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Etnográfica
versão impressa ISSN 0873-6561
Etnográfica vol.17 no.3 Lisboa out. 2013
Eglises à la recherche de vocations: quels apports de lenvironnement sonore?
Churches in search of a vocation: what does the sonic environment say?
Josée Laplace*
*Université du Québec à Montréal, Canada. E-mail: josee.laplace@gmail.com
RÉSUMÉ
La perception de lespace architectural est une expérience globale qui engage la totalité des sens. Louïe, autant que la vue, en conserve une empreinte qui se lie étroitement avec lappartenance aux lieux et lidentité territoriale. Léglise se présente comme un espace de référence sur le plan sonore, autant pour ses particularités acoustiques que pour les pratiques séculaires qui y ont cours, sonorités qui irriguent les mémoires individuelles et collectives. Cet article présente une enquête en cours qui interroge les sensibilités dhabitants de Montréal (Québec) à légard des espaces ecclésiaux, à lheure où nombre déglises ferment ou sont converties à dautres usages. Cette étude, inspirée de lapproche des ambiances architecturales et urbaines, relève à la fois de la caractérisation physique des lieux et de celle des perceptions et représentations de lespace. Ici, le sens des lieux senchevêtre avec lexpérience spatiotemporelle suscitée par les effets sonores de ces grandes caisses de résonance .
Mots-clé: espace sonore, ambiances architecturales et urbaines, sens du lieu, acoustique, espace sacré, églises
ABSTRACT
The perception of architectural space is a global experience that engages all the senses, especially the auditory sense. Places have their own sonic imprint, which is closely intertwined with the sense of belonging and territorial identity. Church space is a paragon with regard to its sonic dimensions, for its particular acoustics and the fact that it has been a privileged setting for performances of speech and music, features deeply embedded in memories. This article discusses the core of a research project that examines sensibilities of Montréals (Québec) inhabitants towards church spaces, in a context where many of them are closed down and are being converted to other uses. This study draws from the architectural and urban ambiances approach. It combines aspects of the physical characterization of place, the individual perceptions, and representations of space. In this case, the sense of place entangles closely with the spatiotemporal experience produced by the impressive sonic effects of these large resonating chambers.
Keywords: sonic space, architectural atmosphere, sense of place, acoustics, sacred place, churches
Les environnements avec lesquels nous nous co-constituons (Tilley 2006) ont une image, des formes que lon reconnaît mais, bien que profondément ancrée dans lexpérience, leur empreinte sonore reçoit moins dattention. Larchitecture est pourtant une matière concrète qui appartient toujours au monde des sens (Zumthor 2008 [2006] : 66). Or, les signaux sensibles qui font interface entre la matière physique et la sensation sont de lordre de lintangible et sont difficilement représentables. On sait que chaque espace architectural a sa sonorité propre ; que la matière sonore en épouse les vides et les pleins, les concavités ou convexités, les formes plates, arrondies ou aigües, les matières dures ou flexibles, lourdes ou légères (Rasmussen 1959). Si lon attribue à la modernité une relative surdité (Schafer 1979 [1977]), cette dimension de lexpérience concrète, les sociétés humaines lont (peut-être plus ou moins consciemment) quand même intégrée depuis des siècles dans leurs rapports aux espaces et dans leurs manières dédifier. Parmi toutes les expérimentations architecturales qui ont parsemé le cours de lHistoire, les églises et les lieux de culte sont sans doute celles qui ont donné lieu aux investissements (autant de sens que de ressources) les plus considérables. Ils possèdent en outre une enveloppe sensible et sonore remarquable , bien ancrée dans les imaginaires.
Au Québec, comme dans beaucoup dendroits en Occident, autant linvestissement dans ces bâtiments fût important, autant aujourdhui ils constituent un patrimoine quon a, sans trop le vouloir, commencé à dilapider par conséquence de leur abandon par les fidèles et des transformations qui ont affecté le paysage culturel, territorial et religieux. Je me propose ici dexplorer certaines caractéristiques de lenvironnement sonore déglises de Montréal[1] et de voir comment ces dernières agissent aujourdhui dans le contexte dune société séculière et pluraliste, cela dans le but dintroduire ces dimensions dans la réflexion sur la valeur de ces lieux et ce quil importe den conserver.[2]
Je présenterai dabord quelques jalons théoriques et travaux qui posent la question de lacoustique des églises et lieux de culte pour ensuite, après en avoir explicité brièvement le contexte, voir comment ces connaissances se traduisent dans le cadre de lenquête empirique, plus précisément comment les particularités sonores de léglise sont ressenties et décrites par les participants à létude et comment elles contribuent à linscription des lieux dans le temps présent.
Jemprunte ici des éléments dune approche ethnographique développée pour la recherche sur lenvironnement architectural et urbain. Cest donc de cet horizon disciplinaire que lobjet est abordé.
Tonnerres et mystères des environnements sonores religieuxDes lieux qui parsèment la littérature qui traite de lacoustique architecturale et de lenvironnement sonore, les églises et lieux de culte, comme les théâtres grecs de lAntiquité, sont parmi les plus cités pour leurs effets remarquables. Si les concepteurs ont laissé peu décrits qui révèlent explicitement leurs intentions en ce qui a trait à lenvironnement sonore recherché et les moyens mis en uvre pour les réaliser, on sait, par les traces matérielles qui subsistent et leur constance à travers les âges, quun travail de modelage de lespace par le son (Leniaud 2002) a permis dadapter le cadre aux différents moments de la liturgie et à en positionner les acteurs aux endroits favorables : De cette position dépendent lintensité acoustique du message et le contenu de celui-ci. Ainsi larchitecture apparaît-elle dès lors comme la mise en scène du son, de la prière lue ou chantée, de lenseignement par la prédication, de la musique qui accompagne la liturgie (Leniaud 2002).
Selon Desarnaulds (2002), lespace des églises a été modulé au fil des siècles pour répondre aux exigences requises par les pôles intellectuel et affectif du culte, lesquels sopposent sur le plan de lacoustique. Les époques et les courants liturgiques auraient donné lieu à des alternances de limportance accordée à lune et lautre de ces deux postures. Alors que la compréhension de la Parole et la participation de lassemblée notamment pour les Églises réformées demande une acoustique ( sèche ) qui favorise lintelligibilité de la voix, la dimension affective, stimulée par la musique et le chant, mais aussi par des effets sonores extra ordinaires qui renvoient à la transcendance divine, est portée par des espaces qui possèdent une réverbération plus ou moins importante. Cette dialectique sest donc déployée selon des combinaisons diverses dans les espaces ecclésiaux. Cest ainsi notamment que lengouement quon voulut communiquer aux masses illettrées, à qui le message en latin nétait pas intelligible, nécessita un environnement sensoriel (autant visuel que sonore) devant impressionner le fidèle (Cirillo et Martellotta 2006 : 15), lenvelopper dans un climat religieux (Leniaud 2002). Dun point de vue sonore, léglise en tant que dispositif architectural aura aussi été abordée à la façon dun instrument de musique dont on fera vibrer la matière pour en tirer les effets recherchés : Thus, in the old churches the walls were in fact powerful instruments which the ancients learned to play upon (Rasmussen 1959 : 230). Lévolution du cadre et celle des contenus se sont donc faites en étroite relation et les églises ont favorisé léclosion de pratiques, styles et rythmes musicaux voire des styles délocution : plain-chant, chant grégorien, polyphonie, musique baroque, etc. (Desarnaulds 2002 ; Sheridan et Van Lengen 2003 ; Cirillo et Martellotta 2006 ; Howard et Moretti 2009). Bien avant lintroduction de la sonorisation, des artifices, comme les vases acoustiques et abat-voix, ont aussi été utilisés pour optimiser la résonance et favoriser lintensité et lintelligibilité de la voix.
Ce type dadaptation nest pas lapanage des églises et lieux de culte chrétiens. Ergin (2006) évoque une recherche similaire dans le cas de mosquées stambouliotes du XVIe siècle (de larchitecte Sinan) dont la qualité sonore reposait sur un équilibre entre les impératifs liés à la récitation du Coran et celui de conférer le caractère du numineux aux sonorités de lespace. Il aurait été atteint par une articulation consciente déléments architecturaux et de revêtements : agencement de coupoles en hémicycle, distribution des colonnes et des ouvertures, emploi de vases acoustiques et de matières absorbantes ou réfléchissantes plâtre à base de fibres végétales, tuiles, tapis.
On réfère souvent à des archétypes tels la grotte ( ventre fondateur du christianisme Leniaud 2002) ou la cabane primitive (symbole de la rationalité constructive) pour remonter la filiation architecturale des églises. Schafer suggère (reprenant une hypothèse de Oswald Spengler) que les cathédrales gothiques reproduiraient les passages voûtés des forêts dEurope septentrionale dont la réverbération à lintérieur des grandes nefs en reconstituerait la tonalité (Schafer 1979 [1977] : 42). Il rappelle également que dans nombre de sociétés, incluant lOccident davant la Renaissance, Dieu est dabord envisagé comme son et vibration avant dêtre conçu et représenté comme image (1979 [1977] : 25). Ce quil appelle le bruit sacré , un bruit de haute intensité et basse fréquence, qui littéralement a la capacité de toucher ceux qui lentendent (dont la manifestation première serait le tonnerre) aurait été repris par les jeux de lorgue qui vont jusquà faire trembler les bancs de léglise (1979 [1977] : 167). Lorgue, dans toute sa puissance, apparaît comme une représentation auditive du mysterium tremendum, un des caractères du sacré identifiés par Rudolf Otto (1949 [1917] : 27), qui renvoie à leffroi ressenti devant le numineux.
À lopposé de ce déploiement de la puissance (et la colère) divine (le Tout- Puissant), on retrouve celui du silence nécessaire au rapprochement avec le principe sacré, la divinité.[3] Aux confins de cette rencontre, une expérience qui ressortit de lineffable : Le silence est la langue de Dieu car il contient toutes les paroles, il est une réserve inépuisable de sens. Lhomme est convié à faire le silence en soi, à se retrancher des conditions ordinaires de la conversation pour entendre une parole qui ne passe plus par la coupure des mots (Le Breton 1997 : 178).
Faire le silence en soi demande le silence autour de soi. À léglise, la liturgie aménage des moments de silence et de prière de manière à installer des conditions favorables à la communication (communion) avec la divinité, mais aussi avec la communauté. Selon Nesti (1995), ces îlots de silence dans le rituel avaient pour fonction de situer lindividu dans le monde. Une tendance à labandon du silence dans les rites contemporains symboliserait une forme de désintégration de la communauté (Nesti 1995 : 430). En dehors du culte, léglise est réputée être un lieu silencieux favorable à la piété individuelle.
La signature sonore de léglise est donc, comme nous venons de le voir, pour beaucoup redevable au phénomène de réverbération. Cet effet sonore (Augoyard et Torgue 2005 [1995]) réfère, en termes acoustiques, aux ondes sonores réfléchies par les parois dune salle en plus de son trajet direct de la source à loreille.[4] Il fait en sorte que le son persiste après lextinction de la source originale. On calcule ce phénomène en mesurant le temps mis par un signal sonore pour séteindre.[5] À la réverbération sont associés des effets psycho-acoustiques qui laissent, par exemple, limpression dune présence à côté de soi, un sentiment de collectivité créé par lenveloppement dun même groupe, ou une attitude narcissique due à leffet de miroir créé par la réflexion de ses propres émissions sonores (Augoyard et Torgue 2005 [1995] : 114-115). La réverbération est culturellement associée à une idée de monumentalité, de pouvoir, ou encore de foule (Augoyard et Torgue 2005 [1995] : 116). En langage courant, on y réfère souvent par lemploi du terme résonance.[6] Dans le cas de lécho, le son réfléchit paraît dupliquer le son original.
Ces effets, dans le cas des églises et cathédrales, contribueraient à limpression dun ralentissement du temps (Arkette 2004) et à un brouillage des repères spatiotemporels habituels :
The stone surfaces in the interior of a cathedral permit the lower sound frequencies to reverberate back and forth for a particularly long time, lending the room a mystical quality and an irrational physical feeling. Perhaps it is just religious reverence, upbringing or some kind of everyday convention that makes us lower our voice when entering a cathedral : a kind of acoustic shyness growing out of the wish not to disturb this great silence [ ] (Leitner et Conrads 1985 : 36).
Cette relation entre espace, son et corporéité est à approfondir afin de voir sous quelles conditions et à quel degré le lieu lui-même peut induire des façons de sy mouvoir ou si ces comportements sont davantage dictés par des conventions sociales. Selon Leitner, la forme, la fonction, le son et le temps sont interreliés et interdépendants (Leitner et Conrads 1985 : 40). Le son de la musique en expansion dans lespace dune église limprègne complètement. En présence de ce quil appelle une musique spatiale (spatial music), il est difficile de localiser le point de passage entre la sensation physique de lespace (larchitecture) et sa sensation émotionnelle (la musique) (1985 : 40).
Ce sont ces différentes particularités et effets sonores ordinaires et extraordinaires de léglise, que lon examinera maintenant, dans lactualité des perceptions et des discours dhabitants de Montréal.
Contexte et approche de létude Déterritorialisation des églises de Montréal [7]Les églises occupent une place importante dans le paysage montréalais, comme dans le reste du Québec, société longtemps ordonnée par le religieux, où dominait lÉglise catholique, parallèlement aux autres traditions séculaires.[8] Le grand Montréal sest développé autour de ses paroisses qui présidaient à lorganisation territoriale, et nombre dentre elles sont nées dans le mouvement durbanisation rapide de la ville au tournant du XXe siècle (Linteau 1992). Plusieurs quartiers centraux ont vécu un exode de leur population à partir des années 1950-1960, qui correspond à la fois au déclin de certaines activités industrielles, à des opérations de rénovation urbaine et à lexpansion de la banlieue, événements concomitants dun balayage laïc qui a progressivement vidées ces grandes (et moins grandes) structures, souvent très rapprochées géographiquement les unes des autres.[9]
Le paysage socioculturel et religieux de la ville continue, depuis, de se transformer. Limmigration, auparavant majoritairement européenne, se diversifie avec lapport continu de nouveaux arrivants en provenance dAsie (Vietnam) et des Amériques (Haïti, Chili) au courant des années 1970, puis plus récemment du continent africain (Maghreb, Afrique subsaharienne) et du Proche-Orient (Liban).[10] La population résidant à proximité des églises nest plus comme auparavant liée à celles-ci par lappartenance à la paroisse. De nouvelles communautés de confession chrétienne investissent parfois les églises, mais nont souvent pas la capacité financière, ni la volonté, den assurer le maintien à long terme.[11]
Depuis quelques années nombre de paroisses ont épuisé les ressources qui leur permettaient de garder sur pied leurs églises et poursuivre leur mission. Plusieurs églises ont fermé, ont été vendues, ou converties avec plus ou moins de bonheur à dautres fonctions ou dautres cultes. Près du quart des églises du Québec construites avant 1975 ont été fermées (Bernier 2011). Dans la région de Montréal, 42 % des églises qui ont été vendues, lont été à dautres confessions religieuses, près du tiers ont été démolies, dautres converties à différents usages, dont quelques unes pour des projets immobiliers privés (Bernier 2011, données du printemps 2011). Devant le peu de succès et le caractère discutable de certaines de ces entreprises, on privilégie maintenant des conversions à des fins associatives ou culturelles qui sinscriraient davantage dans le prolongement de la mission de la paroisse : cuisines populaires, bibliothèques, plateaux sportifs, musées, salles de concert intègrent depuis déjà quelque temps les églises. Certains lieux subsistent tant bien que mal en tentant dintensifier et de diversifier leurs activités. Les concerts dans les églises sont, bien entendu, pratique courante. La conservation des grandes orgues demeure un enjeu patrimonial important lors de la fermeture dune église.
Des fonds publics sont maintenant destinés à la conservation du patrimoine religieux mais ne sont pas suffisants pour combler tous les besoins. Également, seules les églises qui ont obtenu la note de passage lors de lInventaire des lieux de culte du Québec se qualifient pour une subvention. Même si les églises sont connotées péjorativement en raison dun passé religieux conflictuel, on reconnaît en elles un patrimoine culturel significatif. Cette étude veut approfondir la compréhension de la réception de ces espaces aujourdhui en y introduisant la question du sensible.
Approche de recherche in situLapproche développée pour ce travail emprunte pour une large part aux travaux menés sur les ambiances architecturales et urbaines.[12] On peut définir lambiance comme la synthèse, pour un individu et à un moment donné, des perceptions multiples que lui suggère le lieu qui lentoure (Adolphe 1998 : 7). Telle que théorisée par Augoyard, lambiance se présente comme un ensemble de phénomènes localisés qui répond à quatre conditions :
les signaux physiques sont repérables dans lespace physique qui les conforme ; ces signaux informés interagissent avec la perception, laffectivité et laction des sujets, ainsi quavec les représentations sociales et culturelles ; ces phénomènes composent une organisation spatiale construite (architectonique et perceptive) ; le complexe signaux/percepts/représentations est exprimable, ce qui signifie la possibilité daccéder à la représentation experte et usagère (Augoyard 2007 : 36).
Une particularité de létude des ambiances est la nécessité de prendre en compte la dimension temporelle des phénomènes sensibles qui sont en constante fluctuation selon lheure, lusage des lieux et les conditions climatiques qui prévalent au moment de lenquête. La présente recherche sintéresse à la dimension globale de lexpérience, aux différentes dimensions sensorielles de la perception, mais je tenterai ici dexaminer ce qui serait spécifique à la dimension sonore comme modalité de relation avec le cadre bâti.[13] De même, le présent exposé se concentre sur les données recueillies par lapproche phénoménologique des parcours, alors quun autre pan du projet examine le déploiement dans le temps des ambiances de léglise, par une approche historico-interprétative tentée sur lun des objets. Bien que cette démarche puisse être mise en relation avec les données issues des discours actuels, je me concentrerai ici sur le temps présent, à partir de lanalyse du matériel sonore et textuel (retranscriptions) produit lors des parcours.
Parcours commentéOur personal experience is the only way we can understand acoustic space. That is why acoustic experimentation is so important. Empirical investigations will eventually make us hear forms, materials, and proportions (Leitner et Conrads 1985 : 41).
Du point de vue de la recherche sur les ambiances, comme de celle des soundscape studies (voir Raimbault et Dubois 2005), la perception ordinaire est dune grande pertinence pour comprendre les phénomènes sensibles.[14] La technique employée ici pour recueillir ces perceptions est la méthode du parcours commenté (Thibaud 2001) que lon a fait suivre dun entretien in situ.[15] Les participants à létude devaient parcourir les lieux avec un mode dattention inhabituel , dirigé plus quà lordinaire vers leurs différents canaux sensoriels . Il leur était demandé de parcourir seuls les lieux en commentant leurs impressions. Certains participants (en particulier les plus âgés), mal à laise à lidée de parler seuls à un enregistreur, ont préféré être accompagnés, ce qui donna lieu à une forme d entretien itinérant (voir Watremez 2009). Les parcours réalisés seuls étaient suivis immédiatement dun entretien qui permettait dapprofondir lexpérience qui venait de se vivre et de lélargir à dautres thématiques. Ces deux manières de parcourir les lieux ont permis dapprofondir sensiblement les mêmes thèmes. Les parcours individuels instruisent cependant davantage sur la manière de chacun daborder les espaces. Lenregistrement des parcours savère également très utile pour observer larrière-plan sonore, les transitions entre les salles telles quelles se manifestent au moment de la visite.
Deux groupes témoins ont été constitués pour ces parcours.[16] Le premier est composé de résidants des quartiers environnant les églises étudiées, et se voulait diversifié et équilibré en termes dâge, de sexe, dappartenance culturelle et de confession religieuse (incluant des croyants et des non-croyants). Le second groupe était formé d experts , au sens large, des personnes qui, par leur pratique, ont une familiarité avec laménagement de lespace ou lacoustique (artistes, scénographes, musiciens, architectes, chercheurs, spécialistes de lécologie sonore). Ces derniers étaient réunis en petits groupes pour réaliser un parcours commenté dans trois ou quatre églises (mais individuellement à chaque fois) au cours dune même journée. Les participants du public ont été invités à faire un unique parcours, le tout requérant une participation de deux heures en moyenne. Ces entretiens/parcours individuels ont eu lieu dans les églises des paroisses catholiques de Saint-Édouard et de Saint-Eusèbe-de-Verceil. Une douzaine déglises ont été visitées au total, choisies pour leurs caractéristiques architecturales contrastées, de manière à dégager à terme une sorte de typologie dambiances. Ce sont en majorité des églises catholiques encore en usage, mais ce corpus inclut aussi deux églises presbytériennes, et quelques lieux déjà engagés dans un processus de conversion ou de transformation important.
Les conditions sonores qui prévalaient au moment du parcours varient. Ils se déroulaient en dehors des activités liturgiques, à des moments où léglise était pratiquement vide, donc avec peu dactivité sonore dans le lieu. Lors des parcours individuels, les sources principales étaient le son de sa propre voix et de ses pas, parfois des travaux dentretien ou des répétitions dorgue en de rares occasions. Les parcours effectués en simultané , par laddition des sons de tous les participants, ont généré plus doccurrences sonores.
Résultats préliminaires de lenquête terrain Décrire, comprendre et interpréter comment les sons voyagent Les effets sonores remarquables de léglise entrevus précédemment se révèlent très présents dans les comptes rendus des parcours. La résonance des grandes nefs, et plus spécifiquement le phénomène de réverbération qui laccompagne, sont indubitablement associés à lexpérience sonore des environnements ecclésiaux. Pour certains, ils saisissent tout de suite en entrant : je rentre dans léglise, et là tout de suite, je baisse la voix, et là jentends la résonance comme une petite voix qui est au loin [ ] comme sil y avait une musique déjà [église Saint-Eusèbe, homme, 36 ans]. Dautres ne vont que très peu les commenter en temps réel, mais lentretien qui suit les parcours montre que tous les ont remarqués. On les décrit différemment selon les conditions observables au moment des parcours. En loccurrence, les parcours effectués en solitaire font davantage référence à lécho, alors que dans les situations où il y avait plus dagitation dans le lieu, le terme résonance (et ses déclinaisons ça résonne ) revient le plus souvent, manifestement parce que lactivité sonore y fait davantage vibrer la matière.[17] Dans ce dernier contexte, les mots utilisés pour décrire lenvironnement sonore lui confèrent une texture presque palpable : masse sonore , matérialité auditive , épaisseur sonore ou encore nuage sonore sont des expressions employées lors du parcours de groupe réalisé à léglise Saint-Eusèbe-de-Verceil.
Les particularités de cette matière sonore, létrangeté du comportement des sons et des impressions quils communiquent donnent lieu à des efforts de description, dinterprétation des phénomènes éprouvés qui déconcertent parfois les repères habituels :
Je méloigne un peu du bruit. Là, on se rend compte assez vite que le son ici voyage ! Voyage très bien ! [église Saint-Édouard, homme, 31 ans].
Ah oui oui ! ! Ah oui, paraît il y a cest cest vaste hein ? Il y a lampli lamplitude je ne sais pas comment lexprimer là, mais lamplitude fait que les sons euh se répercutent euh [ ] [église Saint-Eusèbe, homme, 60 ans].
Il y a une belle acoustique. Je ne sais pas je ne sais pas pourquoi ça fait ça. Ahhhh ! [voix longtemps en suspension] Elle est longue euh [rire] elle est longue lécho. Mais pourquoi cest comme ça, à cause que cest en rond ? Je pense que cest parce que cest en rond. Ça fait rebondir cest vraiment spécial ! [église Saint-Eusèbe, femme, 56 ans].
Cest drôle je vois J. [petite fille] mais sa voix semble venir de tellement plus loin. Elle est au bout des bancs, je dois être à dix mètres delle, on est dans lallée centrale. Comme si la physique du son navait pas de logique [église Saint-Eusèbe, femme, 35 ans].
[ ] Il y a la petite fille qui est à lautre bout de la pièce là, qui parle et ça résonne. On dirait que le son ne vient de il se disperse mais comment exprimer ça ? On dirait quil ne vient plus delle. Il se propage dans toute la pièce sans quil y ait comme une provenance en fait le son est il se dégage de partout [église Saint-Eusèbe, homme, 36 ans].
Je remarque que quand on est ici en haut, les sons qui viennent du bas résonnent au plafond et ils font des bonds en fait [église Saint-Eusèbe, homme, 36 ans].
Certains de ces commentaires sont assez éloquents de limpression de distanciation du son davec sa source, qui nest peut-être pas étrangère à la qualité mystique ou limpression dirréalité relevée par Leitner (Leitner et Conrads 1985).
Ces caractéristiques sonores apparaissent bien spécifiques à léglise et lui confèrent en cela une identité sonore distincte, qui se traduit par une capacité à évoquer, à éprouver des choses partagées culturellement. On verra plus loin comment ces effets sonores ont des significations et comment ils agissent sur les personnes, notamment en suscitant des souvenirs ou une expérience singulière. Auparavant, il convient de préciser que chaque lieu a sa propre identité sonore et quune église, en tant quentité, comporte aussi différents espaces-son .
Léglise comme organisation spatiale et sonoreSi les commentaires suscités par les parcours montrent des modes dattention différenciés dune personne à lautre, ils révèlent également comment les espaces se distinguent entre eux sur le plan sonore. Comme on la vu, la sonorité dune salle dépend notamment de sa taille, de sa configuration et des matériaux (leur coefficient dabsorption) qui en revêtent les surfaces. Les commentaires (ou labsence de commentaires) qui traitent du son dans les différents lieux visités reflètent bien ces différences. On peut aisément percevoir limpact de la taille et des matériaux sur le phénomène de réverbération qui est ressenti différemment dune église à lautre. Les variations peuvent être très marquées ou ténues, mais il existe généralement un peu de réverbération qui fait quon reconnaît, à celle-ci, se trouver dans un temple : Par les sons, comment les sons voyagent, on le sent tout de suite, ça paraît quon se sent dans un dans un temple comme dans quelque chose de sacré [église Saint-Eusèbe, homme, 35 ans]. Certaines églises cependant, notamment les modernes, peuvent ne pas communiquer cette impression. On assiste donc, entre ces cas limites, à une gamme de variations qui oscilleront entre ces deux registres du très grand et de lhumain .
Les parcours montrent aussi comment léglise nest pas un espace unidimensionnel, mais constitue plutôt un ensemble un programme qui organise une série despaces présentant des sonorités qui mettent en relief des fonctions symboliques et pratiques qui seraient propres à chacun. Les bandes-son des parcours montrent bien les changements déchelle, de niveaux, laissent voir aussi des effets darticulation, de limites, dinclusion[18] créés par les micro-situations sonores des différents espaces qui composent léglise : narthex, nef, chur, jubés, chapelles, confessionnaux, sacristie, passages, déambulatoire, escaliers. Les environnements sonores modulés par ces espaces pourraient, encore là, se répartir selon une grande ligne de démarcation que lon pourrait appeler sacrée-profane, toujours dans ces registres de lhumain et de lextra humain . Certains trajets mettent en scène de manière parfois spectaculaire la gradation entre ces dimensions, la transition entre ces deux moments principaux de lexpérience de lespace.
Du point de vue du perçu, ces sensations sont créées par limpression de sons proches de soi, ou de sons lorsquil sagit de sa propre voix ou de ses pas qui semblent séchapper de soi pour remplir lespace et retentir au loin. Les sons générés par les surfaces en bois, matériau souvent dominant dans les espaces périphériques (escaliers, sacristie) sont généralement qualifiés avoir un caractère humain, chaleureux, rassurant ( un bruit bien sympathique [église Saint-Edouard, femme, 33 ans]), contrairement aux surfaces dures et réfléchissantes.
Ces différentes sonorités auraient un sens, voire une fonction que certains participants se sont hasardés à interpréter. Ainsi, leffet de sas du narthex : Moi jai remarqué que toutes les églises ont un petit espace au début pour la résonance de la voix, pour sentir quon est là humainement, puis on passe à autre chose une ouverture sonore [église Sainte-Brigide, femme, 35 ans].
Ailleurs, lacoustique feutrée et le silence profond dune petite chapelle adjacente à la nef sont en congruence avec lintimité quon a voulu conférer au lieu. On remarque que les différentes composantes environnementales dun espace (matières, lumière, couleurs, taille) participent à la création dune atmosphère généralement en adéquation avec sa destination, que le plan sonore contribue à ponctuer.
La reconnaissance de sonorités crée également un jeu de renvoi entre des espaces. Ainsi, en entrant dans une des chapelles de léglise Saint-Eusèbe-de- Verceil, que plusieurs ont identifiée comme un endroit à échelle humaine, le plus habité de léglise, un témoin, de confession évangélique, remarque tout de suite que la résonance de la pièce sapparente à celle des églises quil a lhabitude de fréquenter : La voix ça résonne très fort, cest à peu près dans ce style-là les églises chrétiennes, comme ça [église Saint-Eusèbe, homme, 28 ans].
Effets sonores, effets moteurs : lespace commande-t-il les gestes ?Lexpérience de lespace de léglise, en particulier la relation avec cette matière sonore décrite plus haut, fait intervenir de manière importante le champ du corps dans lespace, le sens kinesthésique . La résonance des lieux engage ainsi certains mouvements, des manières dagir. On peut percevoir ces effets dans les bandes sonores des parcours, alors quils échappent parfois à lattention des participants qui vont moduler leur voix, rythmer leurs pas, au fil des changements de sonorité des salles. Le phénomène est, par ailleurs, assez prégnant pour être consciemment observé :
Je suis au milieu du foyer central. Je me parle à mon nez parce que le son est incroyable ! Je suis même gênée de tousser puisque ça se multiplie [église Saint-Edouard, femme, 51 ans]. Cest ça, moi jai limpression que je parle plus haut [ ]. Cest pour ça que jétais en train de baisser le son ici [église Saint-Eusèbe, femme, dans la quarantaine].
À chaque fois quon marche, on fait du bruit hein ? Cest ça, cest que tu ne peux pas être transparent dans des lieux comme ça, bien Il faut que tu tarrêtes pour euh être pour être invisible, bien il faut totalement sarrêter, il faut presque retenir son souffle [église Saint-Eusèbe, femme, 35 ans].
Jai une vue qui est mamène à la hauteur des arches de bois sculpté et transparentes Le moindre pas, le moindre mouvement de feuille, le moindre coup de crayon se fait entendre. Comme si notre respiration devrait être en suspens en attente en écoute de ce qui se passe. Le moindre mouvement de corps est perceptible [on entend des pas]. Quest-ce quon préfère ? Entendre des personnes qui se déplacent dans léglise ? Ou les gens qui ne bougent pas qui sont en suspension [pause]. Les pas font partie de lespace, mais est-ce quils trahissent lespace ? Comment marcher dans une église ? Jusquà quel point on fait du bruit ? On veut on sabstient [chapelle de lInvention-de-la-Sainte-Croix, homme, 50 ans].
Cette interrogation, à savoir si la retenue dans léglise est dictée par le lieu lui-même ou par léducation, par des interdits liés au caractère religieux, sacré, de lespace, est une question fréquemment posée, sans quon puisse véritablement la trancher :
Cest que quand on parle on parle plus bas [rire]. Là, on a comme limpression quil ne faut pas parler très fort. Bien ça cest cest notre euh notre cult nos héritages là parce que, bien moi, jai été moi jai été élevé là-dedans par dessus la tête là [église Saint-Eusèbe, homme, 60 ans].
Présentement, cest drôle parce que dans une église pour moi on ne parle pas. Je ne suis pas certain si on peut parler, parce que moi, la façon dont jai été éduqué, quand on ren un garçon quand on rentrait dans une église, on enlevait sa casquette. Jamais on ne rentrait avec un chapeau dans une église, et on on ne parlait pas. Si on parlait, on chuchotait, mais on ne parlait pas. Alors je me sens en train de de transgresser des règles qui sont ma foi euh tellement importantes [église Saint-Edouard, homme, 59 ans].
Moi, jai une certaine pudeur, je vais oser mais là je me sens vraiment comme une petite fille [chapelle de lInvention-de-la-Sainte-Croix, femme, 48 ans].
Dautres facteurs peuvent aussi influencer les réactions du corps, la motricité, mais demeurent dans une certaine mesure toujours liés à la réverbération qui va amplifier leur impact, par exemple les chaussures que lon porte, ou les craquements du bois, comme on a pu le voir dans la seule église visitée dont le parquet de la nef était en bois, ce qui commandait de marcher avec précaution. Si on a vu, plus haut, que le son du bois avait un caractère rassurant, dans certains cas, comme dans les hauteurs du jubé de lorgue, il accentuera davantage un effet de vertige, dinstabilité : Hi ! les planchers craquent, on se demande si ils vont me toffer[19] [rire]. Mon Dieu, cest presque quinquiétant, le bruit que ça fait. Ah mon Dieu ! Je ne maventure pas ici, il y a des estrades derrière moi euh qui craquent beaucoup trop [église Saint-Eusèbe, femme, 28 ans].
Les lieux que lon sent plus habités , ou la présence de personnes ne participant pas à lexercice au moment des parcours, disposent aussi à plus de réserve que lorsque les participants pressentaient se trouver dans une église presque abandonnée . Lon invoque ici le respect pour les occupants de lendroit, comme dans les deux chapelles conventuelles (féminines) visitées des lieux entretenus avec le plus grand soin où la présence des religieuses est prégnante même lorsquelles ne sont pas visibles :
Lécho des pas annonce une venue puis en même temps la modération, par respect. Je remarque aussi que là donc, en étant en petit groupe euh on respecte davantage le lieu que léglise de ce matin euh la Salette où on se promenait vraiment, on faisait le tour, on faisait des grandes distances. Là, tout le monde est un peu euh [rire] dans son coin ne parle pas fort, essaie de Je noserais pas, en tout cas, essayer de faire du bruit ici, ou quoi que ce soit, je ça me gênerait certainement [chapelle de lInvention-de-la-Sainte-Croix, Maison-Mère des Surs Grises, homme, 50 ans].
Dans la chapelle du monastère des Carmélites, la petite taille du lieu impose aussi de se déplacer avec plus dattention : On devra être silencieux, chaque mouvement, chaque son dérange [femme, dans la cinquantaine].
Les sonorités hors normes peuvent aussi participer, dans un registre dexpérience que lon pourrait qualifier de vertical , à des sentiments de confort ou dinconfort qui se situeraient entre les pôles opposés de lélévation et de la sujétion. De fait, lenvironnement peut communiquer une sensation doppression qui infléchit aussi les comportements. En plus du fait que le son des mouvements est amplifié, une impression dêtre surveillé :
Ce qui frappe avec une église cest que ces espaces sacrés mais qui simposent un peu par eux mêmes, même si on ne reconnaît pas la religion, même si on est en ce moment seuls dans léglise, tout le monde parle à voix basse, tout le monde fait attention, tout le monde est très respectueux. Lair est oppressant, on se sent petit mais aussi dominé par quelque chose dun peu plus grand que nous. Puis, cest quelque chose que léclairage, lair ambiant, la forme du bâtiment très massif rend bien. On ne peut pas se sentir à laise, on se sent surveillé, on se sent vraiment oppressé [église St. Michaels and St. Anthonys, homme, dans la vingtaine].
Malgré la retenue quimposent les lieux, à laquelle contribuent les différents facteurs que lon vient dénumérer, les effets sonores et le volume de léglise incitent aussi parfois à des comportements plus ludiques, à vouloir expérimenter, faire sonner lespace, résonner sa voix. Plusieurs participants ont ainsi exprimé lenvie de chanter, de crier, de danser, de sonner la clochette liturgique (ce que quelques uns ont fait), ou encore de jouer de lorgue :
Des sonorités emblématiques comme facteurs de réminiscences Jai envie de danser au milieu de léglise [église Saint-Eusèbe, homme, 43 ans].
Ce que ça donne comme envie en fait dêtre ici, ça donne envie de chanter, parce que ça résonne et lacoustique est très bonne [église Saint- Eusèbe, homme, 36 ans].
Un peu on aurait envie de danser, sautiller, ou comme une salle un peu, une salle de jeu de on aurait envie de crier : Ah ! [ ] Je ne sais pas, ça donne envie de crier pour tester les longueurs de pièces de salle [église Saint-Eusèbe, homme, 36 ans].
On parlait du son tantôt euh je sais pas si cest un fantasme de jeune euh fille, ou de jeune ado, mais un show rock dans une église, il me semble que ça sonnerait ! [église Saint-Eusèbe, femme 28 ans].
Comme il a été mentionné déjà, certains effets sonores expérimentés lors des parcours sont reconnus par les participants comme étant spécifiques à léglise.[20] Aussi, le fait de se retrouver dans léglise et ses sonorités emblématiques agit comme activateur de mémoire. On peut rapprocher ce phénomène de leffet sonore d anamnèse , soit la réminiscence dune situation ou atmosphère passée, ramenée à la conscience par un signal ou un contexte sonore particulier (Augoyard et Torgue 2005 [1995] : 21). Certains signaux déclencheurs, qui nont pas besoin dêtre identiques aux sons quils rappellent mais en ont la couleur (Augoyard et Torgue 2005 [1995]), agissent littéralement comme des moyens de transport rapides vers le passé :
Les vitraux sont magnifiques, hum même si on entend quelquun qui marche, comment cest écho, ça vraiment moi là je viens dentendre quelquun qui marche bing bing bing bing sur le plancher de bois puis, lécho de ça direct ça me ramène à mon enfance directement directement. Moi qui ne suis pas du tout croyante, jaurais comme envie de de prier [rire] tellement cest beau [chapelle de lInvention-de-la-Sainte-Croix, femme, 48 ans].
Ainsi, lespace sonore de léglise revêt un caractère générique, qui renvoie à des lieux apparentés, à une église de référence dans limaginaire. Léglise constitue en quelque sorte un territoire transnational dans la mesure où ces jeux de renvoi dépassent les frontières et les adaptations locales du type architectural église . Pour les immigrants, bien que les églises visitées à Montréal diffèrent beaucoup de celles quils et elles ont connues dans leur pays dorigine, ce rappel par le son opère tout autant. Lenveloppe sonore peut agir globalement comme déclencheur mais aussi certains sons précis, par exemple ceux des talons des chaussures féminines, rappelant autant de lieux, de personnes, de moments vécus, souvent des souvenirs lointains de lenfance. Ils renvoient aussi à dautres sons. Le souvenir de la musique à léglise, le rappel des sonorités de lorgue est souvent évoqué, malgré le fait que la majorité des parcours se soient déroulés en labsence de musique, léglise étant associée à un riche vécu musical.[21]
Lécho du sacréLa sonorité de léglise, pour plusieurs, réfère au sacré, revêt une fonction spirituelle à cause de ces résonances plus grandes que soi . Si lon évoque parfois larchétype de la caverne pour parler de la sonorité de léglise, pour une participante (une croyante), cest à la montagne que son écho renvoie :
Vous parliez tantôt de lécho, la réverbération.
La réverbération, oui.
Pour vous, ça fait partie aussi de cet environnement religieux ou
Oui, oui absolument. Cest un autre environnement qui on dit oui, on se sent dans, comment jpourrais pas une grotte, vraiment comme au haut dune montagne, tu sais comme, exemple là, on sest situé en haut dune montagne puis on entend lécho de Dieu, cest comme si Dieu nous répondait. Puis euh, je sais pas, peut-être que cest mystique un peu le mysticisme cest mystifié un peu là, mais je trouve que cest important. Jaime entendre jaime lécho moi, cest personnel là, mais jaime beaucoup ça. Je pense que là, je me sens vraiment dans un autre lieu, différent de la rue puis de nimporte où dailleurs là. Cest vraiment particulier aux églises [église Saint-Eusèbe, femme, 65 ans].
Pour une autre participante pour qui la fréquentation dune église, ne serait-ce que furtivement, a un effet libérateur, lui donne limpression de se dégager du poids de ses préoccupations, lécho agit comme un rappel constant quelle se trouve dans cet endroit privilégié :
Oui, à chaque fois que je parlais, je voyais lécho euh lécho est important parce que là, tu te sens toujours dans léglise. Tu te sens encore libre. Tu te sens encore euh sans pression sur les épaules. [ ] Moi cest super important la liberté la pression, tu sais, partie là. Puis quand tu parles ou à chaque fois que je disais un mot là, cétait comme une liberté. Je me sentais là, ça me ramène dans le lieu. Ça me ramène à léglise, ça me ramène aussi à me dire que je nai plus de pression sur les épaules. Je nai plus de soucis ! [église Saint-Eusèbe, femme, 41 ans].
Il est intéressant de noter, à cet égard, parmi les sons quon pouvait entendre dans les diverses églises au moment des parcours, le peu dattention accordée aux sons prosaïques . Les sons mécaniques (pourtant parfois très présents) de la ventilation ou du chauffage, dans un cas un réfrigérateur très bruyant, sont très peu relevés dans les commentaires, comme si on portait lattention uniquement sur ce qui participe de lextraordinaire dans lenvironnement sonore de léglise.
Séjourner dans le silence : un dispositif qui invite au recueillementSi pour les croyants lenvironnement sonore de léglise participe du sacré, du religieux, il exerce plus généralement sur plusieurs témoins, par un processus de mise en silence (pour reprendre les mots dune participante) qui crée des conditions propices à lintériorité, un climat qui incite au recueillement. Même détaché de ses significations religieuses, il met en place des circonstances qui seraient favorables à la vie de lesprit ou, simplement, contribue à une sorte dhygiène de lesprit et du corps en aménageant une pause qui permet le calme, la respiration. Léglise se constitue ainsi comme un lieu à part, une hétérotopie, pour emprunter le concept célèbre de Michel Foucault, par la coupure quelle exerce avec le monde extérieur, avec le rythme quotidien, certains affirmant avoir limpression de se trouver dans une autre dimension .[22] Une participante exprimait ce changement de temporalité par limpression quon avait mis le temps sur pause [église Saint-Eusèbe, femme, dans la vingtaine] pendant sa déambulation dans léglise. Si plusieurs facteurs de lenvironnement participent de cette brèche dans le monde ordinaire , autant par le décor, la vastitude de lespace, la lumière, le fait quon nait pas de contact visuel avec lextérieur (une participante parlait dune forteresse), la dimension sonore y joue aussi un rôle clé :
Il y a la même impression de de mise en silence de hum quelque chose qui porte plus grand que soi. Une impression de plus grand que soi [chapelle de lInvention-de-la-Sainte-Croix, femme, 48 ans].
Ce silence se crée bien entendu par une coupure importante avec les sons de lextérieur qui fait en sorte que léglise soit perçue comme un lieu calme (certains diront quil est bien insonorisé ), qui procure un sentiment de paix, pour certains de protection :
Je dirais que laspect qui me charme le plus cest euh le contraste entre euh le son de la rue et le silence quon retrouve ici. Ça serait laspect vraiment euh invitant de ce lieu-là, le degré de silence quon peut retrouver à côté de la rue si bruyante. Je sais, quand je vais ressortir dehors, je vais être comme presque me sentir agressée par le le volume sonore que je vais retrouver en sortant. [ ] En fait, la seule chose que je retiendrais de positif dans ce lieu-là, cest vraiment euh comment ils sont arrivés à créer une zone de silence au milieu de un grand mouvement, dun grand mouvement sonore hum ça serait le seul, presque aspect positif [église Notre-Dame-de-la-Salette, femme, 48 ans].
Oui oui, on est vraiment dans un autre monde là. Tu sais, tu sors dehors puis bing bang bing boung pip pip pow pow pon ! [rire] ambulance nimporte quoi. Cest ça qui est lfun dans les églises, ces anciennes églises là, cest tellement bien insonorisé que il ny a rien qui peut te déranger dans ta prière. Si tu restes euh [pause] à lécoute [église Saint-Eusèbe, femme, 56 ans].
Mais ce silence de léglise nest pas strictement absence de sons, il relève aussi dune sensation dimmersion dans cette texture sonore évoquée plus haut, qui touche le corps, qui est ressentie dans tout le corps et pas seulement entendue. Un silence doté dune dimension presque tangible, qui contribue aussi à inscrire lexpérience dans une autre temporalité :
[ ] Épaisseur du silence et des sons univers de son plus dattention pour cette matérialité auditive. Rencontre avec le silence qui oblige à un autre comportement que celui auquel on est normalement habitué. Une autre écoute aussi et un autre temps qui se ralentit, qui souvre au sein de ce silence [église Saint-Eusèbe, femme, 45 ans].
[ ] Effets sur le corps et le système nerveux : le corps qui se fait attention, à lencontre dun corps fermé sensuellement devant le fracas quotidien [église Saint-Eusèbe, femme, 45 ans].
Jaime ça aussi entendre mon corps qui marche [ ] juste écouter les sons qui que les autres produisent cest jaime ça. Puis se sentir libre aussi, bien euh se sentir enveloppé par une grosse masse. Puis, cest rond aussi, cest comme euh comme une sorte de tout y est. On a limpression de de linfini de des sons qui euh qui se propagent [église Saint-Eusèbe, homme, 36 ans].
Ces sensations renvoient donc à cette connexion du corps et de lenvironnement sonore (la proximité du sonore et du kinesthésique), une sorte de toucher sonore qui fait que lon puisse entendre avec le corps et sentir avec les sons, comme Leitner laffirmait de la relation entre lespace (dune cathédrale) et la musique.
Ce recueillement, qui fait en sorte que lon se recentre, que lon se sente plus près de soi et des autres, que lon puisse être placé rapidement dans un état dintrospection qui ramène aux questions importantes de lexistence, est un temps darrêt apprécié dans le rythme souvent effréné du quotidien. Le lieu aménage une pause qui invite à séjourner dans le calme, la paix :[23]
Jadore les planchers qui craquent. Moi, je pourrais rester des heures ici, cest vraiment apaisant. Cest vraiment, vraiment apaisant, puis je nentends pas un bruit en dehors de la circulation de mes confrères ici. Je nentends vraiment rien, on oublie complètement, complètement le contexte extérieur. Moi, je loublie complètement [ ] ici. Jaurais envie de passer des heures : jaurais envie de chanter, jaurais envie découter de la musique qui euh irait dans lesprit de dun apaisement de lâme euh dune spiritualité [chapelle de lInvention-de-la-Sainte-Croix, femme, 48 ans].
Non jaime ça, on est bien. Je sens la pêche. Ça va mavoir fait du bien de venir ici aujourdhui.
Oui ?
Oui oui.
Vous trouvez que cest apaisant ?
Ouais ça me ça ma recentrée sur moi-même là, mais euh les églises cest fait pour ça. Cest fait pour se recueillir. Cest fait pour euh lâcher sa peine pour euh [ ]. Moi jaime ça aller dans les églises quand il ny a pas de monde, pas de messe ! Je naime pas la messe ! Mais jaime ça me recueillir [église Saint-Eusèbe, femme, 56 ans]. Cest un endroit où je trouve quil est vraiment euh calme pour se reposer aussi et puis on nentend pas cest vrai on nentend pas là On est juste euh à côté de rues, on est juste à côté des travaux ici, puis cest bien isolé. Donc, on nentend pas les travaux, par exemple, tout à lheure je suis passée il y avait beaucoup de travaux par là, il y a beaucoup de voitures, donc on nentend pas au contraire. Non cest ils sont bien isolés, au contraire, euh cest magn comment dire ? Cest hum cest très ça aide en fait euh les gens pour se reposer tout ça. Quelquun qui décide de se reposer, se concentrer et pour la pratique religieuse, ça aide aussi pour se concentrer [église Saint-Eusèbe, femme, dans la quarantaine].
On peut noter par ailleurs que la présence dautrui, malgré la difficulté de se rendre invisible en raison de lamplification du moindre son, ne semble pas déranger la possibilité de recueillement. Paradoxalement, cette mise en exergue des sons, par ses particularités, par exemple leffet de distanciation des sons davec leur source, ne soppose pas à lidée de silence. Elle vient plutôt renforcer la possibilité de sisoler intérieurement, de se centrer sur soi. On pourrait formuler lhypothèse que dans les situations de rassemblement, chacun peut sisoler dans son recueillement individuel et laddition de personnes rassemblées avec un objectif commun créerait une synergie en mesure dappuyer la concentration de chacun, par ce sentiment de communauté produit par lenveloppement dans une même masse sonore (Augoyard et Torgue 2005 [1995]).
Le silence na donc rien ici dun absolu dun point de vue auditif, mais renvoie à la mise en place de conditions favorables à une disposition (et une disponibilité) pour la vie intérieure. Les représentations qui précèdent le séjour dans le lieu ne confèrent pas au silence une dimension sacrale en soi, mais lexpérience particulière qui en découle sinscrit dans un registre hors normes (de lailleurs), qui par ses textures sonores qui mettent en jeu la corporéité, aurait des effets bénéfiques.
Léglise comme lieu de rassemblement, du vivre-ensembleLéglise étant en premier lieu un espace de rassemblement, si plusieurs apprécient le silence, la possibilité de recueillement quoffre léglise vide, pour dautres, cette situation (qui prévalait au moment des parcours) nest pas naturelle . Pour les quelques paroissiens qui se sont prêtés à lexercice, la qualité sonore de la transmission du message savère la chose la plus cruciale. Ils accordent ainsi une grande importance au système de sonorisation qui va permettre de bonnes conditions découte lors des célébrations (une bonne intelligibilité de la voix donc), tout en atténuant les effets indésirables (échos, feedback). De même, les moments de chants partagés sont ceux où véritablement le lieu prend son sens, lorsque quelque chose passe entre les gens dans lassistance. Pour une paroissienne, cest dans ces moments-là quil y a de latmosphère dans léglise.
Pour un autre participant, léglise vide est un peu ennuyeuse. Il dit aimer léglise pleine ( quand ça bouge ). Il apprécie particulièrement assister aux funérailles de personnes célèbres, qui sont des occasions dentendre de la musique (autant populaire que sacrée) à léglise. Cependant, cet intérêt se résume à ce contexte particulier, car il naffectionne pas pour autant les concerts (ni la messe) dans les églises. Le rituel laïcisé devient alors spectacle.
Parmi les souvenirs et pratiques associés à léglise, la musique tient une place significative et se révèle un élément important de la culture artistique des participants, particulièrement ceux nés avant 1960. La mémoire de tous les rassemblements qui y ont pris place et de ceux et celles qui y ont reçu des sacrements apparaît encore planer sur les lieux, et se présente aussi comme une valeur dhistoricité attribuable à certaines églises.
ConclusionCette exploration des particularités sonores des églises permet denvisager de quelle manière elles se lient étroitement à lidentité des lieux autant quà celle des personnes. Les sonorités des espaces revêtent un caractère performatif qui confère aux lieux la capacité daffecter le ressenti tant au plan affectif, mémoriel, que spirituel. En particulier, les témoignages colligés à travers les parcours mettent en lumière comment lenvironnement sonore grâce à des effets singuliers, des résonances plus grandes que soi , ainsi que par lisolation auditive créée participe à la constitution de léglise comme espace daltérité et contribue à façonner sa dimension hétérotopique, soit celle dun lieu en dehors du temps (une hétérochronie), en rupture avec lexpérience du quotidien. La fonction de recueillement (littéralement le rassemblement de soi ) que cela contribue à mettre en place est très présente dans lexpérience vécue des espaces. Limpact des effets sonores peut être renforcé par des apprentissages culturels, des modes demploi préexistants, mais au-delà dune quelconque déférence face au religieux, ou au contraire du ressentiment face au clergé et des représentations négatives associées au rituel de la messe, ils participent à la persistance dune sacralité des lieux qui serait indépendante du religieux. Ces performances de lespace ecclésial lui confèrent une actualité dans le contexte contemporain, alors quil est apprécié comme un des rares lieux, en particulier en milieu urbain, qui offre ce potentiel de retrait face au vacarme du monde extérieur.
Les particularités acoustiques de léglise, bien connues par ailleurs, se confirment dans le contexte de lenquête empirique. Sil ne sagit pas ici de vérifier des évidences, ce travail veut contribuer à mieux comprendre les relations entre les dispositifs physiques et lexpérience (phénoménale) quils suscitent ainsi que les significations quils revêtent aujourdhui. Les fonctions spécifiques attribuables au son apportent alors une dimension supplémentaire à la réflexion sur le devenir des bâtiments. Une plus grande attention à lunivers sensible et à la réception des espaces permet ainsi de réfléchir à ces dimensions fragiles car elles ne sappuient apparemment sur aucune base stable mais pourtant cruciales, qui orientent la relation avec un lieu et lappréciation quon en a. Lapproche anthropologique complète alors lévaluation fondée traditionnellement par lhistoire de lart.
La méthode des parcours commentés permet de mettre des mots sur des qualités de lespace (sonore entre autres) quon est mieux en mesure de localiser. Elle permet aussi de relever comment différents facteurs de lordre de lintersensorialité se combinent entre eux pour créer certains effets singuliers. Si toute expérience nest pas entièrement dicible et en particulier celle despaces imaginés pour faire la rencontre de lineffable, elle repose sur des manifestations concrètes qui sont observables. Ce type dapproche pourrait faciliter lidentification de composantes à préserver et à mettre en valeur pour optimiser les qualités (ou réduire les défauts) des environnements sonores, tant dans les interventions matérielles quen ce qui concerne les usages futurs à privilégier. Les apports de deux groupes-témoins apparaissent ici complémentaires dans la mesure où ils inscrivent une série de rapports différents avec les lieux, les uns plus orientés vers lobjet (le regard informé des experts ), les autres sur le sujet (le monde de lhabitant), bien quil ny ait pas de frontière étanche entre les deux groupes quant au mode dappréciation des espaces.
Aussi, la relation étroite entre la dimension sonore et la présence du corps dans lespace, de même que limportance du sonore dans la constitution dun fond culturel commun, comme la riche culture sonore religieuse, sont à considérer dans la prise en compte de léglise en tant que patrimoine. En conjugaison avec les autres valeurs généralement admises (ancienneté, histoire, valeur dart, valeur paysagère, etc.), on touche ici aux conditions qui rendent ces lieux, souvent monumentaux , habitables au regard du présent. Elles demanderaient à être explorées plus en profondeur au sein dun processus dactualisation, de réinterprétation de ce qui fonde lexistence même de ces bâtiments, machines sonores en résonance avec le corps humain.
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NOTES
[1] Ce texte sappuie sur lenquête réalisée dans le cadre de ma recherche doctorale en études urbaines présentement en cours : Caractériser lambiance de léglise, une approche de requalification urbaine articulée par le sens des lieux . Un merci particulier à tous les participants et participantes à létude qui ont accepté de se prêter à laventure et, avec leurs mots, lui donner sens.
[2] Les évaluations patrimoniales sappuyant sur un certain nombre de valeurs (historique, artistique, etc.) qui statuent sur limportance dun bâtiment. Voir à ce propos le cadre proposé par Noppen et Morisset (2005). À ma connaissance, la question du sensible est peu prise en compte formellement dans ce processus.
[3] On se référera ici à la contribution de Francesca Sbardella de ce dossier qui explicite bien un cas exemplaire de mise en forme des conditions de cette rencontre.
[4] Le concept deffet sonore a été développé par Augoyard et Torgue pour aborder les phénomènes acoustiques du point de vue de la recherche urbaine, non pas seulement en termes de physique du son, mais aussi du point de vue du perçu et de linterprétation. Ils ont développé un répertoire des effets sonores qui aborde chacun des effets tant sur le plan de ses caractéristiques physiques ou musicales et des espaces de propagation (architecture et urbanisme), que de sa réception (psycho-acoustique) et de ses significations culturelles et sociales.
[5] Plus précisément la mesure du temps de réverbération (reverberation time RT 60) calcule le temps que met lintensité sonore dun signal pour décroitre de 60 décibels.
[6] La résonance réfère aux vibrations des surfaces solides induites par les ondes sonores. Au plan de la perception, les phénomènes de résonance et de réverbération se confondent souvent.
[7] On réfère ici à lacception géographique du terme déterritorialisation, soit celle dun territoire désinvesti, désapproprié . Voir notamment Raffestin (1986).
[8] Anglicane et différentes confessions protestantes, ainsi que le judaïsme vers la fin du XIXe siècle.
[9] Au cours de ce que lon a appelé la Révolution tranquille, période de grandes transformations sociales durant les années 1960, de nombreuses institutions (système scolaire, réseau de santé, etc.) auparavant administrées par des communautés religieuses ont été transférées à la société laïque.
[10] Les immigrants ne proviennent pas exclusivement des pays ou régions mentionnés, mais ceux-ci ont formé des contingents importants à des périodes précises. Selon le recensement canadien de 2011, les dix communautés numériquement les plus importantes (selon le lieu de naissance) dans lagglomération de Montréal proviennent de : lItalie, Haïti, lAlgérie, le Maroc, la France, la Chine, le Liban, le Vietnam, les Philippines, la Roumanie (Ville de Montréal <http://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=6897,67885704&_dad=portal&_schema=PORTAL>, consulté le 7 octobre 2013).
[11] Certaines communautés vont préférer avec le temps avoir un lieu à soi plutôt quune église héritée dune autre communauté.
[12] Plus précisément tels que développés par lunité de recherche sur les ambiances qui regroupe le Centre de recherche sur lespace sonore et lenvironnement urbain (Cresson) de Grenoble et le Centre de recherche méthodologique darchitecture (Cerma) à Nantes. Lapproche des ambiances résulte de lélargissement aux autres sens dun intérêt initial pour lenvironnement sonore.
[13] Le projet est encore en progression et les entretiens les plus récents, réalisés à lautomne 2011 et lhiver 2012, nont pas encore tous été dépouillés et analysés.
[14] Par opposition à lavis dexperts.
[15] Le parcours commenté consiste, brièvement, à cheminer dans un lieu tout en faisant part au même moment des impressions quil suscite. Ces commentaires sont enregistrés au fur et à mesure du parcours. Il est suivi dun court entretien.
[16] Avec une quarantaine de personnes au total.
[17] Il resterait à vérifier les caractéristiques physiques du son (niveau, fréquence, etc.) qui expliqueraient ce phénomène.
[18] Il sagit de trois grandes catégories de dispositifs architecturaux qui induisent un ensemble deffets sonores précis. Larticulation réfère à la transformation, au recadrage sonore accompagnant un déplacement, qualifie une situation de transition. Les effets limites mettent en jeu des éléments de séparation (ex. le long dun mur), alors que linclusion réfère à lemboîtement dun espace sonore dans un autre (ici, par exemple, le confessionnal dans la nef) (Chelkoff 2003 : 20-34).
[19] De langlais tough. Linformatrice se demande ici si le plancher va résister à son poids.
[20] Même si tous les répondants ne sont pas catholiques ou chrétiens, tous avaient déjà visité une église.
[21] La phonomnèse (phonomnesis) est un effet sonore qui consiste à se remémorer de façon imaginaire des sons, une mélodie, une sorte découte intérieure, sans que lon entende ces sons effectivement (Augoyard et Torgue 2005 [1995] : 85).
[22] Hétérotopie : concept introduit par Michel Foucault (1984 [1967]) que plusieurs ont repris pour exprimer le caractère despace autre de léglise. Voir notamment Noppen et Morisset (2005) ou Gauthier (2006). La notion foucaldienne connexe dhétérochronie pourrait également sappliquer au changement de temporalité qui sexerce aussi à léglise.
[23] Il faut préciser encore une fois que toutes les églises visitées nont pas donné lieu à ce type dengagement. Certaines ont plutôt suscité des impressions globalement négatives. Je ne marrête pas ici sur ces cas, mais dans la mesure où les impressions décrites ici sont partagées par plusieurs informateurs et dans plusieurs églises, elles sont révélatrices de certaines situations-type. Je me propose détablir ailleurs une typologie des correspondances entre les éléments du cadre et lexpérience vécue.