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Comunicações Geológicas
versão impressa ISSN 1647-581X
Comunicações Geológicas n.96 Amadora 2009
Contrôle paléogéographique de la sédimentation argileuse du Jurassique du bassin atlasique dEssaouira (haut atlas occidental, Maroc)
Brahim Ouajhain*; Lahcen Daoudi**; Fida Medina*** & Fernando Rocha****
* Laboratoire de Géoscience Marine, Département de Géologie, Faculté des Sciences, BP.20, ELjadida 24000 «brahim_ouajhain@yahoo.fr».
** Département de Géologie, Faculté des Sciences et Techniques, B.P 549, Guéliz-Marrakech. «daoudi.lahcen@gmail.com»
*** Département des Sciences de la Terre, Institut Scientifique, Université Mohamed V, Rabat.
**** Geosciences Department, Universidade de Aveiro Portugal.
Résumé
Les variations des proportions de minéraux argileux de la série sédimentaire du Jurassique du domaine d'Essaouira (Nord du Bassin du Haut Atlas occidental) permettent d'identifier trois zones minéralogiques. Les effets de la diagenèse sur les assemblages argileux étant négligeables, leur évolution dépend principalement de la conjugaison de facteurs paléogéographiques. Lactivité tectonique des bordures continentales suite à la subsidence du bassin sexprime tout au long de la série par un apport accrue de l'illite et parfois de la chlorite. Cette activité tectonique est entrecoupée par des phases de ralentissement de la subsidence qui permettent la mise en place, sous un climat chaud, de couvertures pédologiques responsables de lapport dans le bassin de kaolinite, d'interstratifiés puis de smectites. Les variations du niveau de la mer s'expriment au Callovien où la transgression généralisée permet de favoriser une sédimentation argileuse détritique aux dépend dune sédimentation chimique.
Mots-clés: Essaouira, Jurassique, Argiles, Diagenèse, Tectonique, Climat, Eustatisme.
Palaeogeographic control of the Jurassic clay sedimentation of the Essaouira atlasic basin (Western High Atlas, Morocco)
Abstract
Jurassic clay mineral assemblage variations of sediments outcropping in the Essaouira field (North of Western High Atlas Basin) permit to identify three mineralogical zones. As the effects of burial diagenesis seem weak, the vertical evolution of clays depends mainly from various combinations of palaeogeographic factors. The input of illite and sometimes of chlorite throughout the series results from tectonic movements of the continental edges in relation with the subsidence of the basin. This tectonic activity is intersected by phases with deceleration of subsidence which allow the installation, under a hot climate, of pedological covers responsible for the input in the basin of kaolinite, mixed-layers and, later smectites. The variations of sea level are also expressed in the Callovian succession, where the generalized transgression permits the development in the basin of a detrital clay sedimentation instead of a chemical sedimentation.
Keywords: Essaouira, Jurassic, Clays, Diagenesis, Tectonic, Climate, Eustatisme.
1 INTRODUCTION
Le Haut Atlas occidental, partie plissée du bassin dEl Jadida-Agadir, représente lun des bassins clefs de la marge nord-ouest africaine pour la compréhension des événements liés à louverture et lexpansion de lAtlantique central. Au cours des dernières décennies, il a fait lobjet de nombreuses études stratigraphiques, sédimentologiques et tectoniques (MEDINA, 1994; BOUAOUDA, 2007; MICHARD et al., 2008), ainsi que des recherches pétrolières (DUFFAUD, 1960; MORABEt et al., 1998).
Lévolution géodynamique de ce bassin est liée à trois événements géologiques majeurs:
le rifting de lAtlantique central à partir du Trias moyen, en relation avec la dislocation de la Pangée; au cours de cette phase, le socle a été structuré en horsts, grabens et demigrabens bordés par des accidents dont une partie correspond à des failles tardi-hercyniennes réactivées (BROWN, 1980; MANSPEIZER, 1988; MEDINA, 1994; HAFID, 1999);
le développement dune marge passive au cours du Jurassique et du Crétacé (SAHABI et al., 2004); cest la phase post-rift caractérisée par une subsidence générale et par un remplissage sédimentaire essentiellement évaporitique et carbonaté (Le ROY et al., 1997; ELLOUZE et al., 2003; BOUATMANI et al., 2007);
la convergence entre lAfrique et lEurope à partir du Crétacé supérieur; au cours de cette période a lieu lorogenèse atlasique, dont le paroxysme se situe au Mio-Pliocène (MEDINA, 1994; SÉBRIER et al., 2006).
Dans la région dAgadir, sur le versant méridional du Haut Atlas occidental (Fig. 1), les successions minéralogiques argileuses des séries sédimentaires du Jurassique ont été étudiées en détail (DAOUDI et al., 1988; DAOUDI, 1991; MARRAKCHI, 1993). Elles y sont constituées dun cortège argileux presque monotone composé en majorité dillite associée à la chlorite. Les effets de la diagenèse denfouissement sexpriment de façon très évidente sur la composition des assemblages argileux (DAOUDI et DECONINCK, 1994; DAOUDI, 1996). Par ailleurs, la confrontation avec les données des séries contemporaines de lAtlantique, permet dy saisir les effets conjugués de linstabilité tectonique des marges et de len-fouissement qui se relaient à profondeur croissante (DAOUDI et al., 2002). Cependant, lidentification des influences respectives de lhéritage et de la diagenèse est délicate. Cette difficulté est réelle dans la mesure où les séries sont soumises à ces deux facteurs de manière comparable comme dans le cas dans la région dAgadir.
Fig. 1 Localisation et contexte géologique du domaine étudié.
Plus au nord, dans la région dEssaouira, et mis à part les analyses de MARRAKCHI (1993) et DAOUDI (1996) sur les formations sommitales du Jurassique, il existe peu dinformations sur les cortèges argileux et leur évolution, et ce malgré les nombreux forages pétroliers effectués. Or, les argiles sont souvent utilisées en tant que thermobaromètres, du moins comme outil complémentaire aux paramètres classiques tels que la réflectance de la vitrinite ou le TTI. Dans le but détudier les cortèges dans cette partie du bassin, nous avons levé deux coupes complémentaires dans la série sédimentaire de lanticlinal dAmsittène (Fig. 1), où affleure la totalité des formations jurassiques de la région (DUFFAUD, 1960). Cette région représente la terminaison occidentale du versant septentrional du Bassin du Haut Atlas occidental (Fig. 1) qui se prolonge dans locéan Atlantique (HAFID et al., 2006). La série sédimentaire jurassique, épaisse denviron 2500 m, y a été subdivisé en 12 formations (DUFFAUD, 1960; BOUAOUDA, 2007). Les objectifs de notre étude étaient:
(i) didentifier les successions minéralogiques argileuses caractéristiques des formations sédimentaires;
(ii) de déterminer les parts respectives de la diagenèse et de lhéritage, en particulier du régime thermo-tectonique, dans la mise en place des cortèges argileux de ces sédiments;
(iii) dapporter des précisions sur les environnements de dépôt et lévolution paléogéographique du bassin.
2 STRATIGRAPHIE, SEDIMENTOLOGIE ET ENVIRONNEMENTS DE DEPOT
Dans la série sédimentaire du Jurassique du bassin dEssaouira, douze formations ont été identifiées au total. Dans ce travail, nous nous sommes intéressées aux neuf premières formations, datées du Lotharigien au Kimméridgien; les trois dernières formations, dâge Portlandien ont déjà été étudiées par MARRAKCHI (1993) et DAOUDI (1996). La nomenclature lithostratigraphique adoptée ici est celle de BOUAOUDA (2007).
Formation dArich Ouzla (Lotharingien supérieur à Domérien inf.)
La série dolomitique de la formation de lArich Ouzla surmonte la série argileuse salifère du Trias et occupe le cur de lanticlinal du Jbel Amsittène. Cette formation, épaisse de 60 m, correspond aux premiers dépôts marins jurassiques de la région dEssaouira. De la base vers le sommet, les faciès sont représentés par des dolomies à oncoïdes fortement poreuses (dolosparites à fantômes de dissolution) surmontées par des calcaires bioclastiques à texture wackstone à packstone; la série se termine par des dolosparites détritiques riches en quartz qui annoncent la formation sus-jacente détritique rouge des Grès dAmsittène. Ces faciès carbonatés dolomitiques correspondent à un milieu de plate-forme distale évoluant vers le sommet de la série à des faciès dolomitiques oolithiques et gréseux de haute énergie.
Formation des Grès de lAmsittène (Domérien sup. à Toarcien moyen)
Cest une formation détritique rouge qui repose en discordance de ravinement sur la formation sous-jacente.
Epaisse de 75 m, elle est constituée de conglomérats à la base qui passent progressivement à des microconglomérats, grès, silts puis argiles. La limite supérieure est définie par lapparition progressive des dolomies jaunes de la Formation dId Ou Moulid. Les faciès détritiques montrent des structures entrecroisées chenalisantes et organisés en séquences grano-croissantes qui se terminent par des dépôts fins de plaine dinondation. Ils suggèrent un environnement de dépôt de type fluviatile évoluant vers le sommet de la série en plaine deltaïque à influences marines.
Formation Id Ou Moulid (Toarcien sup. Bathonien moyen)
Les faciès et les microfaciès de cette formation épaisse de 300 m se caractérisent par la dominance de dolomies évaporitiques laminées et stromatolithiques avec de rares microfaciès marins francs. De la base vers le sommet, on distingue une alternance de calcaires et de dolomies roses à jaunâtres strato-croissantes parfois fortement cargneulisées ainsi que des marnes, des calcaires dolomitiques en plaquettes et stromatolithiques à rythmicité constante, des marnes gypsifères de type sebkha puis enfin des dolomies bréchiques. La tectonique synsédimentaire semble avoir joué un rôle très important dans la diversité des faciès ainsi que dans les épaississements de la formation à léchelle du bassin. Lensemble de ces faciès témoigne de linstallation dun environnement de plate-forme proximale évaporitique sous climat chaud, avec de rares incursions marines franches.
La Formation dAmeskroud définie dans le bassin dAgadir (Duffaud, 1960) na pas été reconnue sur le terrain par BOUAOUDA (2007). On pourrait lui rattacher des silts et des argiles avec intercalations de grès fins. Les grès correspondant à des quartz-arénites à ciment carbonaté, à stratifications obliques à la base; vers le sommet des séquences, apparaissent des ripples marks unidirectionnels. Lenvironnement de dépôt est de type fluviatile à réseaux de chenaux méandriformes qui évoluent à une plaine dinondation. Le sommet de cette unité est occupé par une trentaine de bancs de dolomies massives rosâtres à jaunâtres, riches en bioclastes et pores de dissolution. Au milieu de ce membre, les bancs dolomitiques très vacuolaires montrent une base ravinante et forment une structure chenalisante. Vers son sommet, les dolomies massives deviennent fortement bioclastiques (lamellibranches, radioles ) et bioturbés indiquant un approfondissement relatif. Les microfaciès sont essentiellement des dolomies cristallines à texture dolosparitique riche en traces de dissolution recristallisées en sparite tardive.
Formation carbonatée d Ouanamane (Bathonien sup. Callovien sup).
De la base au sommet de cette formation épaisse de 135 m se succèdent les faciès et microfaciès suivants: calcaires oolithiques très épais à texture grainstone, bancs calcaires strato-décroissants fortement bioclastiques à brachiopodes (à texture packstone), marnes versicolores riches en brachiopodes et foraminifères de mer ouverte alternant avec des bancs calcaires lumachelliques coiffées dune surface de condensation riche en petits brachiopodes ferruginisés, enfin marnes et argilites surmontées de bancs calcaires décimétriques biomicritiques à oursins, annélides et de rares fragments dammonites.
DEssaouira à Agadir, cette formation correspond à une transgression généralisée accompagnée dune diversification faunique très importante où dominent surtout les foraminifères benthiques, les brachiopodes et de rares ammonites (BOUAOUDA, 2007). Ces faciès indiquent un environnement de type rampe carbonatée très distale, voire de bassin.
Formation des dolomies récifales de Tildi (Callovien sup. à Oxfordien sup.)
Epaisse de 130 m eviron, elle est constituée à la base dune épaisse série rouge détritique à texture grainstone et à stratifications entrecroisées chenalisantes, correspondant au stade de stabilisation de lédification récifale. Après une phase de transition formée de calcaires bioclastiques et de dolomies bio-détritiques à débris de coraux sinstalle le premier complexe récifal caractérisé par dabondants coraux microsolénidés lamellaires à texture bindstone, bivalves et échinides. Ce faciès correspondrait au stade de colonisation récifale, au dessus duquel sinstalle le complexe supérieur ou stade de diversification récifale riche en coraux, algues rouges, crinoïdes, oursins et nérinées (OUAJHAIN et al., 2005). Les textures les mieux représentées sont les textures boundstones et floatstones rarement roadstones. Cette formation témoigne du développement dune vaste plate-forme carbonatée récifale de type barrière.
Formation des calcaires et dolomies dIggui El Behar (Oxfordien sup à Kimméridgien inf.)
Elle correspond à une série calcaro-dolomitique grisâtre épaisse de 140 m. Plusieurs faciès et microfaciès sidentifient dans la série selon une évolution séquentielle parfois répétitive indiquant un milieu de dépôt à énergie très variable; les faciès identifiés sont des calcaires à pellets associés parfois à des calcaires à laminites algaires, des calcaires bioturbés, des calcaires riches en bioclastes à texture de type packstone, des calcaires oolithiques de type grainstone ainsi que des calcaires micritiques à bioclastes et algues dasycladales. Len-semble de ces faciès indique un milieu de plate-forme carbonatée abritée de type lagon. Des niveaux repères de dolomies rosâtres marquent la fin des séquences de la formation Hadid et semblent être liés à des épisodes démersion.
Formation dImouzzer (Kimméridgien inférieur)
Cest une formation détritique rouge définie dans le bassin dAgadir par Duffaud (1960). Elle correspond à une série épaisse de 45 m de grès, dargiles et de marnes brunes communément appelées «marnes chocolat», déposées en milieu de plate-forme soumise à des épendages détritiques.
3 MINERALOGIE DES ARGILES
3.1 Méthodes détude
Une cinquantaine déchantillons a été prélevée sur deux coupes complémentaires; la partie basale a été levée sur le flanc sud de lanticlinal dAmsittène, et la partie sommitale sur son flanc nord. La technique utilisée pour lidentification de la fraction argileuse (particules de taille inférieure à 2 micromètres) des sédiments de la série est la diffraction des rayons X sur pâtes orientées. Lappareil utilisé est un Philips PW 1730, avec un filtre en Cu-Ka Après une décarbonatation des échantillons, les argiles ont été défloculées par rinçages successifs à leau distillée puis la fraction argileuse a été extraite par décantation. La technique détaillée est décrite par HOLTZAPFFEL (1985). Trois diffractogrammes ont été systématiquement réalisés, sans traitement préalable des minéraux argileux (séchage à lair), après saturation à léthylène glycol et après chauffage à 490°C pendant deux heures. Un quatrième diffractogramme (traitement à lhydrazine) a été effectué sur certains échantillons pour distinguer entre la kaolinite et la chlorite. La détermination des minéraux argileux a été réalisée daprès la position des réflexions 001 sur les trois diffractogrammes (MOORE et REYNOLDS, 1989). La détermination des proportions des minéraux argileux repose sur lintensité et les surfaces relatives à la réflexion principale de chaque minéral, selon la technique décrite par HOLTZAPFFEL (1985). Lerreur est de lordre de 5%. A cette technique sajoute la microscopie électronique à transmission (MET) qui a pour objectif de déterminer la structure des différents types dargile.
3.2 Résultats minéralogiques
Les assemblages argileux identifiés dans la série sédimentaire du Jurassique de la région dEssaouira sont constitués de sept minéraux argileux, parmi lesquels cinq sont simples (chlorite, illite, smectite, kaolinite et vermiculite) et deux correspondent à des édifices interstratifiés irréguliers (illite-smectite et chlorite-smectite). Parmi les minéraux associés aux argiles, le quartz est ubiquiste, alors que les feldspaths et les oxydes apparaissent de manière sporadique à certains niveaux. Les variations des proportions relatives de ces minéraux permettent dindividualiser trois zones minéralogiques distinctes, de bas en haut (Fig. 2):
Zone minéralogique I (Lotharingien à Domérien inf.): elle correspond à la Formation dArich Ouzla; le cortège argileux y est représenté en majeure partie par lillite (65% en moyenne) et la chlorite (15 à 25 %);
Zone minéralogique II (Domérien sup. Bathonien sup.): elle comprend les formations dAmsittène, dId ou Moulid, et dAmeskroud; du point de vue minéralogique, cette zone est caractérisée par le développement des smectites, dont les teneurs varient de 20 à 80 %; celles-ci se développent aux dépens de lillite dont la teneur varie de 20 à 60 % et de la chlorite (5 à 25 %). La kaolinite, absente à la base de la zone se développe progressivement vers le sommet pour atteindre des teneurs de 10 à 20 %; la vermiculite (10 à 15 %) apparaît de façon sporadique dans deux niveaux de lAalénien et du Bajocien;
Zone minéralogique III (Callovien-Kimméridgien): elle comprend les formations dOuanamane, de Tildi, dIggui El Behar et dImouzzer; la fraction argileuse associée aux faciès de cette zone se caractérise par la disparition simultanée de la smectite et de la chlorite et par le développement de lillite (jusquà 85% de la fraction argileuse de certains niveaux). Les interstratifiés irréguliers du type illite-smectite et chlorite-smectite se développent également dans la première moitié de cette zone; ils représentent en moyenne 15 % de la fraction argileuse; vers la partie supérieure, la smectite commence à se développer aux dépens des interstratifiés irréguliers; la kaolinite, dont la teneur peut atteindre 30 %, est présente dans toute la zone, avec une légère baisse de la teneur vers le sommet.
Fig. 2 Lithologie et évolution des assemblages argileux de la série jurassique dEssaouira.
Sur toute lépaisseur de la coupe, la cristallinité dillite, exprimée par la largeur à mi-hauteur de la réflexion située à 10 Å, présente des valeurs très variables (0,2 à 0,8 °2?), selon lindice de Kubler (1968). De façon générale, la variation verticale de la teneur en illite et de sa cristallinité ne montre pas dévolution significative en profondeur (Fig. 2).
4 INTERPRETATION ET DISCUSSION
4.1 Effet de la diagenèse surles cortèges argileux
La répartition des assemblages argileux le long de la série est dans lensemble peu dépendante de la lithologie. Dans la zone minéralogique II où les variations des teneurs en smectite, illite et chlorite sont plus brutales dun niveau à lautre, létude minéralogique des alternances de calcaires, calcaires marneux et marnes ne révèle pas de variations systématiques des cortèges argileux. Cette indépendance densemble est particulièrement exprimée par la comparaison de la teneur en carbonate de calcium et des assemblages argileux (Fig. 3).
Fig. 3 Relations teneur en carbonate de calcium en fonction de la teneur en smectite de la zone minéralogique II dEssaouira.
Par ailleurs, contrairement à la région dAgadir, où les effets de lenfouissement sur les assemblages argileux sexpriment par une augmentation en profondeur des proportions dillite et/ou de chlorite aux dépens de la smectite et par lamélioration de la cristallinité de lillite (DAOUDI et al., 1988; DAOUDI et DECONINCK, 1994; DAOUDI et al., 2002), lévolution verticale des cortèges argileux dans la région dEssaouira ne paraît pas traduire linfluence dune diagenèse denfouissement. Les effets de la diagenèse denfouissement y sont improbables pour plusieurs raisons:
au microscope électronique à balayage, les cristaux dillite de la série dEssaouira présentent des formes xénomorphes, avec des contours irréguliers ou arrondis (photos A et B), alors que les illites identifiées dans la série dAgadir présentent des structures automorphes pseudo hexagonales (DAOUDI et al., 2002);
les valeurs mesurées de la cristallinité de lillite à Essaouira sont relativement élevées (jusquà 0,8°2?), et ne présentent pas damélioration avec la profondeur;
la smectite, instable dans les conditions de diagenèse denfouissement (SEGONZAC, 1969; CHAMLEY, 1989), est présente en quantité abondante (jusquà 80% de lassemblage argileux de certains échantillons);
le recouvrement total de la série jurassique dans la zone dAmsittène est de 2200 m alors quil est de 3000 m dans la région dAgadir.
Cependant, la différence dépaisseur entre les deux séries ne permet dexpliquer à elle seule les différences minéralogiques très importantes entre les deux secteurs. Dans la région dAgadir, les assemblages argileux semblent en partie affectés par linfluence thermique de la zone de passage du front sud-atlasique qui se trouve à proximité (DAOUDI et al., 2002). Dans la région dEssaouira, située dans un domaine beaucoup plus stable, le gradient géothermique est modéré, propre aux marges passives à extension lente (RIMI, 1993; BOUATMANI, 2002). Il en résulte un effet faible de lenfouissement sur la composition des cortèges argileux; les transformations minéralogiques des argiles sous leffet de lenfouissement sont beaucoup plus faibles à inexistantes.
Les cortèges minéralogiques de la série sédimentaire jurassique de la région dEssaouira caractérisent donc moins des changements intrinsèques du bassin, que des modifications de paléogéographie et dans le transport des particules fines. Autrement dit, ils ont pu conserver, en grande partie, le témoignage de lhistoire géologique contemporaine de la sédimentation.
4. 2 Contrôles paléogéographiques
La coexistence le long de la série despèces minérales de surface (kaolinite, smectite et interstratifiés) et de profondeur (illite et chlorite) suggère que les secondes proviennent du remaniement de roches anciennes émergées initialement riches en minéraux primaires. En effet, les roches paléozoïques et triasiques présentent un cortège minéralogique particulièrement riche en illite et chlorite dans le premier cas (HUON et al., 1993), et en illite exclusive dans le second (RAIS, 2002; DAOUDI, 1996). Les périodes dinstabilité tectonique favorisent le remaniement des minéraux argileux des substratums rocheux (illite et chlorite) par rapport à ceux des sols (kaolinite, smectite et interstratifiés). De ce fait, labondance relativement élevée de lillite dans la série reflète la proximité des massifs soumis à laltération physique, ainsi que lexistence de reliefs déclives favorisant une érosion active.
Dans la zone minéralogique I, la fraction minéralogique des sédiments est dominée par les minéraux primaires du type illite et chlorite. La structure des illites (photos A et B), leur abondance, ainsi que labondance des minéraux associés tels que le quartz et les feldspaths dans les dépôts traduit le caractère fortement détritique de la fraction argileuse de la série, marqué par lhéritage de matériaux paléozoïques et triasiques issus dune érosion active. En effet, durant cette période, ce sont encore les premiers stades de louverture de lAtlantique, et la marge atlantique marocaine est marquée par une subsidence rapide (MEDINA, 1994; LE ROY et al., 1997; LABBASSI et al., 2000; BOUATMANI, 2002), associée à une forte instabilité tectonique dans larrière-pays (MANSPEIZER, 1988; MEDINA, 1994). Une telle instabilité ne facilite pas la formation de sols superficiels et favorise en revanche lérosion des minéraux des substrats paléozoïques de lAnti-Atlas et de la Méséta qui sont largement constitués de micas-illites et de chlorites.
Dans la zone minéralogique II, labondance de lillite et de la chlorite plaiderait toujours en faveur dune érosion active des reliefs adjacents consécutive à la subsidence du bassin. Labondance des smectites dans cette zone semble relever plus de processus de néoformation in situ que dun héritage simple. En effet, pendant cette période, linstabilité des marges, consécutive à louverture et à lélargissement du jeune océan atlantique devait sopposer à laboutissement des processus pédogénétiques responsables de la cristallisation des smectites. Par ailleurs, lexamen du paramètre b des smectites montre que de la raie 060 se situe aux alentours de 1,53 Å, caractéristique des structures trioctaédriques magnésiennes (BRINDLEY & BROWN, 1980). Au microscope électronique à transmission, elles se présentent sous forme de structures floconneuses à contours diffus (photo C). Dans les milieux évaporitiques confinés, ce type de smectite, assimilé à des évaporites silicatées, prend naissance in situ par précipitation déléments chimiques fortement concentrés dans le milieu de sédimentation (WEAVER et BECK, 1977; TRAUTH, 1977; CHAMLEY, 1989). Les smectites de la zone minéralogique II semblent donc résulter de ce type de processus dautant plus quelles sont associées à des faciès de milieux peu profonds de plaine deltaïque et à des environnements de plate forme proximale évaporitique sous climat chaud (OUAJHAIN et DAOUDI, 2004).
Les variations brutales des teneurs en smectite aux dépens de lillite sexpliqueraient par des incursions marines déjà mises en évidence dans la description des faciès. Ces incursions marines rendent le milieu de dépôt plus profond, ce qui sopposerait à une sédimentation chimique du type évaporite, et favoriserait plutôt une sédimentation constituée de matériaux détritiques riches en illite, chlorite ainsi que de minéraux associés tels que le quartz et les feldspaths.
Vers la partie supérieure de la zone, la kaolinite, présente en faible quantité, est associée à différentes lithologies, ce qui plaide en faveur de son origine détritique; elle résulterait de sols de reliefs déclives. Lapparition de la kaolinite représente ainsi un signe précurseur dun début de stabilité des marges et dinstallation de couvertures pédologiques.
Dans la zone minéralogique III, lillite est toujours lespèce minérale dominante et la kaolinite commence à prendre de limportance. Cependant, la principale caractéristique de cette zone est la disparition simultanée de la smectite et de la chlorite et le développement des interstratifiés. Cette discontinuité minéralogique sexpliquerait par une transgression généralisée qui a eu lieu au Callovien sur lensemble du bassin dEl Jadida-Agadir (Essaouira et Agadir) (HAQ et al., 1987; BOUAOUDA, 2004). Comme pour les ingressions marines mises en évidence dans la zone minéralogique II, cette transgression généralisée rend le milieu de dépôt plus profond défavorisant ainsi la formation des smectites par le processus de néoformation, doù leur disparition brutale. Le cortège minéralogique est par conséquent principalement dorigine détritique. Cette perturbation minéralogique coïncide tout à fait avec une diversification faunistique très importante où dominent surtout les foraminifères benthiques, les brachiopodes ainsi que de rares ammonites, ce qui dénote limportance de cet événement (BOUAOUDA, 2004).
Dans cette zone, les proportions de la kaolinite augmentent de manière significative; ceci dénote pour la région létablissement dun climat chaud et fortement hydrolysant ainsi que la présence de reliefs déclives favorables à un lessivage ionique actif (MILLOT, 1980; CHAMLEY, 1989). La coexistence avec des oxydes et hydroxydes métalliques du type hématite et goethite est en accord avec linstallation de ce type de climat. La quasi-absence de la chlorite dans le cortège minéralogique de cette zone, plaide également en faveur du caractère fortement hydrolysant du climat, du fait de la vulnérabilité de ce minéral à lhydrolyse (DEJOU et al., 1972; CHAMLEY, 1989). Linstallation de ce type de climat est dailleurs admise par létude de la répartition de la microfaune marine (BOAOUDA, 2004).
Les édifices interstratifiés demeurent partout de type irrégulier (illite-smectite et chlorite-smectite) et augmentent de façon progressive vers le haut de la zone. Dans les séries sédimentaires, ces minéraux interstartifiés représentent généralement des stades intermédiaires dévolution entre lillite et la smectite. Or, cette transformation ne peut être attribuée ni à une diagenèse denfouissement, ni à une diagenèse liée à la lithologie. Ces interstratifiés sont probablement dorigine pédogénétique et représentent les premiers stades inachevés de laltération météorique de roches cristallines (PAQUET, 1970; MILLOT, 1980; CHAMLEY, 1989).
Contrairement aux smectites de la zone II qui présentent des pics de diffraction bien définis (Fig. 4, échantillon DK24), celui des smectites de la zone III présentent des pics mal définis (Fig. 4, échantillon Kim08) suggérant des phases mal cristallisées caractéristiques des profils pédologiques (PAQUET, 1970). Leur présence en faible teneur à ce niveau de la série sédimentaire suggère un début daplanissement des reliefs, nécessaire à la croissance cristalline des smectites (PAQUET, 1970; MILLOT, 1980). Au Jurassique terminal et au Crétacé inférieur de la région dEssaouira, les cortèges argileux des sédiments présentent des proportions plus importantes en smectite (DAOUDI, 1996). Ceci peut sexpliquer par le fait que les reliefs adjacents sont dans un état daplanissement plus évolué (WURSTER et STETS, 1982; WIEDMANN et al., 1982).
Fig. 4 Diffractogrammes types des différentes zones minéralogiques (N: naturel, G:glycolé, C: chauffé, Ar12:zone minéralogique I, DK24:zone minéralogique II, Kim08:zone minéralogique III).
4.3 Contrôle thermo-tectonique
Linstabilité tectonique des marges empêche laccomplissement des actions pédologiques de la surface responsables de la formation des smectites, car les roches soumises à laltération chimique sont remaniées de manière permanente par lérosion mécanique. Vers le sommet de la zone, les actions pédologiques prennent de limportance, ce qui explique lapparition des smectites. Ceci serait sous la dépendance de la diminution de lactivité tectonique au niveau du bassin, ce qui est en accord avec les résultats obtenus par lanalyse qualitative de la subsidence qui indiquent que les périodes distensives du Jurassique moyen et supérieur sont entrecoupées par des phases de ralentissement de la subsidence (ZÜHLKE et al., 2004; LABBASSI et al., 2000).
Un autre facteur important qui semble avoir contrôlé la nature et le degré dévolution des argiles est la position structurale de la région dAmsittène au cours du Jurassique. Les différentes sections sismiques publiées montrent clairement que la région dAmsittène était séparée du bassin dEssaouira par la faille normale inversée au Tertiaire de Taghzout, de direction E-W et à pendage nord (HAFID, 1999; BOUATMANI et al., 2004). La région dAmsittène est située sur la crête du compartiment sud, alors que le compartiment nord abrite un éventail sépaississant vers la faille, témoignant de la nature syn-sédimentaire de la faille. Cette position haute expliquerait le degré relativement faible de lenfouissement et aussi les températures plus réduites enregistrées, alors que les températures atteintes dans la partie la plus subsidente du bassin dEssaouira ont permis datteindre la fenêtre à gaz pour la roche-mère oxfordienne (BOUATMANI et al., 2007).
5 CONCLUSIONS
Dans la série sédimentaire du Jurassique de la région dEssaouira, linfluence de la diagenèse sur les assemblages argileux est faible à négligeable; lhéritage paraît donc le principal responsable des successions argileuses dans cette série. Les minéraux résultent principalement de processus dérosion et daltération et de phénomènes chimiques avant leur sédimentation. Ils reflètent les conditions paléogéographiques, tectoniques, climatiques et eustatiques sous lesquelles se sont déposés les sédiments renfermant ces cortèges argileux. Les influences détritiques sur la composition des ces assemblages dépendent de la combinaison de trois facteurs principaux:
1 Lactivité tectonique se manifeste tout au long de la série, par lapport accru dillite et parfois de chlorite ainsi que des minéraux associés comme le quartz et les feldspaths. Ce cortège minéralogique paraît marqué par lhéritage prépondérant de matériaux du substratum paléozoïque et triasique activement érodés.
2 Linfluence climatique sexprime pendant les périodes de ralentissement de leffet tectonique par lapport dinterstratifiés, de smectites ou de kaolinites ainsi que de minéraux associés tels que les oxydes et hydroxydes métalliques, ainsi que par la rareté ou la disparition de la chlorite.
3 Les variations eustatiques sexpriment particulièrement au niveau des zones II et III, où les incursions marines sopposent à une sédimentation chimique à base de smectite trioctaédrique, suite à lapprofondissement du milieu. Cette situation favoriserait plutôt une sédimentation détritique composée essentiellement dillite et de chlorite.
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PLANCHE
PLANCHE PHOTO
Photos Microscope électronique à transmission montrant:
des cristaux d'illites de différentes tailles et à contours irréguliers ou arrondis de la zone I (photos Aet B),
des particules de smectites à structures floconneuses et contours diffus (photo C),
en bas à gauche de la photo, on distingue des cristaux pseudo hexagonaux et hexagonaux de kaolinite de petite taille et au milieu une grosse particule d'illite de la zone III (photo D).