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Cadernos de Estudos Africanos
versão impressa ISSN 1645-3794
Cadernos de Estudos Africanos no.32 Lisboa dez. 2016
https://doi.org/10.4000/cea.2074
ARTIGO ORIGINAL
Loisirs et Productions Spatio-temporelles Citadines à lÉpoque Coloniale au Mozambique et à Madagascar (v. 1900-v. 1970)
Lazeres e produções espaço-temporais urbanas na era colonial em Moçambique e Madagáscar (c. 1900-c. 1970)
Didier Nativel
Centre détudes en sciences sociales sur les mondes africains, américains (CESSMA), Université Paris Diderot - Paris 7, 75205 Paris Cedex 13, France, endereço de correio eletrónico: dnativel@club-internet.fr
RÉSUMÉ
Si un grand nombre dactivités de loisirs sont une invention occidentale transplantée aux colonies, plusieurs études ont montré leur appropriation précoce par les colonisés, notamment en Afrique. À travers les exemples du sport et de la musique, de part et dautre du canal du Mozambique, nous voudrions analyser limpact de ce phénomène sur la conquête citadine de la ville par les Indigènes. Pleinement investis, les loisirs ont permis la production de pratiques et de régimes temporels spécifiques ainsi que lémergence de territorialités échappant en partie à lemprise coloniale. Le football comme la musique ont donné sens à des expériences urbaines ambivalentes marquées par la précarité et linventivité. Ces activités, inscrites dans des quartiers périphériques sous-équipés, ont intensifié les relations sociales et mobilisé des compétences plurielles. De fait, lespace-temps des loisirs ne peut donc être considéré comme un simple interstice. Il rayonne en effet sur lensemble de la vie sociale et débouche sur des horizons politiques qui conviennent dêtre interrogés. Les caractéristiques et les résultats de ce travail au quotidien sont ici évalués en fonction de systèmes coloniaux, portugais et français, rarement comparés et par le biais de villes au passé très contrasté : Lourenço Marques, Tananarive et Majunga.
Mots-clés: loisirs, espace-temps, villes, Mozambique, Madagascar
RESUMO
Se um grande número de atividades de lazer são uma invenção ocidental transplantada para as colónias, vários estudos têm demonstrado a sua apropriação desde muito cedo pelos colonizados, particularmente em África. Através do desporto e da música, em ambos os lados do Canal de Moçambique, propomo-nos analisar o impacto deste fenómeno sobre a conquista do espaço urbano da cidade pelos Indígenas. Com total engajamento, os lazeres produziram práticas, padrões temporais e territorialidades que escapam em parte ao domínio colonial. Futebol e música deram significado a experiências urbanas ambivalentes marcadas pela precariedade e a inventividade. Essas atividades, no âmbito de bairros periféricos pouco equipados, intensificaram as relações sociais e mobilizaram competências variadas. Na verdade, o espaço-tempo dos lazeres não pode ser considerado como um simples interstício. Irradia sobre toda a vida social e tem uma dimensão política que deve ser interpretada. As características e os resultados deste trabalho quotidiano são aqui analisados em função dos sistemas coloniais, português e francês, raramente comparados, e por meio de cidades com passado muito diferente: Lourenço Marques, Antananarivo e Mahajanga.
Palavras-chave: lazeres, espaço-tempo, cidades, Moçambique, Madagáscar
Lhistoriographie des loisirs en Afrique à lépoque coloniale[1] a souligné son importance pour saisir les capacités dadaptation et de transformation des sociétés dominées par les colonisateurs européens. Par loisir, il faut entendre toute une série dactivités de détente dont la pratique délimitait temps du travail et temps du repos. Si plusieurs auteurs ont mis laccent sur la nécessité de prendre en compte aussi bien les activités très structurées et normées (Martin, 1995) que dautres plus informelles, sans négliger la survie et les mutations de pratiques ludiques plus anciennes (Akyeampong & Ambler, 2002), nous aimerions à notre tour insister sur les effets proprement spatiaux et temporels générés par les loisirs dans le cadre de villes coloniales situées dans deux empires coloniaux rarement mis en parallèle, le Mozambique et Madagascar. Lorganisation du temps des loisirs par des colonisés de différents statuts accompagne un mouvement dappropriation profonde (à Lourenço Marques[2] et à Majunga) ou de réappropriation de la ville (à Tananarive). Mais ces formes variées dexpression de la citadinité, entendue comme affirmation dune appartenance forte à la ville et la lutte possible pour lamélioration de ses droits[3], traduisent des stratégies sociales propres aux milieux multiples composant les quartiers dits indigènes.
Pour travailler sur la plasticité sémantique des loisirs et leur impact citadin, je mappuierai sur lexemple du sport, en particulier le football, resitué dans un contexte socio-culturel plus large. Jessaierai de préciser comment, de manière différente dans les trois cas étudiés, lespace-temps des loisirs a participé à laffirmation dun «droit à la ville» (Lefebvre, 2009) remettant en cause, moins de manière frontale, mais plus subtile, des «injustices spatiales» (Gervais-Lambony et al., 2014) au cur de la production de la ville coloniale, espace dexclusion par excellence.
Les loisirs comme outil de contrôle urbain
La situation des trois villes analysées
Les trois villes à lorigine de cette réflexion sur les loisirs ont des rapports différents à lhistoire, à lurbanité et à la citadinité. Par leur taille, leur passé, lapplication plus ou moins forte de la ségrégation, le poids et le rôle de leurs élites indigènes, elles offrent un échantillon de villes utile à la connaissance du fait urbain en Afrique de lEst et dans les îles de locéan Indien.

Quand Lourenço Marques est érigée en capitale de la colonie en 1898, elle ne compte alors que 2401 habitants contre 50 000 à Tananarive[4]. Mais la ville mozambicaine rattrape la principale cité des Hautes Terres de Madagascar durant lentre-deux-guerres. En 1960, Lourenço Marques est désormais peuplée par 180 000 personnes contre plus de 200 000 pour Tananarive. En revanche, Majunga ne dépasse pas 46 000 habitants à cette date[5]. Les deux centres administratifs et économiques coloniaux deviennent après lindépendance, en 1960 à Madagascar et en 1975 au Mozambique, les capitales de nouveaux État-nations.De son côté, Majunga, ville et port secondaire (par rapport à Tamatave et Diego Suarez) qui dispose dune petite industrie, attire des migrants de toute lîle. Véritable petit laboratoire social et culturel, il connaît un petit âge dor dans les années 1950-1960.

Si Tananarive et Majunga ont un long passé précolonial, Lourenço Marques est relativement récente. Elle est née dune fortification du XVIII e siècle avant dêtre érigée en commune en 1887. Onze ans plus tard, la nouvelle capitale de la colonie (qui remplace lîle de Mozambique) se dote dun port bien équipé. Cest un centre important du commerce avec le Portugal et lempire, ainsi quavec les territoires sous contrôle britannique proches. Jusquaux années 1920, Portugais, Britanniques et Indiens forment lessentiel des habitants. Mais du fait des besoins de main-duvre pour le port et les chemins de fer, ou de domestiques, la population africaine afflue rapidement des environs ou de régions plus lointaines.

A linverse, au moment de la conquête (1894-1895), les troupes françaises découvrent des villes anciennes à Madagascar. Majunga, rattachée au monde des comptoirs swahili très actifs avant le XVI e siècle, puis aux ports de traite du canal du Mozambique, devient lune des fenêtres maritimes du Royaume de Madagascar au XIX e siècle. Au début du XXe siècle, aux commerçants Indiens, Antalaotra[6] et Merina, sajoutent des Comoriens, dont le nombre ne fera quaugmenter par la suite.
Tananarive, établie sur un éperon rocheux, est la capitale dun royaume qui étend rapidement son assise spatiale sous Andrianampoinimerina et Radama Ier (entre 1794 et 1828). Dans la deuxième moitié du XIX e siècle, à la suite de la conversion au christianisme des dirigeants et des élites, le paysage, la culture matérielle, les codes sociaux urbains changent en donnant naissance à un monde esthétique et social syncrétique. Les apports zanzibari, créole et français des Mascareignes, et surtout britannique sont intégrés à une matrice socio-spatiale à la fois très structurée et capable dintégrer des éléments extérieurs (Nativel, 2005).
Dans ces trois villes, la ségrégation raciale informelle puis officielle ne sapplique pas de la même façon. Elle est nettement plus dure à Lourenço Marques que dans les villes de Madagascar. Elle se rapproche en ce sens davantage du modèle sud-africain dexpulsion progressive des Africains et métis, jusquà la radicalisation de leur rejet avec linstauration de lapartheid[7].
Les Européens transforment la Basse plaine de Tananarive, mais ne touchent guère aux quartiers « patrimoniaux » de la Haute ville (Rajaonah, 1996). A Majunga, une ville européenne à la trame géométrique typique se surimpose à la ville ancienne bâtie autour du vieux port aux Boutres. Les Indigènes sont sommés de vivre à la périphérie nommée Mahabibo. Comme à Lourenço Marques, cet espace en marge surbanise, se structure et donne naissance à des quartiers qui sindividualisent progressivement.
Avant même le durcissement de la ségrégation après le coup dÉtat de 1926 et létablissement de lEstado Novo au Portugal, Africains, métis puis « assimilés » de Lourenço Marques sont réduits à vivre dans les interstices de lespace social et spatial de la ville. Ils sont soumis à un système de surveillance constant qui les obligeait à posséder des documents les autorisant à circuler et leur évitant de subir le travail forcé (ou xibalo) (Penvenne, 1995, p. 107). Ce panoptisme diffus et la crainte quil engendre oriente le rapport à la ville européenne, espace fréquemment répressif, souvent synonyme dexploitation et daliénation. Laction dune petite élite à la tête dassociations de défense des indigènes ny change pas grand-chose sur le plan politique général. Dans les années 1920 et 1930, la distinction physique entre ville de Ciment (ou Cemento) et la périphérie du Caniço (du terme «jonc »)[8] apparaît très nettement dans les plans et les photographies de lépoque : la ville européenne est séparée par une grande voie semi-circulaire. Les contrastes entre ces deux espaces ne cessent de grandir après la guerre. Les divers plans durbanisme de la ville négligent la périphérie sous-équipée voire, dans certaines zones, très denses, sans lignorer totalement (Sousa Morais, 2001, pp. 182-183). La population, qui y a fortement augmenté après 1945 est, pour les autorités, plus que jamais à contrôler.
Dans les années 1950, le modèle de lapartheid inspire les Portugais qui veulent avant tout réserver la ville de Ciment aux colons, dont le nombre saccroît jusquaux années 1970 (Castelo, 2007). Si labolition du Code de lindigénat en 1961 lève les barrières officielles de la ségrégation, elle ne fait pas disparaître les pratiques racistes quotidiennes de mise à lécart et encore moins les marques de ségrégations sociales. Africains et métis vivent dans la périphérie ou dans des quartiers intermédiaires comme Alto-Maé (Vales, 2014, pp. 271-272[9]).
Les fonctions coloniales des loisirs
À travers les trois exemples, suivant des modes dexpression différentes, les colonisateurs se présentent comme maîtres du temps (ils imposent et réglementent de nouveaux rythmes ou redéfinissent des rythmes anciens) et de lespace. En effet, bâtir, résider, se déplacer, occuper lespace public est pris en charge par de nouvelles normes et de nouvelles pratiques. Les règles territoriales, les réalisations urbanistiques, une exploitation qui se veut rationnalisée des colonisés, limposition dune définition du sens de lHistoire (celui du vainqueur), fondent le cadre qui borne le quotidien des habitants au statut dindigènes. Les loisirs néchappent donc au désir de contrôle social ambitieux qui caractérise lémergence de cités coloniales à Madagascar et au Mozambique.
Au tournant du XX siècle, si limplantation des loisirs est spontanée et concomitante de linstallation dEuropéens, elle est aussi le fruit dune mutation intervenue dans les métropoles au cours du XIXe siècle. En Europe, la « distribution des temps sociaux » est plus stricte et le « fossé sapprofondit » entre temps du travail et temps des loisirs (Corbin, 1995, p. 15). Si le temps du travail est soumis aux impératifs du temps mesuré de lhorloge et de la montre, celui des loisirs et en particulier sportif se structure et se densifie peu à peu (Vigarello, Le temps du sport, citado em Corbin, 1995, p. 215). Cette légitimation des pratiques de détente conduit à une institutionnalisation qui suppose un encadrement croissant qui trouve un prolongement dans les colonies africaines.
Mais dans les nouveaux territoires conquis, lirruption de rythmes urbains plus intenses portés par les effets des nouveaux modes de production industrielle et de gestion bureaucratique des États, rencontre de nombreuses résistances sur place liées au sous-équipement, aux difficultés de communication, à lattachement dans les sociétés africaines à des usages et des conceptions culturelles différentes. Néanmoins, les villes, en particulier les capitales et les principaux ports, constituent les nuds centraux de ces modèles temporels imposés.
À Lourenço Marques ou Tananarive durant les premières années du XXe siècle, lespace-temps du loisir a plusieurs fonctions. Cest dabord pendant ce moment de repos que seffectue un certain travail culturel. Les Européens, se doivent de cultiver leurs attaches métropolitaines pour ne pas se « déciviliser » (Renel)[10] mais au contraire constituer des exemples pour les Indigènes. À Madagascar, chez les aspirants à la citoyenneté et au Mozambique chez ceux qui veulent obtenir le statut dassimilé, le temps hors travail doit être consacré à se rapprocher des modèles de vie à loccidental.
Pour les Européens aux colonies, les temps des loisirs, par le biais dactivités dagrément notamment sportives, se créent et se renforcent des liens de sociabilité nécessaires dans ces lieux éloignés des métropoles, pour cimenter les communautés européennes. Ce sont aussi des moments de consommation. Maisons de commerce et boutiques tenues par des Européens et des Indiens proposent des articles qui nourrissent ce temps pour soi qui maintient le contact symbolique avec la métropole. Ces liens apparaissent dans toute leur diversité y compris régionale. Une partie des loisirs des Européens est animé par des associations qui cultivent des particularismes. Bretons, Corses, Charentais organisent fréquemment des festivités à Madagascar. On retrouve un phénomène similaire au Mozambique auprès dassociations représentants des originaires de Lisbonne, de Porto, de Trás-os-Montes voire de Madère. Mais dans les deux colonies et les trois villes étudiées, lexpression de lappartenance aux « petites nations » (Chanet, 1996 ; Thiesse, 1997) est au service, notamment dans les fêtes et compétitions sportives organisées par des associations multiples, dun « nationalisme ordinaire » (Martigny, 2010). Ce phénomène saccroît avec le général Bettencourt au Mozambique (1940-1946) et durant la période vichyste à Madagascar (1940-1942).
La vocation des loisirs destinés aux Indigènes
Les loisirs sportifs coloniaux ont plusieurs vocations dans les colonies françaises et portugaises. Ils permettent de canaliser et de mobiliser les énergies des Indigènes, contrôler leurs capacités dorganisation, accroître leurs dépendances culturelles et financières à légard des autorités et parfois aussi capter des talents sportifs, particulièrement après la Seconde Guerre mondiale.
Bien plus quau Mozambique, le sport occidental devient une pratique qui se généralise vite à Madagascar. Le colonisateur, comme en A.O.F. (Afrique occidentale française) par exemple (Deville-Danthu, 1997 ; Martin, 1995) veut disposer de futurs soldats en bonne forme. Ce sont dailleurs souvent des militaires qui introduisent nombre de sports occidentaux et encadrent des associations sportives jusque dans lentre-deux-guerres encore (Combeau-Mari, 2009, p. 97). Les Églises, par lintermédiaire dinstitutions scolaires, cherchent à superviser le temps libre des jeunes. Aux collèges Saint-Gabriel de Majunga et Saint-Michel à Tananarive, les enfants de notables malgaches étaient par exemple entraînés par des religieux très impliqués dans la vie sportive locale. De leur côté, des entrepreneurs européens qui sponsorisent des équipes, comme dans la région de Majunga, souhaitent favoriser la cohésion interne au sein de leurs entreprises comme avec lAthletic club de Boanamary (réunissant les ouvriers dune conserverie) dans les années 1930, ou léquipe de la FITIM (du nom dune usine de filature et principal employeur de la ville) après la Seconde Guerre mondiale. En outre, un certain paternalisme local vise à limiter des revendications sociales voire nationalistes particulièrement fortes à cette période.
Quand les activités de loisirs proviennent dassociations de quartiers, de migrants, de métiers, elles suivent des modèles dorganisation imposés. Une fois autorisées, ces associations et leurs dirigeants sont contrôlés par les administrations (Rocha, 2002 ; Rajaonarison, 2009). Parfois ces dernières bénéficient de subventions et sont fréquemment amenées, particulièrement à Madagascar, à chercher le soutien de notables européens de premier plan. Dautre part, cette fois surtout au Mozambique, les équipes des quartiers indigènes offrent la possibilité de capter des talents sportifs au service de formations européennes.
Á linverse de Madagascar où les journaux coloniaux rendaient souvent compte des compétitions dans lesquelles étaient engagés des Indigènes[11], la marginalité des activités sportives du Caniço paraît évidente. Elle suscite par exemple un très faible intérêt médiatique aussi bien dans la presse générale (Lourenço Marques Guardian, Notícias da Tarde) que dans des journaux spécialisés comme Eco dos Sports, le plus souvent condescendant sinon méprisant à légard de ce quil nommait le « football africain » (Eco dos Sports, 10/05/1938). Pourtant, cette absence de reconnaissance du sport pratiqué dans le Caniço ne doit pas cacher lintérêt croissant, et somme toute pragmatique, que les dirigeants de lAFLM (Associação de Futebol de Lourenço Marques ou Association de Football de Lourenço Marques) ont manifesté à légard des sportifs les plus prometteurs des clubs de la périphérie. Dès lentre-deux-guerres et malgré la ségrégation, plus forte sous lEstado Novo[12], des clubs européens comme le 1° de Maio ont fait appel à des joueurs métis voire Africains. Le phénomène sest accentué dans les années 1940 et surtout 1950, non seulement dans la ville et la colonie mais aussi dans tout lempire portugais. Avant même le passage rapide dEusébio da Silva Ferreira de la périphérie à Lisbonne au début des années 1960[13], dautres joueurs exceptionnels ont été détectés par des recruteurs de la ville européenne. Parmi eux, Sebastião Lucas da Fonseca dit Matateu[14] puis Mário Wilson, Mário Esteves Coluna, Hilário Rosário da Conceição[15].
Les loisirs comme moyens daffirmations citadines
Un moyen dexpression de la notabilité
Si lon compare les deux capitales coloniales, Lourenço Marques, Tananarive le contraste est très grand en termes daccès aux loisirs dans leur acception occidentale du fait de lapplication plus forte de la ségrégation au Mozambique quà Madagascar. Pourtant, dans les deux cas lengagement des élites africaines dans lorganisation des loisirs est repérable.
À Tananarive, il serait exagéré de parler dune leisure class précoloniale, à propos de lélite des Hautes Terres Centrales, liée à une cour occidentalisée du point de vue de sa culture matérielle et marquée par le protestantisme. Cependant, il existe pour ces possesseurs desclaves domestiques, une place pour le divertissement privé, si tant est quil ne contredise pas une certaine éthique victorienne, héritée des missionnaires britanniques, hostile à lidée doisiveté (Raison-Jourde, 1991). Après la conquête de Madagascar par la France en 1895, lancienne élite royale tente de survivre socialement et politiquement et se reconstitue peu à peu. F. Rajaonah (1997) a bien montré que leur investissement plus grand dans le monde des loisirs de de type occidental est à Tananarive lun des effets de cette recomposition. Ainsi, dès le début du XXe siècle, les notables tananariviens assistent par exemple aux spectacles donnés au Théâtre municipal situé dans la moyenne ville à Ambatovinaky et initialement destiné aux colons. Outre la curiosité de lélite malgache pour les pièces européennes, il existe tout un répertoire de pièces en malgache dont Tselatra Rajaonah[16] est lun des auteurs phares. Dans les années 1930, Tananarive comptait également quatre grandes salles de cinéma (lExcelsior, Eden Cinéma, le Cinéma Valiton, Cinéma Universel) auxquelles les membres de lélite de Tananarive puis des spectateurs de milieux plus modestes accèdent sils en ont les moyens. Cette diffusion des loisirs occidentaux est si forte quelle inquiète des nationalistes malgaches marxisants qui dénoncent le risque daliénation dont est porteuse la ville coloniale. On le voit par exemple à propos du cinéma, qualifié d« abrutisseur de lesprit » qui confisque du temps qui « serait mieux employé en instructives et passionnantes discussions»(LAurore malgache, 16/02/1934).
À Lourenço Marques, laccès à la plupart des salles de spectacle est dabord, voire exclusivement, réservé aux Européens. Si le Varietá, le Scala, le Gil Vicente sont inaccessibles aux Africains, seul le Manuel Rodrigues est plus ouvert mais uniquement aux métis et assimilés (Cabrita Mateus, 2006, p. 63). Après 1961 la situation change officiellement après la disparition du Code de lindigénat. Néanmoins, une ségrégation de fait se maintient. Cest probablement ce qui explique louverture du cinéma Olímpia par des entrepreneurs indiens dans le quartier très peuplé de Xipamanine dans le Caniço[17].
Le deuxième constat est que lextension spatiale de la ville et la progressive conquête de la nuit grâce à lamélioration des éclairages et linstallation de nombreux bars, restaurants, casinos dans la rue Araújo ou à proximité, se fait soit au détriment des Africains et métis modestes, soit en les maintenant dans une position clairement subalterne. Les seuls non blancs présents après 21 heures sont des serveurs, des musiciens et des prostituées. Dans la ville de Tananarive, la nuit constitue probablement moins une frontière raciale que sociale. Dans son journal intime écrit dans les années 1930, le poète et écrivain Jean-Joseph Rabearivelo (1903-1937) mentionne fréquemment le compte-rendu de ses sorties nocturnes, effectuées avec des amis malgaches et européens dans des bars ou dans des fêtes. Petit bourgeois occidentalisé, il circule sans entraves dans sa ville de naissance (Rabearivelo, 2010, pp. 225 e 228).
Dans le domaine sportif, dès le début de lépoque coloniale, des bourgeois malgaches possèdent des cours de tennis, pratiquent du football, de léquitation, de lathlétisme et dautres sports inconnus à lépoque royale. Ainsi quelques années seulement après la conquête coloniale, des cyclistes malgaches saffrontent lors de compétitions qui ont lieu dans la capitale (Le Sport Universel Illustré, 1/07/1899). Par ailleurs, les notables tananariviens simpliquent beaucoup dans lanimation de cette vie sportive, dès les premières décennies de la colonisation, en créant des clubs, avant même la Première Guerre mondiale, parmi lesquels le Stade Olympique de lImerina et Iarivo Sport Hova.
Ce phénomène existe aussi à Lourenço Marques mais de manière plus modeste. Lune des premières équipes des subúrbios (les quartiers périphériques) a été celle que lassociation Anjuman Anuaril Issilamo fonde en 1912. Cette association daide mutuelle dAfro-musulmans avait aussi une vocation dans le domaine des loisirs. À cette fin, elle acquit un terrain de football, dans le quartier périphérique de Minkadjuíne (Honwana, 1988, p. 96) et créa un club qui ne fut toutefois officialisé quen 1929[18]. Entre-temps, dautres formations sportives ont été créées comme le Grupo Desportivo Beira-Mar, le Grupo Internacional Africano, lAtlético Club Mahometano ou encore le Munhuanense (Azar), le João Albasini, le Vasco da Gama. Si le football nest pas le seul sport pratiqué au sein de ces associations, cétait sans conteste le plus populaire.
Plusieurs dentre elles gravitaient autour dune association fondamentale, le Grémio Africano. Reconnu officiellement en 1920 (Rocha, 2002, p. 256), le Grémio était dominé par une petite bourgeoisie locale dont font partie les frères Albasini[19], qui défendait les droits politiques des Indigènes et encadrait leurs loisirs. Le Grémio comprenait des commerçants, des employés de commerce et des petits fonctionnaires (des douanes, du service des affaires indigènes, des tribunaux), qui étaient parfois propriétaires (Rocha, 2002). Malgré léclatement de cette association, à la suite de dissensions alimentées par ladministration coloniale entre métis et Africains, une fédération sportive est créée en 1924 (Domingos, 2012, p. 71) : lAFA (Association africaine de football)[20].
Les loisirs sportifs comme outils de cohésion sociale ?
La composition des équipes est le reflet de la diversité socio-ethnique des quartiers périphériques, constitués souvent de migrants, particulièrement à Lourenço Marques. A cet égard, cette ville et Majunga se ressemblent beaucoup. Le football est un indéniable outil dintégration[21]. On trouvait ainsi dans lAFA des formations qui portaient le nom des régions doù étaient originaires les sportifs comme lInhambanense (dInhambane), le Gazenense (de Gaza) ou le Zambeziano (du Zambèze). À Majunga, les équipes les plus visibles, dès les années 1940, étaient avant tout comoriennes. Elles traduisaient limportance numérique et le dynamisme de cette communauté étrangère[22]. Cependant, de profondes divisions existaient entre originaires des Comores, traduisant les clivages entre les îles de larchipel voire entre villages. Ainsi, les autorités coloniales dénoncent fréquemment les débordements et même les affrontements qui ont lieu entre les supporters déquipes rivales (Archives Nationales dOutre-mer, Aix-en-Provence, PM 634). Néanmoins, si adolescents et jeunes adultes intégraient des clubs à base souvent ethnique, comme celui dAmbalavola appelé Zanatany (constitué de métis comoriens) ou encore Islam sport[23], il existait une circulation de joueurs qui participait au dépassement de ces oppositions. Dautre part, lexistence déquipes liées à des entreprises (Athletic club de Boanamary, FITIM) ou à ladministration (AS FOMA, Fortior Côte Ouest) favorisait un certain brassage intercommunautaire.
À Lourenço Marques, on observe une semblable circulation de joueurs aussi bien dans des équipes de quartiers (Munhuanense du quartier de Munhuana, São José du quartier de São José de Lhanguene) que dans dautres formations. Par ailleurs, lexemple de Matateu, Coluna ou dEusébio, stimule les jeunes joueurs sur une base moins identitaire que purement sportive.
Le football, peut-être plus encore que dautres compétitions « traditionnelles »[24], permettait de valoriser des compétences techniques qui ne dépendaient pas de lappartenance sociale ou ethnique des joueurs (Fair, 1997, p. 228).
À Tananarive, ville moins touchée par les migrations lointaines, lun des faits majeurs est lintégration plus grande des milieux populaires. Cest particulièrement le cas dans le domaine du rugby. Une fois introduit, il est lobjet dun véritable engouement ; si bien que dans les années 1930, il existe une vingtaine de clubs affiliés à une fédération française. Submergées par le poids et le talent des équipes malgaches, les formations européennes disparaissent Mais lautre caractéristique majeure du rugby est lentrée progressive des descendants desclaves de lépoque royale dans les équipes, comme la bien montré J.-R. Randriamaro (2005). Encore limitée dans lentre-deux-guerres, celle-ci saccentue à partir des années 1950. Venus de quartiers pauvres de la Basse ville, ce sport est lun des rares moyens daffirmation dont les jeunes hommes disposent alors dans lespace social de la ville.
Ancrages territoriaux et dynamiques spatiales
Pour la majorité des colonisés des trois villes, les moments de détente se vivent dabord dans des quartiers sous-équipés où se cultive un entre-soi par la sociabilité, la musique, des pratiques religieuses et le sport. Dans des quartiers habités majoritairement par des colonisés de conditions modestes, souvent néo-urbains, les lieux formels et informels du sport constituent progressivement dès les années 1930, des pôles majeurs des « territoires du quotidien » (Di Meo, 1996), base didentification citadine. Ainsi comme à Lourenço Marques, le football sapprenait dabord dans la rue, à proximité des épiceries-buvettes (les cantinas), sur des terrains vagues aux délimitations changeantes mais au poids affectif important (Sorez, 2011, pp. 60-61).
À Majunga dans les années 1950 et 1960, les jeunes enfants fabriquaient eux-mêmes leur balle, appelée baolina bas (empruntant les chaussettes de leur père). Alors que la ville vivait au rythme des matchs entre équipes locales, des compétitions appelées « coupes verres » étaient organisées parallèlement par les enfants entre quartiers[25]. Cétait un moyen dappropriation profonde de la ville. Ces parcours ludiques, détournant les espaces de leurs usages habituels, participaient à la construction de soi face à des univers et des rythmes impersonnels imposés par le système colonial. Dans le Caniço, dont la situation saggrave dans les années 1950-1960, du fait dune explosion urbaine et de labsence de réponses urbanistiques adaptées des autorités portugaises (Nativel, 2013), cétait aussi un moyen symbolique de détourner un stigmate spatial.
Mais à côté de ces territorialisations éphémères, il faut souligner lexistence dune volonté de marquage plus formalisée émanant des clubs de lAFA qui cherchaient, avec des moyens souvent dérisoires, à disposer de véritables équipements (terrains, vestiaires) dans lindifférence des autorités portugaises. Ces revendications sexprimaient parallèlement au désir croissant de la population de disposer dun plus grand nombre de bornes-fontaines, dégouts, déclairages, de rues viabilisées, cest-à-dire dun « droit à la ville » (Lefebvre, 2009), entendu comme la possibilité dune vie urbaine digne, non aliénante.
Mais dans le même temps, les loisirs sportifs faisaient des équipes du Caniço et des quartiers auxquels ils étaient rattachés, des espaces centraux qui ne se définissaient pas uniquement par rapport à la ville de Ciment. Dès les années 1930, parmi les équipes de lAFA, certaines étaient amenées à jouer en dehors de Lourenço Marques comme à Inhambane par exemple (O Brado Africano, 21/01/1956) ou dans des petites localités du sud de la colonie. Ainsi, São José est invité en 1956 à jouer à Morrumbene et Maxixe (ibid., 29/09/1956). De fait, il apparaît assez nettement que les clubs du Caniço, marginaux dans le contexte de la ville de Ciment, bénéficiaient dune position centrale dans lespace footballistique « indigène » du Mozambique. Ils devaient constituer des modèles pour les associations sportives rurales et urbaines du sud voire du nord de la Save, moins bien dotées. Cest, entre autres, pour cette raison que ces clubs organisent des rencontres avec leurs homologues sud-africains[26] comme en juillet 1936, quand le Beira-Mar joue contre les All Blacks (ibid., 4/07/1936). Plus tard, en 1955, à linitiative du Mahafil Isslamo, le Heart Football Club de Johannesburg participe à plusieurs matchs sur le terrain de Xipamanine (ibid., 9 et 16/04/1955).
En juillet de la même année, les Collegians de Johannesburg jouent contre une sélection de lAFA (ibid., 9/07/1955). En 1956, des matchs opposent les Bantus de Pretoria à des joueurs de lAFA à Lourenço Marques puis en Afrique du Sud (ibid., 27/10/1956)[27]. En juin 1957, le joueur sud-africain Darius Dhlomo (Alegi, 2010) se rend dans le Caniço avec une sélection de joueurs de Durban (Alegi, 2003).
Créativités temporelles et ambiances spécifiques
Si la pratique sportive génère une géographie particulière elle est aussi à lorigine de temporalités propres (Vigarello, citado em Corbin, 1995, pp. 205-206). Le calendrier des championnats, le temps des rencontres et leur préparation rythmaient la vie dune partie des habitants du Caniço et donnait lieu à des commentaires dans le journal O Brado Africano.
Les matchs eux-mêmes créaient des espaces-temps originaux, ponctuels mais reproductibles, autrement dit des ambiances[28] qui différaient beaucoup de celles de la ville de Ciment. En effet, on la dit les matchs du Caniço se déroulaient sur des terrains souvent improvisés où les spectateurs africains pouvaient sexprimer sans inhibitions à linverse de ce qui se passait lors des matchs qui avaient lieu dans la ville de Ciment. Les joueurs constituaient les principaux « agents sensibles », dont le rôle était déterminant, par leur performance motrice, pour soutenir latmosphère polysensorielle du match et aider les spectateurs à y entrer.
Dautre part, à linstar de ce qui se passait dans la ville européenne, les clubs de la périphérie étaient au cur dune intense vie sociale et festive. Ils utilisaient leurs propres sièges, quand ils en avaient, ou ceux dassociations plus importantes pour organiser des fêtes privées (comme des mariages) ou collectives. Le G. D. São José célèbre ainsi ses 25 ans lors dun bal organisé dans le local du CAN de Xipamanine et animé par le groupe Quatro Azes (O Brado Africano, 4/06/1955). Le Beira-Mar offre à ses adhérents une soirée dansante dans la salle de lAssociação Mútuo Auxílio dos Operários Indianos[29] (ibid.). Le lien entre football et musique était assez fort pour quon y insiste[30]. Non seulement les fêtes des clubs offraient des débouchés aux musiciens locaux, mais beaucoup dentre eux étaient aussi sportifs voire plus précisément footballeurs. On le voit très bien avec Hoola Hoop (ou Ulaúpe), groupe apprécié dans le Caniço à la fin des années 1950. Lun de ses musiciens, surnommé Young Issufo, était surtout connu comme boxeur, mais João Domingos, son leader, avait une réputation de bon footballeur. Originaire dInhambane, il a fréquenté plusieurs équipes de lAFA (São José, Munhuanense, Atlético Mahometano) au point de reconnaître que son insertion dans la ville soit dabord liée au sport plus quà la musique[31]. Originaire du Caniço, Gonzana, autre musicien de Hoola Hoop avait également joué dans des équipes de la périphérie qui avaient comme modèle Matateu[32]. On retrouve cette polyvalence des acteurs ailleurs en Afrique. En effet, comme la par exemple bien montré P. Martin (1995) à propos de quartiers indigènes de Brazzaville au Congo français, celle-ci est paradigmatique despaces urbains laboratoires et concernait aussi bien des figures majeures, au centre de nombreux réseaux sociaux, que dautres plus anonymes, qui construisent néanmoins de nouvelles subjectivités politiques.
Conclusion
Lun des objectifs de cet article comparatif était de montrer les voies et les effets multiples de lappropriation des loisirs urbains par les colonisés dans locéan Indien occidental. Les loisirs, encadrés, contrôlés par les autorités coloniales et dautres institutions (Églises, écoles, entreprises etc.) sont largement investis par les colonisés mais de manière différente suivant les exemples étudiés. À Tananarive une ancienne élite précoloniale, qui parvient à se recomposer durant la colonisation, investit pleinement les loisirs, éléments de distinction sociale. À Majunga, à travers lexemple du football, on peut observer assez clairement les liens profonds qui existent entre loisirs et processus de fabrication dune citoyenneté locale à la fois ancrée dans une vie de quartier et capable de transcender des identités ethniques. Dans le cas de Lourenço Marques, lappropriation des loisirs reste ambiguë car marquée, plus quà Madagascar, par lexclusion et linstrumentalisation. Cependant, lexemple du football lillustre assez bien, ce sont aussi des outils de structuration voire dautonomisation des habitants dune marge qui aspire à renforcer leurs droits. Cest au sein des associations du Caniço voire dans les équipes sportives et autres mouvements associatifs que se socialisent un certain nombre de militants nationalistes, partis rejoindre le FRELIMO[33] à partir de 1964.
Nous serions cependant moins définitifs que P. Martin (1995, pp. 198-200) pour qui les loisirs sont « au cur de lexpérience urbaine». En effet, il nous semble que « lexpérience urbaine », somme de pratiques formelles et informelles, oblige aussi à explorer dautres pistes qui renvoient au monde du quotidien et de lordinaire. Néanmoins, nous avons montré que les loisirs, et en particulier sportifs, bien quinsérés dans un système de contrôle colonial, permettent aux colonisés dactiver des réseaux de sociabilité, de stimuler des compétences corporelles, sociales et nous y insistons, spatiales et temporelles.
Ajoutons que les formes variées dappropriation de la ville par les loisirs et en particulier le sport, sur lesquelles nous avons insisté, mettent surtout en avant le versant masculin du sujet. Il est vrai que laccès sportif aux trois villes reste a priori limité pour la majorité des jeunes filles et des femmes. Seules les jeunes filles appartenant au monde des colons et des petites élites indigènes pratiquent régulièrement des sports et participent à des compétitions qui se déroulent dans lespace public colonial. Une recherche ultérieure serait bien évidemment à même danalyser de manière plus ouverte cette question.
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Recebido: 31 de outubro de 2015
Aceite: 28 de março de 2016
Notas
[1] Je tiens à remercier les organisateurs de la « IIIe Rencontre internationale sur les loisirs et le sport en Afrique » de Lisbonne doctobre 2014, Augusto Nascimento, Marcelo Bittencourt, Nuno Domingos, Paulo Jorge Fernandes, Victor Melo, pour la qualité des interventions et des débats qui sy sont déroulés. Ceux-ci poursuivent une réflexion collective qui croise deux perspectives : sur le rôle du sport dans lempire colonial portugais et une autre, plus large, sur lappropriation des activités sportives par des Africains tout au long du XXe siècle. La Rencontre, ma permis denrichir le texte initial de ma communication. Les remarques et suggestions des deux relecteurs anonymes de la revue mont aussi conduit, je lespère, à approfondir mes analyses qui rapprochent sport et musique dans une étude qui porte avant tout sur la « conquête » (symbolique, spatiale) de la ville par des colonisés dans trois contextes différents.
[2] Nuno Domingos (2006, 2012) en a étudié avec beaucoup de précision les multiples dimensions (corporelles, sportives, sociales, spatiales). Je renvoie donc les lecteurs aux précieux travaux de ce chercheur pour disposer dune vision plus large du sport à Lourenço Marques. Pour ma part, à partir de recherches de terrain menées dans les trois villes, jentends poursuivre une étude comparée de la vie sociale et culturelle de colonisés de différents statuts de part et dautre du Canal du Mozambique.
[3] Nous nous inspirons en cela du géographe P. Gervais-Lambony (1994, pp. 453-454).
[4] Majunga a environ 2000 habitants au début du XXe siècle.
[5] Ces chiffres sont tirés de : Lachartre (2000, p. 36), Medeiros (1989, pp. 63-73) et Ramamonjisoa (1998, p. 141).
[6] Groupes fortement métissés apparentés aux sociétés malgaches (sakalava surtout) et arabo-swahili essentiels, dans la longue durée, dans les échanges commerciaux entre les ports du canal du Mozambique.
[7] Lachartre (2000, pp. 45-52) en retrace les grandes étapes. Voir le cas de Johannesburg analysé par P. Guillaume (2001).
[8] Ces dénominations de lépoque coloniale seront reprises dans le cours du texte.
[9] Cf. le témoignage de Lisboa (Lisboa, 1, p. 93).
[10] À savoir, se rapprocher trop du mode de vie des Africains. Cf. Renel (1923).
[11] Par exemple dans le journal La Tribune de Madagascar (12/10/1937) en ce qui concerne des matchs de football et de rugby.
[12] État Nouveau : nom de la dictature mise en place à la suite dun coup dÉtat en 1926 et confirmée en 1933.
[13] Sur les détails de ce « transfert » exceptionnel, cf. Armstrong (2004).
[14] Tout comme Coluna, Matateu a dabord joué au club Albasini avant dentrer au 1° de Maio. En 1951, il est remarqué par un ancien joueur du Belenenses, dont le 1° de Maio était la filiale. Comme il fait sensation lors de ses premiers matchs en métropole, il obtient dêtre sélectionné dans léquipe nationale portugaise, dont il deviendra avec Mário Wilson et Coluna, lun des piliers.
[15] Sur le background social et urbain de ces joueurs dexception happés par la métropole, voir Domingos (2012, pp. 121-122, et 2013, pp. 225-245).
[16] Actif à lépoque royale où il a des fonctions officielles, cf. Raison-Jourde (1991, p. 561).
[17] Lanthropologue A. Rita-Ferreira, également membre de ladministration coloniale et locale, ny fait absolument pas allusion dans sa monographie de 1968 (Rita-Ferreira, 1968, pp. 415-416 pour le cinéma et pp. 416-417 pour le sport). Sa vision des loisirs des colonisés frôle souvent le misérabilisme et est très éloignée des travaux de Balandier (Sociologie des Brazzavilles noires), qui apparaît dans sa bibliographie.
[18] Zamparoni (2000). Consulter surtout Domingos (2012, pp. 124-129) sur les débuts des clubs du Caniço.
[19] Voir à ce propos Penvenne (1996).
[20] Zamparoni (1998, p. 518) insiste dans sa thèse sur le fait que lespace footballistique du Caniço est dabord clivé et exprime les tensions identitaires entre métis et Africains. Nuno Domingos (2012) a montré que des pratiques et des expériences sportives communes, ont pu permettre avec le temps de dépasser ces crispations favorisées par les autorités coloniales.
[21] Il nous semble de ce point de vue, quil faudrait aussi bien pour le Mozambique que Madagascar croiser davantage des études focalisées sur le sport en soi et dautres sur les migrations.
[22] Les Comoriens de Zanzibar et de Lourenço Marques disposaient également déquipes de football.
[23] Tsiriry, gardien de léquipe nationale de Madagascar dans les années 1970 avait dabord joué dans cette équipe (en 1967) avant dintégrer Fortior Côte Ouest (Entretien, Majunga, 25 juillet 2006).
[24] Comme la lutte ou moraingy pratiquée chez les Sakalava, notamment à Majunga.
[25] Entretien avec Edgard Razafimahatratra, fonctionnaire municipal, responsable de la principale association sportive locale de Majunga rencontré les 21 et 24/07/2006.
[26] La forte présence de mineurs mozambicains dans le Rand explique sans doute ces liens quil faudrait cependant explorer par des enquêtes ultérieures.
[27] Voir également Domingos (2012, pp. 141-142). Une histoire connectée du football en Afrique australe (aussi bien que de la musique dailleurs) reste à faire en travaillant sources sud-africaines et mozambicaines. Pour la musique, cf. Nativel (2015).
[28] Sur la notion dambiance : Thibaud (2002, 2012).
[29] Cest une association douvriers et employés goanais de la ville.
[30] Le poète et journaliste José Craveirinha (1922-2003), dirigeant de lAssociation africaine, a promu aussi bien le sport que la musique issus du Caniço. Cf. Zeca Craveirinha junior, entretiens, Maputo, 21/07/2005.
[31] Jai étudié ces liens étroits entre musique et sport dans un article à paraître : « Émergence de quartiers ». Voir également Nativel (2011). Pour une vision densemble des musiques urbaines à Lourenço Marques dans les années 1940-1970, voir Sopa (2014).
[32] Bien plus tard, il évoque sa mémoire dans une chanson en ronga de lalbum Massoriana (2004).
[33] Front de Libération du Mozambique. Principal parti nationaliste mozambicain fondé à Dar es Salaam par Edouardo Mondlane en 1962 et à lorigine dune insurrection lannée suivante.