourdieusienne) et dans la lutte aux inégalités socioéconomiques (Déclaration de Villeurbanne), qui demeurera par la suite son leitmotiv, la médiation culturelle s’impose au cours des années 1980 dans un contexte marqué par la montée du néolibéralisme et le tournant communicationnel des institutions culturelles qui s’appuie sur l’évaluation de la satisfaction des visiteurs-clients.
Selon Deniot (2016), c’est donc dans la négation de l’art par rapport à ses héritages et de la place du peuple dans sa création/réception qu’éclot la médiation culturelle, malgré ses traits affables. Son ressort principal consiste à (ré)éduquer le «public » avec des œuvres connues, dans le cadre de démarches où les processus importent plus que les contenus et la satisfaction plus que les acquis, s’apparentant à du divertissement. Postulant d’emblée l’inaccessibilité des œuvres et des langages artistiques, le discours explicatif doit jouxter l’œuvre ou la performance alors que la rhétorique de l’expert remplace l’encadrement et l’accompagnement de l’éducateur populaire. Le Tableau 1 rend compte des orientations caractéristiques de ces deux approches.
Au terme de cette substitution, les tenants de la médiation artistique, de plus en plus minoritaires, en revendiquent toujours l’héritage en associant tout caractère revendicatif des médiateurs culturels au «retour du refoulé » politique (Caune, 2010)
3. Place des médiateurs dans système culturel
Le renouvellement de la vision et des attentes vis-à-vis de la médiation tient à la structuration du système culturel. Historiquement premier, le système artistique relie sans tiers les créateurs et les publics, artistes ou collectionneurs, dont l’appartenance de classe se confond jusqu’à la fin des années 1950. Les créateurs dépendent de l’appréciation des publics tandis que les pratiques culturelles de ces derniers périclitent sans les œuvres des premiers. En raison des transactions qui s’établissent entre les deux pôles, cet axe s’articule autour d’une logique de marchés. Composés principalement d’artistes, les médiateurs artistiques sont des acteurs internes à ce système, que Mollard (2020) représente comme suit:
S’articulant autour de la volonté des États d’intervenir plus directement dans le secteur au cours des années 1960, au Québec avec la création d’un ministère des Affaires culturelles (1961), le système culturel émerge dans la foulée d’un dispositif alliant producteurs et médiateurs qui rabat des parts de marché sur les attentes d’acteurs externes au système artistique, ni créateurs ni publics, dont la réalisation de projets bénéficie du financement public.
L’interdépendance entre ces deux pôles est au cœur des politiques culturelles alors adoptées. Les financeurs ont besoin des médiateurs pour qu’une certaine production artistique s’écoule à travers une certaine consommation culturelle, tandis que les médiateurs trouvent chez les producteurs leurs principaux alliés, car ils sont parfois considérés superflus par les acteurs du système artistique.
Le système culturel se présente ainsi selon Mollard comme une relation partiellement entrecoupée entre créateurs et publics découlant des orientations déterminées par les financeurs de projets, qu’on repère notamment aux critères d’admissibilité fixés, ainsi que du travail sur le terrain de médiateurs pour les concrétiser, dont la posture oscille entre éthique personnelle et déontologie professionnelle lorsqu’ils opèrent la sélection des artistes et s’engagent dans la formation des amateurs.
La mutation du système artistique en système culturel résulte de la démocratisation des pratiques culturelles, qui se développent rapidement dans la décennie 1980 de concert avec le temps libre des salariés. Le nombre accru de pratiquants appelle plus de communication, de commerce et d’investissements en culture pour la production-diffusion-consommation, notamment par l’aménagement d’équipements d’abord centralisés puis disséminés sur le territoire, à mesure que le palier local s’impose comme financeurs de projets, une fois doté par le gouvernement des subsides conséquents.
Ainsi, dans la foulée de l’adoption de la Politique culturelle du Québec en 1992, qui conduit notamment au transfert d’une part du budget du ministère de la Culture vers les municipalités (Ententes de développement culturel depuis 1995), le système culturel intègre les médiateurs culturels tels qu’on les connait aujourd’hui. L’extension du secteur culturel qui s’ensuit se traduit ainsi par la multiplication des acteurs et des biens ou services culturels, l’action publique se caractérisant à la fois par une politisation (Dubois, V. 2012) et une marchandisation de la culture. Pour Mollard (2020), la logique de ce système se schématise comme suit:
Ce système s’est rodé pendant un quart de siècle avant de se confronter au déplacement des fonds publics depuis les milieux de création artistique vers ceux des innovations techniques avec l’essor de l’économie créative. Ainsi, le Plan culturel numérique du Québec mis en branle en 2014 a drainé plus d’investissements de la part du gouvernement que la mise à jour de sa Politique culturelle, adoptée en 2018. L’inquiétude s’installe depuis chez les médiateurs car leurs fonctions à titre de pédagogues, de critiques ou de vulgarisateurs sont actuellement menacées par les avancées de l’intelligence artificielle.
Depuis l’aube des années 2000 et surtout la crise sanitaire de 2020-2021, le recours au Web redéfinit les formes de la médiation et pose à la fois la question de la place des humains dans un système régi par des algorithmiques biaisés et celle de son rôle politique dans la mise en commun des cultures. D’un côté, les professionnels qui s’en réclament se voit concurrencer par des programmeurs qui automatisent leurs activités sans être soumis aux mêmes règles professionnelles et adhérer aux valeurs éthiques dominantes. De l’autre, la médiation n’est pas neutre et ne se résume pas à un rôle d’intermédiaire détaché des mondes qu’elle prétend relier (Gellereau, 2018). En la posant comme un « entre-deux », les chercheurs occultent souvent sa fonction proprement prescriptive car à l’instar de toutes les logiques médiatiques, son action consiste moins à diffuser l'information qu’à la re-présenter. Cette conception ne parait donc pas adéquate pour décrire la rencontre produite par une activité de médiation qui ne se situe pas entre deux mondes statiques, mais s’ancre dans la dynamique des pratiques des acteurs et des publics qui se retrouvent dans un monde partagé qui évolue.
4. Former pour assumer un pouvoir diffus!
Contrairement à l’image couramment employée, les médiateurs culturels ne se situent pas entre deux pôles, mais sont en relation avec trois pôles. En effet, s’ils influencent la production d’œuvres et la formation de goûts, ils doivent d’abord négocier leur autonomie professionnelle avec les financeurs, considérant notamment la dimension politique du rôle qu’ils occupent dans le système.
La bonne volonté culturelle qu’ils manifestent révèle leur origine sociale et se traduit par l’exercice d’un pouvoir délégué sur les classes populaires, autrefois assumé par les élites et aujourd’hui sous la coupe des entrepreneurs en culture. Elle s’exprime par un travail de promotion, voire d’imposition, des valeurs et des principes compatibles avec les conduites et les produits de la culture légitime. Cette posture paradoxale témoigne d’un aveuglement des médiateurs culturels à leur propre situation de «groupe dominé » (Auteur 2013).
En insistant sur les fonctions de transmission et de relation, comme le font par exemple Chaumier et Mairesse (2017), on illustre bien la diversité des opérations constructives des médiateurs culturels (voir Graph. 3), mais on laisse dans l’ombre les effets de pouvoir sous-jacents aux processus actionnés, postulant implicitement, sous couvert de professionnalisme, la neutralité de leur engagement dans ces opérations.
Ce volet délicat de la formation de « professionnels engagés » passe par l’explicitation d’une posture d’intervenant , qui rend compte des jeux de pouvoir développés par les médiateurs culturels avec leurs employeurs, à qui ils doivent rendre des comptes, les artistes sélectionnés pour les projets, dont ils délimitent un part de la création, et les publics rejoints par cette «rencontre», à qui ils dictent des goûts.
Outre la question des promesses du numérique (accès, participation, interactivité) et de l’hybridation des pratiques (in situ, en ligne, en réalité augmentée), on doit recadrer l’analyse du travail des médiateurs culturels et les contours de leur formation autour d’une perspective de responsabilisation face à l’exercice d’un pouvoir diffus, qui relaie et recadre les finalités fixées par les financeurs. Toute formation de ces praticiens doit proposer des activités à l’intérieur et à l’extérieur de l’enceinte universitaire propres à développer le sens éthique, qui se distingue du respect du code de déontologie professionnel (Girel, 2011).
Conclusion
La médiation s’est imposée depuis trente ans comme la forme dominante d’intervention culturelle au Québec comme ailleurs en Occident en réponse aux exigences de démocratisation de la culture et à la volonté des pouvoirs publics d’agir plus énergiquement dans ce secteur. Les dispositifs sur lesquels elle repose varient à la fois selon les lieux d’origine des projets (institutions publiques, centres d’artistes, centres communautaires, etc.), les disciplines artistiques concernées (théâtre, musique, danse, opéra, cirque, etc.) et les secteurs considérés (patrimoine, musées, art contemporain, etc.).
L'émergence du concept et de pratiques se réclamant de la médiation culturelle a conduit à la constitution certes d’un paradigme, auquel adhèrent maints chercheurs et praticiens, mais pas à une profession unifiée, et moins encore à un métier en bonne et due forme. Les activités développées par un personnel aux parcours hétérogènes dans des contextes organisationnels différents peinent à se résumer à un répertoire commun.
La formation fragmentée entre plusieurs disciplines et son statut même, qui oscille entre la reconnaissance institutionnelle et le travail plus officieux, tient à ses conditions d’émergence dans les années 1980-1990, ayant présidé à la dépolitisation des contenus qu’elle véhicule et à l’absence du regroupement des praticiens en un corps de métier dans la perspective de prévenir l’essor d’un pouvoir culturel tel qu’il s’était manifesté au cours de la décennie précédente autour du travail des animateurs socioculturels inspiré de l’éducation populaire. Dans ce contexte, la professionnalisation de l’intervention a permis de dissimuler son caractère politique en contrebalançant l’éthique militante des médiateurs culturels par le respect du code déontologique des professions promu dans les formations actuelles.
Ce sens éthique, portée depuis quarante ans par la gauche culturelle, s’inscrit dans la conviction que c’est par l’accès de tous à la culture que l’on corrige les inégalités induites par les milieux sociaux d’origine, offrant plus ou moins de moyens d’actualisation aux personnes qui en proviennent. Relayant les perspectives contre-hégémoniques développées par Gramsci (1996, c1937), les pionniers des Cultural Studies (Williams, 2009, c.1958) et les tenants de la théorie critique sur la reconnaissance (Honneth, 2000, c.1992), la perspective s’adosse à une remise en cause moins économique que culturelle du capitalisme. Ce ne serait pas dans la désaliénation du travail, mais dans l’émancipation qu’apporte la culture que les « prolétaires contemporains », formés d’une multitude d’identités, doivent chercher leur salut, guidés dans leur démarche par des institutions responsables et des médiateurs attentifs. Conçue comme un levier de développement, la médiation culturelle doit produire du lien social et renforcer le vivre ensemble avant tout sur le plan symbolique, et avec un succès mitigé.
Les pratiques qui s’en réclament se conçoivent pour la plupart dans un espace d’un « entre-deux » réducteur. En omettant de poser leurs rapports aux pouvoirs qui les emploient et qu’ils relaient, leur fonction sociale peut être détournée vers un travail de relations publiques, de régulation sociale ou de formation qualifiante minant les vertus pédagogiques, mobilisatrices et créatrices souvent associées à l’activité de terrain. En outre, les savoirs et les compétences qu’ils acquièrent et utilisent peuvent se limiter à une dimension technique, contribuant à la reconnaissance de leur profession mais les éloignant du « sens de leur action ». Enfin, leur autonomie et responsabilité sociale peuvent être sujettes à une instrumentalisation par les pouvoirs politico-économiques s’ils n’arrivent pas à négocier des marges de manœuvre.
C’est ainsi l’explicitation des postures des médiateurs culturels qui s’avère être à la fois l’élément clé à transmettre et l’angle mort de la formation académique offerte jusqu’à présent. Des activités adaptées, menées hors de l’enceinte universitaire doivent s’ajouter au cursus prévu pour former des praticiens réflexifs, ou à tout le moins un fort esprit critique qui puisse s’exercer tant sur les conditions que le sens de leurs pratiques.