Introduction
L’accessibilité et l’inclusion, au cœur des missions des musées dans la nouvelle définition de l’ICOM (août 2022), engendrent-elles une transformation nécessaire des métiers du musée ? Afin de questionner les savoirs et compétences nécessaires aux médiateurs, nous proposons d’interroger la part sociale de ce métier et son rôle dans l’inclusion des publics fragilisés par des problématiques médicales et/ou sociales . Pour ce faire, nous étudions le partenariat entre médiateur de musée et accompagnateur du public à inclure. Ce travail est un des résultats de notre thèse sur l'inclusion dans les musées des beaux-arts, en France et en Amérique du Nord. Nous avons constaté que ce travail de co-construction se développe dans de nombreux musées afin d’intégrer de petits groupes de publics fragilisés, mais selon nous, cela ne constitue encore qu’une étape vers l’inclusion et l'universalité d’une médiation. Les sciences de l'information et de la communication nous ont permis d'analyser la relation entre ces acteurs, dans la médiation. Plus précisément dans notre thèse, nous avons élaboré une méthode de recherche compréhensive (où les questionnements sont issus du terrain) pour interroger l’offre de médiation à destination des publics fragilisés. Afin d’être représentatifs des trois secteurs médicaux, sociaux et médico-sociaux, et dans l’objectif de globaliser les approches envers les publics à inclure, nous avons ciblé respectivement trois publics fréquemment visés par l’offre muséale : les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, les personnes en apprentissage du français et les personnes déficientes visuelles. Ainsi, nous avons observé 28 dispositifs de médiation, interrogé 25 médiateurs et personnes non issues des professions muséales, dans 6 musées des beaux-arts : le musée des Augustins de Toulouse, le musée du Louvre-Lens, le musée du Louvre de Paris, le musée Fabre de Montpellier, le Musée des beaux-arts de Montréal, et le Museum of Modern Art de New York.
Nous esquissons ici une proposition théorique pour aller au-delà du partenariat et de la co-construction dans l’objectif d’inclure tous les publics dans l’offre du musée. Afin de mener cette réflexion, nous définirons tout d’abord l’inclusion, puis présenterons les attitudes actuelles du médiateur face à l’inclusion, pour enfin questionner ses éventuelles compétences sociales.
1. Le médiateur face à l’inclusion
1.1. Inclure et non plus intégrer
Pour détailler le processus d'inclusion, nous nous basons sur un rapport de l'UNESCO, 2006) dans sa réflexion sur l'école inclusive. Sont décrites 4 étapes pour aller de l'exclusion vers l'inclusion : dans l’exclusion, la société rejette ses membres ; dans la ségrégation, la société discrimine ; dans l’intégration, la société impose une norme ; dans l’inclusion, la société se transforme pour changer les mentalités et se mettre à la portée de tous, dans l’esprit de la loi 2005 (pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées). L’inclusion relève-t-elle uniquement de l’utopie ? Non, nous dit Charles Gardou, « à condition, d’une part, d’apprendre à contester le pouvoir des normes qui nous gouvernent ; d’autre part, de déployer une volonté profondément réformatrice, hors du misérabilisme ou de l’héroïsme » (Gardou, 2011 : 25). En effet, selon lui l’inclusion est un droit, et non un « devoir compassionnel » (Gardou, 2011). En muséologie, Daniel Jacobi utilise d’ailleurs l’expression de « médiation compassionnelle » (Jacobi, 2023, à paraître), combinant passion et sympathie, pour qualifier la posture actuelle des médiateurs. Afin de prolonger cette pensée, nous précisons à notre tour qu’inclure nous semble nécessiter une distance émotionnelle, et donc relever d’une implication plus professionnelle que personnelle. Cela entraînant alors une autre conséquence : l’absence de sélection d’un public privilégié à inclure.
S’il réside une distinction majeure mais tenue entre intégration et inclusion, dans le modèle intégratif, l’adhésion à une norme est demandée, alors que dans le modèle inclusif, la diversité devient la norme. Si l’on analyse le modèle intégratif actuellement majoritairement déployé dans les musées, nous observons une césure entre les offres de médiation adressées au grand public et celles adressées aux publics à inclure. En reprenant la définition de la médiation de Marie-Christine Bordeaux et Elizabeth Caillet (2013), suivant deux voies distinctes de passage ou de lien social - autrement dit par Alain Chante (2000) une culture qui explicite et une culture qui socialise - nous pouvons être tentée par un rapprochement vers ce modèle intégratif, avec la médiation qui explicite adressée au grand public (le public de la norme supposée) et l’objectif de lien social proposé pour le public à inclure (les publics perçus avec des besoins spécifiques). Cependant, l’objectif de lien social entre tous les publics peut également s’opérer dans l’exemple de la participation.
1.2. La co-construction, l’une des quatre postures du médiateur
Au cours de nos recherches, nous avons proposé une typologie des postures du médiateur lorsqu’il aborde son travail de médiation avec les publics à inclure (Molinier, 2019). Premièrement, il se fie à sa propre expérience avec le grand public (Aubouin, Kletz & Lenay, 2010). Deuxièmement, il s’appuie sur sa vocation pour les publics en difficulté (Montoya, Sonnette & Fugier, 2015 ; Bordeaux, Burgos & Guinchard, 2005). Troisièmement, il met en place la création de partenariats (Silverman, 2010), débouchant sur de la co-construction. Quatrièmement, il entreprend de suivre une formation continue (Gardou, 2014). La formation constitue un tournant radical dans la posture professionnelle des médiateurs, les conduisant alors à traiter la question de l’inclusion dans chacune de leurs actions, dans chaque médiation, en pensant de façon permanente et systématique à tous les publics :
« La formation, initiale et continue, constitue l'outil de cohérence d'une politique d'adaptation de la société, la pierre angulaire d'une culture inclusive […] Elle permet d'épurer le regard porté sur le handicap et de déghettoïser cette question pour la situer où elle doit être : dans le quotidien professionnel. Croire pouvoir s'en passer est une erreur lourde de conséquences. Une telle carence entretient les ignorances qui s'ignorent. […] d'autant que les apprentissages expérientiels leur paraissent suffire. » (Gardou, 2014: 432).
Concernant la co-construction, nous nous situons dans une vision muséologique participative et nous la définissons selon Nina Simon (2010), comme un engagement maximal musée et partenaire, avec un double objectif pour chaque partie et une grande liberté d’action pour le partenaire. Sans focaliser sur leurs objectifs, voici ce que nous avons pu observer sur ces deux acteurs. Tout d’abord, côté médiateur, il y a méconnaissance des problématiques des publics à inclure, et pour la pallier nous avons identifié trois sortes d'intermédiaires : un accompagnateur du public fragilisé, une personne elle-même fragilisée, un professionnel extérieur. Or, dans cette co-construction le médiateur n'est pas en mesure de discriminer ces apports, il doit se fier à ces partenaires : il ne maîtrise donc pas ce qu'il va peut-être lui-même véhiculer au sein du musée. Ensuite, côté partenaire, pour l’intermédiaire et plus particulièrement l’accompagnateur, il y a méconnaissance du contenu du musée : ce qui va demander un travail considérable pour acquérir un savoir localisé en un seul lieu. De plus, l’accompagnateur a un statut indifférencié, bénévole ou professionnel, formé ou pas au travail social : il va transmettre et faire perdurer son propre regard, alors que cet accompagnateur n'est pas toujours le mieux informé sur son public. Professionnels, bénévoles et même les proches peuvent enfermer les personnes fragilisées dans un certain regard. Regard qui se transmet actuellement, sans être questionné, au médiateur qui le prolonge dans le musée : le public à inclure reste enfermé dans la vision de son accompagnateur.
Si l’on s’appuie à présent sur la médiation définie selon trois pôles (objet à comprendre/public/tiers médiateurs) par Patrick Fraysse (2015), dans la co-construction, comment sont répartis les savoirs ? L’objet à comprendre est maîtrisé par le médiateur, le public est confié au regard de l’intermédiaire, le tiers médiateur est un discours pluriel entre médiateur et intermédiaire dans une médiation mêlée (Molinier, 2019). Et maintenant, si le public à inclure vient sans accompagnateur, en toute autonomie, que lui propose-t-on ?
2. La co-construction, un modèle pérenne ?
2.1. Les limites de la co-construction
Nous avons identifié plusieurs limites à cette co-construction (Molinier, 2019; 2021) . Une première limite réside dans le fait qu’aucun des deux acteurs n’est formé à la totalité de l’action envers les publics à inclure au musée. Cependant, une certaine porosité de transfert des compétences est repérée entre les pratiques des acteurs (Silverman, 2010). Or, « Une telle carence entretient les ignorances qui s'ignorent » (Gardou, 2014). Ce qui veut dire que la seule sensibilisation aux problématiques ne suffit pas, l’inclusion ne s’improvise pas, elle ne se transmet pas, elle nécessite de connaître les problématiques des publics. Comme frein à aller au-delà d’une sensibilisation, peut être pointé le fait que les compétences des médiateurs sont identifiées comme ascendantes, issues de l’expérience du terrain (par Aubouin, Kletz & Lenay, 2010). Une autre limite réside également dans la présélection, par les accompagnateurs, de participants « viables » (Saada, 2015), ce qui laisse apparaître un pan de public inaccessible. Une sélection à laquelle s’ajoute une seconde sélection depuis les musées dans le choix des groupes. Ainsi, nous pouvons nous demander quelle offre de médiation proposer au-delà de l’accueil de petits groupes. En effet, la sous-catégorisation sociale paraît infinie et il semble interminable d'adapter à chacun, avec un investissement très important en temps et en budget. Surtout, nous restons ici dans une vision intégrative (une offre pour un groupe) et non dans une vision inclusive (la même offre pour tous les publics). Une dernière limite est enfin de ne pas se saisir de l’opportunité d’écoute du public à inclure : l’accompagnateur pouvant empêcher la relation ou bien le médiateur ne sachant pas quoi faire de cette parole. C’est pourquoi, au-delà de la co-construction, nous proposons l’hybridation de ce partenariat médiateur/accompagnateur en un seul et même professionnel.
Même si l’accompagnateur peut se former à la médiation culturelle, il s’agit de garder à l’esprit que les connaissances liées au contenu ne sont pas reproductibles, il est nécessaire de recommencer dans chaque musée. Seule la méthodologie peut être re-mobilisable. Selon nous, la formation de l’accompagnateur à la médiation muséale, dévie du cœur-même de son engagement et de son implication auprès des personnes fragilisées. De ce fait, nous pensons donc que l'accompagnateur devrait, au contraire, être moins sollicité : si le musée demande moins d'implication aux accompagnateurs et propose une solution à laquelle ils peuvent adhérer avec leurs publics, alors peut-être que cela mobiliserait ceux qui n'ont pas le temps de s’investir, ceux qui ne sont pas sélectionnés, ou ceux qui sont bloqués par leur propre manque de connaissances sur le contenu du musée. C’est pourquoi l’enrichissement de formation nous semble devoir viser les médiateurs.
2.2. Former les médiateurs
Nous l’avons vu précédemment, dans une médiation intégrative, il s’agit de comprendre les besoins spécifiques des publics. Or, les publics ne sont pas réduits à leurs besoins : la spécificité n’est pas dans les publics (Bordeaux, 2007), la spécificité n’est pas non plus dans la médiation (Saada, 2015). Dans une médiation inclusive, il s’agit de savoir, de connaître les besoins et de les inclure en amont dans le quotidien des visites et de tout dispositif de médiation. Comment ? Selon nous, en augmentant les connaissances des problématiques par la formation à la conception universelle, telle que créée aux États-Unis dans les années 1980 par Ronald Mace pour s’appliquer dans l’architecture et le design : « La conception universelle peut être définie comme la conception de produits et d'environnements utilisables dans toute la mesure du possible par des personnes de tous âges et de toutes capacités. La conception universelle respecte la diversité humaine et favorise l'inclusion de tous dans toutes les activités de la vie. » (Story, Mueller & Mace, 1998: 2). Ainsi, dans sa version stricte, la conception universelle consiste à l'utilisation d'un même dispositif pour tous : les problématiques sont pensées en amont. Elle est promue dans la Convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées du 13 décembre 2006 (article 4) ratifiée en 2010 par la France.
La conception universelle s’applique en architecture, elle est introduite dans les programmes de formation de l'ensemble des professions travaillant dans le domaine de l'environnement bâti. La conception universelle de l’apprentissage, s’applique à l’école, les enseignants apprennent à concevoir des programmes qui, dès le départ, tiennent compte de la diversité des apprenants (même si ce n’est pas un modèle unique mais plutôt flexible et multiple pour des possibilités d’apprentissage égales pour tous les élèves). Quid de la conception universelle au musée ? La particularité du musée serait peut-être de cumuler les deux dimensions précédentes à travers, d’une part les dispositifs de médiation et d’autre part la médiation humaine. Comment alors insérer la conception universelle dans ces deux temporalités afin de s’adresser à tous les publics ? Premièrement concernant les dispositifs de médiation, un guide de 147 pages est paru, intitulé « Expositions et parcours de visite accessibles » (Salmet, 2016), uniquement basé sur des dispositifs de médiation. Cependant, il ne valorise pas l’application stricte de la conception universelle mais plutôt une application que nous qualifions de souple. En effet, l’accessibilité universelle à laquelle tendent les musées, consiste à mettre en place « des dispositifs variés » pour répondre à « la diversité des besoins », « même si chaque dispositif, dans sa spécificité, n’est pas accessible à tous » (Salmet, 2016 : 6). Donc une application souple qui ne permet pas le partage culturel des publics autour d’un même dispositif (Bougenies et al.) : ne se retrouve pas ici selon nous l'esprit de la conception universelle. Deuxièmement au sujet de la médiation humaine, tout semble à développer : comment tendre alors vers plus d’inclusion pour les publics au musée, notamment pour des visiteurs fragilisés, autonome, sans accompagnateur ?
3. Se saisir des opportunités créées
3.1. Un nouveau professionnel hybride : le remédiateur
Suite aux précédents constats, nous avons questionné la co-construction et cette porosité de transfert des compétences (Silverman, 2010) que nous estimons anarchique, étant donné les acteurs plus ou moins formés de chaque côté du partenariat. En résultat de notre thèse, nous avons conceptualisé un nouveau professionnel hybride doublement formé à la médiation et au travail social : le remédiateur (Molinier, 2019 ; 2023).
Tout d’abord, l’approche inclusive au musée comprend génériquement trois acteurs : un médiateur muséal, un public à inclure (fragilisé par des problématiques médicales, sociales ou médico-sociales) et un accompagnateur (l’interlocuteur privilégié étant l’éducateur spécialisé). En effet, les dispositifs de médiation muséaux s'insèrent dans le travail social qui débute et se déroule à l'extérieur du musée : le musée vient en complément d’un travail plus global, l'éducateur spécialisé s'appuie sur le musée.
Puis, nous distinguons deux médiations. D’un côté, la médiation muséale, définie par Patrick Fraysse (2015) selon trois pôles : objet à comprendre / public / tiers médiateur. La médiation muséale est au centre de la triangulation, elle est favorisée par le tiers médiateur muséal (le médiateur du musée), qui invite au mouvement de rapprochement entre l’objet et le public (public fragilisé + éducateur spécialisé), symbolisé par les deux flèches (voir figure 1).
De l’autre côté la médiation éducative au sens de Joseph Rouzel (2000 ; 2005), c’est-à-dire la création d’un espace de rencontre dans lequel la personne fragilisée rejoue ses difficultés, encadrée par la relation éducative. Le musée devient alors momentanément le lieu de la médiation éducative, un support à la relation. Les deux flèches symbolisent ici le mouvement défusionnel entre l'éducateur spécialisé et la personne fragilisée, permis par la médiation éducative : le musée crée un espace de rencontre entre l'éducateur spécialisé et la personne fragilisée, et favorise la relation éducative (voir figure 2).
Enfin, nous avons conceptualisé ce professionnel hybride, un nouvel acteur muséo-social doublement formé : le remédiateur tel un médiateur muséal augmenté de compétences sociales (Molinier, 2019). Le remédiateur pourrait alors s’adresser directement au public fragilisé (accompagné ou autonome) en mettant en œuvre une double médiation, une remédiation : à la médiation muséale s’ajouterait une médiation éducative. Étymologiquement, selon Alain Chante (2016), la remédiation ne consiste pas à répéter une médiation (comme dans son sens à l’école) mais à venir apporter un remède. La remédiation muséale pourrait alors cumuler les deux visions de la médiation de « passage » et de « lien social » (Bordeaux & Caillet, 2013). Ainsi, dans la remédiation muséale (voir figure 3), la situation de médiation muséale classique (en noir : objet/public/tiers médiateur) ne viserait plus seulement à rapprocher le public fragilisé des œuvres. Le rôle du remédiateur (en rouge) en tant que tiers médiateur, serait de se saisir de l'opportunité de la relation initiée par la médiation muséale, pour ouvrir un espace de rencontre, grâce au cadre qu'il apporterait à la visite. La médiation muséale serait alors augmentée d'un espace de rencontre « éducative » ouvert par le remédiateur.
Par la remédiation muséale, pourrait donc se mettre en place un vrai travail social proposé directement par le musée. Le remédiateur pourrait alors porter un nouveau regard sur les publics à inclure depuis les musées. Si la spécificité n’est ni dans le public (Bordeaux, 2007), ni dans médiation (Saada, 2015), nous ajoutons que la spécificité n’est pas non plus dans le médiateur, car il pourrait être lui aussi universel.
3.2. Les compétences sociales du remédiateur
À présent, nous souhaitons interroger la formation et les compétences concrètes du remédiateur, pour en penser l’effectivité.
Selon nous, proposer des dispositifs de médiation articulés autour des publics à inclure implique plusieurs attitudes. Premièrement, se servir de leurs moyens de communication (par exemple parler la langue des signes afin de lier des relations de confiance avec le public sourd ). Deuxièmement, être compétent et serein, ce qui suppose la connaissance des problématiques pour être en mesure de cibler les potentialités des publics, plutôt que se focaliser sur leurs incapacités. Troisièmement, garantir une posture voire un cadre, donc accueillir et rencontrer des visiteurs autonomes. Quatrièmement, recueillir la parole des publics à inclure et se saisir de l’opportunité offerte par la création d’un cadre d’expression.
Nous souhaitons ensuite interroger la place du remédiateur par rapport au médiateur. Viendrait-il le suppléer ou le remplacer ? Le remédiateur pourrait être perçu comme un acteur supplémentaire, tel l’auxiliaire de Vie Scolaire à l’école. Le remédiateur pourrait également être ponctuel, tel un éducateur spécialisé détaché de sa structure pour créer les dispositifs, à l’image d’un enseignant détaché. Nous pouvons questionner cette diffusion d’une double formation pour tous les médiateurs : seraient-ils amenés à tendre tous vers des remédiateurs ? Un tel mouvement semblerait fécond pour déterminer un nouvel aspect de la médiation.
Par ailleurs, nous nous interrogeons sur les conditions de mise en place d’un vrai travail social depuis le musée (Molinier, 2024 à paraître) . Le remédiateur pourrait-il se positionner comme un interlocuteur repéré, formé et pérenne, dans le musée ? Pourrait-il être dans un lieu identifié et accessible à tous les publics ? Pourrait-il également être disponible sur rendez-vous (en écrivant à remédiateur@musée.fr plutôt qu'à handicap@musée.fr, accessibilité@musée.fr ou champsocial@musée.fr ? A l’extérieur du musée, le remédiateur pourrait-il également être en lien avec une équipe pluridisciplinaire ?
Conclusion
Selon nous, l'accompagnateur du public à inclure apparaît actuellement comme un acteur central car il est prescripteur, vecteur de connaissances et encadrant lors des visites. Il est également perçu comme le seul à pouvoir évaluer les bénéfices et rapporter la parole des publics : l'accompagnateur est rassurant pour le médiateur. Or, de notre point de vue, sa seule expertise ne suffit pas, de plus, il peut constituer un rempart pour atteindre le public à inclure. Ainsi, nous avons mis en évidence deux écueils : côté musée, l’absence de remise en question de la vision de l’accompagnateur sur son groupe de public à inclure ; côté accompagnateur, les efforts fournis pour accéder à un savoir localisé dans un seul lieu (non transposable à un autre musée). Nous avons donc évoqué les limites de la co-construction dans une vision inclusive des publics pensée sans leurs accompagnateurs. Au-delà du rôle de médiateur travaillant en co-construction avec des accompagnateurs de publics à inclure, nous proposons alors la création d'un nouveau métier hybride : le remédiateur. Inspirée par notre formation d'éducatrice spécialisée, nous avons mêlé la médiation éducative à la médiation muséale, pour conceptualiser une double médiation s’adressant aux publics à inclure (autonomes ou avec accompagnateurs) ainsi qu’à tous les publics : en théorie, ces offres de remédiation muséale permettraient donc de créer une inclusion au-delà d'accueils spécifiques réservés. In fine, nous visons la constitution d’un « public universel » (Molinier, 2019), à savoir un seul public riche de toute la diversité des problématiques identifiées et enrichissant une médiation universelle.