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Da Investigação às Práticas
versão On-line ISSN 2182-1372
Invest. Práticas vol.4 no.2 Lisboa set. 2014
ARTIGOS
Activités d´ecriture approchée et entrée dans l' écrit des jeunes enfants: analyse comparative de démarches didactiques en premiére primaire en France
Florence Mauroux
CLLE (Cognition Langues Langage Ergonomie Équipe de Recherche en Syntaxe et Sémantique), CNRS Université de Toulouse 2-Le Mirail- Jean Jaurès florence.mauroux@wanadoo.fr
RÉSUMÉ
Nous présentons le suivi dune cohorte délèves, de la grande section (troisième année de maternelle en France - 5 ans) à la fin du CE1 (deuxième année de primaire 7/8 ans). La population est constituée dun groupe contrôle et dun groupe expérimental pratiquant des séances hebdomadaires décriture approchée, observées et filmées à différentes périodes de lannée (octobre, mars et juin). Dans notre contribution, nous analysons les séances filmées en fin de CP (première primaire), dans une perspective essentiellement comparatiste. Lobjectif est de décrire la démarche didactique mise en uvre par les enseignanteslors de séances denseignement de lécriture. L'analyse des productions d'écrit et des verbalisations des élèves nous permet également d'évaluer ces démarches denseignement et de caractériser celle qui semble le plus propice au développement de compétences métalinguistiques des apprentis scripteurs.
Mots-clés:début primaire, écriture approchée, démarche didactique, enseignement de lécrit
ABSTRACT
We present the follow-up of a group of pupils, from Grande section (third year of kindergarten in France 5 years old) to the end of CE1 (second year of primary school 7/8 years old). The population consists of a control group and an experimental group that practices weekly sessions of invented spelling, observed and filmed at different moments of the year (in October, March and June). In our contribution, we analyze the sessions filmed at the end of CP (first year of primary school) in an essentially comparative perspective. The aim is to describe the didactical approach implemented by teachers in these sessions of teaching to spell. The analysis of the pupils written productions and verbalizations also allows us to assess theses teaching approaches and to characterize the one that seems the most convenient to the development of metalinguistic skills for young writers.
Keywords: beginning of primary school, invented spelling, didactical approach, teaching to spell
1. INTRODUCTION, CADRE THEORIQUE ET PROBLEMATIQUE
La production dun écrit autonome est une tâche complexe qui mobilise différents processus rédactionnels (Hayes et Flower, 1980). Parmi eux, la mise en texte fait référence, entre autres, aux opérations dorganisation du texte et de construction syntaxique, aux choix lexicaux, mais aussi à la représentation orthographique des mots que nous appelons ici mise en mots. Celle-ci nécessite de noter les correspondances phonographiques (désormais encodage) et de faire un traitement orthographique des mots à écrire. Létape de révision permet de repérer (lecture) puis de corriger (édition) les erreurs en intervenant sur le texte, en cours ou en fin de production, sur différentes unités linguistiques allant du paragraphe à la lettre.
Pour les apprentis scripteurs, les recherches en psycholinguistique décomposent lapprentissage en sous- processus et suggèrent dentraîner distinctement la mise en texte et la mise en mots pour alléger la charge cognitive (Fayol et Heurley, 1995), même si lobjectif est que lélève puisse, à terme, gérer simultanément ces différentes compétences.
Dans ce but, des recherches à visées psycholinguistique et didactique (David, 2007; Fijalkow et al, 2009; Ouelette et Sénéchal, 2008a, 2008b; Morin et al., 2009), réaffirment la nécessité de prendre en compte, dans les essais décriture du jeune enfant, les connaissances déjà construites du système écrit et de lamener à développer une clarté cognitive sur son fonctionnement (Downing et Fijalkow, 1984; Fijalkow et Liva, 1993). Lors dentretiens métagraphiques (Jaffré, 1995 ; Rieben et al, 2005), lélève est amené à verbaliser ses choix décriture. Il va ainsi mobiliser ses connaissances du langage écrit mais également développer des capacités métalinguistiques lui permettant «den piloter pas à pas lutilisation» (Gombert, 1991).
Pour y parvenir, plusieurs études (Morin et Montésinos-Gelet, 2003; David, 2008) montrent que tous les contextes décriture ne se valent pas. Les activités décriture approchée proposent ainsi aux élèves de produire par écrit des mots ou des phrases qui ne leur ont pas été enseignés afin de comprendre comment ils mobilisent leurs connaissances de lécrit (Besse, 2001). Elles impliquent un retour des élèves sur leurs productions et sont, de ce fait, les plus favorables au développement des compétences métalinguistiques (Rieben et al., 2005 ; Sénéchal et al, 2012).
Il semble donc nécessaire de caractériser ces contextes denseignement. Pour cela, lanalyse des pratiques denseignement, qui sest développée depuis plusieurs années, propose une méthodologie et des outils variant en fonction des objectifs visés (Bru, 2002). Il sagit de décrire les pratiques de lenseignant, lactivité des élèves ou bien de mettre en lien les deux, le plus souvent dans le but dadapter la formation des enseignants. Ces travaux sappuient tantôt sur des données déclaratives recueillies par le biais denquêtes ou dentretiens auprès des enseignants, tantôt sur des typologies de description des pratiques effectives des enseignants ou de lactivité des élèves construites à partir dobservations de séances de classe (Bressoux et al, 1999, Bru, 2002; Schneuwly, Dolz, et Ronveaux, 2006).
En sciences du langage et en didactique du français, on trouve ainsi des travaux danalyse des pratiques observées dans lenseignement de la lecture (Goigoux, 2002, Branca-Rosoff et Gomila, 2004) et de la grammaire (Garcia Debanc et Sanz-Lecina, 2008). Dans le domaine de lenseignement de lencodage, les travaux sont peu nombreux (Charron, Montésinos-Gelet, Morin, 2009).
Notre contribution sinscrit dans ce champ dinvestigation. Elle propose une étude de cas croisée des pratiques denseignement de lécriture de deux enseignantes de cours préparatoire (1ère primaire, désormais CP), lune mettant régulièrement en place des séances décriture approchée, lautre ayant recours à dautres pratiques décriture. Lobjectif est double: il sagit à la fois de décrire/danalyser finement lactivité enseignante mais également des productions et verbalisations délèves de ces deux classes. Notre but est plus précisément de mieux comprendre le contexte denseignement de lécriture via la pratique de séances décriture approchée et de tenter de lexpliquer : quelles sont les variables qui le caractérisent ? Les données recueillies auprès des élèves permettent-elles dinférer des liens entre ces pratiques et les compétences métalinguistiques développées et/ou construites par les élèves
Après avoir précisé le cadre de létude et la méthodologie employée, nous analysons les deux contextes denseignement sous différentes variables puis quelques productions et verbalisations délèves afin dévaluer les effets de ces contextes sur la conceptualisation de la langue écrite chez ces jeunes scripteurs.
2. CONTEXTE DE LETUDE ET METHODOLOGIE
2.1 Démarche dexpérimentation et participants à létude
Lexpérimentation sest déroulée dans deux classes de deux écoles de Carcassonne (Aude, France) situées en zone déducation prioritaire, cest-à-diresur un territoire accueillant un public qui rencontre des difficultés sociales importantes.
La classe expérimentale (classe A), utilise la méthode denseignement visée et pratique régulièrement des activités décriture approchée. La classe contrôle (classe B) nutilise pas la méthode denseignement visée mais pratique dautres activités décriture que nous décrivons plus loin.
Le suivi longitudinal dune cohorte de 23 élèves dans chaque classe a débuté au deuxième trimestre de grande section (3ème année de maternelle, enfants de 5/6 ans-) et sest poursuivi jusquà la fin du CE1 (2ème primaire). Pour cela, les élèves ont été évalués avant le début de lexpérimentation au deuxième trimestre de Grande section (pré-test) à laide dun dispositif dévaluation des compétences de scripteur que nous avons conçu. Cette épreuve comprend quatre exercices. Le dernier consiste en une de production de phrase suivie dun entretien métagraphique mené par le chercheur et permettant, entre autres, dévaluer les compétences métalinguistiques des élèves.
Au cours du CP et du CE1, les élèves ont été évalués à trois moments de lannée (septembre, janvier et juin) avec le même dispositif dévaluation de façon à pouvoir mesurer les progrès effectués. Un test de lecture a été ajouté à partir de septembre du CP pour évaluer les compétences de décodage des élèves.
Cette contribution est centrée sur la deuxième année de notre étude, soit le CP qui est la première année dapprentissage systématique de la lecture-écriture à lécole primaire. Les deux enseignantes sont expérimentées. Elles pratiquent depuis 8 à 10 ans, dont plusieurs années consécutives dans ce niveau de classe.
2.2 Données collectées
Les données recueillies sont de différentes natures. Nous avons tout dabord établi un recueil des pratiques décriture sous ses différentes variables afin destimer le temps consacré à cet enseignement dans les deux classes. Les éléments recueillis ne sont pas analysés dans cette contribution.
Nous avons collecté les traces écrites des évaluations des élèves et les résultats des tests de lecture aux différents moments de lexpérimentation. Les enregistrements audio des entretiens métagraphiques menés au cours de lévaluation de production de phrase ont été retranscrits.
Enfin, nous disposons de trois vidéos de séances de classe, dune heure environ, filmées dans chaque classe en octobre, janvier et juin de lannée de CP. Les séances sont représentatives des séances denseignement de lécriture menées dans chacune des classes.
2.3 Outils danalyse
Le synopsis de deux séances vidéo (Schneuwly, Dolz, et Ronveaux, 2006) décrit les différentes phases de la séance et leur durée, lactivité des enseignantes et celle des élèves ainsi que la répartition et la nature des échanges. On peut ainsi voir si des formats de séance, au sens de schémas récurrents dactions-échanges (Bruner, 1987), apparaissent. Ces formats permettent de caractériser lactivité enseignante en termes dintention-réalisation-feed back (ibid).
En nous inspirant des travaux précédemment cités sur lanalyse des pratiques denseignement de la lecture et de la grammaire, nous avons construit une grille danalyse adaptée à lenseignement de lencodage. Elle sappuie à la fois sur des déterminants pédagogiques, cest-à-dire adaptables à toutes les disciplines et sur des déterminants didactiques, spécifiques à lobjet détude. Elle est centrée sur la façon dont les enseignantes mobilisent les connaissances sur la langue écrite et les compétences dencodage des élèves au cours dune séance denseignement de lécriture.
En parallèle, nous avons inventorié les occurrences dutilisation de termes métalinguistiques pour tenter de caractériser les pratiques métalinguistiques des enseignantes et secondairement celles des élèves.
Nous analysons ici les vidéos et évaluations de la fin de lannée de CP (juin). En effet, si notre postulat est que la pratique régulière dactivités décriture approchée est de nature à développer les compétences dencodage et les compétences métalinguistiques des élèves, la comparaison nous semble dautant plus significative si elle se situe après une année dapprentissage systématique du lire-écrire dans les deux groupes.
3.MISE EN UVRE DUNE SEANCE DECRITURE/REVISION DE PHRASE EN CLASSE
Nous tentons de caractériser les deux contextes denseignement de lécriture en nous appuyant sur différentes variables: le choix de la tâche et du matériau linguistique, lorganisation de la séance et la gestion du groupe, létayage de lenseignement et la gestion de lhétérogénéité et enfin lactivité de lélève. Lanalyse des productions et verbalisations de deux élèves donne un exemple des effets de chacun des contextes denseignement de lécriture sur les compétences métalinguistiques des élèves en situation de production décrit.
3.1 Choix de la tâche et du matériau linguistique
Les deux enseignantes sattachent à contrôler lintérêt didactique des phrases proposées. La figure suivante reprend le matériau linguistique choisi par chacune delle pour cette séance de production/révision de phrase.
Fig. 1 Phrases proposées en production et/ou révision
Lenseignante de la classe A propose une tâche de dictée: les élèves écrivent la phrase choisie par lenseignante en fonction du vécu de la classe et des problèmes linguistiques quelle peut poser (notamment morphologie écrite du nombre pour les noms et les verbes). Lobjectif est donc que lélève résolve les problèmes de notation des correspondances phonographiques et fasse un traitement orthographique des mots.
Lenseignante de la classe B propose une tâche de révision de phrases produites la veille par quelques élèves. Ce choix est motivé par la pertinence des phrases dans le projet décriture dun cahier de vie «Mon année au CP». Cette tâche a pour objectif pédagogique dentrainer lélève à corriger des phrases.
Ces tâches ne mobilisent pas les mêmes compétences, ni le même investissement de la part des élèves. Dans la classe A, lélève écrit puis révise la phrase dictée. Il est déchargé de la mise en texte et se centre sur lencodage. Dans la classe B, il sagit dune révision différée qui doit, de ce fait, débuter par un temps de lecture. Interrogeant indifféremment les élèves en fonction de leurs compétences dans ce domaine, lenseignante est amenée à assurer un étayage pour le décodage des mots. De plus, les énoncés proposés montrent que lélève doit traiter conjointement des problèmes de natures très différentes. En effet, la grille daide à la révision sur laquelle sappuie lenseignante mêle également plusieurs aspects : construction syntaxique, présence/absence de la majuscule et du point, segmentation de la phrase en mots,correspondances phonographiques, notation des marques morphologique du pluriel ou du féminin des noms.
Malgré une intention pédagogique identique affichée par les deux enseignantes, on voit apparaitre ici deux objectifs distincts, lun (classe A) portant sur des problèmes dencodage et de notation des marques morphologiques, lautre (classe B) sur la mise en texte et lensemble des sous-processus quelle implique.
3.2 Organisation de la séance et gestion du groupe
Les modalités de travail choisies peuvent influer sur linvestissement des élèves dans les tâches proposées. En effet, dans la classe A, les élèves sont installés à leur table de travail, en situation de production/révision dune trace écrite. Dans la classe B, une grande partie de la séance se déroule en collectif, les élèves étant regroupés devant le tableau. Cela peut entraîner, chez les élèves, une dispersion de lattention; on constate alors quune partie importante du temps est consacrée à la gestion des conflits: lenseignante de la classe B doit rappeler les règles de travail au cours de 42 tours de parole, contre 8 dans la classe A.
Lanalyse du synopsis des séances a permis de dégager une structure résumée par la figure suivante:
Fig. 2 Structure des séances analysées
Si le temps de préparation à lécriture est sensiblement plus long dans la classe A, cest davantage ce qui est visé dans cette phase qui diffère dun groupe à lautre. En effet, dans la classe A, lenseignante dirige immédiatement lattention des élèves vers lencodage de la phrase à écrire et les amène à anticiper la démarche et les difficultés qui pourraient survenir. Lenseignante de la classe B, quant à elle, insiste sur le sens de lactivité de production écrite et amène les élèves à expliciter le but de la tâche, rappelant au passage le rôle de lerreur dans lapprentissage en général. Le temps de production/révision individuelle est légèrement plus important dans la classe B. Notons toutefois que les modalités de travail sont très différentes dans les deux groupes. Dans la classe A, tous les élèves produisent et révisent la phrase, lenseignante passant dun élève à lautre pour les étayer lors de la phase individuelle. Dans la classe B, les élèves qui le souhaitent viennent demander une aide à la révision à lenseignante installée pour cela à son bureau. Alors que tous les élèves ont reçu la même consigne, très peu délèves sollicitent lenseignante, et la plupart dentre eux passent rapidement à une autre activité (aider un camarade, lire un livre au coin bibliothèque, faire une fiche sur lalphabet ou les sons). Lobservation des élèves montre ainsi quau cours de cette séance certains élèves auront corrigé des erreurs signalées par lenseignante, la majorité dentre eux ayant seulement écrit quelques mots voire aucun. Le temps de révision collective est lui aussi aménagé de façon différente. Dans la classe A, il est consacré à la résolution des problèmes dencodage et de notation des marques morphologiques: au cours dune étude systématique de chacun des mots de la phrase, les élèves sont amenés à justifier leur choix décriture et à discuter des solutions alternatives proposées par leurs camarades. Dans la classe B, le temps de lecture de la phrase est suivi dune discussion visant à repérer les erreurs au moyen de la grille de relecture et à corriger des problèmes de différente nature. 3.3 Formats récurrents dactions-échanges Fig. 3 - Formats récurrents dactions-échanges
Dans la classe B, la révision est guidée par la fiche autocorrective, ce qui renforce un traitement linéaire et non hiérarchisé des sous-processus rédactionnels (tours de parole 71, 72, 75, 77, 91, 93 et 95 Enseignante de lannexe 2). A plusieurs reprises au cours de la séance, lenseignante de la classe B diffère la résolution du problème et/ou corrige elle-même la proposition de lélève, expliquant que ce problème est trop difficile pour le moment et quils létudieront lannée prochaine (100 Enseignante, annexe 2). Dans ces conditions, la généralisation semble difficile et on peut craindre une dérive vers le sur-ajustement didactique(Andrieux et al, 2001) qui consisterait à résoudre les problèmes à la place de lélève. Les aides apportées par les enseignantes interviennent à tous les moments de lactivité: avant, dans le temps de préparation à la tâche, en parallèle de lactivité de lélève et a posteriori, pendant les temps de mise en commun, généralisation ou synthèse. Les formes choisies sont également similaires dune enseignante à lautre(questions ouvertes ou fermées, relances, reformulations). La nature de létayage est cependant différente. La tâche proposée, production/révision dans un cas, révision différée dans lautre, participe sans doute à cet état de fait. On constate, dans la classe A, une plus grande prise en compte de lhétérogénéité: 17 élèves sur 19 sont interrogés ou prennent la parole au cours de la séance, contre 11 sur 17 dans la classe B. Lenseignante A sollicite les élèves en fonction de leurs possibilités, alternant encouragement et exigence pour leur permettre davancer dans la résolution dun problème. Nous avons déjà noté que tel nétait pas le cas dans la classe B. De même, la démarche dans la classe A est basée sur la prise en compte des observations divergentes quand lenseignante de la classe B choisit parfois de les ignorer et interroge de façon privilégiée les élèves performants qui sont les plus susceptibles dapporter une réponse ajustée au problème posé. Dans les deux classes, on note, bien sûr, une aide à la production et/ou à la révision des phrases: les enseignantes suggèrent des stratégies ou des aides, prennent en charge une partie de la tâche, valident ou invalident des hypothèses faites par les élèves pour arriver à la forme orthographique normée. Lutilisation des termes de la métalangue enseignée diffère dun groupe à lautre. Lenseignante A utilise et suscite lusage des termes précis et adaptés. On note ainsi lemploi de mot, phrase, verbe, nom, déterminants, prénom, pronom, les derniers étant notamment utilisés pour identifier la classe grammaticale dun mot et déterminer la marque du pluriel à utiliser. Lenseignante de la classe B a uniquement recours aux termes phrase et mot, et, curieusement, au terme connecteurs dont on peut se demander si des élèves de CP sont en âge de comprendre les concepts dorganisation textuelle sous-jacents. De même, la morphologie écrite du nombre, désigné dans la classe B par la lettre «S», ne renvoie quà la notion de pluralité appliquée aux noms. Cette pratique, fréquente dans les classes de CP, risque de cristalliser chez les élèves des représentations du pluriel qui perdurent au-delà de lécole primaire (Thévenin, Totereau, Fayol et Jarousse, 1999). Associée à lutilisation par lenseignante B dun registre métaphorique qui ne sappuie pas explicitement sur le fonctionnement normé de la langue écrite [1] cette pratique peut induire une confusion dans lesprit des élèves et gêner la généralisation et la conceptualisation de la langue. Fig. 4 - Activités de lélève
On constate demblée que, dans la classe B, une partie importante des tours de parole (55/185, soit près dun tiers) nest pas directement liée à lactivité décriture/révision proposée, alors quils sont très peu nombreux dans la classe A (10/232). Il sagit le plus souvent déchanges consacrés au rappel des règles de travail ou à laspect matériel. Les élèves sont également amenés à compléter un énoncé proposé par lenseignante sous forme de lecture-chorale de la fiche auto corrective. Le nombre déchanges consacrés à la validation/invalidation dune hypothèse et à la justification des choix est sensiblement le même dans les deux groupes. Dans la démarche de résolution de problème proposée dans la classe A, les élèves sont très largement amenés à anticiper et à faire des propositions de graphie ou de notation des marques morphologiques. Cela confirme la centration de lenseignante sur les difficultés dencodage. En revanche, et comme nous lavons déjà évoqué plus haut, les élèves de la classe B sont davantage centrés sur lactivité de lecture (40 tours de parole contre 14 dans la classe A), au détriment de la tâche de production ou de révision de phrase. Au final, ils nauront passé que peu de temps à écrire ou à faire des propositions de révision portant sur lencodage des mots (11 tours de parole contre 73 pour la classe A). Les élèves en ont dailleurs conscience : lors de la synthèse intermédiaire, lorsque lenseignante demande qui peut expliquer ce quils ont fait précédemment, une élève répond «on a fait de la lecture». 4. ANALYSE DE PRODUCTIONS ET DE VERBALISATIONS DELEVES Tous les résultats ne peuvent être présentés dans cette contribution. Nous analysons ici les productions et extraits dentretiens métagraphiques de deux élèves, lune dans la classe A (Violaine, extrait 1) et lautre dans la classe B (Marie, extrait 2), au cours de lévaluation du mois de juin. Ces deux élèves présentent un profil similaire: elles sont décrites par leur enseignante comme des élèves en difficulté de lecture-écriture et obtiennent des résultats similaires au test de lecture du mois de juin correspondant à un niveau de fin de deuxième trimestre de CP. Ce choix de nous centrer sur deux élèves en difficulté sappuie sur les recherches en psycholinguistique (Morin et Montésinos-Gelet, 2007) ayant montré que ces élèves étaient les plus susceptibles daméliorer leurs performances en encodage/décodage dans un contexte de pratique régulière dactivité décriture approchée. On a demandé aux élèves de produire une phrase à partir dune image représentant des enfants en train de construire des châteaux de sable. Voici leur production et les extraits les plus représentatifs de leurs verbalisations en situation dexplicitation de leurs choix graphiques. Fig. 5 - Extrait 1: Violaine, classe A, 18/06/2013
Fig. 6 - Extrait 2: Marie, classe B, 18/06/2013
Le niveau de performance est assez proche chez ces deux élèves. En nous appuyant sur les différents types derreurs proposés par N. Catach (1995), on constate en effet que les erreurs extragraphiques sont très rares: Marie (classe B, extrait 2) a choisi décrire en lettres capitales et hésite encore sur la segmentation de la phrase en mots mais elle rectifie delle-même en séparant les mots par un trait au moment de la relecture demandée par ladulte (dest/chato). Les erreurs graphiques proprement dites sont également peu nombreuses: les mots, transcrits par stratégie phonographique, sont, pour la plupart, phonologiquement plausibles. Quelques erreurs (présence du «e» dans font/fone pour Violaine, extrait 1, et avec/avece pour Marie, extrait 2) altèrent encore la prononciation des mots. Les erreurs à dominante morphogrammique sont en revanche de nature différente: on constate que Marie omet de noter les marques morphologiques du nombre (des chato, extrait 2), tandis que Violaine les note mais avec une confusion sur la nature des mots et écrit le morphogramme correspondant à un verbe pour noter la pluralité du nom (des chatoent, des sablent, extrait1). Cela constitue une erreur assez rare puisque les élèves ont davantage tendance à surgénéraliser sur le modèle du pluriel des noms(Thévenin, Totereau, Fayol et Jarousse, 1999) Enfin, on note également que Violaine a correctement orthographié les mots grammaticaux et et des (extrait 1), sans doute disponibles dans le lexique orthographique déjà mémorisé, tandis que Marie produit avec erreur avec (avèce) et des (dest) (extrait 2), même si ce dernier exemple montre quelle fait également appel à un lexique orthographique des mots grammaticaux pour écrire dautres mots (est pour écrire des/dest). Les verbalisations montrent, quant à elles, un niveau de conceptualisation et de connaissances sur la langue bien différent. En effet, les explications de Violaine (classe A, extrait 1) font apparaitre clairement les différentes étapes de la démarche dencodage phonographique sous-jacente. Les termes syllabes, mots et sons sont utilisés à bon escient. En revanche, les commentaires de Marie (classe B, extrait 2) sont davantage tautologiques («je le sais parce que je lai appris») et la démarche dencodage semble moins explicite, comme peut le faire penser lemploi du terme lettres pour désigner les phonèmes du mot. Le répertoire de mots écrits en voie directe (des, avec) ne semble pas stabilisé puisque les mots, bien que déclarés «appris», sont écrits de façon erronée. Malgré les erreurs liées à lidentification de la nature des mots château et sable, il semble que Violaine (extrait 1) ait construit la notion de pluriel: elle sappuie à la fois sur des indices sémantiques et syntaxiques pour le justifier. Elle a conscience de la distinction entre les marques morphologiques du nombre pour le nom et le verbe. Quant à elle, Marie ne note aucune marque morphologique et on peut supposer quelle nest pas encore entrée dans des préoccupations orthographiques. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES Nous pouvons caractériser ainsi les deux démarches analysées tout au long de cette étude : classe A : démarche par résolution de problèmes, centrée sur lencodage et le traite-ment orthographique des mots, dans laquelle lanticipation, lexplicitation des choix graphiques et les interactions entre pairs tiennent une part importante, classe B : démarche mêlant à la fois compétences de lecture, de mise en texte et de mise en mots, le plus souvent gérée individuellement entre lélève et lenseignant. Lanalyse de lactivité des élèves dans les deux classes nous permet de réaffirmer lintérêt dentrainer les élèves distinctement aux différents sous-processus impliqués dans lécriture et ce, de façon explicite pour les élèves, comme cela est fait dans la classe A. De même, si lactivité de révision de texte, ici des phrases, dérive vers une activité de lecture, ce que nous avons constaté dans la classe B, le risque est de voir sinstaller chez les élèves une confusion entre tâche de lecture et décriture. Les compétences métalinguistiques mobilisées par les élèves de la classe A lors des entretiens métagraphiques consécutifs à une production de phrase montrent que le format d'actions-échanges et létayage proposés par lenseignante A semblent de nature à favoriser et développer la conceptualisation de la langue écrite, y compris chez les élèves les plus fragiles. Létayage de lenseignant, notamment la gestion des interactions et des propositions des élèves, semble donc être une variable déterminante pour amener les élèves à construire une clarté cognitive sur la langue. La pratique mise en uvre dans la classe A tend vers cet objectif: l'enseignante sappuie sur les compétences linguistiques et les connaissances du système du français écrit mais également sur les stratégies et procédures qui sont mobilisées par les élèves. En revanche, dans la classe B, lenseignante a souvent recours à un questionnement fermé, centré sur le résultat, dans lequel les élèves nont pas réellement à sinterroger sur le fonctionnement de la langue. Bien que notre étude ait les limites propres à létude de cas, elle offre toutefois une nouvelle illustration des bénéfices de la pratique régulière dactivité décriture approchée qui implique un feed back accompagné de lélève sur sa production. Lanalyse des données collectées sur lensemble du corpus permettra une approche qualitative et quantitative plus significative. Lintention de cette recherche est également de parvenir à une typologie des opérations de lenseignante dans l'enseignement des compétences d'encodage qui pourrait ainsi modéliser la pratique la plus favorable au développement des compétences métalinguistiques chez les jeunes scripteurs. La démarche pour y parvenir suppose la maitrise par lenseignant des composantes de lactivité, cest-à-dire à la fois une connaissance précise des objets linguistiques et des activités langagières, mais également des processus dapprentissage et des modalités de guidage efficaces (Goigoux,2002). Ce document est en cours d'élaboration. Il a vocation à être utilisé en recherche et en formation. BIBLIOGRAPHIE ANDRIEUX et al. (2001). A partir des évaluations nationales à lentrée en sixième: des constats sur les élèves, des questions sur les pratiques. Education et formation 61, p.103-109. [ Links ] BESSE J.-M. (2001). Laccès au principe phonographique : ce que montrent les écritures approchées, in G. 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ANNEXES Annexe 1: Exemple de format dactions-échanges récurrent dans la classe A [3], 01/07/2013 30 Jihane: «Cécile» avec une majuscule Annexe 2: exemple de format dactions-échanges dans la classe B, 11/06/2013 67 Enseignante: (
) maintenant Daniel que tu as découvert la phrase une première fois pour que ça fasse du sens dans ta tête je vais te demander de la relire en essayant de la relire plus vite 68 Daniel: jaimais la chanson dans--des animaux 69 Enseignante: alors encore une troisième fois sans erreur 70 Daniel: jaimais la chanson des animaux 71 Enseignante: ah et là tu as fait la liaison[dezanimo] (note un lien entre des et animaux) excellent bien tu écoutes tu nes pas là pour discuter avec Eliès/ tu es le maitre [4] ou la maitresse quest-ce qui pose problème? tu dois corriger cette phrase (montre la fiche autocorrective au tableau) et tu vas dire quoi? Est-ce que lenfant a pensé à une phrase? 72 Elèves : oui non 73 Enseignante: il na pas pensé à une phrase? «Jaimais la chanson des animaux»? 74 Elèves: Si 75 Enseignante: est-ce que cet enfant a bien découpé les mots? 76 Elèves: oui 77 Enseignante: est-ce que la phrase a du sens? 78 Elèves:oui 79 Inès: un peu parce que «jaimais»-- il faudrait rajouter «jai aimé» pas «jaimais» 80Enseignante: cest intéressant «jai aimé»-- pour dire que cest terminé cest ça? Mais peut-être quil aimait même quand la classe était partie? 81 Inès;: non mais si on dit «jaimais» ça a pas trop de sens avec le reste 82 Enseignante : «jaimais la chanson des animaux» 83 Elèves: si ça a du sens 84 Marie: si parce que «jai aimé» cest quand il y a longtemps longtemps quil aimait et maintenant il aime plus 85 Enseignante: ça cest intéressant quand tu dis «jai aimé»; ça veut dire que cétait il y a longtemps et que maintenant tu naimes plus alors que quand tu dis «jaimais la chanson des animaux» ça veut dire que tu as aimé longtemps dans le temps 86 Inès: oui mais «jaimais» cest que un temps javais aimé maintenant jaime plus «jaimais» 87 Enseignante: -- écoute en tout cas cest une phrase qui est au passé et dans le passé cet enfant-là il aimait la chanson des animaux donc cette phrase on comprend bien que cest du passé (coche la case sur la fiche). 88 Elèves: il ny a pas le point 89 Enseignante: alors, quest-ce quelle fait lenseignante? 90 Elèves: elle met une croix elle met un rond elle met un point 91Enseignante : cest un oubli donc je vais mettre un rond il ny a pas la majuscule est-ce quil a pensé au point cet enfant? 92 Elèves: oui 93 Enseignante : est-ce quil a pensé aux connecteurs? 94 Elèves: non 95 Enseignante: là il ny en avait pas besoin est-ce quil y avait un pluriel? 96 Elèves: oui non 9 Yasmine: oui. Dans jaimais 98 Enseignante: ah jaimais 99 Daniel: et dans 100 Enseignante: écoutez bien «jaimais» cest «moi» cest «je» qui «aimais» et «moi» je suis toute seule le S que tu vois ici nest pas un S du pluriel daccord? cest un S qui sera toujours là quand on écrira «jaimais» et la maitresse Karine texpliquera lannée prochaine lenseignante de CE1 texpliquera lannée prochaine pourquoi on met un S à la fin mais là, ce nest pas le S du pluriel (
).
Bien que réparties de façon différente, on retrouve trois phases importantes dans les deux séances : la préparation à lécriture, la production/révision individuelle et la révision collective.
Lanalyse des séances laisse apparaitre des formats de séance, cest-à-dire des séquences dactions-échanges entre enseignante et élèves. Il sagit de schémas qui peuvent aller de 3 à 28 échanges pour le groupe A (30 occurrences) et de 15 à 82 échanges pour le groupe B (4 occurrences). La Figure 3 présente les actions des enseignantes qui caractérisent chacun des formats. Un exemple de format dans chacune des classes est présenté en annexe.
Au cours de ces formats dactions-échanges, lenseignante de la classe A facilite lanticipation dun problème, elle recueille et, au besoin, reformule les propositions et arguments des élèves, les amène à justifier leurs hypothèses (tours de parole 31, 33 et 35 Enseignante de lannexe 1) puis donne des exemples (41 Enseignante, annexe 1). En procédant par contextualisation/décontextualisation, elle facilite le processus de généralisation.
3.4 Etayage de lenseignement et gestion de lhétérogénéité
3.5 Activités de lélève
Quen est-il de lactivité des élèves dans ces deux configurations? Lobservation des séances et lanalyse des échanges nous amène à une typologie des activités des élèves. Nous avons quantifié les tours de parole des élèves mobilisant chacune delle:
[1] 234 Enseignante: (
) ça sappelle une apostrophe lapostrophe cest celle qui donne le coup de poing; cest quand le A dit au E «je ne veux pas te voir! Va t-en!» et il lenvoie très très loin en lair.
31 Enseignante : alors pourquoi tu veux mettre une majuscule ?
32 Jihane : parce que c'est un prénom
33 Enseignante : hou- vous êtes d'accord ?
34 Élèves : oui
35 Enseignante : en plein milieu de la phrase ?
36 Élèves : oui/non/parce que c'est un prénom
37 Enseignante : c'est un prénom alors ça veut dire que même si c'est au milieu de la phrase je mets une majuscule ?
38 Élèves : oui
39 Enseignante : très bien formidable (Trace une case au début du trait matérialisant le mot Cécile pour représenter la présence dune majuscule)
40 Élèves : si c'est un prénom
41 Enseignante : même si c'est au milieu de la phrase c'est un prénom majuscule «Carcassonne» c'est un nom de ville «Je vais à Carcassonne.» «Carcassonne» c'est le dernier mot de la phrase c'est le nom d'une ville je mets une majuscule «J'habite en France.» «France» c'est le nom d'un pays même si c'est le dernier mot de la phrase je mets une majuscule les prénoms les noms de villes les noms de pays toujours toujours toujours toujours je ne me pose pas la question je mets une majuscule même si c'est au milieu même si c'est à la fin très bien Jihane