En premier lieu, on s'efforcera d'éviter, dans toute la mesure du possible, le terme de “mozarabes”, qui a donné lieu à trop d'extrapolations hasardeuses, pour employer celui, plus neutre, de “chrétiens arabisés”, au surplus strictement conforme au sens étymologique de “mozarabes” (musta‘rib ou musta‘rab, soit arabisant ou arabisé1). Mais il sera, en définitive, impossible de l'éviter complètement, pour des raisons de commodité, plutôt que de lourdes périphrases.
On distingue trois étapes, ou trois moments, dans l'histoire de ces chrétiens arabisés de la Péninsule Ibérique. En premier lieu se manifeste leur existence comme une minorité dans l'Andalus des Omeyyades et des taïfas, puis vient leur présence, probablement ou peut-être, à la suite de leur émigration, sur les terres chrétiennes du Nord de la péninsule, et spécialement dans le royaume de León. Enfin ils se retrouvent sur les terres récemment “reconquises”, ou conquises, selon ce qu'on préferera dire, par les chrétiens du Nord péninsulaire, à partir de la fin du XIe siècle2. On laissera ici de côté les deux premières étapes, pour concentrer l'attention sur l'ultime période du phénomène de l'existence, à priori paradoxale, de populations chrétiennes arabisés, au moins du point de vue linguistique, dans la péninsule Ibérique médiévale.
Coïmbre, 1064; Tolède, 1095; Lisbonne, 1147. Ce sont trois moments où la conquête “chrétienne” ou “féodale”, venue du Nord péninsulaire, voire de terres plus lointaines de la géographie européenne, dans le cas de Lisbonne, trouve sur place dans les villes qu'elle vient de prendre à l'islam d'al-Andalus, des populations qui s'y étaient maintenues sous le statut de ḏimmī/s, certes sans qu'elles ne se soient converties à la religion prêchée par Mahomet, mais qui s'étaient plus ou moins acculturées, notamment au niveau linguistique, ce qui permet de parler à leur propos, sans intentions péjoratives ni apologétiques, de “chrétiens arabisés” ou de “mozarabes” au sens propre du terme.
Le fait de cette permanence chrétienne notamment dans ces trois centres urbains et leur environnement, sous la domination islamique, jusqu'à l'arrivée des conquérants venus du Nord, mérite que l'on s'y arrête ici, soit pour la maintenir, contre les affirmations qui prétendent parfois la nier3, soit pour y apporter des nuances importantes, contre les exagérations démesurées qui lui sont trop fréquemment apportées4. Tout d'abord contre la dénégation radicale, dans le cas de Lisbonne, il convient de repousser les affirmations selon lesquelles une présence chrétienne était impossible dans la ville islamique au moment de la conquête de 1147. Cette affirmation est démentie par les textes qui rapportent les incidents de cette conquête, sur lesquels on reviendra. Certains auteurs, allant plus loin, n'hésitent pas à affirmer que les chrétiens de la Lisbonne islamique vivaient principalement dans des quartiers spécifiques, les moçarabias, sans que l'on aperçoive clairement sur quoi ils se basent, sinon sur la toponymie, et la dédication des églises, postérieurement à la conquête chrétienne5. L'un d'entre eux ajoute, sans donner plus de référence, que, sous la domination islamique, la présence chrétienne dans la ville était certainement supérieure à celle des musulmans6, affirmation en contradiction ne serait-ce qu'avec le témoignage du voyageur norvégien, le prince Sigurd, lequel décrit Lisbonne, dans la première moitié du XIIe siècle, comme à moitié chrétienne et à moitié païenne, c'est à dire, de son point de vue, musulmane7.
La présence “mozárabe” dans la Tolède de 1085 est démentie par certains auteurs qui veulent voir dans les chrétiens arabisés attestés dans la ville postérieurement à cette date, des musulmans qui se seraient convertis au christianisme pour rester et ne pas émigrer devant la conquête chrétienne8. Mais cette thèse ne repose sur aucun fondement précis, et contredit le fait, parfaitement attesté, de la présence musulmane, en la personne des “mudéjars”, dans les royaumes chrétiens de la péninsule, y compris la Castille, jusqu'à l'extrême fin de la période médiévale. Les juristes (fuqahā’) musulmans de l'époque surent trouver, jusqu'aux conversions forcées des premières années du XVIe siècle, des accomodements à l'obligation d'émigrer des terres d'infidélité, fondée sur des versets du Coran, et donc en principe intangibles9.
Il convient certes d'apporter des nuances importantes à la vision traditionnelle selon laquelle la Tolède islamique antérieure à 1085 était en fait une ville “mozárabe”, dominée par ses éléments chrétiens. On a fait remarquer qu'aucun des textes sur lesquels certains auteurs ont voulu s'appuyer pour le faire, ne mentionne explicitement l'élément chrétien dans la ville, ainsi dans le cas de la bataille du Guadalacete en 240 H/854, moment où le souverain léonais, Ordoño I, envoya son frère, le comte du Bierzo10, Gatón, contre l'émir omeyyade Muḥammad I, à l'appui des “Tolédans”, mais non pas des “chrétiens de Tolède”, notera-t-on11. Mais il est impossible de nier totalement une telle présence, encore qu'elle fût certainement minoritaire12. La proportion des six paroisses mozarabes face aux ving-trois paroisses latines dans la Tolède postérieure à sa reconquête, où certains des meilleurs historiens ont voulu voir le reflet de la composition de la population urbaine après 108513, paraîtra être bien plutôt l'image de la minorité mozarabe de la ville durant la période islamique de son histoire, ainsi qu'il sera expliqué plus loin. L'argument avancé en sens contraire, selon lequel les édifices des églises paroissiales “mozarabes” de Tolède ne présenteraient pas de structures antérieures au XIIe siècle14, ne semble pas décisif. Comment pourrait-on imaginer que l'on ait édifié à cette date des églises dans la ville, sur des emplacements qui n'aient pas été antérieurement des lieux de culte, soit musulman, soit chrétien? Comment irait-on penser que l'on ait accordé aux “mozarabes” tolédans, ou seulement, semble-t-il, à certains d'entre eux, la pratique du rite wisigothique, supprimé partout ailleurs, autrement que pour le motif, allégué par la tradition, bien que non attesté par les documents, de la permanence du culte, selon ce rite, dans ces églises, durant la période de la domination islamique dans la ville? et cela même si ce motif n'est en réalité qu'un prétexte invoqué pour justifier l'exception faite à la règle partout observée ailleurs du passage du rite wisigothique au rite latin15.
En tout état de cause, le texte du fuero de 1101 accordé par Alphons VI aux mozarabes de Tolède affirme clairement que le souverain a trouvé certains d'entre eux dans la ville, en les distinguant de ceux qu'il y a fait venir, selon les propres paroles du souverain, des terres étrangères, c'est à dire de l'Andalousie, au sens géographique actuel, encore islamique, et à ce moment là (1101) au pouvoir des Almoravides16.
Pour ce qui concerne Coïmbre, tous les auteurs s'accordent pour voir dans la ville du Mondego un foyer de mozarabisme. Il pourrait difficilement d'ailleurs en être autrement, étant donné l'alternance des dominations chrétienne et islamique dans la région avant 1064: conquise pour le royaume de León en 878, la cité retourna, avec ses environs, au pouvoir des musulmans en 987, à l'époque d'Almanzor (le ḥāǧib al-Manṣūr), dans ce qui constitue la seule véritable entreprise durable de reconquête islamique jamais entreprise dans la péninsule17. Pendant cette seconde période de domination musulmane18 qui s'étend jusqu'en 1064, les documents de la cathédrale de Coïmbre sont là pour attester de la permanence de la vie chrétienne dans la région19, de même que ceux du monastère de Lorvão20. Selon la Historia Silense, que l'on veut maintenant appeler Legionensis, dans le récit de la prise de Coïmbre par le roi Ferdinand Ier, il se trouvait des clercs, évidemment chrétiens, dans la ville, même si celle-ci fut finalement livrée par les “Barbares”, que l'on comprendra comme les musulmans, contre la vie sauve pour eux et leurs enfants, et la possibilité d'émigrer21.
Quelle fut donc la politique des pouvoir chrétiens nordiques lors de leur conquêtes de ces trois villes, à l'égard de leurs populations totalement ou partiellement arabisées, c'est à dire mozarabes?
En ce qui concerne Coïmbre, l'époque est marquée par le gouvernement de la ville et de sa région, confié au fameux consul ou alvazil Sisnando Davídez (ou Sesnando Davides). On ne s'attardera pas ici sur les titres qui lui sont attribués, probablement simples habillages, latins ou arabes, d'une réalité d'un pouvoir délégué difficile à définir. Plus sérieux sont les doutes qui ont été exprimés concernant la biographie du personnage22. Néanmoins, s'il est vraisemblable que la plupart des documents qui relatent sa carrière soient des faux fabriqués à Coïmbre, comme justification de certains droits, il n'est pas raisonnable de penser que les événements qui s'y trouvent rapportés aient pu être inventés à une époque qui n'était pas très éloignée d'eux, quelques dizaines d'années tout au plus. En outre, la coïncidence entre les documents suspects de Coïmbre et l'Historia Silense, d'une origine distincte, quoique évidemment apparentée23, ne peut manquer de retenir l'attention. Enfin le chroniqueur musulman Ibn ‘Iḏārī pourrait faire référence à lui à propos de la prise de Coïmbre par Ferdinand Ier, tout en apportant des précisions ignorées des sources chrétiennes, principalement lorsqu'il affirme qu'un personnage nommé Rando, auparavant au service de l'Aftaside de Badajoz, trahit en livrant la ville de Coïmbre, dont il était le gouverneur. Mais l'information qui est ensuite apportée sur la mort tragique de ce Rando, qui eut la gorge tranchée, après être revenu auprès de son maître, l'Aftaside, interdit une telle identification avec Sisnando, dont on connaît pertinemment la date du décès donnée par les sources chrétiennes24. Plus sérieuse apparaît l'hypothèse formulée dès le XIXe siècle par l'illustre Reinhardt Dozy, selon laquelle Sisnando aurait été l'un des 300 captifs pris par l'Abbadide de Séville dans une expédition contre le Nord, au château des Deux Frères (al-aḫwayn, aujourd'hui Lafões)25. La date de cette expédition, nécessairement antérieure à 1033, n'est pas en contradiction de manière obligatoire avec celle du décès signalé en 1091, au moment duquel le personnage n'aurait été guère plus que sexa- ou septuagénaire, avec une durée de vie certes longue, mais pas impossible, même à cette époque. Nous ignorons d'autre part l'origine d'autres renseignements contradictoires avec les précédents, et qui affirment que Sisnando aurait été “appelé” depuis la cour des Abbadides de Séville, pour administrer Coïmbre (déjà reconquise) après le mauvais gouvernement d'un comte “franc” non identifié26.
Le mozarabisme à Coïmbre, dans les dernières années du XIe siècle et au début du XIIe, s'exprime dans l'anthroponymie des personnages qui apparaissent dans les documents, ou les confirment, qu'il s'agisse de clercs ou de laïcs, avec parfois le double nom, caractéristique des chrétiens arabisés. Même si les noms à consonance partiellement arabe restent minoritaires, toutes les combinaisons d'éléments romans et arabes sont possibles: on trouve ainsi en 1083, Zoleima Aflah et son gendre Martinho Iben Atomat, (ou Martino Imnotomat) (LP 456)27; en 1086, “Petro, presbitero, qui et Zalama” et “Zuleimen presbiter” (LP, doc. 16), la même année, “Marvam Menendiz” (c'est-à-dire un Marwān) et “Martinus Iben Atomad” (LP 20), “Muferrichi Iben Azaki” (c'est-à-dire un Mufarriǧ), le même “Marvam Menendiz” et “Martinus Iben Gundesindiz” (LP 21); en 1080, “Zoleiman Afflah” et les déjà vus “Martinus Aben Atomad” et “Marvan Melendiz”, ainsi que “Tructesindo Abgomariz” et “Zuleiman Gudiniz” (LP 28); en 1094, Soleima Alcarraque (LP 280); en 1116, “Randulfus Zoleimaniz”; en 1123, “Ramirus Marvaniz” et “Salvator Zoleimaniz” (LP 31); en 1094, “Pelagius Abunazar”, “Zoleiman Lovegildiz presbiter”, “Petrus qui et Zalama”, “Marvan Menenendiz” (LP 32); en 1117, “Randulfus Zoleimaniz” (LP 36); en 1128, “Zoleiman Alcarmed” (LP 37); en 1096, “Mauram Menendi” ou “Marvan”, “Ramirus Mauraniz” ou “Marvanis” (LP 45).
Les éléments arabisés de la population chrétienne locale de Coïmbre sont renforcés, dans les années qui suivent 1064 par des apports provenant des territoires qui restent alors sous contrôle islamique. En 1080, Sisnando confirme à l'abbé Petrus, venu du pays de l'Islam (de terra paganorum) et ayant choisi la terre des chrétiens, la donation des terres et de maisons à planter et édifier28. Le Livro Preto mentionnerait, outre cet abbé, l'arrivée de trois évêques et d'un sous-diacre originaires des terres islamiques d'al-Andalus29.
Y compris après le décès de Sisnando Davídez, survenu en 1091, et qui selon les interprétations courantes, marquerait la fin de la prépondérance “mozárabe” à Coïmbre, c'est apparemment encore un chrétien arabisé, si l'on en croit son nom de Randulfo Zoleimaz (peut-être identifiable au Randulfus Zoleimaniz précédemment mentionné)30, qui détient la charge d'alcaide de Coïmbre entre 1121 et 112531. En dépit donc de l'arrivée de clercs originaires du nord des Pyrénées, et notamment d'un nouvel évêque, Maurice Burdin, 32, succédant au “mozárabe” Paternus33, puis à Cresconius, sous l'épiscopat de qui le rite romain fut introduit au sud du Douro34, on ne peut donc pas dire que les chrétiens arabisés se soient trouvés complètement évincés du pouvoir municipal à Coïmbre à hauteur de la deuxième décennie du XIIe siècle.
Sans doute conviendrait-il de pouvoir distinguer entre la pratique du rite wisigothique, souvent qualifié de “mozárabe”, et l'arabisation culturelle, qui n'est guère perceptible principalement à nos yeux qu'à travers l'anthroponymie, alors que la toponymie et le vocabulaire des sources ne fournissent que des indications le plus souvent éminement discutables.
L'époque du prince, puis premier roi de Portugal, Afonso Henriques, ne paraît pas aussi favorable aux chrétiens arabisés de Coïmbre, cela en dépit de l'arrivée de nouveaux contingents d'entre eux dans la ville du Mondego, ou ses alentours. On fait par là référence à ceux qu'Afonso Henriques ramena d'une expédition effectuée par lui, à une date d'une identification peu claire, dans le Sud du Ġarb al-Andalus, et qui le conduisit peut-être jusqu'à proximité de Séville. On sait que le prince entendait maintenir ces gens dans la servitude, et qu'il fallut l'intervention d'un saint personnage, nommé Theotonio, premier prieur du monastère de Santa Cruz de Coïmbre, pour lui rappeler qu'il s'agissait de ses frères en christianisme, et obtenir qu'il les libérât et les établît sur les terres du monastère35. Encore remarquera-t-on que ces captifs libérés furent installés sur des biens de propriété ecclésiastique et non pas sur des domaines que leur auraient été concédés en propre.
Pour revenir à Tolède, il ne fait guère de doute que l'urbs regia, au moment où Alphonse VI y entra, devait comporter une fraction relativement importante de chrétiens arabisés (“mozarabes”) dans sa population, même si l'affirmation de l'aide apportée par eux à la prétendue reconquête de la ville ne repose en réalité que sur peu de choses36. De fait, le seul véritable argument qui vienne à l'appui de la présence mozarabe dans la ville en 1085 réside dans le fuero de 1101 donné par Alphonse VI à tous les mozarabes de Tolède qu'il a toujours aimés, dit-il, dans cette ville, ou amenés de terres étrangères pour peupler, avec la distinction avec ceux ramenés par lui d'Andalousie. On aperçoit avec ce texte la différence du cas tolédan avec ceux de Lisbonne et de Coïmbre.
Dans les trois cas le (re)conquérant chrétien trouve une communauté chrétienne arabisée établie dans la ville objet de la conquête. Mais, pas plus à Lisbonne qu'à Coïmbre il n'y a l'équivalent du fuero des mozarabes de Tolède, une charte de privilège leur garantissant certains droits. Tout au contraire, Afonso Henriques concède une telle charte, appelée en porgugais un foral, aux musulmans libres (mouros forros) de Lisbonne, comme à ceux d'Almada, Palmela et Alcácer [do Sal]37.
Au moment de la conquête de Lisbonne par la coalition des chrétiens du nord avec les croisés anglais, flamands, et allemands, il se peut que l'évêque de Lisbonne ait joué un rôle de négociateur entre les musulmans de la cité assiégée et les assaillants, s'agissant du moment où l'archevêque de Braga et l'évêque de Porto vinrent parlementer avec les assiégés et leurs représentants, dont l'évêque, restés sur la muraille (ipso civitatis alcaie super murum cum episcopo et primiceriis ciuitatis stantibus)38. On a exprimé ailleurs des doutes concernant l'alcaie du texte, s'agissant de savoir s'il agissait du chef militaire (arabe qā’id, esp. alcaide), comme il est généralement compris, ou du juge musulman (arabe qāḍī, esp. alcalde), les deux termes s'étant trouvés confondus en portugais, apparemment pour des raisons phonétiques. On pensera donc que c'était le cadi musulman et l'évêque chrétien, représentant les deux communautés de la cité assiégée, qui se tenaient côte à côte sur la muraille pour parlementer avec les assaillants39. On rejettera ainsi d'autant plus fermement l'idée de deux historiens français aujourd'hui disparus40, reprenant celle d'auteurs portugais41, en contradiction avec celle du grand Alexandre Herculano42, selon lesquels l'episcopus du texte d'Osbern (ou d'un R. mal identifié)43 était le qāḍī musulman de la ville. Mais le fait certain est que cet évêque mozarabe de Lisbonne a péri égorgé, quand les assaillants pénétrèrent à l'intérieur de la ville44.
Un autre élément vient corroborer la présence de chrétiens, que l'on appelera “mozarabes” par commodité, dans la ville assiégée et finalement capturée, et attester qu'ils ne se trouvaient nullement du côté des assiégeants, fussent-ils pour partie originaires du nord du pays que nous appelons maintenant “Portugal”, et qu'ils ne pouvaient pas non plus considérer la prise de la ville comme une “libération”. Il s'agit du moment où, une fois la ville conquise, une épidémie se répandit parmi les mauri, de la ville ou de ses environs, qui se trainaient sur le sol en embrassant la croix et en invoquant le nom de “Marie, mère de Dieu”. Il serait déjà étonnant de voir des musulmans, puisque tel est le sens normal de mouros en portugais, moros en castillan, s'accrocher à la croix, et il nous paraît totalement impossible de les voir invoquer Marie, mère de Dieu. Si l'islam reconnaît le personnage de Maryam, mère de ‘Īsā (Jésus), avec une sourate du Coran au nom de cette femme, son fils n'est considéré par les croyants de l'islam que comme un des prophètes antérieurs à Muḥammad, le «Sceau des prophètes», et il serait contraire au principe le plus fondamental de l'islam que Dieu (Allāh) pût avoir une mère. On se trouve donc obligé d'admettre que les mauri de la supposée Lettre du Croisé anglais sont en réalité des chrétiens arabisés, confondus, volontairement ou non, par le rédacteur du texte avec des musulmans.
Une telle confusion ne serait évidemment pas un cas unique. On pourrait en citer de multiples exemples durant tout le Moyen Âge ibérique. Ainsi, lorsque le grand chroniqueur castillan Pero López de Ayala explique qu'après la reconquête de Tolède, les moros constituaient le concejo et tenaient la ville, il ne peut avoir en vue que les mozarabes de la cité du Tage45. De même, selon le récit de l'archevêque Rodrigo Jiménez de Rada46, lorsqu'après la saisie de la grande-mosquée de Tolède par la reine Constance et l'archevêque Bernard de Sédirac, et sa consécration en cathédrale, les “Arabes” de la ville accourent au devant d'Alphonse VI et le supplient de ne pas sévir contre les coupables, de peur d'être tenus pour responsables de ce châtiment, en supposant que cet épisode contienne une part de vérité, en fait d’Arabes, il ne pouvait s'agir que des mozarabes de la ville47, que nous y savons bien présents, comme on l'a dit plus haut, alors que tout indique que les musulmans en étaient déjà partis, en grand nombre dès avant, ou immédiatement, après l'entrée du souverain de León et Castille avec ses troupes48. Les musulmans ne se retrouveront en nombre appréciable, encore que toujours très minoritaires, à Tolède qu'à partir des années trente du XIIIe siècle, avec les progrès de la conquête chrétienne en Andalousie, entrainant vers le Nord péninsulaire, y compris la vallée du Tage, son lot de captifs, éventuellement ensuite rachetés, sans qu'ils aient toujours la possibilité, ou même la volonté, de retourner vers la demeure de l'Islam (la dār al-Islām).
Les chrétiens arabisés étant présents à Tolède en 1085, d'autres arrivent, en provenance d'Andalousie, et notamment de la zone de Guadix, encore au temps d'Alphonse VI, en tout cas avant 1101, date du fuero qui les mentionne. Il en vient encore, sans doute en plus grand nombre, au milieu du XIIe siècle, fuyant l'arrivée dans la péninsule des Almohades persécuteurs49. Il est possible de penser qu'à ces derniers arrivés il n'ait pas été laissé, comme aux précédents, en tout cas ceux présents en 1085, la possibilité de garder la pratique du rite wisigothique dans des paroisses propres, ce qui expliquerait divers points, autrement énigmatiques.
Il y a d'une part la mention, au milieu du XIIe siècle, d'un conflit entre des gens appelés mozarabes et l'autorité archiépiscopale sur la question des rites et des vêtements ecclésiastiques50, ce qui n'aurait eu aucun sens concernant les mozarabes de 1085, à qui on aurait laissé la pratique de leur ancienne liturgie dans des paroisses propres.
Le second élément qui attire l'attention, et que l'on peut expliquer ainsi, réside dans la disproportion entre le nombre des paroisses mozarabes (5 ou 6) et celui des paroisses latines (21) à l'intérieur de Tolède. Cette disproportion semblerait indiquer, comme le pensait le regretté Julio González, que les “mozarabes” ne constituaient qu'une minorité dans la ville des XIIe et XIIIe siècles51. Mais une telle appréciation entre en contradiction avec d'autres indicateurs, qu'il est difficile de mettre en doute, notamment la prépondérance de la langue arabe, et son emploi exclusif dans la documentation urbaine jusqu'à l'extrême fin du XIIIe siècle52, mais également le fait que le droit wisigothique, le fuero juzgo, constituait le droit général de la ville dont ne s'exemptaient que ceux qui se réclamaient d'une origine castillane53. Enfin il n'est pas possible de négliger la prépondérance dans la vie sociale de la ville, et dans l'église elle-même, avec les archevêques du XIIIe siècle54 et de la première moitié du XIVe, des lignages d'origine mozarabe, et la préséance, donnée jusqu'au XIVe siècle, à l'alcalde des mozarabes, jugeant au criminel et au civil, sur l'alcalde des castillans, jugeant seulement au civil. Tous ces éléments ont été développés dans l'ouvrage, basé sur une thèse de doctorat d'État, et mal intitulé Campagnes et Monts de Tolède.
Les mozarabes arrivés à Tolède au milieu du XIIe siècle, exactement autour de 1147, ont reçu du souverain castillan, en toute propriété, des terres, et des localités entières, dans les environs de la ville. On peut citer ainsi la donation effectuée par Alphonse VII, à une date indéterminée, à la paroisse urbaine de Santo Tomé de quatre villae, dont celles d'Orgaz et de Manzaneque55, et en 1150 celle de l'ultérieur despoblado de Yegros à la paroisse de San Vicente, avec une liste de ses habitants où figurent d'indubitables mozarabes56. Car parmi les bénéficiaires énumérés, on relève des noms qui appartiennent sans contestation possible à des chrétiens arabisés (Almalde, Sebastian Abulheit, Iben Muskek, Dominico Iben Ezed, Iustus Heir, Iben Gabdirazac, Tome Abiahia…). Étant donné le phénomène du double nom des mozarabes, il est tout à fait possible, et même probable, qu'il faille ajouter au nombre des chrétiens arabisés ceux pour lesquels aucun élément d'onomastique arabe n'apparaît dans ce document. Il est vraisemblable que les bénéficiaires étaient de nouveaux arrivés dans la ville, car autrement on comprendrait mal qu'il ait fallu attendre trois quarts de siècle pour les pourvoir de terres. Le fait que ni la paroisse de Santo Tomé, ni celle de San Vicente, n'étaient des paroisses mozarabes, confirme l'idée que l'on avait fait entrer dans les paroisses de rite latin des chrétiens arabisés tout juste arrivés d'Andalousie, en plus de la pleine liberté qui leur était reconnue. Tout au contraire, comme on l'a vu, lorsqu'Afonso Henriques ramena à Coïmbre des captifs chrétiens d'une expédition qu'il avait effectuée dans le Sud encore islamique de la péninsule ibérique, s'il accepta de les libérer sur l'intervention du saint Teotonio, il les établit sur les terres du monastère de Santa Cruz.
On ne trouve pas plus à Lisbonne qu'à Coïmbre de paroisses qui demeurent affectées à la pratique du rite wisigothique, dit “mozarabe”, comme c'est le cas à Tolède jusqu'à la fin du XVe siècle au moins, et le moment où le Cardinal Cisneros fit transférer la célébration du rite dans une chapelle de la Cathédrale57, dans un geste que l'on peut considérer comme l'acte de décès du mozarabisme authentique58. Tout au plus mentionne-t-on qu'à Coïmbre, “la communauté mozarabe” garda une connection avec l'église paroissiale de São Salvador, mais cela seulement jusqu'au deuxième tiers du XIIe siècle59.
Il est possible de relever à Lisbonne, depuis les lendemains de la conquête jusqu'à l'époque de D. Dinis, aux premières années du XIVe siècle, un certain nombre de noms qui peuvent, ou paraissent, avoir une étymologie arabe, et sembleraient faire entrer les hommes qui en sont porteurs dans la catégorie des “mozarabes”60. Il est vrai que l'origine arabe de tels noms est parfois peu claire, voir douteuse, étant donné les transformations induites par le passage dans la langue romane proto-portugaise. On peut certes admettre qu'un nom tel que Pedro Mouraniz (1210) soit un habillage roman pour un Ibn Marwān, ou un Motase, dont le fils apparaît à la même date, ait été un Mu‘tasim. On voit mal, par contre, à quelle forme arabe pouvait correspondre les “Gabaire” ou “Gabarre”. Le raisonnement selon lequel, pas plus qu'une onomastique arabe, même latinisée, ne signifie la pratique de l'islam, une telle onomastique n'implique pas le “mozarabisme”, ne paraît pas juste, si du moins on admet la définition étymologique de “mozarabe” comme arabisé, et non une supposée définition religieuse. Une telle définition religieuse ne saurait se situer que dans la pratique du rite wisigothique, improprement appelé “mozarabe”. Or, à Lisbnne comme à Coïmbre, et ailleurs dans la péninsule, à l'exception de Tolède, le rite wisigothico-mozarabe a été supprimé61. A Coïmbre, on considère comme définitivement imposés, à la date de 1116 les usages liturgiques et l'organisation ecclésiastique en provenance de Rome62. Donc, si l'on s'en tenait à la supposée définition religieuse du mozarabisme, il n'y aurait plus de mozarabes, à Lisbonne ni à Coïmbre, passé le milieu du XIIe siècle. Ainsi, pour que l'on puisse trouver des mozarabes dans les deux capitales portugaises après ce tournant du siècle, il faut nécessairement admettre une autre définition du mozarabisme que celle qui se situe dans la pratique d'un rite chrétien distinct de celui de Rome, qui ne peut être que culturel (et non cultuel), celui d'une influence de la langue arabe, où l'on revient à la définition étymologique et originelle du terme63.
De même que les chrétiens arabisés arrivés à Tolède au milieu du XIIe siècle et intégrés, de plus ou moins bon gré, dans les paroisses latines, n'en demeuraient pas moins des “mozarabes” au sens propre, comme en témoignent les noms qu'ils portaient dans les documents latins d'origine royale de l'époque, nous devons admettre que les habitants de Lisbonne, ou de Coïmbre, porteurs de noms d'origine ou d'influence arabe, étaient plus ou moins des arabisés, certes en voie de désarabisation plus ou moins avancée.
Car la différence entre Lisbonne et Coïmbre, d'une part, et Tolède, de l'autre, réside dans l'absence totale d'écrits de langue arabe, passé le moment de leur “reconquête” respective dans les deux villes portugaises64, face à la masse de documentation arabe écrite par et pour les chrétiens de la métropole du Tage, entre 1085 et les toutes dernières années du XIIIe siècle. Car si, comme on l'a montré, les quelques 1200 et plus documents arabes de Tolède produits entre 1085 et la fin du XIIIe siècle ne reflètent pour aucun d'entre eux une application supposée de la Loi islamique, mais bien celle de la loi des Wisigoths, le Fuero Juzgo, cela en dépit non seulement de la langue arabe, relativement correcte, et du formulaire juridique, conforme à la tradition malikite d'al-Andalus65.
L'emploi persistant de la langue arabe pendant plus de deux siècles reflète indubitablement à Tolède un degré d' “arabisation” inconnu dans d'autres secteurs de la péninsule après leur passage sous un pouvoir que l'on peut sans doute encore qualifier de “chrétien”, si d'autres chercheurs préférerons dire “féodal”, et notamment dans l'ancien Ġarb al-Andalus, désormais le Portugal, avec ses capitales de Coïmbre et de Lisbonne.
Comment explique cette différence entre les chrétiens “arabisés” de Tolède, persistant durant si longtemps dans leur “arabisation”, et ceux de Coïmbre et de Lisbonne, dont le “mozarabisme” n'est guère perceptible qu'à travers l'emploi d'une onomastique partiellement arabe, qui va en s'effaçant dans le seconde moitié du XIIe siècle?
On pensera que cette différence tient en premier lieu à un facteur d'ordre démographique. Comme on l'a dit, les mozarabes de Tolède ont vu leurs effectifs s'accroître, depuis le nombre relativement réduit de ceux présents en 1085, durant le règne d'Alphone VI, et surtout au milieu du XIIe siècle, avec une immigration massive, en provenance de tous les secteurs de l'Andalousie encore islamique, comme en témoignent les noms d'origine (nisba/s) de beaucoup d'entre eux dans les documents arabes tolédans. Si, du point de vue religieux, la plupart, sinon l'ensemble de ces derniers venus, ont dû être soumis au rite romain, dans les paroisses latines, ils bénéficiaient du moins de la pleine liberté avec la concession de terres en toute propriété, pour ne rien dire du fuero de 1101, qui a dû leur être appliqué, selon la phrase du souverain qui mentionnent ceux amenés de terres étrangères. La prépondérance des “mozarabes” dans la cité castillane du Tage reste visible jusqu'au XIVe siècle.
Rien de tout cela ne s'applique à Coïmbre et Lisbonne. Certes Afonso Henriques a ramené à Coïmbre des captifs d'une expédition effectuée dans le Sud de la péninsule, mais avec l'intention de les maintenir dans leur statut de captivité, et s'il les a libérés, c'était pour les établir sur des terres qui ne leur ont pas été données, mais qui appartenaient au monastère de Santa Cruz de Coïmbre. Pas plus à Lisbonne qu'à Coïmbre n'a existé l'équivalent du fuero des mozarabes de 1101 à Tolède. Ce furent au contraire les musulmans, les mouros, qui bénéficièrent, à Lisbonne, comme dans trois autres localités, d'un foral particulier.
Alphonse VI et ses petit-fils, l'Empereur Alphonse VII pour le royaume de León-Castille, Afonso Henriques pour le naissant royaume portugais, ont eu à faire face à deux vigoureuses contre-offensives musulmanes menaçant leurs capitales récemment conquises, celle des Almoravides contre Tolède dans les dernières années du XIe siècle et les toute premières du siècle suivant, celle des Almohades à partir du milieu du XIIe siècle, menaçant aussi bien Tolède que Lisbonne et Coïmbre. On peut penser que les souverains ainsi menacés dans leurs récentes acquisitions ont recherché pour leur défense l'appui de populations nouvellement soumises, et plus ou moins bien intégrées à leur domination. Ces populations, que l'on peut qualifier de “minorités” étaient de deux sortes: les chrétiens antérieurement soumis au pouvoir musulman, et “arabisés”, c'est à dire ceux que l'on désigne communément comme “mozarabes”, et les musulmans qui auraient préféré à la fuite vers ce qui demeurait de la "demeure de l'islam” (dār al-islām) dans la péninsule, la permanence sous un pouvoir chrétien, que l'on qualifie de mudéjars.
Aussi bien le fuero des mozarabes de Tolède en 1101, que le foral des mouros de Lisbonne et autres lieux en 1170, répondent au besoin de rechercher l'appui des populations concernées face à la menace représentée par les contre-offensives islamiques à caractères plus ou moins sectaires, plus encore pour les Almohades que pour les Almoravides. Il semble qu'à Tolède, comme on l'a dit, ne soit pas, ou presque pas, resté, de musulmans dans la ville, après l'entrée dans celle-ci, du souverain chrétien, et qu'ainsi les seuls “minoritaires” (en dehors des juifs) dont il était possible de rechercher l'appui étaient les “mozarabes” demeurés sur place, ou bien récemmment arrivés d'autres parties de la péninsule. On comprend ainsi, et le fuero de 1101, et la permanence de la célébration du rite wisigothique dans les paroisses mozarabes, et l'accueil et l'installation des mozarabes méridionaux au milieu du XIIe siècle. Il semble que le besoin ne se soit pas fait sentir d'un tel statut privilégié pour d'éventuels musulmans demeurés à Tolède après 1085: sans doute étaient-ils trop peu nombreux, et la politique religieuse strictement orthodoxe (sunnite-malikite) des Almoravides ne constituait pas un facteur qui pût inciter certains musulmans andalousiens à échapper à leur domination.
La situation était visiblement différente à Lisbonne. Peut-être plus de musulmans, soit de mouros authentiques, étaient-ils demeurés sur place après la conquête chrétienne, ce que nous ignorons. Mais l'on peut observer que la doctrine, et la politique, des sectateurs d'Abd al-Mu‘min, le premier calife almohade, étaient tout autant agressives envers les musulmans qui n'étaient pas partisans de la doctrine unitarienne, c'est-à-dire non muwaḥḥidūn, qu'à l'égard des chrétiens ḏimmī/s, ce qui aurait pu induire un certain nombre de musulmans qui n'adhéraient pas à la doctrine almohade, connaissant les événements qui s'étaient déroulés par exemple à Séville lors de l'entrée des troupes almohades dans cette ville, à préférer la permanence dans la Lisbonne chrétienne, à l'émigration vers les territoires contrôlés par les Almohades. Mais on restera beaucoup plus réservé quant à l'éventuelle émigration, parfois évoquée, de musulmans non-almohades vers les territoires chrétiens. Ainsi peut se comprendre la concession du foral des mouros de Lisbonne et autres lieux, Almada, Palmela et Alcácer en 1170. Mais pourquoi n'y a-t-il pas eu de foral des mozarabes de Lisbonne, ni de concession de la pratique du rite visigothique?
Il est possible de suggérer comme clé d'explication de cette attitude beaucoup plus restrictive à l'égard des mozarabes du premier souverain portugais, que ne l'avait été celle d'Alphonse VI, et par conséquent de la destinée différente du mozarabisme à Lisbonne et Coïmbre par rapport à celui qu'il connut à Tolède, la dépendance beaucoup plus grande d'Afonso Henriques à l'égard du Saint-Siège que ce n'avait été le cas pour Alphonse VI.
Certes ce dernier n'avait pas ménagé ses appuis aux Clunisiens et à la papauté romaine, comme en témoignent le choix fait de la liturgie romaine aux dépens de celle héritée des Wisigoths, déjà opéré avant 108566, puis après la “reconquête” de la ville royale, la désignation du moine clunisien Bernard de Sédirac, auparavant abbé de Sahagún, comme son premier archevêque. Il n'en demeure pas moins qu'il ne trouvait pas dans une situation où il aurait du se soumettre totalement à la politique romaine. En témoignerait la colère manifestée par le souverain contre le viol de la grande-mosquée effectué par la reine et l'archevêque, pour ne pas rappeler encore ici la survie dû rite wisigothique dans les paroisses "mozarabes" de Tolède67.
On peut penser qu'au contraire Afonso Henriques ne disposait pas d'une telle marge de manœuvre à l'égard de la politique du Saint-Siège, dans l'attente où il se trouvait de la reconnaissance par celui-ci de son titre royal. En un certain sens ainsi, l'extinction du mozarabisme, combien plus rapide à Coïmbre et Lisbonne qu'à Tolède, paraît-elle le prix payé pour l'indépendance portugaise.
Références bibliographiques
Sources
Sources imprimées
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