SciELO - Scientific Electronic Library Online

 
 número23Sugestionabilidade Interrogativa em Mulheres Vítimas de Violência Conjugal(A)Simetrias de género no acesso às Engenharias e Ciências no Ensino Superior Público índice de autoresíndice de assuntosPesquisa de artigos
Home Pagelista alfabética de periódicos  

Serviços Personalizados

Journal

Artigo

Indicadores

Links relacionados

  • Não possue artigos similaresSimilares em SciELO

Compartilhar


Ex aequo

versão impressa ISSN 0874-5560

Ex aequo  n.23 Vila Franca de Xira  2011

 

Filles, garçons: qui sont les mal élevés?

 

Vanina Mozziconacci*

École Normale Supérieure de Lyon

 

Résumé

A 60 ans d'écart, deux des rares féministes ayant écrit sur l'éducation, Madeleine Pelletier (L'Éducation féministe des filles, 1914) et Elena Gianini Belotti (Du côté des petites filles, 1973) semblent proposer une même chose pour parvenir à une socialisation égalitaire: masculiniser les filles. Cela signifie-t-il que les féministes tiennent toutes les valeurs inculquées jusqu'alors aux filles pour moins bonnes que celles proposées aux garçons? Ou est-il est plus difficile de changer la façon dont sont élevés les petits hommes? On montrera en quoi certaines théories féministes actuelles permettent de renouveler notre approche de l'éducation.

Mots-clés éducations féministes, socialisation différenciée, masculinisation.

 

Girls or boys: who is not well-brought-up?

Abstract

Writing 60 years apart from each other, Madeleine Pelletier (The Feminist Education of Girls, 1914) and Elena Gianini Belotti (What Are Little Girls Made Of?, 1973), two of the few feminist authors to explicitly discuss the raising of children, appear to propose one and the same solution for achieving a more egalitarian socialization: masculinize the girls. Does this mean that feminists regard the values hitherto inculcated in young girls as inferior to those instilled in boys? Or is it simply more difficult to change the way in which we raise boys? This article examines how contemporary feminist theories can inform a new approach to education.

Keywords feminist theories of education, gendered socialization, masculinization.

 

Raparigas e rapazes: uma boa ou uma má educação?

Resumo

À distância de 60 anos, duas das raras feministas que escreveram sobre educação, Madeleine Pelletier (L'Éducation féministe des filles, 1914) e Elena Gianini Belotti (Du côté des petites filles, 1973) parecem apresentar a mesma proposta para atingir uma socialização igualitária: masculinizar as raparigas. Significa isto que as feministas consideram que os valores, inculcados até então às raparigas, são menos bons do que os propostos para os rapazes? Ou é mais difícil mudar a forma como são educados os rapazes? Mostrar-se-á de que modo certas teorias feministas actuais permitem renovar a nossa abordagem sobre a educação.

Palavras-chave educações feministas, socialização diferenciada, masculinização.

 

 

Les féministes ont peu écrit sur la façon dont il faudrait élever les enfants. On pourrait s'attendre à ce que la transmission aux générations futures soit un moment clef pour briser la reproduction de la domination, et pourtant les textes sur le sujet sont rares. De la part de celles qui affirmèrent dans les années 1970 que «le privé est politique», une telle lacune est d'autant plus surprenante. Le faible traitement de cette question (comparé par exemple à l'importance des thèmes du travail, du couple, de l'homosexualité…) explique peut-être que les rares théories féministes qui l'abordent ne semblent pas très originales ni très inventives. Ainsi à presque 60 ans d'écart, les deux plus importantes théoriciennes de l'éducation féministes en Europe, Madeleine Pelletier (L'Éducation féministe des filles, 1914) et Elena Gianini Belotti (Du côté des petites filles, 1973) semblent se contenter d'adopter le modèle de l'éducation des petits garçons pour élever les filles. Il faudra d'abord préciser et peut-être rectifier cette première impression. Mais une telle orientation ne se retrouve pas uniquement dans la théorie: aujourd'hui les petites filles sont, si ce n'est encouragées, du moins plus libres d'adopter des comportements de garçons. La contrepartie, celle de l'éducation des garçons, semble en revanche relativement statique. On se demandera alors pourquoi et comment aller voir «du côté des petits garçons», notamment à partir de certaines théories féministes actuelles.

Les garçons manqués des éducations féministes

Madeleine Pelletier: viriliser pour armer

Bien qu'elle soit une figure singulière à qui n'ont jamais convenu les cadres politiques de son époque (les féministes sont trop bourgeoises, pas assez radicales, les socialistes pas assez féministes, mêmes reproches pour les Francs-Maçons…), on peut lier les actions et les écrits de Madeleine Pelletier à ce qui est parfois appelé la «première vague féministe». Celle-ci se caractérise par des revendications pour l'égalité en termes d'accès aux mêmes droits que les hommes. Les suffragistes demandent ainsi non seulement le droit de vote, mais également des droits civils: droit à l'éducation et accès égal aux emplois (le droit étant évidemment en retard sur les faits puisqu'à la veille de la loi de 1907 qui accorde aux femmes mariées de percevoir librement leur salaire, plus de 40% des femmes sont actives). Bien que sa sensibilité socialiste la rende plus radicale dans la critique sociale que la plupart des féministes «réformistes», la question de l'égalité est centrale dans les réflexions de Madeleine Pelletier.

En 1914, elle écrit L'Éducation féministe des filles. Plus qu'à l'éducation intellectuelle ou sexuelle (qu'elle aborde également dans le texte) nous nous intéressons ici aux directives que l'auteure donne pour élever «féministement» sa fille, c'est-à-dire pour l'éducation au sens d'un façonnement physique et moral de l'enfant. Lorsqu'on découvre le texte, il semble se résumer à un projet: élever les petites filles comme des petits garçons. Dans le deuxième chapitre intitulé» La formation du corps et du caractère», l'auteure conseille de forger l'apparence et la personnalité des filles sur le modèle des petits hommes, et ce, des vêtements1 aux jouets et passe-temps en passant par le prénom et la coupe de cheveux. En réalité, il ressort dans le texte de Madeleine Pelletier trois raisons, sensiblement différentes, pour orienter l'éducation ainsi. On «masculinise» la petite fille parce que:

– Certaines des valeurs inculquées aux garçons sont plus favorables à l'épanouissement et l'autonomie (masculiniser pour émanciper)

– Certaines qualités dites féminines ne sont pas forcément mauvaises mais le milieu féminisera plus qu'il ne faut la petite fille: il faut donc «compenser» en la virilisant (masculiniser pour compenser)

– Certaines caractéristiques considérées comme féminines sont en réalité meilleures mais rendent la petite fille vulnérable si elle les manifeste (masculiniser pour dissimuler)

Cette gradation montre bien que la masculinisation des petites filles promue par Madeleine Pelletier n'est pas le résultat d'un simple rejet massif du modèle féminin ou d'une adoption sans retenue du modèle masculin. Les deux dernières justifications montrent en particulier l'importance du contexte: Madeleine Pelletier prend toujours en compte le fait qu'on élève des enfants dans une société donnée. Elle fait avant tout preuve de pragmatisme. Nous relevons trois exemples de masculinisations qui se justifient différemment:

Masculiniser pour émanciper

Il est une valeur qu'on inculque aux garçons et non aux filles et qui est pourtant indispensable à l'épanouissement de tout individu et à la conquête de l'autonomie: l'esprit d'initiative.

«En même temps que le courage, il faudra stimuler l'initiative. Certaines mères couvent avec sollicitude leur garçon, mais elles sont l'exception, la majorité se conforme à la tradition qui ordonne de laisser au garçon sa liberté. Mais, pour les filles, les ordres de la société étant contraires, les mères en profitent pour les couver avec une sollicitude aussi constante qu'elle est néfaste. La société donne au jeune homme toutes les facilités pour se tirer d'affaire, à la jeune fille, au contraire, presque tout est fermé» (Pelletier, 1914: 92-93).

Masculiniser pour compenser

L'importance de la force physique dans l'éducation des garçons est telle qu'elle est peut-être excessive, mais il ne faut pas craindre de trop pousser la petite fille en ce sens, car la société l'influencera en sens inverse, et l'influencera grandement:

«Le sport est très en honneur dans l'éducation des garçons; il l'est même beaucoup trop car il tend à faire prendre à la force musculaire le pas sur l'intelligence, ce qui est un très grand mal (…). Mais la mère féministe ne doit pas craindre pour sa fille ces mauvais effets de la culture physique, car elle ne trouvera guère l'emploi des connaissances qu'elle aura acquises en cette matière. Ici, comme pour le caractère, il ne faut pas craindre de trop viriliser, le milieu devant se charger de féminiser et beaucoup plus qu'il ne le faudrait» (Pelletier, 1914: 81-82).

Masculiniser pour dissimuler

La sensibilité, qui est une caractéristique plutôt considérée comme «féminine» est une preuve de supériorité intellectuelle. Les filles doivent donc «continuer» à être sensible, mais elles doivent le cacher:

«La sensibilité ne devra pas nécessairement être bannie: elle est une marque de supériorité intellectuelle mais on en réprimera les manifestations extérieures. La mère habituera sa fille à retenir ses larmes, elle lui fera une honte de pleurer. Lorsque l'enfant aura atteint la douzième année, âge où on commence à comprendre, elle lui montrera quelle source de chagrin est la sensibilité qui infériorise l'individu dans la lutte pour la vie, en faisant de lui la dupe de ceux qui ne sont pas sensibles» (Pelletier, 1914: 79-80).

Madeleine Pelletier distingue donc bien la valeur sociale et la valeur réelle de certaines qualités. Elle est pragmatique, peut-être même fataliste: certaines bonnes qualités doivent être cachées (la sensibilité, l'humilité) sous peine d'être interprétées comme le signe d'une vulnérabilité. Pas question d'être les premières à déposer les armes pour faire la paix; ainsi la timidité est souvent l'effet de la supériorité intellectuelle, mais elle «désarme l'individu», or «en face de soi, on n'a guère que des ennemis et, à l'ennemi, il est de bonne tactique de cacher ses faiblesses.» (Pelletier, 1914: 94). Elle est sensible à l' «état présent» des choses: et pour l'instant en 1914, l'égalité entre les sexes est loin d'être acquise: il faut donc en matière d'éducation s'adapter plutôt que chercher à impulser de nouveaux idéaux2. Dans la perspective de Madeleine Pelletier, écrit Claude Zaidman, «en ce qui concerne la diffusion des idées, l'action politique est plus efficace que l'action pédagogique. Sur le plan individuel (…) il est pratiquement impossible d'élever son enfant sur la base de principes en contradiction avec le milieu ambiant.» (Zaidman, 2007).

C'est peut-être cette lucidité quant à l'état de la société de son temps qui fait que Madeleine Pelletier ne se risque pas à écrire une «Éducation féministe des garçons» ou même une «Éducation féministe des enfants». En effet, si elle n'adhère pas totalement aux valeurs de la culture masculine, et si elle considère que certaines valeurs réservées aux filles sont pourtant bonnes pour tous, elle ne cherche pas à les diffuser, à les transmettre aux garçons. Une fois de plus, il faut rappeler, avec Claude Zaidman que «ce texte n'a pas pour ambition de produire directement des effets de transformation» (Zaidman, 2007). Néanmoins, comme son texte s'adresse à des militantes, elle se permet de glisser ça et là quelques conseils quant à l'éducation du frère de la petite fille. D'une part elle propose de corriger des rapports de domination qui existent déjà entre les enfants, et d'autre part d'uniformiser l'éducation (le comportement du petit garçon envers sa sœur est soumis à un contrôle, qu'il cherche à l'humilier ou à la surprotéger; les cheveux longs pour la petite fille sont permis à condition que son frère les porte aussi…). De plus, concernant les tâches ménagères, elle recommande d'apprendre aussi bien au fils qu'à la fille à balayer, à cuisiner et à coudre. Il faudra bien dire au fils «comment il est tout aussi erroné de croire ces travaux déshonorants pour les hommes qu'honorables pour les femmes. Ils ne constituent ni un honneur ni un déshonneur; ils sont seulement indispensables à qui n'a pas les moyens de se faire servir.» (Pelletier, 1914: 77). À la fois dans la correction des comportements de domination3 et dans le traitement égal du garçon et de la fille, Madeleine Pelletier esquisse la possibilité d'une éducation féministe des enfants; mais cela se fait sur des questions ponctuelles – il ne s'agit pas, là encore, de proposer de révolutionner les rapports entre les sexes par l'éducation.

Elena Gianini Belotti. Par delà femelle et mâle: les natures des individus

En 1973 sort Du côté des petites filles, ouvrage de référence d'Elena Gianini Belotti dans lequel la féministe italienne entend démontrer que les conditionnements sociaux dans la petite enfance maintiennent les rapports d'inégalité et de domination entre les sexes. Quelques années plus tard, en 1979, l'auteure rédige une préface pour l'ouvrage Emmanuelle ou l'enfance au féminin de Danielle et Emmanuelle Flamant-Paparatti. Ce livre est un journal dans lequel une mère (Danielle) décrit le développement de sa fille (Emmanuelle) élevée pour être indépendante, volontaire, autonome dans un milieu qu'elle juge répressif et sexiste (la société sicilienne des années 1970). Ainsi Danielle raconte que lorsqu'Emmanuelle s'égratigne le visage, elle lui dit calmement et affectueusement: «Il faut être fort, plus fort que la douleur.» Elena Gianini Belotti souligne à quel point cette réponse est inattendue, car c'est celle qu'on donne habituellement aux petits garçons et non aux petites filles. Selon elle, Ce changement radical d'attitude serait «emblématique d'un rapport nouveau qui est en train de s'instaurer entre mères et filles» (Flamant-Paparatti, Gianini Belotti, 1979: 8). Ce rapport est-il réellement nouveau, s'il est celui qu'on entretient avec les petits garçons depuis bien longtemps?

Pourtant, quand on lit Du côté des petites filles, les choses semblent avoir changé depuis Madeleine Pelletier. Elena Gianini Belotti insiste sur la nécessité de respecter la personnalité de chaque enfant, le droit de chacun à développer ses caractéristiques innées, que celles-ci soient ou non «en accord» avec son sexe. La notion d'individualité4 est centrale. Ainsi, on peut lire à la fin de la préface:

«Qu'est-ce qu'un garçon peut tirer de positif de l'arrogante présomption d'appartenir à une caste supérieure, du seul fait qu'il est né garçon? La mutilation qu'il subit est tout aussi catastrophique que celle de la petite fille persuadée de son infériorité du fait même d'appartenir au sexe féminin, et son développement à lui en tant qu'individu en est déformé, sa personnalité appauvrie, ce qui rend difficiles les rapports entre les deux sexes» (Gianini Belotti, 1973: 13).

Puis, plus loin:

«Un conditionnement sexuel ne se maintient que si l'on suscite un conditionnement opposé chez l'autre sexe. La supériorité et la force d'un sexe se fondent exclusivement sur l'infériorité et la faiblesse de l'autre. Si le garçon ne se considère comme un petit homme qu'à condition de dominer, il faut inévitablement que quelqu'un accepte d'être dominé. Mais si l'on cesse de former le garçon à dominer et la fille à accepter et aimer être dominée, des expressions individuelles inattendues et insoupçonnées, beaucoup plus riches, étayées et créatrices, peuvent s'épanouir sur des stéréotypes étroits et mortifères» (Gianini Belotti, 1973: 63).

C'est donc avant tout une question de relativité: de relation entre les sexes et de ce qui convient à chacun. Il n'y aurait pas de bonnes et de mauvaises valeurs, seulement un rapport dominant/dominé qu'il faut enrayer, seulement des identités brimées pour rentrer dans le moule binaire du genre.

Elena Gianini Belotti semble donc loin de prôner une éducation qui consisterait à élever tous les enfants comme des petits garçons, en présupposant que celle-ci serait la seule à même de rendre les individus épanouis et autonomes. Certains aspects de l'éducation traditionnelle des filles sont même à diffuser: «On ne devrait pas enlever des poupées aux petites filles, mais au contraire en offrir aux garçons» (Gianini Belotti, 1973: 66), car les hommes doivent être préparés à être pères. Plus l'homogénéité sera grande dans l'éducation, plus les personnalités auront du champ pour s'épanouir, plus les enfants pourront affirmer leurs goûts et leurs penchants. «Ce n'est pas en disciplinant l'affectivité féminine comme on a toujours réduit et mutilé celle des hommes, ni en les empêchant de s'exprimer librement (un homme ne s'émeut pas, ne pleure pas, ne se désespère pas) qu'on peut espérer enrichir les individus5» (Gianini Belotti, 1973: 67). On est donc loin de Madeleine Pelletier lorsque l'auteure italienne ajoute que «Ce n'est pas en poussant les petites filles à entrer en compétition et à imiter les garçons qu'on leur offrira quelque chose de plus». Offrir quelque chose de plus, cela veut dire respecter et favoriser le choix de chacun indépendamment de son sexe, et ce «en offrant aux enfants des modèles plus variés, permettant davantage de s'exprimer, et plus libérés des stéréotypes dominants».

Compte tenu de ce qui précède, nous n'adhérons pas ici à la critique de Du côté des petites filles qui a été faite dans un article du n.º 358 de la revue Les Temps Modernes, numéro intitulé Petites filles en éducation, datant de mai 19766. Toutefois, nous pensons que cette critique mérite d'être évoquée car elle met en lumière des difficultés réelles du texte d'Elena Gianini Belotti. Partons d'une interrogation simple, voire naïve: si l'éducation traditionnelle et son schéma binaire briment les individualités des petites filles comme des petits garçons, pourquoi n'avoir pas écrit «Du côté des petits enfants»? S'agit-il seulement d'une démarche stratégique, d'une question de priorité (n'oublions pas que les femmes sont les dominées et qu'il faut avant tout lutter contre l'oppression des filles)? Cela n'est pas certain. D'après l'article des Temps Modernes, intitulé «Elle n'en est pas moins une femme» et signé de trois prénoms féminins, Geneviève, Josette et Martine, cette asymétrie est bien due au fait que l'auteure considère l'éducation masculine comme meilleure. Tout d'abord, les trois auteures de l'article reprochent à Elena Gianini Belotti de n'abolir la classification naturelle masculin/féminin que pour en dégager une autre: celle entre individu riche en énergie vitale/individu faible en énergie vitale. Au lieu d'admettre des individualités réelles, irréductibles, la féministe italienne forcerait des cohérences entre les traits, pour élaborer des «tempéraments», des «caractères». Curieux irait toujours avec actif, qui irait toujours avec sociable, et à l'inverse, tranquille irait toujours avec moins autonome, qui irait toujours avec passif. Non seulement elle réintrodurait une partition binaire naturelle, mais entre les deux «natures», ce serait celle «riche en énergie vitale» qui serait valorisée. Geneviève, Josette et Martine s'inquiètent alors de savoir si la hiérarchie introduite par l'auteure italienne n'est pas en apparence moins arbitraire, mais plus dangereuse, puisque ce n'est plus le sexe qui fait le partage, mais le tempérament, et que celui-ci serait toujours inné. Ainsi, certes Elena Gianini Belotti ne valoriserait pas des valeurs masculines aux dépens des valeurs féminines, mais son discours laisse penser que l'éducation des garçons est bien plus favorable au déploiement de l'énergie vitale que celle des filles:

«Adhérer au modèle masculin signifie se réaliser le plus possible, faire acte d'indépendance, acquérir très tôt la confiance en soi et le sentiment de sa supériorité. L'éducation, pour les garçons, s'efface alors devant la force vitale, elle n'intervient principalement que pour la stimuler; au contraire, pour les filles, elle vise à étouffer cette nature (…). Créatif, intelligent, entreprenant, victorieux, l'homme développe les qualités que la nature accorde inégalement, à la naissance de tous les individus. En ce sens, cet homme est un modèle à suivre» (Geneviève, Josette et Martine, 1976: 2021-2022).

La petite fille avant l'éducation «féminisante» serait un être qui possède des qualités que seul le garçon, compte tenu de son éducation respectueuse de l' «énergie vitale», pourra conserver. Le modèle masculin serait certes quelque peu appauvrissant parce qu'il sacrifierait des qualités telles que la sensibilité, la douceur, la tendresse, mais ces qualités seraient secondaires par rapport à celles dont il permet l'épanouissement: intelligence, créativité, autonomie. Cela expliquerait que «L'action primordiale de l'éducation [puisse] donc se réduire à une éducation des filles» (Geneviève, Josette et Martine, 1976: 2021). La difficulté soulevée par cette analyse est réelle, au point qu'Elena Gianini Belotti elle-même l'évoque:

«Quelques légitimes questions pointent inévitablement: sommes-nous vraiment en train de «fabriquer» des filles nouvelles ou tout simplement les adaptons-nous au modèle masculin? Sommes-nous en train de leur offrir des valeurs vraiment neuves qui les opposent de façon concrète au monde masculin, ou bien leur communiquons-nous les valeurs masculines telles quelles parce que nous ne nous sommes pas fait une idée vraiment claire de ce qu'est une femme, ou, tout du moins, de ce que nous voudrions qu'elle ne soit pas? Franchement, je ne sais pas» (Flamant-Paparatti, Gianini Belotti, 1979: 11).

Un même modèle pour tou(te)s?

Viriliser ou civiliser?

Dans ces deux textes, à savoir L'Éducation féministe des filles de Madeleine Pelletier et Du côté des petites filles d'Elena Gianini Belotti, on se propose de toute façon d'éduquer différemment les filles. Cela signifie-t-il que celles-ci sont les seules «mal élevées»? Que l'éducation des garçons est un modèle? Comme nous l'avons vu, ni l'un ni l'autre texte n'affirme réellement cela. Pour Madeleine Pelletier, la masculinisation semble être un choix pragmatique: les valeurs dominantes sont les valeurs masculines, il faut donc les adopter pour ne pas être dominée. Certes, cela est «en attendant» que «l'égalité des sexes [soit] devenue un fait accompli dans les lois et dans les mœurs» (Pelletier, 1914: 72), mais elle ne va pas sans poser problème. D'abord quant à la condition féminine elle-même, mais également dans une vision politique plus globale – nous examinerons successivement ces deux aspects.

Les éducations féministes ont commencé à avoir des résultats, écrit Elena Gianini Belotti en 1979, toujours dans la préface d'Emmanuelle ou l'enfance au féminin. Ces résultats, ce sont les «filles nouvelles» qui «se distinguent par leur extraordinaire assurance, par leur entreprise, leur courage, leur autonomie, leur créativité, par une remarquable volonté et joie de vivre, d'expérimenter, d'explorer, de connaître» (Flamant-Paparatti, Gianini Belotti, 1979: 10). Mais ce qui attend également ces nouvelles générations de femmes, ce sont des heurts retentissants avec les hommes; en effet «si les filles seules évoluent et la contrepartie, carrément plus nécessiteuse de changement, reste là où elle est, les rapports entre les deux sexes atteindront un indice de conflictualité difficilement imaginable, dont quelques signes sont déjà évidents» (Flamant-Paparatti, Gianini Belotti, 1979: 12).

«Si le garçon, entre-temps, n'a pas réalisé à son tour une évolution dans le sens «féminin», si son éducation est restée celle de toujours, s'il continue à intérioriser seulement et continuellement le sens de sa supériorité, de son privilège, de son pouvoir (…) le futur de ces filles nouvelles sera plutôt troublé. Nous avons payé assez cher le privilège d'avoir ouvert les yeux, mais elles paieront bien plus cher celui de prétendre les écarquiller» (Flamant-Paparatti, Gianini Belotti, 1979: 12).

Face à une telle difficulté, quelles étaient les solutions proposées par Madeleine Pelletier? C'est un angle mort de sa réflexion. Elle n'envisage pas le possible rapport conflictuel avec l'autre sexe qui resterait campé sur sa position dominante et son modèle traditionnel, car la question même du rapport est évacuée. L'union sexuelle est toujours, dans ces conditions, un «esclavage sexuel», et il faut purement et simplement s'en affranchir. Le prix à payer pour l'autonomie, c'est la solitude. On peut ainsi lire, dans le chapitre «L'éducation sexuelle» de L'Éducation féministe des filles que la femme «ne peut guère trouver un peu de liberté qu'en se privant d'amour» (Pelletier, 1914: 114) et que «même en union libre [elle] est en tutelle» car l'homme se croit toujours son maître. N'oublions pas que Madeleine Pelletier est également l'auteure d'un autre texte intitulé Le célibat, État supérieur (dans lequel elle affirme que le célibat émancipe l'homme comme la femme). La promotion des femmes «passe par une rupture avec ce que l'on pourrait appeler les avantages secondaires de la servitude» (Zaidman, 2007). L'éducation à la Pelletier conduit la jeune fille à un isolement affectif7: être indépendante, c'est aussi rompre tout attachement. La jeune fille peut non seulement se passer des hommes, mais elle le doit, car toute «mise en ménage» et même «mise en relation» serait une mise en tutelle. «Il s'agit bien d'une guerre où le prix à payer serait une forme de mutilation affective et psychique» (Zaidman, 2007).

Au delà des questions de conflit entre les sexes, une éducation féministe «unilatérale» qui tend à masculiniser les filles pose un problème politique plus vaste, celui de la physionomie que l'on entend donner à la société de demain. Si les valeurs dominantes masculines sont celles de la prise de pouvoir, de la compétition, de l'agressivité, en les inculquant aux petites filles, ne diffusons-nous pas un modèle qui n'est pas le bon?8 En faisant des petites filles des «dominantes», nous ne supprimerions pas la domination, mais nous ne ferions que la déplacer. En adoptant les critères pour discriminer ce qui est valorisable de ce qui ne l'est pas issus de la société patriarcale, les femmes, au lieu de briser le patriarcat, ne feraient que le relayer.

Cette asymétrie traverse toutes les initiatives anti-sexistes, qu'elles portent sur l'éducation familiale ou sur l'instruction, qu'elles soient le fait de féministes ou d'instances «officielles». En France, il suffit de lire la Convention interministérielle pour l'égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, dans le système éducatif du 29 juin 2006 pour s'en convaincre. Ce texte vise à combattre le «déterminisme sexué» dans l'orientation scolaire – mais concrètement, cela signifie faire sortir les filles de leurs rôles traditionnels et leur faciliter l'accès aux filières technologiques et scientifiques. Il n'est par exemple pas question de la revalorisation des filières littéraires auprès des garçons. Cela se comprend si on reprend l'analyse du début de la convention: les filières scientifiques et technologiques étant porteuses d'emploi, on ne va pas orienter les garçons dans des branches traditionnellement féminines puisque celles-ci sont synonymes de précarité et ne sont pas valorisées socialement. Puisqu'on ne travaille pas à revaloriser ces métiers et ces filières, il est normal que le «brassage» ne se fasse que dans un sens. On n'incite pas non plus les garçons à travailler dans les métiers du care. C'est comme si régler la question de l'inégalité supposait simplement de «déserter» certains postes, certains rôles, pourtant essentiels au fonctionnement de la société.

Du côté des petits garçons

Lorsqu'on évoque la possibilité d'éduquer les garçons autrement, de nombreuses résistances apparaissent. Si éduquer les filles autrement, c'était les viriliser, alors éduquer les garçons autrement reviendrait à les féminiser. Et cette perspective apparaît tout d'un coup très effrayante. Élargir les possibilités de rôles de genre pour les garçons est certainement plus subversif dans une société où le mâle est la norme: en se masculinisant, les filles se rapprochent de cette norme, mais en se féminisant, les garçons s'en éloignent. De nombreuses études montrent que dans les familles ou les écoles, les garçons sont bien plus découragés que les filles dans l'adoption de conduites typiques du sexe opposé (Dafflon Novelle: 2006). Il y a une «crainte sacrée», pour reprendre les termes d'Elena Gianini Belotti de «toucher» au garçon. Si l'éducation nouvelle «virilisante» des filles est vécue par les parents et les éducateurs comme une aventure enrichissante, la féminisation des garçons est en revanche vue comme une mise en péril de leur essence, comme une «involution au lieu d'une évolution, comme une perte au lieu d'une conquête» (Flamant-Paparatti, Gianini Belotti, 1979: 13). Les garçons sont statiques, ils continuent d'être traités comme des garçons9. Au loin planent les spectres de la perte de repères et des troubles de l'identité sexuée, qui toucheraient d'ailleurs beaucoup plus les garçons que les filles (sept fois plus – Goguikian Ratcliff, Dafflon Novelle, 2006: 223-239). Cette inquiétude est-elle plus manifeste aujourd'hui, où l'on essaie de changer l'éducation des garçons, que lorsque les premières éducations nouvelles pour filles ont fait leur apparition? Peut-être les périls invoqués ne sont-ils plus les mêmes (péril moral de la jeune fille qu'on ne destine plus au foyer puis péril des pathologies du DSM-IV10). Même certaines féministes s'avouent désemparées et craignent de devenir des mères «castratrices»11. On imagine peut-être qu'une éducation moins «virile» des petits garçons ne donnerait pas ensuite des hommes qui seraient des êtres plus semblables aux femmes et avec lesquels les relations seraient meilleures, mais des «eunuques inoffensifs en tablier et savates, absorbés par ces humiliants travaux ménagers que nous-mêmes nous refusons» (Flamant-Paparatti, Gianini Belotti, 1979: 14).

Peut-être les termes du problème ne sont-ils tout simplement pas les bons. Peut-être faut-il cesser de dire qu'on devrait «féminiser» les garçons. Car la finalité ultime n'est ni de masculiniser les filles ni de féminiser les garçons. Elle est de laisser se développer différentes «voix» qui sont présentes en tous. L'exemple des théories du care est à cet égard éclairant (Gilligan, 1982 et Tronto, 1993). Le care désigne l'ensemble des pratiques de soin qui s'élabore à partir d'une conscience de la vulnérabilité de l'autre et d'une responsabilité envers lui à cet égard. Dans une éthique du care on se demande comment agir en prenant en compte les particularités de la situation et de cet autre (et non de façon impartiale et selon des règles), afin de trouver un équilibre entre le souci de soi et le souci d'autrui. Cette éthique est mise en pratique dans des activités qui sont majoritairement féminines et dévalorisées socialement. On reproche aux féministes du care d'une part de revenir à une prétendue nature féminine et d'autre part de vouloir valoriser une morale déficiente qui mettrait en péril les principes «universels» de justice et du droit, seuls légitimes pour juger avec équité. Tout d'abord, les féministes du care ne disent pas que cette morale est naturellement féminine: elle ne l'est qu'empiriquement. Carol Gilligan «fait de la justice et du care deux tonalités ou voix, peut-être rivales, mais présentes en chacun. La voix du care étant moins rapidement étouffée chez les filles que chez les garçons» (Laugier, 2010: 117). Et ce parce que les théories éthiques et politiques majoritaires sont liées à une pratique sociale qui dévalorise le travail de care et le réserve aux femmes; le langage de la voix de la justice est incapable de rendre compte des expériences du soin, et par conséquent les disqualifie. Il ne s'agit pas de vouloir transformer la société en une société de soin, mais de conjuguer les orientations morales de la justice et du care, pour une justice plus adaptée à la réalité. On a donc au départ «une autre forme de moralité, une voix différente, qui est présente en chacun mais qui est précisément négligée parce qu'elle est d'abord, empiriquement, celle des femmes, et concerne des activités féminines au sens où elle sont réalisées principalement par des femmes.» (Laugier, 2010: 113). On retrouve ici, avec le care, ce qu'avaient perçu, même confusément, les trois auteures de l'article des Temps modernes, à savoir que certaines de nos «qualités d'opprimées» ne sont pas à jeter. «Pourquoi nier ce que la spécificité féminine – même née dans l'oppression – pourrait nous apporter?» (Geneviève, Josette et Martine, 1976: 2022). Ce qu'affirme Carol Gilligan peut s'appliquer à d'autres valeurs considérées comme «féminines», et permettre de ne pas penser l'éducation nouvelle des garçons comme une «féminisation» de ces derniers: «Le care et le caring ne sont pas des questions de femmes; ce sont des préoccupations humaines» (Gilligan, 1987).

L'éducation qui consiste à masculiniser les petites filles n'est donc pas une éducation égalitaire. L'objectif de départ était certes de rendre hommes et femmes égaux, mais la société distribuant le prestige de façon inégale entre les qualités «masculines» et «féminines», il s'est avéré plus facile d'atteindre l'égalité par l'identité et de transformer les femmes en hommes. Un tel mécanisme est loin de briser la domination, au contraire – simplement, certaines femmes occupent une place différente en son sein. Mais l'urgence éducative n'explique pas seule de tels résultats. L'approche formelle (mêmes droits, mêmes postes que les hommes) et à courte vue d'un certain féminisme «libéral» en est également responsable et celle-ci est de plus en plus critiquée à l'heure des théories du care et de l'intersectionnalité. Les éthiques du care sont subversives en tant qu'elles laissent entrevoir que remettre en question l'éducation masculine implique de s'en prendre directement aux normes dominantes du patriarcat. L'importance prise par la question des effets concomitants des différentes catégories sociales (sexe, race, classe, âge, handicap…) porte à envisager la lutte de façon plus radicale et profonde, car lutter sur un seul front peut conduire à renforcer par ailleurs la domination. Pour reprendre le titre d'une intervention d'Audre Lorde, «On ne démolira jamais la maison du maître avec les outils du maître» (Lorde, 1984: 119). Dans «Petit homme: réflexions d'une lesbienne féministe noire», elle évoque justement l'éducation de son petit garçon. L'élever «dans la bouche d'un dragon raciste, sexiste et suicidaire représente une entreprise périlleuse et incertaine» (Lorde, 1984: 79-83), mais cet enfant incarne pour elles et ses sœurs «l'espoir d'un monde futur». Lorsqu'une journaliste demande aux enfants d'Audre Lorde ce que cela fait, d'avoir une mère féministe, celle-ci rapporte que

«Jonathan lui répondit que le féminisme ne changeait pas grand-chose dans la vie d'un garçon, hormis le fait incontestablement positif que c'était bien de pouvoir pleurer quand il en éprouvait le besoin et de ne pas être obligé de jouer au football quand il n'en avait pas envie. (…) La leçon la plus importante que j'ai pu enseigner à mon fils est celle que j'avais enseignée à ma fille: comment devenir la personne qu'il souhaite être pour lui-même» (Lorde, 1984: 82).

 

Références bibliographiques

Belotti, Elena Gianini (1973), Du côté des petites filles, Paris, France, Éditions des femmes. Convention interministérielle pour l'égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, dans le système éducatif du 29 juin 2006 en France [en ligne], disponible sur http://media.education.gouv.fr/file/88/9/3889.pdf [consulté le 14 avril 2011].         [ Links ]

Dafflon Novelle, Anne (2006), Filles-garçons: socialisation différenciée?, Grenoble, France, Presses Universitaires de Grenoble.         [ Links ]

Flamant-Paparatti, Danielle et Emmanuelle (1979), Emmanuelle ou l'enfance au féminin, Paris, France, Denoël/Gonthier.         [ Links ]

Fraisse, Geneviève (1984) «"Un dangereux anachronisme". Questions sur l'analyse de la reproduction du sexisme», in Collectif Révoltes Logiques, L'empire du sociologue, Paris, France, La Découverte, pp. 117-128.         [ Links ]

Geneviève, Josette et Martine (1976), «Elle n'en est pas moins une femme», Les Temps Modernes, n.º 358, pp. 2014-2032.         [ Links ]

Gens, Ingemar, 2009, «Le mythe du sexe opposé», Nordiques, n.º 21, pp. 11-21.         [ Links ]

Gilligan, Carol (1982) Une voix différente, pour une éthique du care, Paris, France, Flammarion.         [ Links ]

Gilligan, Carol (1987), «Moral orientation and Development» in Virginia Held (éd.), Justice And Care: Essential Readings In Feminist Ethics, Boulder, Etats-Unis, Westview Press.         [ Links ]

Goguikian Ratcliff, Betty (2006) «Masculin, féminin chez l'enfant: de la psychanalyse à la psychologie du développement», in Anne Dafflon Novelle (dir.), Filles-garçons: socialisation différenciée?, Grenoble,France, Presses Universitaires de Grenoble, pp. 223-239.         [ Links ]

Laugier, Sandra (2010), «L'éthique du care en trois subversions», Multitudes, n.º 42, pp. 112-125, [en ligne], disponible sur: http://www.cairn.info/revue-multitudes-2010-3-page-112.htm [Consulté le 25 octobre 2010].         [ Links ]

Lorde, Audre (1984), Sister outsider: Essais et propos d'Audre Lorde: sur la poésie, l'érotisme, le racisme, le sexisme…, Genève, Suisse et Laval, Canada, respectivement Éditions Mamélis et Trois.         [ Links ]

Le Site de Marie-Victoire Louis [en ligne], disponible sur http://www.marievictoirelouis.net [consulté le 21 octobre 2010].         [ Links ]

Miedzian, Myriam (2002), Boys Will Be Boys: Breaking the Link Between Masculinity and Violence, New York, Etats-Unis, Lantern Books.         [ Links ]

Pelletier, Madeleine (1914), l'Education féministe des filles, Paris, France, Syros.         [ Links ]

Tronto, Joan (1993) Un monde vulnérable, pour une politique du care, Paris, France, La Découverte.         [ Links ]

Zaidman, Claude (2007), «Madeleine Pelletier et l'éducation des filles», Les cahiers du CEDREF, n.º 15, pp. 265-281, [en ligne], disponible sur: http://cedref.revues.org/388 [consulté le 21 octobre 2010].         [ Links ]

 

Artigo recebido em 28 de Outubro de 2010 e aceite para publicação em 4 de Abril de 2011.

 

Notas

*Née le 27 juin 1986. Elève à l'Ecole Normale Supérieure depuis 2005 (ENS de Lyon, ex-Fontenay Saint Cloud), elle est certifiée de philosophie depuis 2008. Actuellement en Master 2 d'Histoire de la philosophie, elle travaille sur les théories féministes de l'éducation et la socialisation différenciée. Elle a par ailleurs rédigé un mémoire intitulé L'intime et l'image dans les arts visuels, et fait de l'illustration et de la photographie. Email:Vanyna@ymail.com

 

1 On peut faire un lien entre l'allure masculine de Madeleine Pelletier et la mode des «garçonnes» qui apparaît dans les années 1920, mais son apparence hybride était loin de faire de la féministe une icône de mode… Celle qui portait les cheveux courts et le gilet pour dire à l'homme «je suis ton égale» était «persécutée pour son allure», relate Claude Maignien dans son introduction (Pelletier, 1914: 13-14).

2 Même quand elle incite les mères à choisir des prénoms épicènes, aussi exotique ou dérisoire qu'un tel conseil puisse paraître, elle ajoute: «Lorsque l'égalité des sexes sera devenue un fait accompli dans les lois et dans les mœurs, plus ne sera besoin de masculiniser ainsi les noms des petites filles; mais dans l'état présent des choses, on ne saurait trop accentuer la virilisation: le milieu se chargera bien et beaucoup plus qu'il ne sera nécessaire de défaire ce qu'on aura fait en ce sens» (Pelletier, 1914: 72).

3 Et de soumission: on fera honte à la petite fille qui sollicite la protection de son frère et si au contraire «pour venger avec son honneur propre l'honneur du sexe, l'enfant administre quelques taloches aux antiféministes en herbe, loin de la blâmer, [la mère féministe] la félicitera» (Pelletier, 1914: 75).

4 On peut rappeler qu'Elena Gianini Belotti est proche de la pédagogie Montessori (elle a dirigé le Centre Nascita Montessori de Rome) et que cette dernière repose notamment sur le respect du rythme d'apprentissage de chaque enfant et de ses particularités individuelles.

5 Nous soulignons.

6 Ce débat est repris par Geneviève Fraisse dans un autre article une dizaine d'années plus tard (1984).

7 Madeleine Pelletier traite le problème de l'isolement à la fin de Le célibat, État supérieur. Ce texte ainsi que beaucoup d'autres de Madeleine Pelletier peuvent être trouvés en ligne sur Le Site de Marie-Victoire Louis.

8 C'est le problème soulevé par Ingemar Gens, sociologue suédois, auteur et conseiller indépendant sur les questions d'égalité. Il est notamment à l'origine de projets destinés à réduire la différence de traitement des filles et des garçons dans les crèches: «…il est plus simple de donner le pouvoir aux filles – et c'est justement ce que nous avons commencé à faire au moment du passage de la société industrielle à la société de communication. L'égalité équivaudrait à transformer les femmes en hommes. Elles doivent devenir chefs, se procurer suffisamment de pouvoir public, devenir agressives, expansives, destructrices et compétitives. Elles doivent abandonner les relations et les responsabilités pour les règles et la justice. Elles doivent agir selon le modèle du succès imposé par la société. (…) J'ose prétendre que l'histoire patriarcale sera finie dans un avenir assez proche et que les femmes auront alors pris le pouvoir. Mais les idéaux et la société masculine persisteront (…)» (Gens, 2009: 19-21).

9 L'expression «boys will be boys» (qu'on pourrait traduire par «il faut que jeunesse se passe» mais qui signifie littéralement «les garçons seront des garçons») est à cet égard éclairante et a été utilisée dans le titre d'un ouvrage (non traduit en français) qui vise à montrer puis détruire le lien entre la violence masculine et l'éducation des petits garçons (Miedzian, 2002).

10 Le DSM-IV ou Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders – Revision 4 est ouvrage publié par l'Association Américaine de Psychiatrie qui propose une classification des troubles mentaux, notamment des troubles sexuels et des troubles de l'identité sexuelle.

11 «L'éducation des garçons semblait dans l'absolu autrement plus complexe et angoissante pour les mères féministes que celle des filles. Dans l'absolu parce que celles qui ont effectivement eu un petit garçon ne se sont pas trop posé de question: élever l'enfant dans le respect de lui-même et dans celui des femmes ne leur semblait pas incompatible. Les autres ont déclaré que la naissance d'une fille les a rassurées et comblées parce qu'elles craignaient de se comporter en mères» castratrices «ou répressives envers un fils. Pour contrecarrer le machisme culturel ambiant, elles redoutaient (à tort ou à raison) de trop en faire» (Fortino, 1997).

Creative Commons License Todo o conteúdo deste periódico, exceto onde está identificado, está licenciado sob uma Licença Creative Commons