SciELO - Scientific Electronic Library Online

 
vol.27 número3PoemasFronteira e contacto em O Meu Nome é Legião índice de autoresíndice de assuntosPesquisa de artigos
Home Pagelista alfabética de periódicos  

Serviços Personalizados

Journal

Artigo

Indicadores

Links relacionados

  • Não possue artigos similaresSimilares em SciELO

Compartilhar


Revista Diacrítica

versão impressa ISSN 0807-8967

Diacrítica vol.27 no.3 Braga  2013

 

Nouveaux genres littéraires urbains en français. Micronouvelles et nouvelles en trois lignes[1]

Novos géneros literários urbanos em francês. Micronovelas e novelas em três linhas

New urban literary genres in french. Micronouvelles and nouvelles in three lines

Cristina Álvares*

*Departamento de Estudos Românicos, Universidade do Minho, Braga, Portugal

calvares@ilch.uminho.pt

 

RÉSUMÉ

L’article vise à saisir la spécificité des micronouvelles au sein des microrécits ainsi que la spécificité des nouvelles en trois lignes au sein des micronouvelles. Il étudie leurs propriétés externes (naissance à la Belle Époque, réactivation dans un contexte de pensée et de sensibilité axé sur la valeur du petit et des innovations technologiques); et leurs propriétés internes (brièveté, narrativité, intertextualité, intermédialité). La spécificité des micronouvelles se situant au niveau des dérivations génologiques, nous discutons leur rapport au conte et à la nouvelle. Nous étudions ensuite les nouvelles en trois lignes, forme qui présente des caractéristiques particulières au sein des micronouvelles dont elles ont par ailleurs lancé les grandes coordonnées il y a cent ans. Réécritures de faits divers, les nouvelles en trois lignes en gardent certains traits structuraux comme la narrativité, la référentialité et la thématique de l’urbain, dont le choc est la forme majeure de manifestation.

Mots-clés: microrécit; micronouvelle; nouvelles en trois lignes; conte; nouvelle; urbain.

 

RESUMO

O artigo visa apreender a especificidade das micronovelas no seio das micronarrativas assim como a especificidade das novelas em três linhas no seio das micronovelas. Destas estudamos as características externas (nascidas na Belle Époque, reativadas num contexto de pensamento e de sensibilidade marcado pelos valores do pequeno e por inovações tecnológicas); e as características internas (brevidade, narratividade, intertextualidade). Situando-se a especificidade das micronovelas no plano das derivações genológicas, discutimos a sua relação com o conto e com a novela. De seguida estudamos as novelas em três linhas, forma que apresenta características particulares no seio das micronovelas cujas grandes coordenadas lançaram aliás há cem anos. Reescritas de faits divers, as novelas em três linhas preservam alguns dos seus traços estruturais: narratividade, referencialidade e a temática do urbano que se manifesta sob a forma do choque.

Palavras chave: micronarrativa; micronovelas; novelas em três linhas; conto; novela; urbano.

 

ABSTRACT

The paper aims at localizing the specificity of micronouvelles within the field of short short stories as well as the specificity of the nouvelles en trois lignes within the field of micronouvelles. It studies their external properties (born in the Belle Époque, reborn in a context of thought and sensibility centered on the notion of small and technological innovations); and their internal properties (shortness, narritivity, intertextuality). The specificity of micronouvelles is located at the level of genological changes and we discuss their connection with the short story and the nouvelle. We focus then on the nouvelles en trois lignes, which is the first form of micronouvelle. The nouvelles en trois lignes rewrite faits divers and keep a number of their structural properties such as narrativity, referentiality and the urban which major form of presence is shock.

Keywords: short short story; micronouvelle; nouvelles en trois lignes; short story; nouvelle; the urban.

 

*

Les micronouvelles dans le paysage micronarratif

La production de récits extrêmement brefs, voire minuscules, concis, précis, elliptiques et intenses, n’est pas une nouveauté dans le monde hispanophone où le minicuento ou microrrelato (parmi d’autres désignations[2]) a une tradition qui remonte au moins à 1959, année où Augusto Monterroso a écrit son célèbre Dinosaurio: « Cuando despertó, el dinosaurio todavía estaba allí ». Ce texte fonctionne comme le paradigme de la forme narrative du microrrelato. En France, ou plutôt en langue française, ce phénomène est beaucoup plus récent, bien que l’on trouve des précurseurs dès les années 1980 et 1990, comme Jacques Sternberg avec ses contes ultra-brefs, et les fragments narratifs de Ph. Delerm, décrivant des plaisirs minuscules. Mais c’est à partir de 2005, sans doute réactivés par la mise en place de facebook (2004) et twitter (2006), que les microrécits en français émergent comme un phénomène littéraire visible. En témoignent Microfictions, de Régis Jauffret, les blogs d’Éric Chévillard, de François Bon, de Vincent Bastin et d’Olivier Geshter, les micronouvelles, traductions et textes théoriques de Jacques Fuentealba et de Vincent Bastin, parus sur la Toile et dans des fanzines et revues alternatives (Black Mamba, Fées Divers). Au Québec, il y a le groupe Oxymorons, réuni autour de Laurent Berthiaume et de la revue Brèves Littéraires, avec ses Cent onze micronouvelles (2010). En 2010 l’Institut de Twittérature Comparée (ITC) est fondé à Montréal et à Bordeaux. De retour en France, signalons les nouvelles en trois lignes de Jean-Noel Blanc, avec Couper court (2007), et de Jean-Louis Bailly, avec Nouvelles impassibles (2009). Sur le plan des études universiataires, le premier numéro de la revue électronique Fixxion, axée sur la période de transition entre le XXe et les XXIe siècles, parue en décembre 2010, est dédié à la tension micro / macro.

On constate qu’il y a des récits qui ne sont appelés microfictions, microrécits ou micronouvelles ni par l’auteur, ni par l’éditeur, ni par la critique, mais dont la dimension et la forme correspondent au genre narratif ainsi désigné. C’est le cas de certaines nouvelles ou fictions de R. Dubillard, Chantal Thomas, Régine Détambel ou Franz Bartelt, certains contes de Jean Bensimon et certains récits de Jean-Bertrand Pontalis.

Les écrivains, théoriciens et critiques des microformes narratives, notamment espagnols et sud-américains[3], considèrent que le microrrelato ou minicuento apparait à la fin du XIXe siècle, début XXe siècle, avec le modernisme et les avant-gardes, disparait ensuite et réapparait massivement (en Amérique du Sud) à partir de 1960. Il s’agit d’une pratique littéraire très prestigieuse en espagnol. Des écrivains comme Jorge Luis Borges et Julio Cortázar, pour ne nommer qu’eux, ont écrit des microrrelatos. Le discours théorique et critique espagnol et sud-américain légitime la nature et la qualité littéraire du microrécit, en posant à sa genèse les noms de grands écrivains comme Edgar A. Poe, Charles Baudelaire, Franz Kafka, Ernest Hemingway (Roas, 2010; Andres-Suárez, 2010; Lagmanovitch, 2010). Il est fréquent d’y ajouter le nom de Félix Fénéon, le créateur des nouvelles en trois lignes, dont on parlera plus loincomme d’un cas particulier de microrécit. Des formes comme le haiku japonais, le cadavre exquis surréaliste et les expériences de OuLiPo sont aussi évoquées comme des influences décisives.

L’apport français

Il y aurait sans doute des ordres de raisons différents pour expliquer l’adhésion plus récente des écrivains francophones aux microrécits. Il y aurait d’abord des raisons de tradition littéraire qui dessinent un parcours de longue durée sur lequel nous trouvons l’attachement historique du monde littéraire francophone au roman. Rappelons que le roman est né en ancien français au XIIe siècle comme la forme narrative qui s’est autonomisée par rapport à ‘la mise en roman’, c’est-à-dire à la translatio de textes latins en langue romane – en roman – , ce qui explique le lien étymologique du genre littéraire à la langue: le roman est le produit de la mise en roman (traduire).

Pourtant les modèles et précurseurs littéraires français des microrécits sont nombreux qui vont de Baudelaire et Fénéon à OuLiPo. Il faudrait y ajouter, parmi bien d’autres, quatre penseurs, deux écrivains et deux philosophes, qui ont contribué à penser le petit et le peu de chose.

Côté philosophes, François Lyotard, qui a défini le postmoderne comme effet de la chute des grands récits en des jeux de langage multiples et hétérogènes. À la suite de Freudqui découvre l’inconscient dans la petitesse de phénomènes apparemment insignifiants de la psychopathologie de la vie quotidienne comme le rêve, le lapsus, l’acte manqué ou la blague, Jacques Lacan, qui aurait rejeté d’être appelé philosophe mais qui a tout de même introduit la psychanalyse dans la scène philosophique, a élaboré les concepts d’objet petit a – à entendre comme forme objectale du rien plutôt que comme fragment d’une totalité – et de pastoute – impliquant la dimension détotalisante de l’ensemble ouvert en contraste avec l’univers en tant que tout. Avec la catégorie du réel, Lacan a mis en valeur le minuscule (la livre de chair perdue) et l’insaisissable (ce qui toujours se dérobe, comme le regard, par exemple), ainsi que le singulier et la série (un/e à un/e) à l’infini. La qualité détotalisante de la série fournit un modèle pour penser la production paratactique de microrécits dans leur accumulation a-hiérarchique, désyntagmatisante et ouverte à l’infini, que la publication en ligne potentialise.[4]

Côté écrivains, deux auteurs, Pascal Quignard et Pierre Michon, fréquemment référés à la postmodernité, reprennent à leur compte et développent toute une reflexion sur des questions et des concepts lacaniens: l’impact du langage dans la sexualité, l’assomption de l’objet petit a en tant que modèle des sordidissimes chez Quignard, par exemple; ou la prééminence de la figure paternelle autour de laquelle Michon développe une reflexion sur les différents régimes que prend l’inconsistance de sa fonction symbolique. Malgré leurs différences, Quignard et Michon partagent le projet de récupérer les restes de ce qui a été oublié comme insignifiant, trivial et méprisable par la mémoire culturelle. Aussi les fictions critiques de ces auteurs se caractérisent-elles par une thématisation aussi bien narrative que théorique du petit: petits traités, écriture fragmentaire et discontinue, mise en relief du détail, sordidissimes, pour Quignard; Vies Minuscules, récits focalisés sur un instant ou détail, pour Michon.

Il semblerait donc que l’apport français à la question des récits brefs ou minuscules n’est pas petit. Bien que la production de microrécits en français ne soit pas quantitativement comparable à celle des autres langues, toujours est-il que des modèles théoriques et herméneutiques majeurs pour penser et analyser le petit et le peu de chose ont été élaborés en français.

Brièveté et intertextualité

Le microrécit se veut un récit réduit à l’essentiel. Son extension minimale est corrélative d’autres caractéristiques: concision, précision, dépuration du langage, pour le style; fonction structurale de l’ellipse (Andres-Suárez, 2010: 51), c’est-à-dire des non-dits, pour les figures du récit. Raconter une histoire en un minimum de mots, réduire un univers narratif à l’expression minimale, apparait comme un défi structural et stylistique qui aboutit à l’écriture de textes de sept mots, comme le Dinausario de Monterroso, et même de quatre mots. C’est le cas du microrécit El Emigrante, de Luis Felipe Lomelí (2005): « ¿Olvida usted algo? -¡Ojalá! ». Les non-dits sont nécessaires à l’effet de chute (cf. Berthiaume, 2006) ou final cataphorique (cf. Zavala, 2011), lorsque la conclusion se précipite, pour surprendre le lecteur, le faire rire ou le dégoûter: « Le pyromane et sa jeune fiancée n’avaient pas dû se comprendre, vu les cris qu’elle poussait. Pourtant, elle avait acquiescé quand il lui avait dit: ‘Je teux t’ambraser!’, non? » (Fuentealba, 2009b: 28).

La micronouvelle est un petit récit qui raconte une transformation d’un état dans un autre état (Andres-Suárez, 2010: 29-30, 56-57); mais l’intrigue peut être patente ou latente, suggérée, sous-entendue, ébauchée, si bien que l’intervention du lecteur dans la restitution de l’histoire et l’élaboration de la signification est sollicitée. La tension narrative l’emporte sur l’intrigue (cf. Roas, 2010: 26; Lagmanovitch, 2006: 92). Quand il définit la micronouvelle, Vincent Bastin choisit comme critère l’intrigue latente:

[la micronouvelle est une] fiction littéraire, d’une centaine de mots ou moins, qui se termine par une chute. Concision oblige, le narrateur doit limiter son texte à l’essentiel, en accordant une place importante au non-dit. En quelques mots: camper un événement, un personnage, et surtout, un climat. Patient travail de concision, de ciselage littéraire, la micronouvelle demande un effort soutenu de réécriture. (Bastin, 2011c)

Il est rare en effet de trouver un microrécit qui ne soit pas un exercice de réécriture. Jeux de mots, détours d’expressions courantes, variations sur des stéréotypes sont des stratégies parodiques qui recyclent soit des textes, soit des lieux-communs et des conventions discursives. En voici un exemple avec un jeu de mots homophones: « Le sergent grenadier Lazare, dissipé, chassa la poule d’eau. Il ne fit jamais mouche, gaspillant de précieuses munitions. Les troupiers, en colère, lui firent l’appeau » (Bastin, 2011a).

Concision oblige, le microrécit doit recourir fréquemment à des cadres de référence constitués par des formules, des motifs, des personnages, des séquences narratives et des textes (littéraires, filmiques, médiatiques, etc) amplement partagés parce que retenus par la mémoire culturelle. Leur fonction est de compenser l’absence de descriptions et d’explications. Aussi, les microrécits réécrivent des contes populaires, des scènes bibliques, des épisodes historiques, des séquences ou scénarios des grands classiques de la littérature mondiale (L’Odyssée, Œdipe, D. Quijote, Roméo et Juliette, D.Juan, Les mille et une nuits) et / ou des genres de la culture populaire: SF, thriller, fantastique, polar. Les micronouvelles sont habitées par des personnages tels que des vampires, des fées, des robots, le Petit Chaperon Rouge, Ulysse, Zorro, un dinosaure, le diable, Napoléon ou Bécassine. La mouvance de ces éléments textuels fait des microrécits un champ privilégié pour la transfictionnalité: la fiction se dégage du récit qui la soutient et circule entre auteurs, media et modes sémiotiques différents, combinés ou non.

D’autres microfictions tâchent de saisir la banalité de la vie quotidienne et s’inscrivent dans l’esthétique de l’everyday life. Cesmicronouvelles visent à donner « au lecteur l’impression d’être assis sur un banc, dans une ville, et de regarder passer les gens. Avec le pouvoir de capter, pour chacun d’eux, un fragment de leur vie » (Bastin, 2011d).

Narrativité

Si le microrécit obéit à des contraintes formelles, cela n’est pas le cas pour ce qu’il en est du contenu. La pluralité et la diversité thématiques font que la forme narrative brève ou hyper-brève est hybride, transgénérique, transfictionnelle. Le microrécit absorbe et réécrit des textes en tous genres et supports, y compris ceux qui, n’étant pas narratifs, s’en rapprochent de par la dimension, comme les genres gnomiques: aphorismes, maximes, apologues. La micronouvelle suivante de Fuentealba en est un exemple: « Le pyromane a tendance à se prendre pour le maître du monde, car il peut avoir n’importe où son foyer » (2009b). Comment la distinguer d’un aphorisme? La majorité des microfictions composant le blog de Chévillard relève des genres qui énoncent une thèse, un argument, un commentaire. Les textes associés aux images dans Une traversée de Buffalo, de François Bon, sont moins narratifs que descriptifs.

Ces exemples indiquent que le défi impliqué dans l’écriture de microrécits met en jeu la narrativité même. Écrire une histoire en le moins de mots possible implique une interrogation sur la particule minimale de narrativité et sa localisation: au niveau de surface de la trame ou au niveau profond de la tension narrative? L’histoire ébauchée ou suggérée ainsi que l’ouverture aux genres non narratifs contribuent à l’ébranlement de la consistance narrative.

Dans El microrrelato. Teoría y historia, David Lagmanovitch distingue deux perspectives sur le microrécit: la transgénérique, qui le définit comme une forme traversée par une multiplicité de genres; et la narrativiste, qui donne la priorité à la trame narrative, fût-elle latente (cf. Lagmanovitch, 2006: 30). Lagmanovitch prend parti pour la position narrativiste, tout en excluant de la sphère du microrécit les textes qui, quoique petits ou minuscules, ne possèdent pas le trait incontournable de la narrativité qui est l’action qui change un état dans un autre état.[5] El Dinosaurio en est un excellent exemple. Les cinq catégories narratives y sont présentes: narrateur, temps (cuando, todavía), espace (allí), action (despertó), personnages (dinosaure et personnage indéterminé, celui ou celle qui s’est réveillé/e). C’est au lecteur de décider si la présence du dinosaure marque le nœud conflictuel du récit (histoire inachevée, fragment narratif) ou, au contraire, son dénouement. El Dinosaurio illustre également la définition que Gérald Prince donne de récit: « the representation of at least two real or fictive events in a time sequence » (Prince, 1982: 4). En effet, pour qu’il y ait récit, il suffit que deux actions ou événements soient liés dans une séquence temporelle – despertó, estaba – sans qu’un lien de causalité entre eux soit nécessaire.

Microtexte, microfiction et microrécit

Une autre caractéristique du microrécit, selon Lagmanovitch, est sa qualité littéraire. Il les distingue des textes narratifs non littéraires, c’est-à-dire sans visée ou valeur esthétique. Ce serait le cas, par exemple, des faits divers et des légendes urbaines. Cette définition du microrécit lui permet de proposer une terminologie où microtexte, minificción et microrrelato désignent des choses différentes. Les microtextes peuvent être fictionnels ou non fictionnels (recettes de cuisine, livres d’instructions). Les microtextes fictionnels sont les microfictions, lesquelles peuvent être narratives ou non. Les aphorismes, par exemple, sont des microfictions. Les microfictions narratives sont les microrécits. Dans la mesure où les microrécits sont littéraires, la terminologie de Lagmanovitch entraîne une identification implicite entre fiction et littérature. Il est fort probable qu’une telle identification soit discutable, dans la mesure où, si on peut affirmer la nature fictionnelle de la littérature, le contraire n’est pas forcément vrai. N’y a-t-il pas de la fiction qui n’est pas littéraire ? Un dime novel est un récit mais ce n’est pas de la littérature, à moins qu’il s’agisse de littérature populaire. Un film est un récit et une fiction mais ce n’est pas de la littérature, même quand il s’agit de l’adaptation d’une œuvre littéraire. Et d’ailleurs, n’y a-t-il pas de textes à visée et valeur esthétique qui ne sont reconnus comme littéraires ni par la critique, ni par l’université, ni par le lectorat?

Microrécit et conte(s)

En espagnol, portugais et anglais on parle de minicuento, microconto et short short story, termes qui établissent un lien serré et explicite entre le conte et le minicuento, qui est une autre désignation de microrrelato. L’intelligibilité du minicuento dépendrait ainsi du rapport qui l’attache au conte. Est-ce un rapport de rupture ou de continuité? Et en parlant de conte, parlons-nous du conte de tradition orale, dont la forme persiste à travers les siècles, ou du conte littéraire tel qu’Edgar Allan Poe l’a caractérisé comme forme qui ne cesse de se réinventer?

Les caractéristiques du conte littéraire sont différentes de celles du conte de tradition orale (cf. Belmont,1999). Depuis le XVIIIe siècle s’est constituée une tradition de pensée sur l’hétérogénéité du conte oral à l’œuvre littéraire. Cette tradition de pensée est notamment représentée par Grimm, Benjamin et Jolles. Les frères Grimm ont pensé cette hétérogénéité sous la paire conceptuelle poésie de nature vs poésie d’art. La poésie de nature, catégorie qui comprend les mythes, les contes, les légendes, est un être organique qui, tout comme les plantes ou le langage, est indépendant de la volonté consciente des hommes. Par conséquent cette poésie se compose d’elle-même à l’insu de l’homme. Walter Benjamin contraste roman et conte en corrélation avec information vs narration. Important instrument de l’ère bourgeoise, la presse a créé un nouveau genre de communication, l’information, qui nuit à la narration artisanale dont le conte est la forme majeure. Produits de la techniques et de l’industrie, narration littéraire (roman) d’abord et information ensuite, ont désarticulé et délégitimé la narration artisanale, fondée dans la parole vivante et la présence physique du narrateur et des narrataires, véhiculant « le message du lointain » (cf. Benjamin, 1991: 210). Roman et presse ont rélégué le conte dans le domaine de l’archaïque. Quant à André Jolles, il comprend le conte dans la catégorie des formes simples (orales, collectives, anonymes) en opposition aux formes savantes (écrites, littéraires).[6] Les formes simples trouvent leur source hors de la littérature, dans le discours quotidien et la tradition orale: « elles se produisent dans le langage » et « procèdent d’un travail du langage sur lui-même, sans intervention, pour ainsi dire, d’un poète » (Jolles, 1972: 18). Ce sont des formes anonymes, impersonnelles, collectives, situées en deçà de la littérature et dans l’anthropologie du quotidien.

Dans cette tradition les conteurs sont des transmetteurs, des passeurs et non pas des créateurs. Le conte s’élabore au moment de sa transmission même, dans l’observation implicite des règles qui contraignent sa forme: formules d’ouverture et de clôture (il était une fois…, et ils ont vécu heureux pour toujours), récits par trois, motifs spécifiques, enchaînements d’épisodes caractéristiques. Ces conventions ont permis à Aarne et Thompson de catégoriser les contes en des types et à Propp d’y déceler une structure invariante. Autres caractéristiques du conte sont l’unité d’action, la sobriété a-psychologique (absence de motivations et d’analyses psychologiques), l’ordre séquentiel (absence d’analepses), la résolution narrative heureuse et last but not least la thématique du passage de l’enfance à l’âge adulte, étudiée par Bruno Bettelheim, Marie Louise von Franz et Nicole Belmont.

Les conditions de production et de transmission du conte en tant que narration artisanale n’existent plus aujourd’hui, dans la mesure où la modernité, sous le nom de Grimm, les a recueillis et fixés par écrit. À présent, les contes de tradition orale sont réélaborés et retransmis non seulement avec les livres mais aussi avec les media et la Toile. Ces instruments interviennent directement ou indirectement dans les performances des conteurs contemporains. Le rôle des technologies de l’écrit depuis le texte manuscrit jusqu’aux nouveaux medias ne se borne pas à procurer des moyens de communication de plus en plus sophistiqués pour la narration de contes. La technologie employée agit à différents niveaux, y compris la performance. Dès qu’il y a texte, la narration du conte décroche du hic et nunc de la performance et l’existence du récit se place au-delà des particularités et contingences de son énonciation. La voix n’est plus l’unique support du verbe qui s’inscrit désormais dans la lettre. Les conteurs contemporains disposent d’immenses répertoires de contes du monde entier stockés en support papier et en support électronique. Ils y puisent pour constituer leurs répertoires. Ils réécrivent, recyclent, reformulent des contes. La performance ne serait pas possible en dehors de cette textualité massive, puisqu’elle dépend et découle de techniques de communication et de composition écrites. Les conteurs ne sont ni de bardes antiques ni de jongleurs médiévaux, bien qu’ils se présentent souvent comme leurs successeurs ou héritiers. La fiction d’oralité fait partie de la mise en scène du spectacle de contes qui vise à récupérer l’aura de la narration artisanale, autrement dit, le hic et nunc de la performance replacée dans sa tradition authentique comme « apparition unique d’un lointain si proche fut-il » (Benjamin, 1991: 144). Pour ce faire, le spectacle doit entretenir l’illusion archaïque de son autonomie par rapport à la mémoire textuelle ainsi qu’aux industries culturelles et des loisirs qui pourtant le soutiennent.

Le conte littéraire et le minicuento

Le conte littéraire s’est depuis longtemps émancipé des contraintes et du modèle du conte de tradition orale et a pris des thématiques variées (conte philosophique, conte fantastique, libertin) et se distingue mal d’autres formes narratives brèves comme la nouvelle. Il semble que les seules caractéristiques du conte de tradition orale que le conte littéraire reprend sont l’unité d’action et l’ordre séquentiel, corrélatifs du final anaphorique. Aussi l’histoire du conte est-elle brève, complète et explicite.

Les minicuentos re-racontent des contes, en les comptactant et densifiant. Le conte est souvent réduit à une séquence, un scénario ou un détail qui se trouve ainsi dilaté, détaché, intensifié. D’une part, le minicuento radicalise certaines caractéristiques du conte comme la brièveté, la concision et l’unité d’effet (cf. Roas, 2010: 25). De l’autre, il coupe avec l’histoire complète et explicite, l’ordre séquentiel, le final anaphorique. Lauro Zavala distingue minicuento – dont la concentration assure l’intégrité de l’histoire, tout comme dans le conte – et minificción – sa décentration ou déplacement subvertissant l’intégrité de l’histoire dont on aura une version fragmentaire ou fractale (cf. Zavala, 2000; 2011). De son côté, Dolores Koch pense que le microrécit est différent du minicuento dans la mesure où le dénouement de celui-ci se trouve dans l’histoire, tandis que le dénouement de celui-là se trouve dans l’auteur (apud Lagmanovitch, 2006: 27). Finalement, Lagmanovitch refuse de séparer microrécit (microrrelato) et minicuento et préfère les penser tous les deux comme des mutations du conte. Pour lui, minicuento, minificción, microrrelato ne sont perceptibles et intelligibles qu’au sein des mutations du conte duquel ils dérivent. Le rapport de dérivation n’empêche pas le minicuento de constituer un genre littéraire autonome. De même que le roman dérive de l’épopée sans en être pour autant un sous-genre, le minicuento dérive du conte mais il n’ en est pas une section ou une extension et il ne le remplace pas (Lagmanovitch, 2006: 34). Pourtant, la perception du microrécit comme un genre autonome, qui prédomine chez les théoriciens hispanophones (Lagmanovitch, Andres-Suárez, Zavala), a été récemment mise en cause par David Roas (cf. Álvares, 2013a).

Micronouvelle au lieu de minicuento ou microconto

Le terme microconte ou miniconte ne semble pas exister en français (miniconte désigne de petits contes pour de petits enfants). Il y a microrécit, microfiction (par exemple, les Microfictions de Jauffret ou de Morand) et il y a micronouvelle. Ce terme a été retenu en France par J. Fuentealba, V. Bastin et O. Geshter et au Québec par les auteurs du groupe Oxymorons, dans leurs publications littéraires et critiques. Ajoutons la nouvelle en trois lignes, forme créée par Fénéon en 1906, qui est un des modèles des microrécits. La corrélation entre l’absence du terme correspondant à minicuento et la popularité du terme micronouvelle ou nanonouvelle semble indiquer que les microrécits en français se conçoivent en référence à la nouvelle. Cela implique d’élire la nouveauté caractéristique de la nouvelle comme trait identitaire. En effet, la nouvelle se donne pour raconter une histoire récente et vraie, au détriment du ‘il était une fois’ du conte. Certes, tout comme Baudelaire l’avait remarqué dans la préface aux Nouvelles histoires extraordinaires d’Edgar Allan Poe, la nouvelle partage avec le conte l’unité et l’intensité de l’effet. Mais dans la nouvelle l’effet unique se particularise en effet de chute, qui est son procédé majeur (cf. Langlet, 2010: 35) et que Berthiaume (2006) et Fuentealba (2009a) prennent comme une caractéristique fondamentale de la micronouvelle. Or, l’effet unique du conte n’est pas forcément en chute et c’est bien pourquoi Lauro Zavala distingue minificción à final anaphorique (ou minicuento) et contes à final cataphorique (ou minificción). Bien que les zones d’interaction entre conte et nouvelle remontent à des auteurs comme Boccace, Strapola, Basile et L’héritier, l’option francophone pour micronouvelle marque sans doute une différence d’avec les minicuentos en espagnol ou microcontos en portugais. La micronouvelle se trouve investie d’une identité fermement attachée à la modernité et à la nouveauté (nouvelle). Elle inscrit la fiction dans la fugacité du temps. Elle assume son attachement à l’actualité, à l’information, aux medias, à la vie quotidienne. À cet égard, les nouvelles en trois lignes de Fénéon semblent avoir joué un rôle déterminant (voir infra).

Micronouvelles, genres populaires et genres littéraires

À l’exception de Berthiaume, les auteurs et / ou critiques de micronouvelles établissent un lien entre leurs productions et la minificción ou le microrrelato en espagnol. Monterroso est toujours cité dans leurs essais comme un fondateur. Fuentealba, qui a fait des études en espagnol et traduit Les Petits Chaperons, recueil de microrrelatos de Juan Luis Zarate, s’écarte cependant de la tradition critique hispanophone qui inscrit les microrrelatos dans la lignée prestigieuse de la littérature moderniste et des avantgardes (cf. Andres-Suárez, 2010: 39, 121; Roas, 2010: 33-38). Lecteur passionné de R.E. Howard, Lovecraft, Zelazny et Moorcock, il insère les micronouvelles dans le champ des ‘mauvais genres’ de la culture populaire et médiatique (cf. Fuentealba, 2009a: 13). Les contes ultra-brefs de Jacques Sterberg puisent dans la matière de la SF. José Luis Zárate, qui écrit des microrécits sur Twitter, est un des chefs de file de la SF et du fantastique. Le rapport privilégié du microrécit au fantastique a été remarqué par Irène Langlet et par Irene Andres-Suárez. L’auteure espagnole pense qu’il y a une affinité entre le fantastique, qui se soutient d’une fluidité des frontières entre réel et irréel, et l’indétermination du monde narratif produite par la structure elliptique du microrécit. De son côté Irène Langlet écrit: « La microfiction est bien représentée en science-fiction, où la pratique est stabilisée depuis les années 1950: des auteurs font figure de ‘classiques’ et servent de référence ou de modèle; une réflexion initiée dès les débuts du genre enrichit ce cadre patrimonial et a progressivement défini une poétique » (2010: 23). La place du fantastique et de la SF dans les microrécits souligne quelque chose que les auteurs hispanophones tendent à escamoter: l’appartenance des microrécits à « la culture populaire médiatique de la bande dessinée, du cinéma, de la télévision et d’internet » (idem: 37) qui est une culture de flux (séries, cycles, feuilletons, Twitter, blogs).

Par contre, Laurent Berthiaume considère que les micronouvelles s’inscrivent dans la banalité du everyday life et appartiennent à la sphère des genres littéraires. Comme son nom l’indique la micronouvelle dérive de la nouvelle. Berthiaume écrit dans son petit essai de 2006: « La micronouvelle m’apparaît aussi différente de la nouvelle que celle-ci l’est du roman. Un parallèle serait de comparer le roman au long métrage, la nouvelle au court métrage et la micronouvelle à la simple prise de vue, voire à une photo ou deux sur une page d’album » (2006: 94). Bien que le roman et la nouvelle soient des genres littéraires narratifs, Berthiaume souligne la valeur littéraire de la micronouvelle comme affaiblissement du narratif: « Et si on décidait que la micronouvelle commence là où la nouvelle semble disparaître par sa trop grande brièveté? Dans la micronouvelle, le non-dit a préséance sur le dit. On ne lit pas la trame narrative, laquelle est pratiquement absente, mais on l’imagine à son goût personnel, à travers son propre imaginaire » (ibidem). L’auteur établit ici deux connexions: la première entre micronouvelle et nouvelle, ce qui signifie la nature littéraire de la première; la seconde, entre cette nature littéraire et le peu de narrativité. La brièveté excessive (‘sa trop grande brièveté’) de la micronouvelle tue (‘fait disparaître’) la nouvelle. C’est le récit d’un matricide, métaphore de la rupture par laquelle le nouveau genre, en intensifiant la brièveté, s’émancipe du genre-matrice. Et d’après la phrase suivante, il est légitime de penser qu’avec la nouvelle, c’est le récit aussi qui disparait de la micronouvelle: la rupture est corrélative d’une mutation structurale. L’intrigue ébauchée ou suggérée devient dans cette phrase ‘pratiquement absente’. La mutation affaiblit ou efface même la narrativité. La thèse de Berthiaume diverge donc de celle soutenue par Lagmanovitch. Étant donnée cette tendance au non-narratif, considérée comme effet de l’hibridisme génologique, et la participation du lecteur dans l’élaboration du sens, il n’est pas étonnant que Berthiaume caractérise la micronouvelle en termes lyriques: « La nouvelle est au poème ce que la micronouvelle est au haïku. Simplification extrême de l’écriture, économie de mots, dépouillement, détachement... tout en nous offrant une ambiance, un climax, une émotion puré » (idem: 96). Fuentealba rapproche également les deux formes minimalistes (cf. 2009a: 13-14). Mais il est significatif aussi que, contrairement à Fuentealba et à Bastin, Berthiaume ne prenne pas Fénéon comme référence et modèle des micronouvelles créées par le groupe Oxymorons. Cela est peut-être dû au fait que la consistance narrative des nouvelles en trois lignes de Fénéon est impeccable.

Les nouvelles en trois ou en quatre lignes

De mai à novembre 1906, Félix Fénéon[7], qui travaillait alors au quotidien Le Matin, a réécrit des faits divers en les transformant en des nouvelles hyper-brèves. Celles-ci sont à la fois des nouvelles au sens médiatique d’informations et dépêches et des nouvelles au sens littéraire du terme, c’est-à-dire des nouvelles minuscules.[8] En voici quelques exemples:

Madame Fournier, M. Voisin, M. Septeuil se sont pendus : neurasthénie, cancer, chômage.
Un Saint-Germain des Prés-Clamart a tamponné, vers minuit, rue de Rennes, un Malakoff, qui prit feu.
Plusieurs voyageurs blessés. Perronet, de Nancy, l’a échappé belle. Il rentrait. Sautant par la fenêtre, son père, Arsène, vient s’abîmer à ses pieds.
C’est au cochonet que l’apoplexie a terrassé M. André, 75 ans, de Levallois. Sa boule roulait encore qu’il n’était déjà plus.
En se grattant avec un revolver à détente trop douce, M. Ed. B s’est enlevé le bout du nez au commissariat Vivienne.
Gare de Mâcon, Mouroux eut les jambes coupées par une machine, ‘Voyez donc mes pieds sur la voie !’, dit-il, et il s’évanouit.
Chez un tourneur de Bordeaux, une meule électrique a éclaté, fracassant d’un de ses fragments la tête du jeune Léchell.
Les filles de Brest vendaient de l’illusion sous les auspices aussi de l’opium. Chez plusieurs la police saisit pâte et pipes. (Havas) (Fénéon, 1998)

L’intertexte des nouvelles de Fénéon est le discours médiatique des faits divers tel qu’il a étéétabli par la presse du Second Empire. Profondément ancrée dans la culture médiatique et urbaine, la nouvelle en trois lignes raconte dans un récit fulgurant le détail et la fugacité des événements quotidiens et contingents que sont les faits divers. Ce sont des cas, au sens étymologique d’événements imprévisibles qui surviennent par hasard, qui choient. Grâce à l’art de Fénéon, la rubrique des faits divers devient un catalogue des tragédies ordinaires reformulées en grand style: catastrophes naturelles, toute sorte de violence (domestique, urbaine, maniaque, militaire) et différents types d’accidents, notamment avec des voitures et des transports en commun – ceux-ci étant des métonymies emblématiques des flux et des mécanismes urbains.

Les faits divers, dans leur profusion et diversité, s’accumulent au jour le jour, sans critère et sans ordre. Chaque fait divers constitue un récit bref autonome qu’aucun lien logique ou hiérarchique ne relie aux autres. Chacun enregistre un événement qui s’est produit ce jour-là. Ils forment une liste ou série ouverte à l’infini, un ensemble détotalisé. Aussi la colonne est-elle le format typographique qui convient le mieux à cette écriture désyntagmatisée et paratactique.

Une telle écriture exprime, selon Thérenty et Pinson (2008; 2008a) l’échec des synthèses transcendantales et des stratégies de mise en ordre. La vision de survol, neutre et totalisante, est remplacée par les visions myopes focalisées sur le détail. Le détail indique la fugacité et l’insaisissable des contingences qui rompent l’enchaînement logique et prévisible des événements. Établi par la rubrique ou colonne des faits divers, le modèle de l’écriture de liste est non seulement celui des nouvelles en trois lignes de Fénéon, mais aussi celui des microrécits contemporains, notamment ceux produits et stockés sur la Toile (blogs, Twitter).

La violence en toutes variations est le thème central des nouvelles en trois lignes: accidents, suicides, meurtres, séquestres. Il ne s’agit pourtant pas de mini-polars. Ce ne sont pas non plus des récits mélodramatiques de romans-feuilletons et de penny dreadfuls et dime novels de la presse illustrée. Fénéon n’écrivait pas « selon le mode sentimental », comme lui-même le disait. Bien que leur thématique violente se retrouve et nourrisse les genres populaires, les nouvelles en trois lignes n’en relèvent pas. Elles s’inscrivent pourtant dans l’intersection entre le discours littéraire et le discours médiatique, favorisée par le rôle qu’a joué la presse de la Belle Époque dans l’accès des masses à la littérature et dans l’intégration de celle-ci à la vie quotidienne des lecteurs. Songeons au roman-feuilleton. L’accumulation de petits récits discontinus, à lire d’un coup d’oeil, fait partie du rythme accéléré et brusque de la vie motorisée à la Belle Époque. Chaque histoire raconte une contingence, un accident, une agression, un choc, un traumatisme, une mort, bref, ce qui nous tombe dessus inopinément, par hasard. Cette accumulation de chutes, de heurts, de collisions, de syncopes, ne signale-t-elle pas le malaise dans la modernité industrielle et urbaine? Walter Benjamin considérait le choc « la forme prépondérante de la sensation » éprouvée par l’ouvrier devant la machine; c’est « une expérience éminemment moderne » directement associée à la « déchéance de l’aura » (1991: 245). On peut dire que là où Marinetti chantait le salut de l’homme par la machine, Fénéon raconte le malaise de l’homme face à la machine – un malaise qui se manifeste dans l’impact mutilant de celle-ci sur le corps: jambes coupées de M. Mouroux, tête écrasé du jeune Léchell, bout du nez perdu de M. Ed. B. Aussi les nouvelles en trois lignes sont-elles l’envers des manifestes futuristes et Fénéon est-il le symptôme de Marinetti.

Dans l’ensemble des micronouvelles se détachent les nouvelles en trois lignes contemporaines, écrites par Jean-Noel Blanc (2007) et Jean-Louis Bailly (2009). Ces deux auteurs ont décidé, apparemment de façon tout à fait indépendante, de composer des récits très courts en réécrivant des faits divers, selon le modèle des nouvelles en trois lignes composées par Fénéon. Leurs nouvelles sont, tout comme celles de Fénéon, des exercices de style qui produisent des récits fulgurants. Elles gardent la succession paratactique de l’écriture de liste et privilégient le choc comme figure qui couvre les actions racontés.

Les nouvelles en trois lignes de Bailly ont été composées sur des dépêches parues dans la presse entre mai et novembre 2008. On y retrouve les cas qui, pendant cette période, ont dépassé la simple colonne des faits divers et accédé à la Une: Ingrid Bettencourt, l’Ogre des Ardennes, Joseph Fritzl, la campagne présidentielle aux USA, les caricatures du Prophète, le séisme en Sichuan. Pendant cette période il les a postées sur son blog et ce n’est que l’année suivante qu’elles ont été publiées chez L’arbre vengeur sous le titre de Nouvelles impassibles. Dans l’avant-propos, Bailly précise que, contrairement à Fénéon, il ne s’est pas limité au territoire national, ni aux faits divers, mais a pris le monde globalisé « où la frontière est de plus en plus mince entre le fait divers et la ‘grande’ politique » (Bailly, 2009: 7-8). Son intention est de mettre au même niveau « avec un flegme pareil les catastrophes planétaires et les tragédies de canton, les aventures du président des Etats-Unis va-t-en-guerre et celles du collégien pyromane; jour après jour s’esquisse toute seule une comédie humaine pour lecteurs pressés et auteur laconique » (Bailly, 2009: 8-9).

De son côté, Blanc ajoute une quatrième ligne à ses 24 nouvelles en trois lignes parues dans Couper court. C’est un recueil de nouvelles à extension et thématique variable. Ses vingt-quatre nouvelles en quatre lignes sont comparées à des cafés très serrés (« juste le fond d’une tasse »), intenses, parfois amers ou un peu amers. Tout comme celles que Fénéon a composées en 1906, les nouvelles de Blanc, tout en alliant critique sociale et « de belles acrobaties d’écriture » (Blanc, 2007: 160), s’inspirent de dépêches d’agence concrètes ou parfois, ajoute l’auteur, elles sont inventées selon les conventions et les lieux-communs du discours des faits divers.

En voici quelques exemples de nouvelles en trois (Bailly) et en quatre lignes (Blanc):

Concours de crachat à Grenoble. Le candidat (22 ans) prend son élan, passe le balcon, se crashe deux étages plus bas. Traumatisme crânien. (Bailly, 2009: 59)
On récupère sur le Grand Ballon d’Alsace, enchevêtrés, les débris d’un ULM et d’un Icare de 46 ans, venu là de la Somme. (Bailly, 2009: 94)
Râle d’amour, grincements de métal. Dans l’honnête Bellevue (Ohio), un homme intromis tel le para­sol – aima charnellement sa table de jardin. (Bailly, 2009 : 94)
Un TGV à pleine vitesse tamponna un cheval sur la ligne Paris-Nantes. Un moment entre terre et ciel, déjà morte peut-être, la bête fut Pégase. (Bailly, 2009 :94)
M. Martin, de Grenoble, arpentait les voies du tramway délaissées par les traminots grévistes. Fin inopinée de la grève, tramway inattendu: il n’aura désormais plus qu’une jambe, M. Martin. (Blanc, 2007: 167)
Pressé par un besoin de liberté, Gaston L. a noué ses draps au garde-corps de sa fenêtre pour fuir par le jardin. Draps trop courts: fémurs et bassin fracturés. A-t-on idée de vouloir quitter ainsi sa maison de retraite, à 103 ans qui plus est? (Blanc, 2007: 163)
Chaviré de joie après l’avis des médecins venant de le déclarer à tout jamais guéri de sa terrible maladie, Félix G. gambadait en quittant l’hôpital de B*. Ce fut pour y retourner illico, faute de s’être avisé de l’arrivée rapide du bus 31. (Blanc, 2007: 161)
Elle était fière de son piercing lingual, Betty N. Elle s’en vante moins aujourd’hui: muette depuis que la foudre lui infligea une sévère décharge électrique, le métal dudit piercing ayant servi de conducteur. (Blanc, 2007: 165)

Le discours critique sur les micronouvelles ignore les œuvres de Bailly et de Blanc. Fuentealba et Bastin, qui se réclament de Fénéon, et le considèrent un précurseur, n’incluent ni Bailly ni Blanc dans la liste des auteurs de micronouvelles. Le premier numéro de Fixxion (Rabaté, 2010) ne souffle mot ni de l’un ni de l’autre. Ce n’est que tout récemment qu’un petit article de Bastin sur Fénéon comme précurseur des micronouvelles, paru dans le journal anarchiste À voix autre, mentionne Nouvelles impassibles de Bailly (Bastin, 2011b: 7). De leur côté, Bailly et Blanc n’établissent aucun lien explicite entre leurs nouvelles à la Fénéon et le phénomène microfiction ou microrécit. Il ne fait pourtant aucun doute que les nouvelles en trois ou en quatre lignes contemporaines rentrent dans la forme ou le genre que l’on désigne sous ces termes. Leur extension extrêmement brève, leur concision et dépuration, leur intensité, leur consistance narrative, leur intertextualité, leur impact sur le lecteur en font même des microrécits exemplaires. Il ne fait aucun doute non plus que les nouvelles en trois en ou quatre lignes contemporaines présentent des traits spécifiques qui leur donnent une place particulière dans l’ensemble des micronouvelles.

Nouvelles en trois lignes et faits divers

Chaque nouvelle en trois lignes réécrivant un fait divers particulier, l’exercice intertextuel est très concret et précis. Il s’agit en effet d’élever un texte à fonction référentielle et visée informationnelle (une dépêche d’agence) à la dignité littéraire d’un texte à fonction et but esthétiques. Un fait divers devient un texte littéraire, dans lequel l’utilisation et l’utilité du langage comme outil d’information est surmontée par ce que Jakobson appelait la fonction poétique. Bref, la tragédie ordinaire racontée dans le fait divers accède, dans la nouvelle en trois lignes, à l’univers de la fiction et à la mémoire culturelle.

Roland Barthes définit le fait divers par l’immanence de son signifié à l’énoncé: son récit contient immédiatement tout son savoir, toute l’information nécessaire à sa consommation; aucun besoin pour le lire de recourir à un contexte implicite au-delà de l’énoncé (politique, sport, littérature, science). Or, ce que fait la nouvelle en trois lignes, c’est précisément ouvrir le fait divers à un contexte autre, si bien qu’il faut au lecteur recourir à un savoir au-delà de l’énoncé. Ce savoir est littéraire et fictionnel, implique fréquemment des personnages-icônes et met en branle tout un imaginaire mythologique. L’élan du cracheur grenoblois qui tombe à pic et se casse la tête parodie celui du plongeur de Paestum et Grenoble devient un cap Lilybée à l’envers, qui résonne du ‘cra’ de ‘crachat’, ‘crashe’, ‘crânien’. Le pilote du ULM tombé est une figure d’Icare. À l’instant de mort, le cheval projeté par le TGV s’élève comme Pégase, le cheval ailé. La justice immanente qui frappe Betty N., la jeune fille au piercing, sous forme de foudre, évoque un châtiment biblique. Conduite par le métal du piercing sur la langue de la jeune fille, la foudre punit sa vantardise en la rendant muette. Dans la nouvelle sur la perversion onaniste du monsieur américain, la qualité littéraire du texte ne résulte pas d’un encadrement mythologique, implicite ou explicite, mais aux morphologies syntaxiques et rhétoriques du récit, qui convergent dans l’effet ironique: proposition intercalée suggérant la position érotique, rapprochement de l’animé et de l’inanimé (chair et métal), contraste entre l’honnêteté de la ville et la bizarrerie libidinale de son habitant, coincidence entre le nom de la ville et la ‘belle vue’ ou scène dévoilée. Bref, dans ces nouvelles, la forme, le style et les cadres de référence décrochent l’accident banal des circonstances particulières qui lui donnent son cadre et l’investissent des significations et des valeurs issues de l’imaginaire et de la forme littéraires. Les nouvelles en trois lignes opèrent ce que la psychanalyse appelle une sublimation. Dans les termes de Lacan, une sublimation est l’élévation d’un objet banal – mettons, un fait divers – à la condition de Chose – un récit littéraire. Il donne l’exemple de l’imposante collection de boîtes d’allumettes de Jacques Prévert, dans laquelle un objet ordinaire et utile comme une boîte d’allumettes participe, une fois évidée et enfilée aux autres, à un ensemble cohérent, superfétatoire et ‘excessivement satisfaisant du point de vue ornemental’ qui révèle sa choséité (cf. Lacan, 1986: 136). La sublimation est « l’invention d’un objet dans une fonction spéciale que la société peut estimer, valoriser et approuver » (idem: 135).

Il ne faut pas pour autant penser que la sublimation élimine la fonction référentielle du fait divers. Les nouvelles en trois lignes citées ne parlent ni d’Icare ni d’un châtiment divin foudroyant. Elles parlent d’un événement qui s’est passé dans un lieu et temps déterminés à quelqu’un identifié ou identifiable (celles de Bailly plus que celles de Blanc). Dans les nouvelles de Fénéon, M. André, Perronet ou Arsène sont des personnes à qui il est arrivé quelque chose de réel, tel jour, à tel endroit. Ceci distingue les nouvelles en trois lignes des micronouvelles dont l’intertexte est directement fictionnel. En réécrivant des textes ou des modèles littéraires (motifs, schémas narratifs, séquences des grands classiques), les micronouvelles racontent une action subie ou accomplie par Ulysse, un dinosaure, Mickey Mouse, Charlemagne ou un anonyme dans un espace-temps imaginaire. Elles ont affaire directement au matériel de la littérature et de la fiction qu’elles réécrivent sans pour autant le sublimer. Par contre, les nouvelles en trois lignes ont recours à des stéréotypes littéraires et fictionnels pour sublimer des récits d’événements réels. Leur cadre de référence circonstanciel est lui-même encadré par un cadre de référence d’un autre ordre, où le hasard des événements est épinglé à la permanence ou stabilité des motifs, figures et icônes de la fiction littéraire et autre. Tandis que les micronouvelles emploient des cadres de référence intertextuels (stéréotypes, héros, conventions et schémas narratifs, séquences paradigmatiques) pour situer le lecteur dans le monde de la fiction, les nouvelles en trois lignes ont des référents externes et circonstanciels qui situent le lecteur dans le monde réel.[9]

Finalement, les nouvelles en trois lignes se spécifient dans le champ des micronouvelles de par leur narrativité solide. Nous avons vu que certains auteurs, dont Berthiaume, tendent à dévaloriser la narrativité des micronouvelles, tout en considérant que la dé-narrativisation est une conséquence inévitable de l’hyperbrièveté. Même les narrativistes admettent une narrativité lâche faite moins de trame que de tension. Cela mène à inclure dans la catégorie de la micronouvelle ce que Lagmanovitch désignerait comme des microfictions: des microtextes fictionnels de genre lyrique ou aphoristique. Or, les récits de Fénéon, Bailly et Blanc racontent une histoire dans un langage concis et épuré, sans que pour autant leur consistance narrative en souffre. Si la structure externe des nouvelles est, comme celle des faits divers, paratactique, la structure interne de chaque récit se fonde au contraire dans l’articulation logico-syntagmatique et dans le style hypotactique de la phrase. Les catégories narratives – temps, espace, action, personnage, narrateur – y sont toutes. Le personnage principal est régulièrement nommé: Betty N., M. Martin ou autrement identifié: le candidat, un sexagénaire. L’espace est parfois omis dans quelques nouvelles de Blanc mais chez Bailly, comme chez Fénéon, le nom de la ville et / ou du pays est indiqué: Somme, Frossay, Grenoble, Bellevue (Ohio). L’action, souvent violente ou catastrophique, change un état dans un autre état. Elle s’exprime par un verbe au passé simple ou temps équivalent: présent historique, passé composé. Quatre de ces catégories narratives correspondent à des référents extérieurs: l’action exprime un événement réel: le fait. Le personnage correspond à la personne impliquée dans l’action ou l’événement: victime ou agent. Le temps est supposément la date de la dépêche qui informe de l’événement. Chez Bailly on sait en quel mois tel ou tel fait est arrivé mais le jour n’est pas signalé. Blanc ne donnant aucune indication, ses histoires baignent dans une actualité floue. Bien que le narrateur soit extra- et hétérodiégétique et transparent (il raconte l’histoire en faisant oublier qu’il y a quelqu’un qui la raconte), on ne peut pas dire de lui qu’il correspond au narrateur du fait divers qui est une sorte de meganarrateur insaisissable. Dans la mesure où le discours de la presse se veut objectif et neutre, sa modalisation – les marques ou indices de la présence du narrateur ou de son avis sur ce qu’il raconte - tendent à zéro. Mais en fait le narrateur des nouvelles en trois lignes laisse la marque de sa présence dans a modalisation ironique et humoristique de son discours. Un bel exemple est celui de Fénéon sur les filles de Brest, dans lequel l’humour découle du double sens de ‘pipes’. Bref, la spécificité des nouvelles en trois lignes réside dans la corrélation entre les catégories narratives et les référents externes qui assurent un cadre empirique à l’histoire. Celle-ci se passe dans la réalité que le lecteur connait et reconnait. Aussi y a-t-il dans la nouvelle en trois lignes un côté fait divers toujours sensible, insublimable.

Conclusion

Tout comme ses congénères en espagnol, portugais et anglais, les micronouvelles en français sont d’exigeants exercices de forme, de style et de réécriture, contraints par le défi de brièveté. Créées à l’époque de la modernité industrielle et de la culture de masses, récréées à l’avènement de la chute postmoderne des grands récits, réactivées par les ressources et contraintes technologiques des nouveaux medias, la micronouvelle souligne en sa désignation même de nouvelle son attachement à l’actualité, à la vie quotidienne, à la platitude moderne où Benjamin a perçu la déchéance de l’aura.

Au sein des micronouvelles en langue française se détachent les nouvelles en trois lignes dont la spécificité réside dans la réécriture des faits divers. Ce sont des récits fulgurants issus directement de l’information médiatique. Les nouvelles en trois lignes dérivent des faits divers qu’elles subliment en les élévant à la dignité littéraire, moyennant une rhétorique qui ouvre à un contexte et à un savoir au-delà de l’énoncé du fait divers. Elles gardent en même temps la structure narrative et la valeur référentielle du fait divers dans une coincidence entre catégories narratives et référents externes. C’est là une ligne qui les distingue de la tendance transgénérique et non-narrative des micronouvelles.

Fondées dans le discours médiatique et le milieu urbain, les nouvelles en trois lignes racontent des fragments de la réalité quotidienne dans la forme paratactique de la colonne, ce qui produit l’effet de contingence et de discontinuité propres à l’écriture de liste. Aussi les nouvelles constituent-elles de petits récits autonomes qui s’accumulent en série au hasard. La forme paratactique est corrélative de la thématique des nouvelles, car une grande partie des événements racontés sont réductibles à la répétition discontinue et imprévisible du choc. Heurts, chutes, syncopes, décharges expriment la violence de la vie urbaine à différents niveaux, depuis la chute accidentelle jusqu’à l’agression, voire le meurtre. C’est dans le choc, sensation moderne par excellence, qu’a lieu la rencontre manquée de l’individu avec la ville.

 

Références

Álvares, Cristina (2011), “Nouveaux genres littéraires urbains: les nouvelles en trois lignes contemporaines”, in Álvares, Cristina & Keating, Maria Eduarda (orgs.), Microcontos e outras microformas, V.N. Famalicão, Húmus, p.45-57        [ Links ]

––––, (2013a), “Quatro dimensões do microconto como mutação do conto:brevidade, narratividade, intertextualidade, transficcionalidade”, Guavira Letras, Revista do Programa de Pós-Graduação em Letras da Universidade Federal do Mato Grosso do Sul, 15 (no prelo).         [ Links ]

––––, (2013b), “La microfiction comme métamorphose du conte. Éclatement narratif et transfictionnalité dans Petits Chaperons de José Luis Zárate”, Carnets, 5, p. 143-63.         [ Links ]

Andres-Suárez, Irene (2010), El microrrelato español. Una estética de la elipsis, Palencia, Menos Cuarto.         [ Links ]

Bailly, Jean-Louis. (2009), Nouvelles impassibles, Paris, L’arbre vengeur.         [ Links ]

Barthes, Roland (1964), Essais critiques, Paris, Seuil.         [ Links ]

Bastin, Vincent (2011a), Morts et Résurrections du sergent grenadier Lazare, autoédition.         [ Links ]

––––, (2011b), “Félix Fénéon (1861-1944). Trois lignes d’avant-garde”, À voix autre, 22, août, p.7.         [ Links ]

––––, (2011c), “Micronouvelles: Pour une définition et une première défense de la micronouvelle française”, Micronouvelles et nouvelles courtes, http://www.vincent-b.sitew.com/#MICRONOUVELLES.F         [ Links ]

––––, (2011d), “À la découverte de la micronouvelle”, La Plume d’Ys, http://laplumedys.blog4ever.com/blog/lire-article-71436-1951020 http://laplumedys.blog4ever.com/blog/lire-article-71436-1951020-micronouvelles_vincent_bastin.html        [ Links ]

Belmont, Nicole (1999), Poétique du conte. Essai sur le conte tradition orale, Paris, Gallimard.         [ Links ]

Benjamin, Walter (1991), Écris français, Paris, Gallimard.         [ Links ]

Berthiaume, Laurent (2006), “La Micronouvelle”, Brèves littéraires, p. 74.         [ Links ]

––––, (2007), Cent onze micronouvelles, Montréal, Le grand fleuve.         [ Links ]

Blanc, Jean-Noel (2007), Couper court, Paris, Thierry Magnier.         [ Links ]

Diez Sanz, Begoña (2011), “El título en la minificción de José Maria Merino. Ensayo de une tipologia”, in Álvares, Cristina & Keating, Maria Eduarda (orgs.), Microcontos e outras microformas, V.N. Famalicão, Húmus.         [ Links ]

Fénéon, Félix (1998) Nouvelles en trois lignes, ed. H. Védrine, Paris, LGF.         [ Links ]

Fuentealba, Jacques (2009a) ‘Nanofictions’, Deliciouspaper, p.7.         [ Links ]

––––, (2009b) Tout feu tout flamme, Paris, Outworld.         [ Links ]

Jolles, André (1972), Formes simples, Paris, Seuil.         [ Links ]

Lacan, Jacques (1986), Le Séminaire VII. L’éthique de la psychanalyse, Paris, Seuil.         [ Links ]

Lagmanovitch, David (2006), El microrrelato. Teoria y historia, Palencia, Menoscuarto.         [ Links ]

––––, (2010), “En lo territorio de los microtextos”, El cuento en red, 22, p.3-8.         [ Links ]

Langlet, Irène (2010), “Les échelles de bâti de la science-fiction”, Revue critique de fixxion française contemporaine, nº1, décembre 2010, http://www.revue-critiquede-fixxion-francaise-contemporaine.org/francais/publications/no1/langlet_fr.html        [ Links ]

Lomelí, Luis Felipe (2005), Ella sigue de viaje, Tusquets Editores, México.         [ Links ]

Prince, Gerald (1982) Narratology. The Form and Functioning of Narrative, Amsterdam, Mouton de Gruyter.         [ Links ]

Rabaté, Dominique & Schoentjes, P., eds. (2010), Revue Critique de Fixxion française contemporaine, 1, Micro/Macro, décembre, http://studwww.ugent.be/~vcolin/RCFFC/francais/index_fr.html        [ Links ]

Roas, David, dir. (2010), Poéticas del microrrelato, Madrid, Arco Libros.         [ Links ]

Thérenty, Marie-Eve & Pinson, Guillaume (2008), “Présentation. Le minuscule, trait de la civilisation médiatique”, Études Françaises, 44, 3, p.5-12, http://www.erudit.org/revue/etudfr/2008/v44/n3/        [ Links ]

Thérenty, Marie-Eve (2008a), “Vies drôles et scalps de puce: des microformes dans les quotidiens à la Belle Époque”, Études Françaises, 44, 3, p.5-12, http://www.erudit.org/revue/etudfr/2008/v44/n3/        [ Links ]

Zavala, Lauro (2000), “Seis problemas para la minificción, un género del tercer milenio: brevedad, diversidad, complicidad, fractalidad, fugacidad, virtualidad”, Ciudad Seva, http://www.ciudadseva.com/textos/teoria/hist/zavala2.htm        [ Links ]

––––, (2011), “Para analisar a minificção”, Minguante, http://www.minguante.com/intro.asp [ce site n’existe plus].         [ Links ]

 

[Recebido em 27 de maio de 2013 e aceite para publicação em 5 de outubro de 2013]

 

Notes

[1] Cet article a été produit dans le cadre du projet PTDC/CLE-LLI/103972/2008 Mutações do conto nas sociedades urbanas contemporâneas, financé par la Fundação para a Ciência e Tecnologia (FCT).

[2] Microcuento, minificción, microficción, minirelato, cuento breve / hiperbreve / ultrabreve / brevísimo / ultrabrevísimo, textículo, cuento / ficción / relato microscópico / mínimo / fugaz / instantáneo, cuento enanito.

[3] Pour des raisons liées à la tradition littéraire du conte et du microrrelato en espagnol, c’est dans le monde hispano-américain que se sont le plus développés la réflexion et le débat théoriques et critiques autour des formes brèves et hyperbrèves. Les oeuvres de David Lagmanovitch, David Roas, Lauro Zavala ou Irène Andrés-Suarez sont indispensables à l’étude des microrécits. Le débat entretenu par ces auteurs et son inscription dans le cadre de la narratologie classique et postclassique (cognitivisme, théorie des mondes possibles, cultural turning) sont discutés dans Álvares (2013a).

[4] La question de la forme paratactique des microrécits dans le cadre de la narration sérielle est développée dans Álvares (2011) et surtout Álvares (2013b) avec l’étude de la série microfictionnelle Petits Chaperons, de José Luís Zárate.

[5] Les textes narratifs comportent trois moments: «el que presenta una situación determinada; el que indica la aparición de un elemento que perturba el orden establecido; y un momento final, ya sea que éste implique una decisión a favor de una de las entidades contrastantes, o bien una neutralización de los opuestos» (idem: 44).

[6] Les formes simples sont neuf: Légende, Geste, Mythe, Devinette, Locution, Cas, Mémorable, Conte, Trait d’esprit. Les formes littéraires dérivent des formes simples: l’épopée est la forme savante de la geste; la nouvelle est dérivée du cas du droit et de la théologie (exemplum), ou du conte comme chez Boccace. Jolles fait l’hypothèse de correspondances entre les formes simples et des attitudes existentielles, des visions du monde: par exemple, la famille pour la geste, la science pour le mythe, l’expérience pour la locution, la pesée pour le cas (cf. Jolles, 1972: 42).

[7] Né en 1861 et décédé en 1944, Félix Fénéon a été très actif aussi bien sur le plan culturel que sur le plan politique. Croyant à l’action libératrice de l’art, Fénéon était lié aux avant-gardes artistiques et littéraires et aux milieux anarchistes. Il soutenait la lutte des artistes, intellectuels et ouvriers contre le pouvoir de l’état. Il a caché des militants anarchistes recherchés, a édité des journaux anarchistes et libertaires, a écrit des articles anonymes dans la presse anarchiste dans les années 1890 et il est probable qu’il ait commis un attentat à la bombe. Il a fait tout cela en travaillant comme fonctionnaire du Ministère de la Guerre. Il n’était pas moins actif dans le monde de l’art et de la littérature. Il a promu Georges Seurat et les post-impressionistes, édité les Illuminations de Rimbaud e Maldoror de Lautréamont, traduit E.A.Poe et Jane Austen, publié la première traduction de James Joyce en français. Entre 1896 et 1903, il a été rédacteur en chef de la Revue blanche, qui a soutenu Dreyfus en 1898 et dans laquelle Debussy, Gide, Mirbeau e Jarry ont collaboré.

[8] À remarquer que le fait divers aussi bien que la nouvelle dérivent, dans la terminologie d’André Jolles, de la même forme simple: le cas.

[9] Aussi n’ont-elles pas besoin de titre. Dans les micronouvelles, le titre joue un rôle très important. Au delà de sa fonction paratextuelle, il a aussi une fonction intratextuelle, si bien qu’il compose une unité avec le co-texte, comme on l’a vu dans l’exemple du microrécit de Luisa Valenzuela. Il constitue une sorte d’excès interne et permet de donner un cadre de référence à une histoire fondée sur l’ellipse (cf. Diez Sanz, 2011). On constate alors que la nouvelle en trois lignes se détache des micronouvelles dans la mesure où son cadre de référence réel (et non pas fictionnel) assure une compatibilité entre son économie verbale et l’absence de titre.