Serviços Personalizados
Journal
Artigo
Indicadores
- Citado por SciELO
- Acessos
Links relacionados
- Similares em SciELO
Compartilhar
Etnográfica
versão impressa ISSN 0873-6561
Etnográfica vol.17 no.3 Lisboa out. 2013
Lefficacité des passions : sensibilité et identité chez linitié au Candomblé
The efficacy of passions: sensitivity and identity among Candomblé’s initiates
Francesca Bassi*
*Programa de Pós-Graduação em Antropologia, Universidade Federal da Bahia, Brasil. E-mail: francesca_xango@yahoo.com
RÉSUMÉ
Dans le Candomblé de Bahia, un système de préceptes et de restrictions personnalisées se trouve connecté avec les intentionnalités des entités invisibles. La relation de ces entités avec linitié peut sexprimer par le truchement dun ensemble de sensations et de réactions négatives (sensibilités). En principe, un orixá (divinité) ou un odu (signe du destin) se trouve à lorigine des réactions négatives qui laffectent (dégoût, allergie ou intolérance alimentaire), tout en donnant lieu à des interdits rituels spécifiques. Une conceptualisation implicite de ces tabous (quizilas) en tant que conséquences incorporées des antipathies ou aversions des entités invisibles invite à considérer le poids de ces agentivités émotionnelles dans la construction de la nouvelle identité du novice.
Mots-clé: Candomblé, quizila, émotions, interdit rituel, sensibilité, identité
ABSTRACT
In the context of the Candomblé cult of Bahia, a system of personal prescriptions and avoidances is connected with some extra-human intentionality. Actually, the relation of extra-humans with the initiate could be expressed through sensations or physical negative reactions (sensibilities). Generally, an orixá (deity) or an odu (sign of destiny) are at the origin of his negative reactions (disgust feeling, alimentary intolerance or allergy), which could arise as a ritual interdiction. An implicit conceptualization of these taboos (quizilas) as an embodied consequence of an extra-human aversion or antagonism emerges, from which we can analyze the weight of this kind of emotional agencies in the ritual construction of the new identity of the Candomblés initiate.
Keywords: Candomblé, quizila, emotions, ritual prohibition, sensibility, identity
Les effets des interdits au cur du débat : contamination ou sensibilité ?
En se référant aux effets négatifs dune contagion, les définitions anthropologiques des interdits ont été marquées par les notions dimpureté et de saleté symboliques (Douglas 1971).[1] Cest alors, à contre-courant, que Pierre Smith semploie à démontrer quau Rwanda les interdits, appelés imiziro, sont résolument conçus sur le modèle de lallergie et non sur celui de la contagion ou de la contamination (1979: 12). Les incompatibilités qui déterminent les imiziro, dont la transgression est souvent sanctionnée par lurticaire, sont, selon Smith, très spécifiques et touchent les actions les plus disparates de la vie quotidienne des rwandais. Smith, en soulignant linadéquation du concept de contamination dans lanalyse des interdits, donne suite à la critique de Luc de Heusch faite à la théorie du tabou de Douglas (1971) : les interdits associés à la métaphore de la saleté, découlant de lexpérience universelle de la perte (décomposition du corps, excrétions corporelles, etc.), contrastent, dans plusieurs cas africains, avec des prohibitions qui ont comme vocation la disjonction de certains termes destinés à marquer des écarts différentiels relatifs.
La contagion, notion située à la base dune socialisation du danger dans la recherche dune fonction sociale du tabou (Steiner 1956), perd définitivement de son pouvoir explicatif dans lapproche de Smith (1979, 1991) à légard des interdits. Tout en démontrant quau Rwanda[2] les violations des imiziro nimpliquent pas un état dimpureté universellement partageable, mais des incompatibilités relatives, conçues sous forme dallergie symbolique, Smith décrit des gestes quotidiens qui doivent éviter des évocations négatives de perte ou de malheur.[3]
La fonction symbolique trouve, avec cet auteur, les conditions appropriées pour sexprimer en sassociant à une pédagogie en action car, dans le cas des imiziro, cest à partir du geste quon assigne des lignes de conduite à la pensée (Smith 1979: 6). Contrairement à un modèle classificatoire, cet auteur montre un dispositif symbolique indéfini fortement évocateur : une chose nest jamais là pour en représenter une autre de façon permanente ou automatique ; tout au plus peut-on dire quelle la rappelle, ou la suggère, ou lévoque de façon habituelle dans certains contextes (1979: 21).
Igor de Garine, autre voix isolée en ce qui a trait au caractère fluide de représentations associées aux interdits, écrit, suite à lanalyse de données africaines : il faut adopter une démarche inductive et se montrer prudent dans linterprétation ; il nhésite pas à souligner lexistence des tabous adaptés aux situations individuelles les plus variées, à partir du moment où le système des interdits est une structure ouverte et dynamique (1991: 973-976). Il apporte des exemples :
Chez les Moussey, un homme perdu en brousse meurt de soif, il suit en dernière extrémité la trace dun phacochère et trouve une mare où il se désaltère. Il ne tuera plus cet animal et sa descendance adoptera le même comportement. Cest ainsi que naissent certains interdits claniques qui sont en quelque sorte des commémorations [ ]. On ne saurait exclure le fait que des répugnances individuelles, des dégoûts sensoriels se soient cristallisés et pérennisés en interdits familiaux puis lignagers (1991: 974).
Les conclusions de cet auteur permettent de mettre en relief différents points : (i) le plan accidentel qui est à lorigine de linterdit ; (ii) lhéritage de linterdit par les descendants du protagoniste de lhistoire ou de la légende qui marque emblématiquement une identité clanique ; (iii) lidée que des marqueurs didentités familiales ou lignagères peuvent se développer à partir du plan sensoriel individuel.
Lobjet de cette étude concerne lefficacité attribuée aux interdits dans le Candomblé de Bahia.[4] Appelés quizilas ou ewò,[5] les interdits tantôt se réfèrent à des allégeances collectives, à partir dun corpus mythique relatif aux divinités dun panthéon dorigine africaine (orixás), tantôt aux dimensions individuelles des initiés. Dans ce dernier cas, les quizilas se basent sur les dispositions des individus à réagir de façon idiosyncrasique aux éléments du monde qui affectent les sens, davantage le goût, mais aussi le plan olfactif, la vision et laudition. Ces dispositions différentielles sont assumées comme les marques des relations des initiés avec les orixás[6] ou comme des déterminismes associés au signes du destin (odu).[7]
Lorsque les initiés focalisent lattention sur les intolérances alimentaires, allergies ou sensations de malaise, ils considèrent en même temps quune agence doit être dévoilée. Cest à cette forme dattention aux sensibilités et à la découverte de la quizila à partir de ses effets physiques que cette étude est consacrée : quel rôle ont-elles dans le parcours initiatique du filho de santo ?
Lefficacité de la quizila : une allergieOn compte, généralement, dans lensemble, sept orixás qui exigent dêtre traités rituellement chez un initié, étant lorixá principal appelé olori (le maître de lori, la tête) et son compagnon , le juntó. À partir de linitiation (feitura), à travers des étapes initiatiques qui sétalent dans les années (vingt et une au total), tous les orixás dun initié sont fixés dans lassentamento (artefact où lénergie des entités est installée).[8] Il y a une implication naturaliste dans lidentification avec les orixás, qui agissent comme une deuxième nature. Genivaldo, un chef dune maison de Candomblé, dans sa fonction de devin (babalawo), définit avec conviction des présences qui semblent former un halo (enredo) autour du corps de la personne : Je tai vue entrer avec Ogun me disait en me faisant la divination , il taccompagne. Tu as beaucoup de choses en commun avec lui, il devrait être ton deuxième orixá, quelques fois il va lutter avec Xangô pour prendre sa place .
Lorixá qui prend le devant , qui détermine le comportement, lattitude plus visible de la personne face aux situations, nest pas forcément le saint principal, le maître de la tête. Faire la tête correspond plus à la découverte dune essence cachée quà la détermination dune apparence ; cest avec linitiation que lorixá principal va se montrer pour de vrai. Suivant un processus de singularisation,[9] se dessine un tempérament spécifique, les orixás faisant agir ou réagir la personne dune façon particulière, selon une définition qui est circonstancielle : Tu as Oyá (Iansã), Xangô, Iemanjá, Ogun et Oxossi me dit Genivaldo , à cause de Iemanjá tu te trouves toujours entourée denfants. Ogun est très présent Exú fait que tu as le don de la débrouillardise .
Ces présences à chaque moment co-agissent, intégrés comme elles le sont aux comportements humains. La personne, ainsi déterminée par la complexité des propriétés intrinsèques, se trouve précipitée (Wagner 1975: 94) par ses réactions face aux situations et aux éléments du monde.
Présentée comme une sensibilité négative, la quizila concerne une réaction du corps : il sagit, paradoxalement, dune spiritualité organiquement sensible qui met laccent sur un jeu dactions et réactions une allergie. La Ialorixá de lAxé Opô Afonjá, Mãe Stella,[10] me parle des quizilas en mexpliquant quelles montrent que nous avons lessence de lorixá , et quil sagit dune chose bien spirituelle et physique en même temps, car, souvent dordre alimentaire, elles peuvent se manifester par des allergies : Cest la partie la plus sensible de notre organisme spirituel. On peut dire, par exemple, quon a une allergie à un fruit ou à un type de viande. Cest comme si notre esprit avait une allergie à cette chose-là .
Au cur du discours des initiés du Candomblé, on trouve des sensations et des perceptions. Ebômi Detinha est éloquente à ce propos : Mon orixá na rien à voir avec la prohibition du crabe. Mais, si un jour jen mange et que je me sens mal, si ça me donne une allergie et que ma tête perçoit que je ne dois plus en manger, je nen mangerai plus .
Une divination inspirée peut prendre son élan à partir des perceptions, ce qui peut être par la suite confirmé par le jeu divinatoire. Detinha suggère quune liste des aliments quizila ne peut pas être exhaustive, de nouvelles réactions pouvant surgir tout au long lexistence dune personne. Cette définition de la quizila par son efficacité confirme, du côté brésilien, une conclusion de Smith sur la notion rwandaise dinterdit : en considérant les réactions physiques négatives (urticaire, eczéma, éruptions diverses) associées aux imiziro, cet auteur nhésita pas à les regarder en tant que allergies symboliques, tout en soulignant que le discours tenu au sujet des imiziro ne permet pas de les énumérer selon un modèle cohérent, lefficacité étant le seul point en commun de ces restrictions (Smith 1979: 5-9).
La réplication dune essence et la singularité du destinLa réaction du corps associée aux quizilas présuppose une continuité entre le corps de linitié et lorixá. Il sagit dune continuité entre des existants humains et non-humains, réunis dans une sorte de communauté dessences . Selon un principe de réplication,[11] basé sur lappartenance de linitié à un domaine cosmologique spécifique, le corps est engagé comme siège dune énergie dorigine naturaliste (la terre, par exemple) dont lorixá est le maître. La saillance collective de ce type de relation de culte simpose à lanalyse, du moment où plusieurs répliques vont être marquées par le respect de certains interdits. La quizila est impliquée dans cette identité collectivisante :
Si une personne est dOmolu ou si elle a beaucoup de choses avec Nanã, alors elle fait partie de ce peuple là, de la maison dOmolu, et elle ne mange pas de crabe. La terre est dOmolu, le feu de Xangô, les eaux dOxum. Ewá et Oxumarê sont aussi de la maison dOmolu. Lorsquon fait la tête dun novice dun de ces orixás on fixe aussi les autres. Pour toi, qui es de Iansã, ta maison est celle de Xangô, avec son frère Dadá et Obá [Ebômi Detinha de Xangô].
Prenons alors comme exemple le peuple dOmolu, orixá maître de la terre.[12] On peut traiter les quizilas des ses enfants à partir de la notion dautophagie symbolique (Augras 1987: 61). Lautophagie est en rapport avec les prédicats chtoniens de cet orixá, ce type dinterdit frappant la terre et les éléments qui y sont associés. Comme lindique Augras, en Afrique chez les Fons, manger pendant le même repas du mil, du sorgho, des haricots est interdit aux prêtres de Sakpatá (appellation dun orixá identifiable à Omolu), car cela veut dire manger la terre (Augras 1987: 61). Dans les terreiros du Candomblé, on constate le même respect de linterdit du maïs chez les enfants dOmolu, les graines étant associées, par leur éclatement, aux pustules varioliques, et la variole étant attribuée à Omolu, ainsi que les vents chauds, considérés véhicules des épidémies. On peut apprécier toute une série dattributs dOmolu, qui vont de la terre au vent chaud et aux épidémies, selon des représentations naturalistes de lorixá.[13]
Linterdit de lautophagie procède dune condition de consubstantialité entre le novice et sa divinité tutélaire, ladepte étant inscrit dans le domaine de son maître de la tête . Plusieurs quizilas renvoient à ce plan naturaliste et déterminent un comportement rituel strictement observé. Regina, fille de Nanã (orixá dont lélément est la boue), questionnée à propos du respect quelle porte aux quizilas de son orixá, sexclame : Chez moi il nentre aucun animal qui habite dans la boue, car jai les autels de mes orixás .
Le crabe, associé à la boue de Nanã, mère mythique dOmolu, est également quizila de ce dernier, cet animal layant défiguré lorsque sa mère lavait abandonné, tout petit, dans les eaux boueuses. Aux quizilas de type classificatoire se somment, ainsi, les quizilas qui évoquent des histoires malheureuses et les passions qui y sont associées des antipathies. La caractérisation anthropomorphique des orixás est fortement marquée par des relations passionnées (daversion ou daffection) des orixás entre eux (les mythes relatent des mariages, des amitiés, des jalousies, des luttes) et des orixás avec les éléments du monde. Le mot quizila, dorigine bantoue, signifie principalement antipathie , répugnance , le terme dantipathie, lui, mettant bien en évidence les passions qui sont censées animer ces histoires relatives aux incompatibilités des orixás avec certains objets, substances, situations, etc.[14] Ces éléments ont été investis dune efficacité sinistre : ils ont le pouvoir de réactualiser le malheur dans lexistence des humains. Genivaldo raconte à propos dune quizila de lorixá Iansã :
Iansã, qui sappelle aussi Oyá Massa, a vu mourir neuf de ses enfants. Son dernier enfant était abiku, cest-à-dire celui qui naît pour mourir . Lorsque Oyá était enceinte de cet enfant, Ifa [orixá de la divination] lui avait dit de faire un ebó [offrande] sur le chemin du neuf , ce qui voulait dire quelle devait donner lénergie pour en recevoir en retour, sous une autre forme. Cétait un ebó pour le fils dont elle était enceinte, pour ne pas le faire partir. Elle devait arranger neuf aliments et les donner en offrande. Malheureusement, un mouton qui passa par là mangea son ebó et son enfant mourut à la naissance. Un fils-de-saint qui a la tête de Iansã [cest-à-dire, qui est fils dIansã] de même que celui qui est lié au signe du destin Ossá, un odu lié au chemin de Iansã, ne doit pas manger de viande de mouton .
Les quizilas évoquent un accident et, selon une efficacité symétriquement inverse à loffrande, réactualisent un déterminisme malheureux, chaque maison de culte respectant ses propres quizilas :
Des choses deviennent quizila parce quelles sont associées à ce qui sest mal passé. Nous ne mangeons pas de haricots blancs, ils ne peuvent même pas entrer dans le terreiro. Cétait un ordre de Mãe Aninha, la fondatrice de lAxé Opô Afonjá [Ebômi Detinha de Xangô].
Le respect collectif de certaines quizilas (de la maison de culte, de la mère-de-saint, etc.) et des préceptes rituels associées aux quizilas des orixás (tel linterdit de lhuile de palme, dit dendê, qui simpose de façon hebdomadaire à cause dOxalá) nest pas confondu avec lattention aux quizilas personnelles. Alzira, par exemple, est très explicite dans lénonciation de ses quizilas, qui procèdent de la singularité de son destin (odu) et des qualités spécifiques de son orixá :[15]
Je suis une fille dOxalá et donc je ne mange pas de nourriture assaisonnée avec de lhuile de palme ni le jeudi soir ni le vendredi, mais je nai pas de quizila avec ça. Moi, jai la quizila envers bien dautres choses, il sagit des quizilas des odus et de la qualité de mon saint .
Avoir la quizila à telle chose indique une relation spécifique entre linitié et un élément : une sensibilité négative qui renvoie à une autre relation. La quizila de lorixá, inscrite dans le corps de linitié (notamment, la quizila alimentaire), est un élément qui affecte négativement, tout en indiquant une agentivité qui implique une logique distinctive. Par le truchement des sensibilités aux aliments (des accidents allergiques), les rapports négatifs des orixás avec les existants (végétaux ou animaux) sont censés se réactualiser, tout en définissant une dimension individuelle de linitié.[16]
Ce type dinférence peut regarder les accidents le plus variés, des rapports sensibles avec tout type dexistant sont envisageables. Alzira, par exemple, explique la raison qui lempêche daccepter un chiot qui lui est offert par une amie : Je ne peux pas élever les chiens : ils meurent toujours jeunes. Cest à cause de mon chemin, de lorixá, je nen sais rien, je savais que ne je ne pouvais pas, cétait une quizila, mais ça ne me coûtait rien dessayer, nest-ce pas ?
Avec la divination (jogo de búzios) on est supposé dévoiler doù viennent les empêchements à une bonne relation entre des existants non-humains et les initiés, ce caractère indéfini des quizilas et cette expérience de la singularité nétant pas théorisés dans la littérature du Candomblé. La définition de la quizila doit prendre en compte soit le plan essentialiste, qui marque une réplication de la même substance (le matériau dont la tête de linitié est faite) ; soit la dimension événementielle, qui dessine des séparations et des discontinuités.
Une projection dune dichotomie entre nature et histoire, corollaire de lopposition occidentale nature/culture, semble caractériser le manque de théorisation de larticulation de ces deux volets de la quizila. Lattention des ethnologues accordée à une définition de la quizila comme interdit essentialiste de consommer sa propre substance lautophagie symbolique provient dun regard cosmologique et ontologique et, donc, dune définition de linterdit sub specie philosophiae.[17] En revanche, la description de la quizila par ses implications factuelles, suggérées par les adeptes lorsquils disent quils la découvrent par une allergie ou un malheur, relève de sa définition par la biographie, sub specie historiae.
Une dichotomie événement/essence conditionne le regard sur la quizila : elle apparaît comme une des réfractions particulières du schéma dualiste qui oppose la nature à la culture : matriarcat et patriarcat, descriptif versus classificatoire, affect contre règle de droit, domestique versus public, filiation et descendance, consanguinité et alliance , comme lécrit Viveiros de Castro (2004: 1). En ce qui a trait à la quizila, lopposition entre événement et essence ne serait-elle, dans les mains de lanalyste, quune variante de la dichotomie entre le principe de participation (à des événements) et le principe classificatoire de coupure catégorielle ? Il faut alors revenir à la réflexion de Bastide (1973) sur le procès dindividuation, qui considère comment lindividu se définit tantôt par les événements qui le concernent, tantôt par une idée dessence.
Tout dabord, il faut souligner quil y a une antériorité cosmologique du destin (odu) par rapport à la réalité personnifiée des orixás protagonistes des mythes, le premier englobant le second, comme le souligne Ebômi Nancy lorsquelle rappelle un malheureux voyage dOxalá au royaume de Xangô :
Les seize odus sont des princes et ont une famille. Ils sont le destin. Les orixás sont, eux aussi, soumis au destin. Nous voyons cela lorsque les orixás nont pas écouté le devin. Oxalá, par exemple, a entrepris un voyage mouvementé jusquau royaume de Xangô : le babalawo [devin] lavait prévenu que son voyage serait malheureux .
Lodu est un défi pour le schéma dualiste occidental cité car, comme un chemin tracé , il régit la personne selon le déterminisme dune histoire naturalisée et dune implicite continuité nature-culture, matérialités-intériorités, espaces-événements. Les seize odus, personnifiés en tant que princes , régissent des espaces du monde et les éléments correspondants. Daprès cette saillance cosmologique, ils peuvent être traités de façon impersonnelle : ils sont les oracles qui indiquent des catégories dévénements (ils sont le destin) objectivés dans des matérialités du monde. Les odus gouvernent certains domaines (certains espaces, certains existants, éléments et substances) et ils sont passibles dêtre traités rituellement en effectuant des éloignements matériels par le biais doffrandes et de rites apotropaïques qui traitent, en même temps, les événements dangereux qui leur sont associés :
Moi : Lodu est renvoyé [despachado] ou alimenté ?
Genivaldo : On renvoie seulement les choses négatives. Il faut prendre de lui seulement les énergies positives. Tu vas alimenter lodu pour renvoyer tout ce qui est négatif. Comment on fait ? Il y a le corps. Il faut alors faire un ebó [offrande]. Il faut, par exemple, frotter un cigare contre le corps, pour enlever toutes les énergies négatives qui se trouvent dans la tête, dans le corps ou dans le chemin [le destin]. Lorsque je frotte, je suis en train déliminer les mauvaises énergies et je suis en train de les échanger par ce cigare qui va être renvoyé et accepté comme offrande par lentité .
Généralement, on dépose les ebó dans des espaces associés à lodu (plages, bois, etc.), le traitement rituel de lodu montrant sa prégnance cosmologisante . De façon analogue à lexemple de lebó (offrande), mais par la négative, en respectant une quizila, on évite un acte capable de ramener , tout en lévoquant (ex vocare, faire réapparaître), lévénement négatif qui est associé à un élément.
A partir dun procès de personnification et de subjectivation accrue, la pratique rituelle initiatique relie les orixás aux adeptes selon une dynamique relationnelle. Les orixás se manifestent dans les corps des initiés : ils sont des communicateurs potentiels à chaque fois que des conditions de médiation sont satisfaites. Lorixá est censé communiquer, entrer en relation selon une efficacité qui mobilise, dans le cas des quizilas, une agentivité touchant la sensibilité corporelle des initiés. Les éléments du monde allergisants se trouvent ainsi à médiatiser (Latour 2012) ces relations. Un destin singulier se révèle, donc, tantôt indirectement, par le truchement des techniques divinatoires, tantôt directement, lorsquun orixá communique dans le corps de ladepte.
Le corps, lieu où lindice se fait symptôme, permet de saisir la présence de lorixá incarné. Après linitiation, la causalité des certaines réactions, auparavant inexplicables, est repérée. Sandra, une jeune initiée, considère rétrospectivement ses allergies selon un lien avec lorixá, et elle se reconnaît dans une relation consubstantielle :
Je suis de lorixá Omolu. Quand je mangeais du crabe javais des pustules sur les jambes ; après [une fois initiée] jai compris quil sagissait des quizilas dOmolu. Alors ça me provoquait une allergie [Sandra].
À partir de linterprétation des symptômes, une relation unique avec lorixá, réfractée dans le corps lui-même, acquiert une vérité accrue. Lefficacité rétroactive de la quizila de Sandra saccommode mal de la définition classique de linterdit une règle exprimée de façon négative et dont la transgression doit être sanctionnée. La sensibilité à un aliment nest pas associée à une sanction, mais à une identification : médiatisée par lefficacité négative dun élément, le lien avec lorixá est renforcé. Un effet apparemment négatif (une allergie), confirme, ainsi, positivement, la relation de linitié avec lorixá, le premier étant agi par une passion négative, une antipathie (on sait que Omolu a eu des rapports difficiles avec le crabe et quil ne laime pas ).Lefficacité de la quizila est concevable, dans ces cas, comme une sensibilité qui dévoile une agentivité de type passionnelle, la réaction à la quizila alimentaire étant une confirmation dune relation qui se révèle dans la nature des choses.
Une approche pragmatique de la quizila : indiquer la situation cachéeUne théorie classique de linterdit fonctionne linéairement à trois temps, dans la mesure où elle nest pas axée sur lefficacité mais sur une règle préalablement explicitée, cette édiction impliquant la possibilité de transgression et la prévision de la sanction, correspondant à sa gravité. La logique de la quizila est, au contraire, circulaire : elle met au centre lévénement (une allergie, un accident), conçu comme la manifestation dune incompatibilité qui sera, en deuxième instance, normalisée par la biais dun comportement dabstention. Les réactions aux aliments impliquent un dédoublement identitaire, la divinité tutélaire étant inhérente à la constitution de la personne. Lefficacité de la quizila est, dans ce cas, concevable en tant que propriété constitutive qui motive un comportement rituel spécifique.[18] Cette dimension constitutive de la singularité de linitié ne serait-elle la plus importante pour comprendre lefficacité des quizilas dans le Candomblé ? Revenons au texte de Augras (1987). A partir de sa recherche dans les terreiros de Candomblé Nagô de la région métropolitaine de Rio de Janeiro, lauteur dresse une liste de quizilas (aliments dorigine végétale et animale) associés aux différents orixás, tout en expliquant que cette liste nest pas exhaustive et quil est difficile de différencier les quizilas déterminées par lorixá ou par le signe du destin (odu) et les quizilas inventées par linitié (1987: 69). Elle cite une mère-de-saint qui vérifie attentivement les aliments de lorixá du novice pendant les quarante jours comptés après linitiation :
Les informateurs expliquent quil sagit dun véritable apprentissage avec des essais et des erreurs : Nous essayons, si ça nous fait du mal on sait alors que cest une vraie quizila . Tout se passe comme si le fils-de-saint négociait constamment ses possibilités daction et ses limites (1987: 69).
À partir de cette dimension personnelle de la quizila (le test des mets), Augras infère, à la fin de son étude, que lidentité mythique de linitié ne se perd pas dans la collectivité (1987: 77). Elle laisse cette question ouverte ; pour ma part, je lai accueillie en la considérant comme un résidu théorique qui devait être approfondi davantage. La quizila transgressée pendant le noviciat est avant tout une quizila qui confirme ou révèle lagentivité de lorixá de linitié. La réaction à laliment définit une situation encore partiellement inconnue ou à confirmer de cette façon, pendant le temps de réclusion le chef du culte prend soin de savoir avec exactitude de quelle qualité de lorixá il sagit. La pratique rituelle du test est une apparente transgression car, en réalité, elle fait apparaître lorixá en le mettant en condition de se manifester, comme dans une technique de divination. Dans le contexte initiatique, cest uniquement une partie des nombreuses quizilas de lorixá qui va être retenue pour un novice donné. Cest uniquement par certains interdits que lorixá dun initié agit .
Reconsidérons, donc, la critique à la théorie de linterdit proposée par Smith. Il suggère, à propos de lumuziro rwandais, la valeur heuristique de la métaphore de piège (Smith 1979: 39). La notion de piège nous fait considérer un danger dont la représentation nest pas forcément formulable. La quizila est comparable à un indice qui lie linitié à lorixá selon une connexion causale. Les tests des intolérances alimentaires, semblant être des pièges semés intentionnellement sur le chemin du novice, permettent de confirmer la spécificité de son orixá.
Le plan de lefficacité immanente négative des quizilas est au cur du discours des adeptes, de même quune idée générale dadversité : On dit dune personne quelle est inquizilée (inquizilada), lorsque son destin ne saccomplit pas explique le père-de-saint Ruy do Carmo, en soulignant quil est difficile daccompagner chaque interdit personnel par une représentation.[19] Ne pas arriver à vendre la papaye (mamão) indiquait une malchance lors de la fête de sa quitanda : sa mère-de-saint décréta alors quil sagissait dune de ses quizilas ; Ruy nen a plus jamais mangé, mais il ne saurait expliquer lorigine mythique de cet interdit.[20]
Une quizila peut être en cause dans le cadre dune fragilisation plus grave, dune ouverture aux influences dangereuses touchant le plan existentiel. Lorsquon interrompt lénergie par la violation dune quizila, nous sommes exposés au négatif , me disait Mãe Stella. Des accidents sont significatifs à partir du moment où ils révèlent ou confirment une situation cosmologique à catégoriser : il est difficile de restreindre la quizila à une taxinomie fermée, la réalité provoquée par la quizila étant celle dune natura naturans une nature active , qui entre en coïncidence avec le destin des hommes.[21]
Comme lexplique le père-de-saint Kiko, dun petit terreiro Keto, des quizilas peuvent se manifester selon des sensations et des perceptions négatives, des sentiments daversion : Les quizilas sont ces choses qui ne ne collent pas bien avec ta personne. Tu manges du piment et tu commences à avoir une colique, cest une quizila, une chose qui ne va pas avec toi .
Un processus dinterprétation de sensibilités négatives est ainsi décrit :
Quelque chose de mauvais va se passer. Sil sagit de nourriture, je serai malade et je ferai la découverte de la quizila. Je découvre les quizilas à partir du jogo [divination] ou à partir de ma personne. Chacun doit les découvrir. Mes enfants [les initiés] doivent les découvrir aussi. Cest son orixá qui, à ce moment-là, lui apprend les règles de la maison .
Chez Kiko, les troubles associées à lingestion charpentent une véritable enquête divinatoire parallèle à la divination institutionnelle faite avec les cauris.[22] Discernables par lefficacité plutôt que par un ordre représentationnel, ces quizilas ont la valeur dindice plutôt que de signe. Différemment des quizilas qui collectivisent une ontologie commune, ces effets font précipiter des singularités (Wagner 1975), des destins spécifiques se montrant à partir des réactions du corps et des accidents.
Cette dimension de voyance informelle nous renvoie à une logique du devinable et, en même temps, à une forme dautoréférentialité : ladepte apprend à enquêter, avec ses perceptions et son intuition, sur une situation plus au moins connaissable de sa propre existence. Dans linterprétation du jeu divinatoire, toute dimension de vie, tout objet, tout élément, toute situation peut être objet dune quizila :
Cest lorixá dans le jeu qui énonce les quizilas : il ne faut pas manger ceci et cela pour ne pas être lobjet de la malchance, pour ne pas entraver la réalisation personnelle. Il peut dire aussi : cet élément va amener un esprit persécuteur, donc il faut léviter, cet autre élément va affaiblir lénergie personnelle. Le père-de-saint les voit dans le jet. Il y a aussi des quizilas qui interdisent de dormir nimporte où, de chausser des tongs, de sortir à minuit, de se promener dans la rue et dêtre fêtard. Il y a des quizilas qui empêchent de boire, de manger des gombos, de manger des ufs, de manger du poulet. Les gens ne doivent pas manger la quizila : lodu ne va pas les tuer, mais va les importuner, va barrer le chemin. Un destin barré cest horrible, nest-ce pas ? [Genivaldo]
Le père-de-saint, dans sa fonction de devin, se veut le porte-parole des orixás ; ceux-ci, étant la voix de loracle, lui annoncent lhistoire mythique de référence pour interpréter les événements affectant le consultant. Genivaldo ne se donne pas la peine dexpliquer les histoires quil mobilise pendant le jeu, étant, avant tout, occupé à résoudre des exigences pragmatiques qui orientent laction il établit pendant la séance les objets nécessaires pour les purifications à effectuer, les offrandes à préparer, etc. (Aquino 2004). Comme lécrit Zempléni :
Divination is aimed not only to give or produce a true description ofa state of affairs but also and above all to initiate ritual action which modifies ab ovo and during the divinatory process itself this state of affairs (1995: 244).
Le devin communique létat des choses de façon impersonnelle, conformément à une méta-communication ; tout en interprétant des indices, il ne se veut pas à lorigine de ses propres déclarations, le dialogue avec le consultant étant agi par le résultat des jets (Zempléni 1995: 243). La confirmation des quizilas par la sensibilité du novice montre, de façon semblable, comment il est agi par ses allergies, celles-ci étant des paroles des dieux sur son corps, le jet des cauris étant des paroles sur le monde et sur son existence.
Lapproche pragmatique de la divination développée par Zempléni permet de saisir la raison du test qui confirme les effets les aliments quizilas. Selon cet auteur, dans plusieurs systèmes divinatoires, les assertions du devin sont mises à lépreuve en utilisant des systèmes de divination secondaires, de confirmation, qui ont généralement un temps de séance réduit ;[23] Zempléni (1995: 243) sinterroge sur le paradoxe de ces tests, la question se posant à partir de la causalité dune situation actuelle considérée inobservable par le consultant les ancêtres, les êtres invisibles, etc. Lénonciation divinatoire indique la cause dune situation donnée à catégoriser (state of affairs) :
The divinatory utterances and the situation they describe are linked by a casual and not a descriptive or symbolic link [ ], divinatory signs are not symbols but rather indices [ ]. As symptoms are indices of an illness which causes them, divinatory utterances are considered as indices that is effects of the situation they purport to describe (Zempléni 1995: 243).
Dans le cas du novice du Candomblé, la réaction aux aliments indique la causalité que, paradoxalement, on présuppose : de façon autoréférentielle, cest la qualité de lorixá qui se manifeste, qui se rend présente dans un corps-à-corps avec lidentité de linitié.[24]
Sensibilité et dégoût : incorporationSelon Verger (1973), chez les Yoruba, lorixá est un ancêtre mythique qui sincarne dans les membres dune même famille (par ligne masculine). Verger explique que lorixá est censé monter à la tête du descendant ; celui-ci devient son moyen dexpression, il est son olorisá ( médium ). Lorixá sinstalle dans le siège de lindividuation et de lancestralité (la tête), il sy reconnaît . Cet auteur tient à signaler que lancêtre mythique et le novice (olorisá) sont faits de la même matière : Lolorisá en état de transe exhibe dans son comportement les caractéristiques quavait cet ancêtre dont héréditairement il porte en lui les gènes (1973: 70).
Le langage de Verger ne se veux pas psychologisant. Il ne parle pas didentification avec un double mythique qui permet lémergence dun vrai moi , mais de léclosion pendant la transe dun état latent qui à ce moment sexprime finalement sans inhibition, comme sous leffet dune drogue (1973: 70). Lapproche de Verger a lavantage de partir du corps et de poser la question des conduites sensori-motrices. Le conditionnement sensoriel est, selon son interprétation, fondamental : pendant la réclusion, le novice doit avaler des breuvages qui le mettent dans un état dhébétude apte à lui faire acquérir les réflexes conditionnés, comme celui dentrer en transe à laudition de certains rythmes et de danser comme lorixá ; par la suite, le novice peut donner libre cours à sa personnalité, en accentuant ou modifiant certains aspects, mais toujours en révélant lancêtre mythique dans son propre comportement, car celui-ci existerait déjà en lui : Il ny a dans cet état second rien qui ne soit étranger à la nature profonde de lorixá (Verger 1973: 70).
Cette idée de latence peut être transportée sur le plan des interdits. À partir du moment où le novice doit concevoir ses propres intolérances comme des quizilas associées à la qualité de son orixá, il se retrouve dans un état de dédoublement minimal : il est le siège permanent de lorixá qui se manifeste aussi par ses dégoûts. Linitiation marquerait un processus de contrôle de la possession sauvage et, en même temps, une sorte de liaison intime et de familiarité avec lorixá (avec ses goûts et dégoûts). Une forme de possession tempérée de la part de lorixá qui impose ses quizilas dans la peau du novice viendrait, ainsi, poinçonner le quotidien. Le comportement rituel associé à ces quizilas est concevable comme un processus relationnel paradoxal : il vise à la connaissance dun déterminisme qui se veut autre tout en sobjectivant à partir du même.[25]
Le père-de-saint Márcio explique à propos de la quizila du mouton comment, après linitiation, il se trouve affecté par les sensations négatives : Après que jai fait le saint, je nai plus supporté la viande de mouton, je ne lai plus mangée, même lodeur je ne la supporte plus. Le mouton, il nentre plus chez moi ! De façon analogue, Regina, qui reconnaît avoir toujours eu des problèmes ddème en mangeant de lananas (quizila dOmolu, son deuxième orixá), affirme être devenue très sensible à lodeur de ce fruit après linitiation. Il sagit là dune possible sensibilisation de linitié pendant la réclusion initiatique (cest après avoir fait le saint que la répulsion est apparue), ce qui rejoint le principe de lancrage théorisé par Hell (2008) dans son étude sur le culte de possession des esprits tromba à Mayotte. Daprès cet auteur, linitiation, selon des techniques hypnotiques, aboutit à linscription, chez le novice, de la personnalité de lesprit, ceci étant perceptible lorsque certains stimuli inconscients associés aux interdits alimentaires activent des réponses répulsives analogues aux répulsions de type olfactif aux éléments quizila des initiés du Candomblé. [26]
Toutefois, hors du lieu de la réclusion initiatique, au quotidien et de façon consciente cette fois, les initiés doivent également connecter leurs sensibilités à lagentivité des orixás. Pendant linitiation, notamment, lefficacité des quizilas vise à la construction dune personne dans le cadre dune relation de culte qui sengage :
Mes quizilas étaient surtout les choses que je naimais pas. Quand jétais novice, ici au terreiro, jai appris que je ne pouvais pas manger de manioc et de patate douce. Jai eu mal au ventre, une allergie cutanée. La courge est une grande quizila, mais elle ne lest pas pour tout le monde. Chacun est différent [Alzira dOxalá].
Chacun est différent , dit donc Alzira, en marquant une alternance entre le respect des quizilas au caractère collectivisant (quizilas de la maison de Candomblé) et leffet singularisant de ses propres quizilas, dont la sensibilité constitue un des repères objectifs (intolérances et allergies). La logique distinctive dun bon nombre de quizilas personnelles se réfère à des idiosyncrasies, le novice étant incité à construire sa singularité en considérant ses intolérances alimentaires et ses sensations négatives comme des paroles somatisées des orixás. Les sensations négatives visent à établir un lien entre la nocivité dun aliment et un événement malheureux, passant du plan du ressenti au plan du destin (les accidents, les problèmes). Lorsquil sagit des quizilas de lodu, le père-de-saint Genivaldo mexplique : Laliment quizila est nocif pour toi, il ne faut pas en manger, ça tattire des problèmes. Peut-être que tu as déjà eu des sensations négatives avec cet aliment ou déjà ressenti une aversion .
En effet, de la même manière que lon est affilié à un orixá, on est natif dun odu, en participant ainsi à un déterminisme naturaliste qui peut être marqué par une aversion, une répugnance (ojeriza). Le discours de ce père-de-saint est évocateur et rétrospectif : le consultant est conduit à penser à ce quil a déjà ressenti. Certains aliments qui ne doivent plus être consommés une fois que leur nature quizila a été détectée sont placés dans la catégorie du nuisible et peuvent, par la suite, être accompagnés dun sentiment daversion et subir une dépréciation gustative. La définition de la nocivité de la quizila se construit dans un champ articulé entre la sensation négative, lémotion exprimant une aversion ou le danger dune négativité accidentelle que lon peut prévoir selon un fond mythologique dévocations et correspondances. Si les quizilas de lorixá maître de la tête sont facilement associables au phénomène dincorporation, les quizilas détectés par le jeu des cauris provoquent également, au moins en principe, des sensations négatives, ce qui montre que la sensibilité personnelle à certains éléments/aliments traverse, généralement, les interdits liés à lindividuation, celle-ci étant associée au déterminisme du destin et, après linitiation, à une possible incorporation des répugnances des orixás, selon une sensibilisation accrue aux éléments interdits.
ConclusionLa notion de dégoût nous a conduit au carrefour du sensoriel, de lémotionnel et de lidéation. Des recherches en psychologie cognitive ont donné une place importante aux émotions tributaires du dégoût et ont montré leur implication dans la transmission des représentations. Ceci ne se comprend guère à partir dune recherche portant sur un réel mauvais goût ou une réelle nocivité dun aliment, mais à partir de lidéation (Rozin et al.1997). Selon un chemin inverse, dans le cas de lefficacité dune quizila de lorixá qui se dévoile, cest à partir de la sensibilité du sujet que lidéation est créée, faisant du corps un locus de révélation, les accidents associés aux quizilas correspondant à des indices de lagentivité des orixás ou des odus. La singularité de la personne émerge, ainsi, par dédoublement : elle se rapporte aux mouvements passionnels des extra-humains, médiatisés par une sensibilisation à des éléments non-humains.
Lefficacité des quizilas atteint lindividuation de la personne selon des sensibilités relatives. La logique dun bon nombre de quizilas est disjonctive : cest un moyen daffirmer la particularité de linitié. Avant de faire le saint on ne connaît pas de quizilas efficaces et ce nest que rétrospectivement que certaines intolérances prennent sens. Cest pendant linitiation que le chef de culte voit dans le jeu des cauris les quizilas du novice, et cest pendant le noviciat que ce dernier doit expérimenter des mets pour confirmer ses quizilas de lorixá. Chacun est connu par sa différenciation dautrui (Strathern 2006 [1988]: 190) : la qualité de lorixá de la tête et de lodu, notamment, particularise linitié par séparation.
Le novice doit goûter aux mets pour vérifier, selon des qualités gravées dans le corps, la spécificité de son orixá : il ne sagit pas de représenter lorixá, mais de le percevoir présent à partir des éléments qui doivent être interprétés comme compatibles ou pas. Cest dans son incarnation spécifique chez le novice que lorixá maître de la tête devient réalité complète, ce qui nous a permis de constater un comportement rituel qui rejoint lautoréférentialité (Houseman 2006). Plus en général, on a esquissé lhypothèse que les sensibilités et les réactions allergiques correspondent, chez les initiés, à des passions mythiques (antipathies) des orixás au regard des objets et des éléments donnés. Plusieurs autres orixás peuvent apparaître de façon affective , se montrant avec ses quizilas chez un initié, notamment les orixás qui exigent dêtre fixés dans les autels. Concevables sub specie interioritatis, comme indiciels des antipathies de ces entités invisibles, les sensibilités aux éléments et les relatives restrictions permettent de concevoir ces relations constitutives de lidentité de linitié à lintérieur dun monde in fieri.
BIBLIOGRAPHIE
AQUINO, Patricia de, 2004, Paroles dobjets ou le carrefour des coquillages divinatoires du Candomblé , Systèmes de Pensée en Afrique Noire (numéro spécial : Le rite à luvre : perspectives afro-cubaines et afro-brésiliennes ), 16: 11-47. [ Links ]
AUGRAS, Monique, 1987, Quizilas e preceitos : transgressão, reparação e organização dinâmica do mundo, in C. E. Marcondes de Moura (dir.), Candomblé: Desvendando Identidades, Novos Escritos sobre a Religião dos Orixás. São Paulo, EMW Editores, 53-86. [ Links ]
BASCOM, William, 1969, Ifa Divination: Communication between Gods and Men in West Africa. Londres, Bloomington, Indiana University. [ Links ]
BASTIDE, Roger, 1973, Le principe dindividuation , Colloques Internationaux du CNRS (numéro spécial : La notion de personne en Afrique noire ), 544: 33-43. [ Links ]
BASTIDE, Roger, e Pierre VERGER, 1981 [1953], Contribuição ao estudo da adivinhação no Salvador (Bahia), in C. E. Marcondes de Moura (dir.), Olóòrìsà: Escritos sobre a Religião dos Orixás. São Paulo, Ágora, 57-85. [ Links ]
BENISTE, José, 1999, Jogo de Búzios: Um Encontro com o Desconhecido. Rio de Janeiro, Bertrand Brasil. [ Links ]
BENISTE, José, 2002, As Águas de Oxalá. Rio de Janeiro, Bertrand Brasil. [ Links ]
BRAGA, Júlio, 1988, O Jogo de Búzios: Um Estudo da Adivinhação no Candomblé. São Paulo, Editora Brasiliense. [ Links ]
CAPRARA, Andrea, 1998, Médico ferido: Omolu nos labirintos da doença, in Paulo César Alves et Rabelo Miriam Cristina (dirs.), Antropologia da Saúde: Traçando Identidade e Explorando Fronteiras. Rio de Janeiro, Relume Dumará, 123-138. [ Links ]
DE GARINE, Igor, 1991, Les interdits alimentaires dorigines sociale et religieuse , La Revue du Praticien, 11: 973-977. [ Links ]
DE HEUSCH, Luc, 1971, Préface , in Mary Douglas, De la souillure : Essais sur les notions de pollution et de tabou. Paris, Maspero, 7-20. [ Links ]
DESCOLA, Philippe, 2005, Par-delà nature et culture. Paris, Gallimard. [ Links ]
DOUGLAS, Mary, 1971, De la souillure : Essai sur les notions de pollution et de tabou. Paris, Maspero. [ Links ]
FONSECA, Eduardo, 1993, Dicionário Yorubá (Nagô)/Português. Rio de Janeiro, Editora Civilização Brasileira. [ Links ]
GOLDMAN, Marcio, 1987, A construção ritual da pessoa: a possessão no Candomblé, in Carlos Eugênio Marcondes de Moura (dir.), Candomblé: Desvendando Identidades, Novos Escritos sobre a Religião dos Orixás. São Paulo, EMW Editores, 87-119. [ Links ]
HELL, Bertrand, 2008, Négocier avec les esprits tromba à Mayotte : Retour sur le théâtre vécu de la possession , Gradhiva, 7: 6-23. [ Links ]
HOLANDA, Aurélio Buarque de, 1999, Aurélio: Dicionário da Língua Portuguesa. Rio de Janeiro, Editora Nova Fronteira. [ Links ]
HOUSEMAN, Michael, 2006, Relationality, in J. Kreinath, J. Snoek et M. Stausberg (dirs.), Theorizing Rituals: Classical Topics, Theoretical Approaches, Analytical Concepts, Annotated Bibliography. Leiden, Brill, 413-428. [ Links ]
HOUSEMAN, Michael, et Carlo SEVERI, 1994, Naven ou le donner à voir. Essai dinterprétation de laction rituelle. Paris, CNRS, Editions de la Maison des Sciences de lHomme. [ Links ]
LATOUR, Bruno, 2012, Reagregando o Social: Uma Introdução à Teoria do Ator-Rede. Salvador/Bauru, Edufba/Edusc. [ Links ]
MAUPOIL, Bernard, 1988 [1943], La géomantie à lancienne Côte des Esclaves. Paris, Institut dEthnologie. [ Links ]
PÓVOAS, Ruy do Carmo, 1989, A Linguagem do Candomblé: Níveis Sociolingüísticos de Iteração Afro-Portuguesa. Rio de Janeiro, José Olympio Editora. [ Links ]
ROZIN, Paul, et al., 1997, Disgust: preadaptation and the cultural evolution of a food-based emotion, in Helen MacBeth (dir.), Food Preferences and Taste: Continuity and Change. Providence, Berghahn Books, 65-82. [ Links ]
SABBATUCCI, Dario, 1989, Divinazione e Cosmologia. Roma, Il Saggiatore. [ Links ]
SINDZINGRE, Nicole, 1991, Divination , in Pierre Bonte et Michel Izard (dirs.), Dictionnaire de lEthnologie et de lAnthropologie. Paris, Presses Universitaires de France, 202. [ Links ]
SMITH, Pierre, 1979, Lefficacité des interdits , LHomme, 19 (1): 5-47, en ligne <http://www.youscribe.com/Product/Download/1010902?format=1> (consulté le 30/09/2003). [ Links ]
SMITH, Pierre, 1991, Interdit , in Pierre Bonte et Michel Izard (dirs.), Dictionnaire de lEthnologie et de lAnthropologie. Paris, Presses Universitaires de France, 381-382. [ Links ]
STEINER, Franz, 1956, Taboo. Londres, Cohen & West. [ Links ]
STRATHERN, Marliyn, 2006 [1988], O Gênero da Dádiva: Problemas com as Mulheres e Problemas com a Sociedade na Melanésia. Campinas, Unicamp. [ Links ]
VERGER, Pierre, 1973, Notion de personne et lignée familiale chez les Yoruba , Colloques Internationaux du CNRS (numéro spécial : La notion de personne en Afrique noire ), 544: 61-71. [ Links ]
VERGER, Pierre, et Anthony MING, 1997, Le corps mystique dans la tradition Yoruba : Sanponna et la peau , in Isabelle Blanquis, David Le Breton et Colette Mechin (dirs.), Usages culturels du corps. Paris, LHarmattan, 13-39. [ Links ]
WAGNER, Roy, 1975, The Invention of Culture. Chicago, The University of Chicago Press. [ Links ]
VIVEIROS DE CASTRO, Eduardo, 2004, Le don et le donné : trois nano-essais sur la parenté et la magie , in Ethnographiques.org, 6, en ligne <http://www.ethnographiques.org/2004/Viveiros-de-Castro> (consulté le 22-10-2013). [ Links ]
ZEMPLÉNI, Andras, 1995, How to say things with assertive acts?, in Gilles Bibeau et Corin Ellen (dirs.), Beyond Textuality. Berlin, Mouton de Gruyter, 233-247. [ Links ]
NOTES
[1] Ce travail a été réalisé avec lappui financier de Capes, Gouvernement du Brésil.
[2] Au Rwanda et dans laire culturelle bantou.
[3] Smith écrit à propos du terme umuziro (interdit, pluriel imiziro) : ce mot nest donc guère utilisé que pour désigner les réalités auxquelles on réfère laction et non pour identifier les réalités quelle met en cause (1979: 8). La bergeronnette, par exemple, est un oiseau de bon augure protégée par un umuziro : on ne peut pas la tuer (action) sans évoquer la malchance, mais loiseau nest pas en soi un umuziro des Rwandais qui, au contraire, aiment en posséder chez eux. Par ailleurs, cet umuziro ne définit en rien la société rwandaise et nest pas opposable à dautres imiziro du même type sur le modèle totémique (1979: 9). Selon un autre exemple, mettre en rapport la pipe avec le lait des vaches (par exemple, fumer la pipe lorsquon a des traces de lait sur les mains) est interdit (umuziro) car cet acte de consommation (et diminution) du tabac est symboliquement incompatible avec labondance souhaitée du lait (et peut lempêcher concrètement) (1979: 29).
[4] Il sagit ici de la variante Jeje-Nagô, appelé également Keto, caractérisé par la fusion déléments yorouba et des éléments dahoméens. Marqué par des cérémonies publiques fastueuses, ce culte de possession est très répandu dans létat de Bahia. Les maisons de culte sont appelés terreiros ; désignés comme enfants-de-saint (filhos de santo), certains des adeptes du Candomblé sont aptes à être possédés par lorixá, appelé aussi santo, et à danser dans un état de transe. Pour ma recherche doctorale, jai concentré, dans un premier temps, mon terrain dans le terreiro Axé Opô Afonjá, considéré un des plus anciens Candomblés Nagô de Salvador (Bahia) ; par la suite, jai eu loccasion dapprofondir mes enquêtes dans des autres maisons de culte de la ville de Salvador.
[5] Quizila: variation du kimbundo kijil, précepte, consigne, règle . S. f. 1. Répugnance, antipathie. 2. Ennui, impatience, embêtement. 3. Dispute, brouille, inimitié, incompréhension. 4. Querelle, bagarre (Holanda 1999: 1439, ma traduction).
[6] Les orixás sont associés aux éléments naturels (vents, feu, terre, eau), et ils sont caractérisés daprès les histoires mythiques (itàn). A chaque orixá est associé un jour de la semaine, une couleur, des plantes, des aliments et boissons, des outils, etc. Parmi les orixás les plus importants, on compte Oxalá, orixá de la création ; la sirène des eaux salées, Iemanjá, associée à la fertilité ; Ifà, le maître de la divination et du destin ; la vieille Nanã, qui habite les lieux boueux ; Exú, maître du dynamisme ; Xangô, maître des tonnerres et de la foudre, associé à la justice ; Iansã, associée aux vents et aux esprits des morts ; le guerrier Ogun, maître du fer ; Omolu, associé à la terre et à la variole ; la belle Oxum, qui habite les eaux douces ; Oxumarê, larc-en-ciel ; Oxossi, le chasseur ; Ossain, maître des vertus des plantes, etc. Voir Beniste (2002).
[7] Le jeu avec les seize cauris, merindilogum, est appelé communément jogo de búzios. Lodu prend un nom différent pour un total de seize odus majeurs (ojù odu) qui se bifurquent en chemins (ese) différemment distribués Ejì Onilè est lodu qui a le plus grand nombre de chemins (8). Chaque odu est la combinaison de quatre signes qui représentent la partie convexe ou concave des cauris. Lodu Okànran a un seul cauri ouvert, Ejì Okò a deux cauris ouverts, Età Ogundà a trois cauris ouverts et ainsi de suite, jusquà Alafia (seize cauris ouverts). Les orixás communiquent pendant le jeu, par exemple, dans le cas de lodu Età Ogundà, les orixás Ogun et Iemanjá parlent . Les messages sont transmis sous forme de paraboles et indiquent, par analogie, la situation du consultant (santé, finances, famille, etc.) (Beniste 1999: 20).
[8] La force (axé) est fixée (assentada) dans des objets (les otá, pierres, ou les ferramentas, artefacts métalliques) et elle est régulièrement maintenue en place par des offrandes de nourriture et de sang danimaux sacrifiés.
[9] Le procès de singularisation de linitié du Candomblé a fait objet dun étude remarquable de Goldman (1987).
[10] Le chef du culte est dit pai/mãe de santo, cest-à-dire père/mère-de-saint, ou, en langue yoruba, Babalorixá et Ialorixá, respectivement. La petite mère (mãe pequena) ou le petit père (pai pequeno) est deuxième en importance dans la hiérarchie. Suivent les adeptes avec plus de sept ans dinitiation, appelés ebômi. En bas de la hiérarchie, le novice (iaô), et encore plus bas, laspirant novice, dit abiã. A côté des initiés aptes à recevoir les orixás pendant la transe, on trouve deux autres genres dadeptes qui ne tombent pas en transe : les ogãs, des hommes, dignitaires du terreiro, et les ekêdis, femmes auxiliaires des initiés quincorporent lorixá.
[11] La notion de réplication, utilisée par Strathern (2006 [1988]), a été utile à lanalyse exposée ici.
[12] Au Brésil, Nanã et Omolu sont considérés dorigine jeje (Bénin). Omolu, dit aussi Obaluaiyê, roi de la terre et de tous les êtres terrestres, maître des vents chauds et des épidémies, ne craint pas limpureté et la contagion (Caprara 1998).
[13] Selon Verger et Ming, Sanponna (autre dénomination dOmolu), généralement considéré comme le dieu de la variole, est le maître de la terre qui nourrit les hommes en leur donnant le maïs et les autres grains du sol, les punit en faisant sortir de leur peau les grains quils ont mangés (1997: 18).
[14] Dans les Candomblés Nagô, le mot ewò, dorigine yorouba, est souvent utilisé à la place de quizila, comme marque de ré-africanisation de ces cultes (Póvoas 1989: 27) ; néanmoins le mot quizila reste très employé. Ewò : ce qui est interdit ; adv. absolument pas (Fonseca 1993: 111, ma traduction).
[15] Un même orixá peut être considéré selon différentes qualités ; par exemple, Exú est appelé Lona dans sa fonction de gardien du terreiro, Iangui, en tant que premier être à habiter la terre, Bara en tant que maître du corps humain, etc.
[16] Cet aspect singularisant des interdits contraste avec la consommation des mets cérémoniels, généralement goûtés pour bénéficier de la force sacrée ou axé (Augras 1987: 75).
[17] Ce concept de autophagie implique le partage, à lintérieur dune classe nommée, des mêmes propriétés physiques et morales, en opposition à dautres classes de même type, ce qui renvoie à la description du totémisme de Descola ; les correspondances entre les sensibilités de linitié et les aversions des orixás semblent, par contre, renvoyer à lanalogisme (Descola 2005).
[18] On peut souscrire ici à laffirmation de Houseman et Severi : lapprentissage du rituel obéit à des règles constitutives, et pas seulement normatives. Elles définissent la nature même du comportement, et pas seulement la bonne manière de laccomplir (1994: 196).
[19] Ruy do Carmo Póvoas est le père-de-saint dun terreiro de tradition Ijexá (une variante du Nagô) : le Ilê Axé Ijexá de Itabuna (Bahia).
[20] Quitanda da iaô : cérémonie où lon prévoit la réalisation dun marché, dans le terreiro, par le nouvel initié qui doit vendre des fruits et des petits objets.
[21] La divination prévoit un cosmos en mutation, in fieri (Sabbatucci 1989: 5).
[22] Sur la divination pratiquée dans le Candomblé, voir Bastide et Verger (1981 [1953]), Braga (1988), Aquino (2004). Une recherche autour du rapport entre destin individuel et interdits dans les textes classiques sur la divination en Afrique occidentale (Maupoil 1988 [1943]; Bascom 1969) serait souhaitable, mais dépasserait les limites de ce travail.
[23] Dans le Candomblé, le obi (noix de cola) est utilisé ouvert en quatre morceaux pour la jetée dans le jogo de confirmação, pratique de confirmation qui prévoit cinq réponses excellent, normal, confirmé, négatif, catastrophique (Beniste 1999: 192-194).
[24] Parfois, la même entité qui communique une quizila pendant la divination peut lenlever. Jai eu loccasion de constater des cas de suspension dun interdit suite à une entente avec lorixá pendant la divination ; sur cette question voir aussi Augras (1987: 67).
[25] Ce qui rejoint la définition du rite chez Houseman et Severi (1994) ; voir aussi Houseman (2006).
[26] Hell cite une répulsion visuelle dune initiée au culte tromba à Mayotte, associée à un élément interdit par un esprit : Ainsi en est-il, par exemple, de la simple vue du bangué (cannabis) pour Zalihata à Mayotte (2008: 19). Selon cet auteur, linitiation au culte tromba implique lincorporation des aversions dont la fonction thérapeutique peut être comparée à laversive training, employé en hypnothérapie : elle contribue à transformer une action ou une ingestion en un stimulus provoquant une réponse corporelle nocive , cette technique thérapeutique pouvant guérir des dépendances (Hell 2008: 19).