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Finisterra - Revista Portuguesa de Geografia

versão impressa ISSN 0430-5027

Finisterra  no.94 Lisboa dez. 2012

 

ARTIGO ORIGINAL


 

Analyse d’une pratique innovante intersectorielle. Entreprise publique et associations de défense des droits des consommateurs

 

Análise de uma prática intersectorial inovadora. Empresas públicas e associações de defesa dos direitos dos consumidores

 

Analysis of an innovative cross-sectorial practice. Public enterprises and associations for the protection of consumer rights

 

 

Denis Harrisson1; Mariline Comeau-Vallée2; Nizar Chaari3

1Centre de recherche sur les innovations sociales, UQAM. E-mail: harrisson.denis@uqam.ca

2 Candidate au doctorat en administration, HÉC.

3Candidat au doctorat en administration, UQAM

 

 

RÉSUMÉ

L’article examine une alliance entre une entreprise de service publique et des associations de défense des droits des consommateurs. Le projet de l’alliance consiste à développer un service régi conjointement pour aider les clients à faible revenu en situation de recouvrement. Ce projet met en œuvre un type de coopération original et inédit entre des organisations provenant de secteurs d’activités distincts. Le projet est conçu comme une innovation sociale, soit une initiative qui émane des acteurs locaux et qui forment une alliance avec des acteurs provenant d’autres milieux d’intervention afin de résoudre un problème. Ce type de relations repose sur la coopération entre une variété d’acteurs lorsque les institutions existantes ne peuvent fournir les ressources afin de résoudre le problème à la satisfaction des personnes impliquées. Le partenariat constitue l’une des configurations organisationnelles propices à l’innovation sociale. Nous proposons une analyse du cas sous les angles suivants essentiels à la compréhension du processus d’innovation sociale: le contexte, la problématisation, les acteurs collectifs, les échanges et la coalition, avant de commenter le résultat de cette innovation sociale entrainant sa pérennisation.

Mots-clés:Innovation sociale, institution, processus, réseau d’innovation, organisation.

 

RESUMO

Este artigo foca a aliança entre uma empresa pública e associações de defesa dos direitos dos consumidores, centrando-se num projecto que visa desenvolver uma cooperação original e inédita entre sectores distintos, para ajudar clientes com baixos rendimentos em situação de incumprimento. O projecto está concebido como uma inovação social, ou seja, uma iniciativa que parte de actores locais para criar alianças com outros meios de intervenção, tendo em vista resolver um problema. Este tipo de relações baseia-se na cooperação entre diversos actores, quando as instituições se revelam incapazes de resolver uma situação a contento dos interessados. Estas parcerias representam configurações organizacionais propícias à inovação. Neste artigo analisa-se um caso sob as seguintes perspectivas, essenciais para a compreensão do processo de inovação social: o contexto, a problematização, os actores, as permutas e a coligação.

Palavras-chave: Inovação social, instituição, processo, rede de inovação, organização.

 

ABSTRACT

This article focuses on the alliance between a public company and associations for the protection of consumer rights, focusing on a project that aims to develop a unique and unprecedented cooperation between different sectors to help low-income customers in default. The project is conceived as a social innovation, i.e., an initiative involving local actors to create alliances with other means of intervention in order to solve a problem. This type of relationship is based on cooperation between various actors, when institutions are unable to resolve the situation to the satisfaction of the parties involved. These partnerships represent organisational settings conducive to innovation. The current article analyses a case under the following perspectives that are essential to understand the social innovation process: the context, the problematization, the actors, the exchanges and the coalition.

Keywords: Social innovation, institution, process, innovation network, organization.

 

 

I. INTRODUCTION

Dans cet article nous proposons l’analyse d’une innovation sociale induite par la coopération entre une entreprise publique, Hydro-Québec Distribution (HQD) et des groupes communautaires (GC) portés à la défense des personnes à faible revenu. Cette initiative, connue officiellement sous l’appellation de la « Table de travail », représente une alliance entre ces deux constituantes afin de réaliser un objectif commun qui consiste à améliorer les services aux ménages à faible revenu en situation de recouvrement. Cette Table de travail a été créée en 2000 et elle est toujours active. Nous proposons une présentation du processus de création de la Table et de son mode de fonctionnement. Il faut voir cette innovation sociale comme le résultat d’un processus inféré par la créativité sociale de plus en plus réclamée pour résoudre les problèmes relatifs à l’exclusion et à l’atténuation du phénomène de la pauvreté.

Au printemps 2007, la Table de travail en recouvrement a donné le mandat au Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES) d’analyser les relations développées par la Direction des services de recouvrement de HQD et les GC. Les objectifs de la recherche, dont nous rendons compte partiellement dans cet article, consistaient à effectuer un état des connaissances sur ce type de coopération original et inédit entre des organisations différentes provenant de secteurs d’activités distincts. Nous avons également examiné les activités et les interventions développées à travers la collaboration entre ces organisations. L’analyse que nous avons effectuée sur la base des données provenant des entrevues nous permet de dégager un processus particulier d’alliance entre HQD et les GC. Nous concevons la pratique de coopération entre une entreprise publique et les associations de consommateurs comme étant une innovation sociale. En effet, il s’agit d’une initiative qui émane des acteurs locaux et qui forment une alliance avec des acteurs provenant d’autres milieux d’intervention afin de résoudre un problème. La solution dérive d’une prise de responsabilité par les acteurs locaux. Ce type de relations repose sur la coopération entre une variété d’acteurs lorsque les institutions existantes ne peuvent fournir les ressources afin de résoudre le problème à la satisfaction des personnes impliquées. Pour être efficace, les innovations sociales doivent émaner de la base, et faire l’objet d’une appropriation collective. Dans cette perspective, l’innovation n’implique pas nécessairement un développement radical mais une variété de nouvelles formes, de valeurs et de normes qui s’ajustent mutuellement. Les acteurs sont le point de départ de l’innovation. Ils échangent des connaissances et des idées et se mobilisent dans des activités de légitimation selon un contexte interne et externe au milieu organisationnel.

Ainsi, avant de nous pencher sur le cas de la coopération entre HQD et les GC, il nous apparaît utile de revenir d’une manière générale sur le concept d’innovation sociale; sa genèse, ses définitions et typologies ainsi que ses caractéristiques; son objectif, le caractère novateur des solutions apportées et surtout son processus. Des précisions que nous estimons indispensable à l’abord concret de l’innovation sociale. Ensuite nous analysons le cas sous quatre angles essentiels à la compréhension du processus d’innovation sociale: le contexte, la problématisation, les acteurs collectifs, la coalition avant d’expliquer le résultat de cette innovation sociale qui autorise sa pérennisation.

 

II. GENÈSE DE L’INNOVATION SOCIALE

Il est admis que le concept d’innovation sociale n’est pas récent. En effet, pour évoquer l’origine des innovations sociales, Mumford (2002) remonte à l’Amérique de Benjamin Franklin dans la mesure où celui-ci concevait les innovations sociales en rapport avec les modifications dans les structures sociétales. On repère aussi l’empreinte de l’innovation sociale dans les textes des pères de la sociologie classique, Weber et Durkheim, qui traitent de la question sous l’angle des transformations des rapports sociaux ou de l’organisation sociale (Nussbaumer et Moulaert, 2007). Dans sa version plus contemporaine, James B. Taylor (1970) présente l’innovation sociale comme une expérience locale de changement dans le domaine des pratiques sociales, ce qui nécessite un engagement et de la coopération entre différents membres d’une communauté. Cela provoque bien sûr des changements importants qui perturbent les rôles, les valeurs et les identités au sein de la communauté. C’est pourquoi l’innovation sociale exige de nouvelles formes d’action sociale qui intègrent différentes représentations des phénomènes sociaux et qui puissent s’accorder dans des arrangements spécifiques. Plus tard, un petit ouvrage de Chambon, David et Devevey (1982) fixera les termes de l’innovation sociale qu’ils définiront comme: « des pratiques visant plus ou moins directement à permettre à un individu ou à un groupe d’individus de prendre en charge un besoin social, ou un ensemble de besoins n’ayant pas trouvé de réponses satisfaisantes par ailleurs » (p. 8). Avant tout, ce sont les dynamiques sociales mises-en-œuvre par l’expérience qui comptent, et moins la réussite finale. L’innovation sociale est également un mécanisme de réappropriation démocratique de la vie sociale (p. 83). Les définitions plus récentes de l’innovation sociale s’inscrivent dans cette ligne. On retrouve là les conceptions de l’innovation sociale reprises par Mumford (2003), Moulaert et al. (2005), Harrisson et Klein (2007) et Phills Jr. et al. (2008). L’innovation sociale repose sur l’esprit d’initiative des acteurs locaux dont les membres échangent dans un esprit solidaire afin de faire autrement.

L’innovation sociale se nourrit, selon nous, de deux idées intimement liées. Les manifestations empiriques initiales de l’innovation sociale avaient pour revendication d’acquérir une certaine autonomie dans l’action individuelle ou collective. La deuxième idée se situe plutôt dans un registre économique et renvoie à une dénonciation d’un (néo)libéralisme « dévastateur ». En effet, l’émergence des innovations sociales se présente comme une réponse pragmatique au libéralisme économique, jugé parfois excessif. Ce qui caractérise cette réponse, c’est le champ microsocial, c’est à dire ce qui émerge de la base, localement, même si, par un phénomène de remontées successives, il en découle des réformes au niveau global.

En plus des objectifs et du caractère innovateur, l’innovation sociale se définit également par son processus, lequel se distingue par trois éléments primordiaux: le contexte interne et externe, la diversité des acteurs, et enfin la nature des relations entre les acteurs.

Si l’innovation sociale s’inscrit dans un contexte particulier, le processus d’innovation se caractérise également par les acteurs qui l’animent. Les auteurs qui définissent l’innovation sociale par son processus mettent l’accent sur la participation des acteurs impliqués dans la création et la mise en œuvre des solutions (Sabel, 1996). Le processus se particularise par une force distinctive participative des acteurs, un effort collectif pour modifier la structure institutionnelle existante. La participation se révèle une condition essentielle pour déterminer si une situation donnée constitue une innovation sociale. Pour être efficaces, les innovations sociales doivent émaner de la base, et faire l’objet d’une appropriation collective. La création et la conception de solutions nouvelles pour une problématique donnée émergent des usagers ou des organismes chargés de les représenter. Enfin, bien que la majorité des auteurs définissent l’innovation sociale par son processus, rares sont ceux qui ont réalisé des études approfondies sur le processus d’innovation sociale. Que ce soit pour le niveau d’analyse orienté vers l’individu, le milieu ou l’entreprise, les auteurs limitent leur description du processus à l’énonciation de la participation des acteurs. Aucun modèle ne se consacre à l’étude des dynamiques entre ces acteurs ni à la description claire et détaillée du processus de l’innovation sociale.

Les seules connaissances que nous possédons à l’heure actuelle sur les séquences du processus s’adressent davantage au domaine de l’innovation au sens large et non à l’innovation sociale exclusivement. Callon (1986), Alter (2000), ainsi que Mumford (2003) rapportent que les premières séquences du développement de l’innovation se caractérisent généralement par la présence d’acteurs perçus comme marginaux, c’est-à-dire qui adoptent des pratiques qui dévient de celles qui sont éprouvées et coutumières. Ensuite, les rapports sociaux se transforment de sorte que des groupes d’acteurs se forment et reproduisent les pratiques nouvelles entreprises par les premiers (Schumpeter, 1975). Les acteurs du milieu immédiat s’intéressent peu à peu à l’innovation, des alliances se créent et des acteurs en enrôlent d’autres dans leur stratégie (Callon, 1986). Sont alors mis en relief des phénomènes tels que des échanges sociaux et des négociations entre des rivaux, des coalitions s’ensuivent (March et Simon, 2005). Il semble que ce soit seulement vers les dernières phases du processus que la situation se stabilise davantage. Des règles sociales se définissent progressivement, la construction sociale de l’usage de l’innovation se propage. Les pratiques qui, au départ, étaient hors normes s’institutionnalisent. Les acteurs, qui proviennent d’univers sociaux différents et qui œuvrent ensemble, le font dans des formes organisationnelles précises tenant compte des alliances possibles. C’est pourquoi le partenariat constitue l’une des configurations organisationnelles propices à l’innovation sociale.

Le partenariat désigne une forme d’accord inter-organisationnel entre des acteurs en compétition qui choisissent délibérément de coopérer au lieu de maintenir des relations traditionnelles fondées sur l’adversité. Le spectre d’arrangements est large et varié (Geary et Roche, 2003), les rapports de pouvoir se situant entre la domination et la confiance (Tomlinson, 2005). En ce sens, le partenariat n’est pas exempt d’une certaine ambiguïté. Il existe un écart important entre ce qui est souhaité de la part des acteurs qui s’impliquent et ce qui est réellement mis-en-œuvre. Diverses ressources et expertises peuvent être combinées, à la condition que les coûts et les risques soient répartis convenablement entre les parties impliquées (Ospina et Yaroni, 2003). Deux versions du partenariat sont alors possibles. L’une, « idéaliste » fondée sur les valeurs associées à la coopération, fait bénéficier les parties prenantes de façon efficace et efficiente, c’est-à-dire que le résultat final est mesurable et rapporte à toutes les parties impliquées; l’autre, « pragmatique », est comprise en termes d’instrumentalité par les parties prenantes qui calculent en continu ses avantages et inconvénients. Le partenariat est une forme de gouvernance privilégiée parce que « commode » dans un contexte donné et que les risques sont répartis. Dans le premier cas, il y a de la coopération et de la confiance; dans le second cas, les relations sont fondées sur le pouvoir et les parties poursuivent leur intérêt propre (Tomlinson, 2005). Les règles du jeu sont ainsi co-construites par les acteurs, aucune décision n’étant prise de manière unilatérale. Les GC ne s’engagent pas dans une relation où ils seront dominés, ils désirent conserver leur identité et leur position de pouvoir en maintenant une zone où les relations traditionnelles ont préséance. C’est une situation qui engendre beaucoup d’ambivalence de la part des parties prenantes qui s’engagent dans des relations de coopération tout en maintenant le cadre institutionnel qui régit les relations habituelles. Les facteurs déterminants d’un partenariat robuste sont multiples: la reconnaissance de l’autonomie des parties et de leurs intérêts et besoins respectifs; la définition claire des rôles et des comportements; l’expérimentation des pratiques de coopération comme étant mutuellement bénéfiques; des valeurs et des buts communs; un accès aux informations; l’influence dans le processus de prise de décision à plusieurs niveaux (stratégique, fonctionnel et opérationnel).

Si ces quelques éléments nous informent sur les séquences du processus d’innovation en général, il y a lieu de s’interroger sur la possibilité de transfert de ces connaissances sur le processus d’innovation sociale. À partir du cas HQD et les GC, nous envisageons d’orienter notre analyse sur le processus d’innovation sociale, la conversion et la transférabilité de celle-ci dans d’autres milieux.

 

III. CADRE MÉTHODOLOGIQUE

Nous avons procédé par triangulation des sources et des méthodes. L’observation participante a été utilisée pour analyser le comportement des acteurs impliqués dans le processus de mise en œuvre et de diffusion. Celle-ci nous a aussi permis d’établir une relation de confiance et de faciliter les entretiens semi dirigés auprès de personnes impliquées à la Table de travail. Au total, dix-huit entrevues ont été réalisées à partir d’une grille conçue spécialement pour ce projet. Parallèlement, nous avons effectué une analyse documentaire afin de cerner la réalité de façon plus objective (plans stratégiques, rapports annuels, rapports du développement durable, mémo, revue de presse, bulletins d’information, procès-verbaux des rencontres et tout autre document traçant l’évolution de la Table depuis la date de sa création jusqu’à aujourd’hui).

À Hydro-Québec, les personnes rencontrées sont conseillers au service stratégies et Pratiques d’affaires pour le développement du recouvrement, représentants et chefs d’équipe de différents sites, ainsi que des représentants de la direction. Pour les associations de consommateurs, les personnes rencontrées étaient principalement des conseillers budgétaires reliés à la Coalition des associations de consommateurs du Québec ou à l’Union des consommateurs. Autant de personnes d’HQD que des GC ont été interrogées soit neuf personnes de chaque côté. Les personnes rencontrées constituent un échantillon d’informateurs clés, sélectionné selon la méthode des choix raisonnés. Ainsi, les informations ont été recueillies auprès d’individus qui siègent actuellement à la Table de travail ou qui ont participé à sa création bien qu’ils n’en fassent plus partie. Cette sélection des participants a été privilégiée pour la diversité des points de vue sur le sujet.

Compte tenu des objectifs poursuivis, les questions des entrevues ont été organisées autour de trois volets: (i) la naissance de la Table, (ii) l’évolution de la Table et (iii) les ententes et les solutions retenues. Ces trois grands thèmes nous ont permis de saisir la dynamique de la Table de travail dans son ensemble: l’analyse du processus de mise en place de l’alliance, l’implication de certains acteurs dans ce processus, les problèmes soulevés par le processus, les facteurs et les conditions facilitant la création du réseau, les mécanismes de résolution des problèmes et les tensions vécues, les impacts sur les pratiques de recouvrement, le choix des intervenants, le type de problèmes discutés dans l’entente. Les entrevues ont été enregistrées dans leur intégralité sur une bande sonore. Enfin, une analyse de contenu a été faite par catégorisation afin de dégager et regrouper les unités de réponses autour de grands thèmes.

 

IV. L’INNOVATION SOCIALE: UNE ALLIANCE EFFICACE

Le caractère innovateur de l’alliance repose sur le fait qu’elle implique deux organisations dont les missions sont divergentes. En tant qu’institution publique productrice et distributrice de l’électricité, HQD fournit à la clientèle québécoise une alimentation électrique, elle assure l’approvisionnement en électricité et offre des services adaptés aux attentes de la clientèle. Hydro-Québec est une entreprise publique de production et de distribution d’électricité au Québec. Avec un peu plus de 4 millions d’abonnements pour une population totale de 8 millions d’habitants au Québec, elle détient un monopole. La Direction Services de Recouvrement poursuit cette même visée en se concentrant sur la gestion des créances. Avant l’instauration de la Table de travail, la mission de la Direction Services de Recouvrement était de limiter les pertes de revenus, en confinant le risque de crédit et en recouvrant auprès des clients les montants dues. De leur côté, les groupes communautaires (GC), membres de la Coalition des associations de consommateurs du Québec (CACQ) ou de l’Union des consommateurs, ont pour mission de promouvoir et de défendre les droits et intérêts des consommateurs, plus particulièrement ceux qui sont en situation précaire, à travers diverses activités dont l’action politique non partisane soutenue notamment par des activités de représentation, de formation populaire et de consultation budgétaire. Les GC désirent offrir un service en continuité qui tient compte de la capacité de payer des ménages à très faible revenu accompagné d’un programme d’efficacité énergétique de manière à réduire l’écart des dépenses pour l’énergie entre les groupes sociaux. Les GC sont présents dans toutes les régions du Québec. Leurs interventions s’articulent principalement autour de la mission et des valeurs suivantes: action politique non partisane, activités de mobilisation sociale, activités de représentation et activités d’éducation populaire, axées sur les droits et la vie démocratique. Les GC offrent donc des services d’aide aux consommateurs et des services d’aide budgétaire: consultation budgétaire, cours sur le budget, ateliers sur différentes thématiques en lien avec le budget, activités d’information et d’éducation aux consommateurs et activités de défense des intérêts des consommateurs. Ce sont là des activités qui traduisent également un sens aigu du pragmatisme. Ces dernières années, leur champ d’action s’est surtout concentré sur les questions concernant le logement, l’énergie, la téléphonie, la radiodiffusion, la télédistribution et l’inforoute, la protection de la vie privée, la santé, l’alimentation, les produits et services financiers ainsi que les politiques sociales et fiscales. Les GC travaillent en permanence sur les dossiers de lutte contre la pauvreté.

Malgré une divergence noTable dans les objectifs poursuivis par chacune des institutions, il y avait une volonté de s’asseoir autour de la même Table et de trouver des solutions mutuellement accepTables. C’est en ce sens que la Table de travail qui traduit la coopération entre les deux groupes constitue une alliance inter-organisa- tionnellei. Celle-ci n’est toutefois possible qu’avec une compatibilité des valeurs propres de chaque organisation, ce qui annonce une cohérence des actions possibles. Les accords apparaissent ici concevables puisque les organisations exhibent un sens marqué pour l’action pragmatique. Cela crée une occasion d’entente vers des solutions à la portée des acteurs. Depuis 2006, la mission d’HQD consiste à limiter les pertes de revenus en agissant en distributeur responsable aux plans économique et social. La nouveauté s’ajoute donc par la visée de responsabilité sociale. Par contre, il faut savoir que la coalition demeure tout de même constamment fragile et vulnérable aux influences de l’environnement. Les acteurs sont confrontés à la gestion d’une situation bien souvent paradoxale: ils sont à la fois partenaires et adversaires.

 

V. LE PROCESSUS

Les analyses que nous avons menées nous permettent de déceler certaines étapes dans le processus d’innovation sociale de l’alliance, mais il faut savoir que dans la réalité ces dernières peuvent apparaître sous une forme enchevêtrée.

1. Le contexte

Le processus se déclenche d’abord dans un contexte bien particulier. Les enjeux sociaux, économiques et politiques entourant la mission d’HQD, une entreprise publique, conjugués aux tensions vécues avec les associations de consommateurs, ont incité l’entreprise à agir. Cette réalité est conforme à ce que soulignent Hollingsworth (2000) et Gazley (2010), à savoir que les conditions sociales, économiques et politiques puissent agir à titre de catalyseurs pour la formation de partenariats inter-organisationnels. Dans le cas étudié, les éléments contextuels ont été des facteurs déterminants pour la création de la Table de travail. Tout d’abord, au plan économique, statistique Canada indique qu’au Québec, près de 20% de la population se situent sous le seuil de faible revenu. Les ménages dans cette situation dépensent en moyenne 7,5% (jusqu’à 20% pour certains clients à faible revenu) de leurs revenus pour leurs dépenses en électricité incluant le chauffage, alors que les ménages se situant au-dessus du seuil de faible revenu y consacrent en moyenne 3,1% de leur revenuii. Un nombre important de ménages à faible revenu rencontre des difficultés au moment d’acquitter leur compte d’électricité, d’autant plus que l’entreprise s’est dotée d’une orientation plus stricte en matière de recouvrement. Ce type de ménages constitue un important segment de la clientèle en recouvrement lourd (clients en défaut de paiement depuis plus de cent jours) chez HQD (près de 50% des clients en recouvrement lourd sont à faible revenu). Cela a pour effet de raviver les revendications des GC envers HQD et de contester ouvertement son orientation en matière de recouvrement. Devant cette situation, les revendications des partenaires sociaux se font de plus en plus vives, contestataires et déterminés et se font entendre dans les médias (presse écrite et télévisée). Leurs propos font écho auprès de la classe politique qui se fait également critique à l’égard de l’entreprise comme l’illustre bien la citation suivante: « Hydro-Québec étrangle ses clients pauvres» La Presse, 1er avril 1999.

Enfin le contexte social se définit par des revendications de toutes les parties prenantes. L’objectif ultime des revendications est de transformer Hydro-Québec de manière à ce qu’elle se montre plus humaine, compréhensible et flexible envers les clients en difficultés. Dans les médias, la responsabilité sociale et l’image de l’entreprise citoyenne d’HQD sont désormais remises en question et la haute direction d’HQD cherche alors des solutions à ce problème qui prend de l’ampleur. Une loi empêche la société d’État de couper l’approvisionnement en électricité durant l’hiver, le chauffage étant vital face au froid glacial de l’hiver québécois. Dans la majorité des foyers québécois (70%), la source principale d’énergie est électrique. De plus, l’entreprise dépend du gouvernement québécois. HQD avait déjà assouplit sa politique, mais cela semblait encore insuffisant.

2. La problématisation

Dans ce contexte général de tension, HQD constate ses rapports chaotiques avec les acteurs sociaux et l’ampleur de l’énergie consacrée pour répondre à leurs revendications et à lutter contre eux. La Direction Services Recouvrement décide alors de reconstruire les ponts avec les GC. Au lieu de les considérer comme des contraintes, externes au processus, qu’il faut vaincre, ils seront désormais considérés comme partenaires, internes au processus, dans le but d’avancer conjointement. Toutefois, des tensions internes sont palpables. Pour certains cadres et employés de la société d’État, cette approche équivaut à « pactiser » avec un adversaire qui a malmené l’image publique de la firme. Aussi, il n’est pas question pour eux de traiter avec les GC et cela leur apparaît comme étant une approche risquée. Cependant, celle-ci vient de la haute direction de l’entreprise qui, sans savoir où cela la conduira, anticipe des résultats probants. La direction mise alors sur un conseiller de l’entreprise qui avait déjà tenté cette approche sans que l’on n’y donnât suite. Le problème vécu par des ménages à faible revenu n’étant pas nouveau, HQD avait déjà, dans le passé, tenté différentes approches. L’entreprise possède donc les ressources internes et l’expertise pour aller de l’avant, mais le projet restait à construire et les références étaient rares car peu d’entreprises ont déjà tenté une expérimentation similaire. Cette fois le contexte semble « favorable » et la direction soutient l’approche.

La problématique consiste à tracer les frontières entre ce qui constitue le problème à résoudre dans le cadre de l’éventuelle action et ce qui est en dehors (Callon, 1986; Byrne et al., 2009). La discussion à HQD s’organise autour des trois aspects suivants: a) collaborer avec les groupes du milieu dans le but de créer des liens constructifs avec eux et de mieux connaître la réalité des ménages à faible revenu; b) proposer aux clients des services efficaces qui tiennent compte de leur situation; c) accroître l’expertise, les compétences et l’engagement du personnel à l’égard de la clientèle à faible revenu.

Le contexte de crise stigmatise la situation et devient un facteur clé qui entraîne une action afin de neutraliser une situation problématique. Des membres internes de l’entreprise sont identifiés pour faire face au problème et proposer un plan qui recevra l’aval de la direction, un appui crucial sans lequel le projet ne pourra progresser.

Les GC ne connaissent pas tant de tensions internes d’autant qu’elles sont débordées par la situation. Leurs conseillers sont en effet submergés de demandes de contestation de la part des ménages à faible revenu, ce qui exige beaucoup de temps de préparation de la part d’associations qui possèdent des moyens limités. La recherche de solutions à travers la mise sur pied de la Table de travail réduit la tension et la charge de travail des conseillers. Aux assemblées générales des membres des associations, il y a eu un débat qui s’est rapidement résolu en faveur de l’alliance, du moins d’en tenter l’expérience de laquelle les associations ont tout à gagner.

3. Les acteurs collectifs

Les aspects formulés explicitement dans les documents de la Table de travail mettent directement en scène les différents acteurs impliqués dans la problématique et susceptibles d’apporter des solutions: HQD, les GC et les clients à faible revenu, ces derniers n’étant pas directement impliqués dans le processus puisque représentés par les associations. Un quatrième groupe d’intérêt apparaît d’une manière épisodique tout au long du processus. Il s’agit des groupes experts (GE). Les GE sont des consultants ou des universitaires appelés à faire des études spécifiques demandées par les membres de la Table de travail: analyse des coûts de l’énergie par catégorie socio-économique; étude documenté sur la pauvreté; analyse des impacts d’une hausse des tarifs; sondage auprès des clients d’HDQ sur la légitimité des mesures adoptées par la Table de travail. L’Alliance proposée n’est pas d’un abord simple car ce type de partenariat est loin d’être naturel. Les parties ayant davantage l’expérience de la confrontation que de la coopération. Ensuite, il s’agit d’associer une grande entreprise publique dont le produit est offert sur le marché, et dont la gouvernance repose sur un mode de commandement hiérarchique, aux associations, soit des organisations à but non lucratif, issues du mouvement social de la protection des consommateurs, et dont le mode de gouvernance est démocratique, puisque les grandes décisions sont prises par les membres lors des assemblées. Par ailleurs, au plan individuel, les représentants de toutes ces organisations se connaissent bien depuis plusieurs années à l’occasion de rencontres fréquentes pour des représentations de positions sur les tarifs d’électricité et de défense de dossiers de consommateurs, ainsi que pour résoudre différents litiges entre les parties.

Naturellement, le choix des groupes d’intérêt ne se fait pas d’une manière aléatoire. L’acteur influent commence par identifier les groupes d’intérêt pertinents. Selon l’expression de Bijker et al. (1989), un groupe d’intérêt pertinent est celui qui possède une grille d’interprétation du problème à résoudre et donc des solutions envisageables semblables à celles du groupe d’intérêt influent. Les groupes d’intérêt pertinents doivent admettre le programme de résolution de problèmes proposé par le groupe influent, leur marge de manœuvre dépend fortement du pouvoir qu’ils détiennent.

La grille d’interprétation de la direction des services de recouvrement d’HQD s’avère surtout économique. Cet acteur conçoit le problème dans le souci d’atteindre un certain niveau de rentabilité et de profitabilité. HQD tente de solutionner le problème en proposant le développement de nouveaux services mieux adaptés à la situation de la clientèle vulnérable. Par ailleurs, HQD ne possède pas d’expertise sur le phénomène de la pauvreté et de l’exclusion. De plus, lorsque vient le moment de traiter le dossier d’un client vulnérable, l’entreprise n’a que des données partielles de la situation. À l’opposé, les GC possèdent toutes les informations sur chaque cas traité. Bien sûr ces informations ne sont pas divulguées, elles demeurent confidentielles. Aussi l’entreprise doit-elle faire confiance aux associations. Ces dernières représentées notamment par l’Action Réseau Consommateurs (ARC), la Coalition des associations de consommateurs du Québec (CACQ) ainsi que la Fédération des Associations coopératives d’économie familiale (FACEF) adoptent une vision pour la défense des droits de leur clientèle. Les GC comprennent le problème à travers les besoins des clients à faible revenu qu’ils côtoient régulièrement dans leur pratique. Le recouvrement en électricité ne représente ici qu’une portion de la problématique de la pauvreté. L’endettement général, les problèmes de logement, les faibles revenus du travail, le chômage endémique, la faible scolarité, l’alimentation et les problèmes de santé constituent des dimensions importantes du problème de la pauvreté et de l’exclusion.

Les GE jettent, quant à eux, un regard plus objectif sur le problème. Par des projets de recherche et des études diverses, ils tentent de relater les faits afin d’aider les partenaires dans leur analyse de la situation. Pour ces derniers, il s’agit d’adopter des positions qui tiennent compte des faits et non des idées reçues ou des jugements de valeur.

Les groupes d’intérêt semblent se rejoindre sur la base de leur objectif commun, soit le développement de solutions adaptées aux ménages à faible revenu. L’enjeu est donc d’arriver à s’entendre sur les services offerts et d’assurer la bonne diffusion de ces derniers dans les institutions.

4. Les échanges

Le processus d’innovation sociale passe par des échanges nombreux et fréquents. Les trois conditions nécessaires à la discussion ressortent explicitement dans le cadre de la coopération HQD-AC. Premièrement, les acteurs s’entendent sur une règle du jeu (traduite dans la grille d’interprétation). Deuxièmement, ils cherchent un avantage qui est défini de part et d’autre. Finalement, il faut qu’il y ait prise de conscience de leur indépendance, de leur autonomie ainsi que du pouvoir de chacun.

La phase de la discussion est le théâtre des démonstrations de pouvoir de l’ensemble des groupes d’intérêt. Agir sur ou avec autrui, c’est entrer en relation avec lui. La relation entre les différents groupes d’intérêt est une relation réciproque, mais déséquilibrée. Elle est réciproque puisqu’il s’agit avant tout d’une relation d’échange. Chaque groupe d’intérêt en présence a une ressource à engager dans la relation ; expertise en ce qui concerne les GC, ressources et ouverture aux négo- ciations en ce qui concerne HQD, coopération et engagement en ce qui concerne les clients à faible revenu et enfin la crédibilité scientifique des groupes d’expert. Elle est déséquilibrée, car les ressources ne sont pas également réparties. Même si la Table de travail est fondée sur des principes démocratiques, les termes de l’échange sont considérablement en faveur de HQD (monopole, rôle social, politique, ressources financières et autres). Néanmoins, ce que nous montrent ces énoncés de mission de part et d’autre, c’est la compatibilité des valeurs propres de chaque organisation qui annonce une cohérence des actions possibles. Les Associations sont très critiques de l’ordre social actuel, particulièrement en ce qui concerne les écarts de revenu entre les plus riches et les plus pauvres, ainsi que les problèmes grandissants de l’endettement. Par ailleurs, elles savent également se montrer pragmatiques au besoin, car elles offrent également des services à leurs commettants. Elles ont donc l’habitude de travailler selon une logique rationnelle économique. L’accord est donc concevable. Pourtant, ce n’est pas suffisant. Chaque partie doit justifier son action devant ses commettants et trouver un arrangement supérieur à l’action immédiate. Il s’agit de briser la légitimité des actions antérieures et construire une nouvelle légitimité pour les actions futures. C’est un travail de co-construction de la légitimité de l’accord.

Initialement, l’instauration de la Table de travail devient pour HQD une manière de conserver l’ouverture et de montrer une volonté de dialoguer et de coopérer avec les trois regroupements de consommateurs. L’objectif est d’expérimenter et de documenter un traitement pour cas sérieux (en fonction de la somme due, de la durée du retard, des antécédents du client et la difficulté de paiement) de concert avec les associations de consommateurs afin de dégager des solutions durables pour les ménages à faible revenu.

Pour les GC, les objectifs premiers de la Table de travail concernent l’assouplissement des mesures de recouvrement pour les ménages à faible revenu qui ont recours aux services de consultations budgétaire d’associations de consommateurs, soit le respect de la capacité de paiement des ménages et un accès à une entente de paiement. C’est implicitement une reconnaissance auprès d’HQ de leur expertise en consultation budgétaire. Puis, l’entreprise souhaite améliorer la confiance réciproque entre HQD et les associations.

5. La coalition

Depuis la création de la Table, diverses études ont été lancées pour explorer la situation des ménages à faible revenu et pour développer des ententes et des services adaptés. HQD et les GC se sont donnés quelques règles de fonctionnement afin d’encadrer le développement de leur mandat. Il est notamment convenu que l’objectif de la Table est de formuler des recommandations consensuelles. Dans le cas où un consensus s’avérerait impossible, les parties s’entendent pour que la Table serve tout de même de canal privilégié d’échanges entre les parties. Les règles ont été définies à l’égard des communications afin d’assurer la confidentialité des sujets traités à la Table. Ainsi, toute communication publique d’une partie concernant l’existence et les objectifs généraux de la Table de travail devra être neutre lorsque, exceptionnellement, les autres parties n’ont pu être consultées au préalable. Ces règles sont importantes dans le processus de coopération dans la mesure où elles définissent les conditions de chacune des parties à la collaboration. Elles concourent également à la préservation du lien de confiance mutuelle nécessaire à la réalisation des travaux. C’est principalement HQD qui s’occupe de la planification et de l’organisation de la Table de travail avec l’accord de ses partenaires. L’entreprise s’occupe des aspects techniques des rencontres: soumission des ordres du jour, rédaction des comptes-rendus, organisation des locaux, etc. La Table demeure un lieu de discussion essentiellement démocratique et tout membre peut proposer une modification dans les activités prévues. À la fin des réunions, organisées sur une base mensuelle, une évaluation est faite par les membres de la Table. Les membres n’ont aucun pouvoir décisionnel formel. La Table est le lieu d’échanges pour le développement de solutions. Elle exerce plutôt un pouvoir d’influence, dans la mesure où les solutions convenues par les membres de la Table sont acheminées en tant que propositions au Comité de gestion de la Direction des services de recouvrement. La gouvernance de la Table repose sur un mode de prise de décision consensuelle. Toute initiative prise par l’un des membres est discutée et interprétée par tous de telle sorte que ce qui en sort est un résultat collectif. Les membres reconnaissent et acceptent ces modalités.

Ce projet tient d’abord à la crédibilité des principaux acteurs qui initient la démarche, tant du côté de la société d’État que des GC communautaires. Chacun représente les commettants de leurs camps respectifs soit la direction d’HQD ou les membres des GC représentées. Les représentants parlent en leur nom et obtiennent le soutien indéfectible de leurs commettants. La crédibilité repose sur la qualité des personnes présentes qui savent tenir leur rôle tout en comprenant bien les enjeux ainsi que le rôle que joue l’autre partie. Ces personnes sont créatives, elles savent obtenir les appuis et élaborer des arguments convaincants. Elles anticipent les résultats.

La Table est constituée d’un nombre équivalent de (6) représentants de la DSR et de représentants des GC. Quant au nombre de représentants provenant des Regroupements des consommateurs, il est aussi équivalent. La sélection des membres se fait principalement sur une base volontaire et en fonction de l’expérience des personnes. En plus, la Table exige certaines caractéristiques telles qu’une connaissance des besoins des clients, une capacité de développement des pratiques d’affaires et des services avec une vision globale du recouvrement, une aisance dans le travail d’équipe et en comité, une facilité à émettre ses idées, une ouverture aux idées des autres même si elles sont opposées et une bonne crédibilité dans son milieu de travail. Chaque partie délègue ainsi des personnes qui acceptent les règles du jeu, évitant les opposants trop radicaux qui peuvent faire échouer les travaux par un repli sur des positions irréconciliables. Cela vaut pour tous. De plus l’alliance s’effectue entre une grande entreprise publique au fonctionnement hiérarchique et des associations en situation de rivalité et dont le mode de gouvernance est démocratique, reposant sur des assemblées souveraines de membres votants. Chaque partie doit bien comprendre et respecter cela.

Les membres de la Table sont authentiques et loyaux. Ils connaissent et jouent leur rôle tout en connaissant bien le rôle des autres. Ils évitent les situations de conflit de rôle en préservant les avancées prudentes qui sont légitimées par leurs commettants. Ils savent prendre des risques au besoin en s’aventurant vers des solutions non acceptées a priori. Ils sont donc en mesure d’engager de telles actions parce qu’ils possèdent une grande connaissance des limites balisées par leur organisation, par les fonctions dévolues à leur partie; ils ont aussi une grande connaissance des autres et savent bien s’en servir. Ils entretiennent des relations privilégiées avec toutes les personnes requises, de leur partie ou de l’autre, pour faire avancer l’initiative. Les relations formelles dans le cadre des travaux de la Table sont insuffisantes, des rapports informels sont maintenus à travers un réseau de personnes en lien étroit, qui communiquent beaucoup d’informations selon des fréquences rapprochées.

La Table possède sa propre dynamique tout en étant reliée à la dynamique des parties représentées. Être solide dans son camp est la condition pour être consistant à la Table. Les parties se jugent par la capacité de bien représenter ses commettants, pour cela il faut également des appuis venant de haut. La haute direction d’Hydro-Québec soutient l’initiative, tout comme les associations dont les membres appuient leurs représentants à la Table. Si les membres de la Table appuient leur action sur certains principes, ils doivent également apprendre à relayer ces principes par des actions qui auront une portée concrète.

Les initiateurs de la Table sont des personnes d’expérience qui connaissent bien leur organisation respective, à la fois ses forces et ses faiblesses. Ils connaissent et maîtrisent parfaitement le langage de l’organisation et savent comment et quand faire pencher un intervenant en leur faveur. Ils apprennent à connaître leur vis-à-vis au point d’en maîtriser également le langage sans toutefois toujours partager ses objectifs. Le respect mutuel, l’ouverture à l’autre, la transparence, la qualité de comprendre l’autre sans jamais être en situation de conflit de rôle, sont des caractéristiques essentielles que possèdent les initiateurs présents à la Table, qualités qui doivent être préservées en toute circonstance. Ce sont des personnes crédibles auprès de leur organisation respective et des autres. Ils ont le soutien de leurs commettants. Ils sont également capables de prendre des risques calculés.

6. Le résultat: un service adapté à une clientèle à faible revenu

Ce processus créatif d’une innovation inédite débouche également sur la co-construction de services adaptés à cette clientèle. Un mandat écrit est conçu et révisé annuellement pour définir les règles de fonctionnement et les objectifs de la Table de travail. Le premier mandat se développe en cinq volets: a) Formuler des ententes pour la clientèle à faible revenu; b) Élaborer des ententes de façon conjointe avec les associations de consommateurs; c) Prévoir des solutions pour les ménages à faible revenu réputés incapables de défrayer les coûts de l’électricité. d) former les employés en recouvrement; e) Assurer une collaboration opérationnelle sous la forme d’un guichet dédié aux associations de consommateurs dans chaque site de recouvrement. Un service téléphonique privilégié permet aux associations de consommateur de connaître la situation.

L’entreprise relève d’abord l’avantage du partage d’expertise. La collaboration avec les associations de consommateurs leur permet d’avoir une meilleure connaissance de leur clientèle à faible revenu qui, en retour, leur offre une occasion de développer des services mieux adaptés. L’échange des connaissances mène à la conscientisation réciproque des deux parties et par conséquent, à une meilleure compréhension de la situation. Les associations de consommateurs comprennent mieux les actions d’Hydro-Québec maintenant qu’elles connaissent mieux ses structures et leurs responsabilités. L’unité du recouvrement étant tributaire de plusieurs autres décisions, parfois, les GC comprennent que la réalisation des projets ne relève pas seu- lement de la volonté d’HQD, mais de critères et de lois relevant d’autres instances. Les luttes contre HQD se trouvent donc atténuées, ce qui avantage Hydro-Québec, notamment en terme d’image d’entreprise.

D’abord reconnues en tant que groupes de pression, les associations deviennent plus collaboratrices, du moins à la Table. En cheminant avec l’entreprise dans la prise de décision et dans le développement des produits et services, elles sont maintenant des partenaires qui soutiennent davantage HQD dans le processus d’approbation par la Régie de l’Énergie pour des projets qui sont travaillés à la Table. Les GC conservent leur esprit critique sur d’autres aspects des dossiers présentés à la Régie, notamment contre la hausse des tarifs résidentiels. Il s’agit là d’une particularité reconnue par les parties, c’est-à-dire d’accepter de travailler en étroite collaboration sur certains dossiers, puis d’être des opposants sur d’autres.

Riche de cette expérience de collaboration, HQD réussit à concilier des objectifs à dominante sociale tout en élargissant ses activités au plan économique. Les associations de consommateurs amènent l’entreprise à mettre au défi ses manières de faire. Elles poussent l’entreprise à penser autrement, compte tenu de la réalité de ses clients. Le partenariat permet à HQD d’avancer et d’innover. Au plan économique, HQD peut faire la démonstration de la rentabilité des nouvelles pratiques en recouvrement. À long terme, l’entreprise perçoit des bénéfices économiques, dans la mesure où il y a un travail d’éducation exercé auprès des clients. Le taux de mauvaises créances, (ratio des dollars non perçus sur les ventes d’électricité) a diminué, en partie grâce à ces nouveaux services. Par ailleurs, une augmentation de la satisfaction des clients résidentiels et commerciaux à l’égard de la relation avec les employés est observée.

L’implication opérationnelle des GC dans les expériences permet aussi la collecte de données psychosociales sur les ménages, données autrement inaccessibles; ces données, traitées de façon anonyme, permettent de raffiner la connaissance de cette clientèle et ainsi de développer des services mieux adaptés.

Les gains principaux sont les effets concrets bénéfiques sur le terrain. Les conseillers budgétaires des différentes associations notent une nette amélioration:

« Dans la réalité terrain, on constate que les clients à faible revenu (…) peuvent bénéficier d’une entente qui tient plus compte de leur capacité de paiement. » (ACEF de l’Est de Montréal)

Selon les GC, HQD offre des mesures de plus en plus adaptées aux clients. L’entreprise est arrivée à des ententes de paiement plus raisonnables, plus souples et plus malléables. Un des grands défis pour les GC était de s’assurer que les clients, où qu’ils soient, et sans passer nécessairement par les GC, puissent accéder aux mesures auxquelles ils ont droit. Cet objectif est en grande partie atteint:

« Notre rôle de défense des droits des consommateurs en général est rempli! On s’aperçoit que nos interventions ont permis à l’ensemble du Québec des mesures beaucoup plus facilitantes pour beaucoup de familles. » (ACEF Lanaudière).

Les GC reconnaissent aussi les bénéfices de la compréhension mutuelle. Ils ont réussi à faire comprendre le milieu de la pauvreté. «Rien ne sert de s’acharner sur eux, ils ne paieront pas», dira une représentante d’une association. Réussir à faire comprendre cela aux représentants de l’entreprise est un gain, sans compter que la défense des membres des GC vis-à-vis d’HQD est grandement facilitée par l’entente. Du temps, des efforts et de l’énergie sont ainsi dégagés pour traiter d’autres problèmes auprès d’autres fournisseurs de services ou des propriétaires de logements locatifs, le loyer mensuel comptant pour une part importante des dépenses des ménages. La Table produit plus que ce que chacun de son côté aurait pu obtenir sans l’autre. La Table de travail forme une équipe unifiée:

« Deux milieux, deux cultures différentes qui se rencontrent et qui s’influencent l’un et l’autre… chacun s’empreigne de l’expertise de l’autre. » (ACEF Bois-Francs).

Cependant, la collaboration demeure risquée pour les GC dans la mesure où elle peut amener ces dernières à perdre le sens de leur mission. Certains membres peuvent questionner la position des GC vis-à-vis d’HQD. Les acteurs ont une identité particulière, une attitude favorable à la négociation et un engagement important envers le projet destiné. Ils sont motivés à entreprendre une démarche de collaboration et à trouver des solutions concrètes pour résoudre le problème. Ils font preuve aussi d’un engagement social profond.

Les organisations impliquées possèdent également des attributs particuliers favorables au développement d’une démarche de collaboration. Le climat organisationnel est favorable au changement, à la remise en question des pratiques institutionnelles. La prise de risque est acceptée par l’organisation mais elle est compensée par un désir de performance accrue et la résolution du problème. Les acteurs forgent leur organisation et à son tour, l’organisation influence les comportements des acteurs. Des membres sont identifiés et désignés par l’organisation pour faire face au problème. Ces derniers sont en quelque sorte l’extension de l’organisation, ses porte-parole.

L’interdépendance entre les acteurs et les aspects des organisations entrainent des actions qui aboutissent ensuite à des résultats tangibles. Les actions sont balisées par un mode de fonctionnement précis que se sont donné les acteurs impliqués dans le projet. Des plans d’action ont été élaborés puis, au fur et à mesure du projet, des actions concrètes et des produits se développent.

Les connaissances explicites peuvent être codifiées et articulées en « langage formel », transcrites dans des manuels, présentées sous la forme d’une recette applicable. Cette forme de connaissance est susceptible d’être transmise et diffusée « de façon formelle ». Contrairement aux connaissances explicites, les connaissances tacites sont intangibles, difficiles à traduire dans un langage structuré. Elles germent dans l’expérience, le savoir-faire, les valeurs et les croyances des individus, ce qui rend leur articulation et par la suite leur transfert délicat et complexe. L’aboutissement de l’action innovante, son degré de réussite et sa diffusion sont indubiTablement les produits des interactions entre ces deux formes de connaissances. Enfin, le modèle est récursif dans la mesure où les résultats exercent une rétroaction sur les premiers éléments. Les résultats influencent à leur tour les acteurs et les organisations. Ils viennent renforcer ou atténuer les attitudes des acteurs, modifier ou ajuster leurs comportements. Du même coup, les résultats viennent consolider les décisions de l’organisation et modifier les pratiques organisationnelles. Suite à ces changements, les acteurs et les organisations reprennent position, font de nouveaux choix, prennent de nouvelles directions, qui mèneront vers de nouveaux résultats, de nouveaux produits. Le schéma repose sur la prémisse que les actions et les résultats se produisent lorsque plusieurs conditions favorables sont réunies. Il n’existe pas une seule condition de succès, une caractéristique particulière qui puisse rendre compte de la complexité du processus de collaboration. Le processus requiert la mise en action d’une grande diversité de comportements, d’attitudes relevant des acteurs et des propriétés et des pratiques organisationnelles. Le contexte entourant le processus doit aussi être propice à la naissance et à la poursuite du projet de collaboration.

Dans sa décision d’aider spécifiquement les clients à faible revenu en recouvrement, la Table de travail a aussi pris en considération des éléments d’ordre rationnel. La logique commerciale qui consiste à rationaliser les actions et limiter les manques à gagner du distributeur d’énergie, ainsi que la logique marchande selon laquelle un service consommé doit être impérativement payé servent de base au fonctionnement de la DSR. Les actions de la Table de travail consistent donc à combiner, dans la mesure du possible, les deux approches, celle fondée sur les valeurs et celle fondée sur le comportement économique rationnel. Bien qu’en apparence contradictoires, il est possible d’associer ces deux ordres de logique et de les rendre complémentaires. Le développement des nouvelles solutions n’a pas seulement suscité des interrogations sur la question de la légitimité et de l’équité des mesures. Leur mise en œuvre a été confrontée à un système de recouvrement traditionnel porté par des acteurs imprégnés par des méthodes rigides, indifférents face à une clientèle qui ne respecte pas ses engagements. Le défi de la Table de travail a été de changer les regards et de dépasser les préjugés.

7. Le processus pérennisé

« Au Québec, il ne peut être question de laisser quelqu’un sans approvisionnement d’énergie en hiver. D’autres fournisseurs n’ont pas le sens civique d’Hydro... Cette image du triangle rouge frappe l’imagination. Notre société est incapable ou ne veut plus garantir à une partie de ses membres moins fortunés un minimum vital... Déjà, la société d’État améliore ses procédures de recouvrement et les clients ne s’en plaindront pas... » (Magazine Recto-Verso janvier-février, 2001).

La Table en recouvrement est un succès, c’est indéniable. Elle a réussi à traduire les valeurs et les intérêts de chaque partie, du moins pour cette problématique singulière. Les travaux de la Table se poursuivent car la dynamique interne est stabilisée et le mode de fonctionnement permet d’envisager d’autres défis. D’autres acteurs vont se joindre à la Table et perpétuer ce mode de traitement d’un problème par la concertation entre des parties en apparence opposées. Il importe alors de socialiser et de former ces nouveaux membres aux pratiques partenariales à travers l’ajout de nouvelles questions, évitant ainsi la banalisation de la Table. Celle-ci attire des visiteurs en provenance de distributeurs de services publiques et privés d’ici et de l’étranger intéressés par le projet afin d’y explorer un transfert des connaissances. Toutefois, il n’y a pas eu de diffusion de ce projet d’innovation sociale à l’extérieur du cercle restreint des acteurs impliqués à HQD et aux GC. Le projet demeure fragile, sujet à diverses tensions à la suite de la crise de 2008, de nouvelles orientations données par la direction d’HQD, du climat politique et de la diminution de la sensibilité du public quant à la solidarité affichée à l’égard des membres les plus vulnérables de la société.

 

VI. CONCLUSION

L’innovation sociale telle qu’initiée par HQD et les GC de consommateurs vise à solutionner des problèmes concrets. Le phénomène du recouvrement auprès des ménages à faible revenu est atténué par la recherche de solutions pratiques dont chaque partie reconnaît les limites. Cette solution contribue à la transformation de certaines activités non pas par de grandes réformes, mais par une construction patiente, pas à pas, de la solution d’un problème plus vaste qui exige l’intervention de plusieurs milieux, d’acteurs diversifiés et de la mise en relation de systèmes interdépendants. Aussi, bien que partielle, la pratique initiée par HQD et les GC est innovatrice dans la manière de traiter le problème. Plusieurs dimensions de l’innovation se réalisent en même temps, c’est un faisceau qui se développe petit à petit: a) il y a d’abord un réseau qui se forme entre les groupes communautaires et une entreprise publique; b) ce réseau partenarial se développe en fonction d’un mode de gouvernance inédit au sein des groupes et de l’entreprise, il est autonome et indépendant tout en étant ouvert et transparent; c) les membres participants au réseau acquièrent une identité singulière fondée sur l’expérience et le maintien de relations de proximité avec les autres membres y compris les «adversaires»; d) le réseau partenarial se fixe à travers des pratiques qui sont renouvelées par l’appropriation de valeurs de partage, de respect mutuel, de confiance, de travail en coopération. Le gain primordial consiste à cultiver les bénéfices de la collaboration dont il importe maintenant d’analyser l’ampleur, la profondeur, la durabilité et la pérennité.

En effet, ces liens de collaboration consistent en une matière qui peut être transférée dans d’autres milieux et d’autres organisations afin de traiter des solutions à des problèmes endémiques. L’État, les entreprises et les acteurs de la société civile ont la responsabilité d’appuyer les innovations sociales sans en être toujours l’instigateur, et de voir à une meilleure diffusion des innovations sociales dans tous les milieux.

 

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Recebido: Setembro 2011. Aceite: Agosto 2012

 

 

NOTAS

iLa question de l’alliance entre des organisations qui appartiennent à deux secteurs d’activité économique différente a été traitée plus à fond dans notre article qui porte sur le cadre institutionnel propice à cette forme inédite de partenariat (Harrisson, Chaari et Comeau-Vallée 2012).

iiLes données proviennent d’un document interne produit par une étude commandée par la Table de Travail Rapport SEPA 2004: 5.

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