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Cadernos de Estudos Africanos

Print version ISSN 1645-3794

Cadernos de Estudos Africanos  no.37 Lisboa June 2019

 

DOSSIER

 

« Rester c’est Vivre, Partir c’est Mourir ». Le regard des érudits bamiléké sur la migration des jeunes et ses causes aujourd’hui

 

“Ficar é viver, partir é morrer”. O olhar dos eruditos bamileke sobre a migração dos jovens e as suas causas hoje

 

 

Moris Samen

Goethe University Frankfurt, Department of Social and Cultural Anthropology, Norbert-Wollheim-Platz 1, 60629 Frankfurt am Main, Germany, info@morissamen.com

 


RÉSUMÉ

Les causes de la migration des jeunes africains scrutées dans diverses études jusqu’à lors ne tiennent presque pas en compte l’opinion des érudits africains. Or ceux-ci sont les mieux placés pour expliquer certains faits sociaux par la prise en compte d’aspects historiques et culturels, une connaissance affinée de la conception du monde organisatrice de ces communautés dont ils sont des experts. Dans ce présent texte, le cas ethnographique des Bamiléké nous permet à titre d’exemple, de découvrir d’autres facteurs, voire termes plus intéressants liés à ce phénomène de migration. Il explique également le paradoxe de savoir pourquoi ce sont plutôt ceux qui partent qui disposent de ressources financières tout en arborant les difficultés économiques comme raison de leur émigration.

Mots clés : migration, servitude, better-life, mobilité, Bamiléké, territoire


RESUMO

As causas da migração dos jovens africanos analisadas em diversos estudos até agora quase não têm em conta a opinião dos estudiosos africanos. No entanto, estes estão melhor colocados para explicar certos factos sociais, levando em consideração aspetos históricos e culturais e um conhecimento aprofundado da conceição do mundo organizadora destas comunidades das quais são especialistas. No presente texto, o caso etnográfico dos Bamileke permite-nos, a modo de exemplo, descobrir outros fatores e, mesmo, termos mais interessantes ligados a este fenómeno de migração. Também explica o paradoxo de saber por que razão são sobretudo os que partem que dispõem de recursos financeiros ao mesmo tempo que salientam as dificuldades económicas como causa da sua emigração.

Palavras-chave: migração, servidão, better-life, mobilidade, Bamileke, território


 

 

Une mobilité vécue comme de plus en plus vitale pousse les jeunes Africains à quitter le continent. Les études et débats sur ce phénomène arborent communément les facteurs suivants : pauvreté, chômage, manque de perspectives futures, instabilité des régimes politiques, quête d’une vie meilleure (Chaabita, 2010 ; Likibi, 2010 ; Mbembe & Sarr, 2017). Un aspect pourtant tout aussi important n’est cependant presque jamais pris en compte : le point de vue des érudits, c’est-à-dire des personnes ayant accès au savoir élitaire et ancestral de leurs sociétés respectives. Grâce à ce savoir, ces érudits sont les mieux placés pour expliquer certains faits sociaux par la prise en compte d’aspects historiques et culturels, ainsi que par une connaissance affinée de la conception du monde organisatrice de ces communautés dont ils sont des experts. À ce niveau, la perspective ethnologique devient particulièrement intéressante car elle permet de mieux sonder cet aspect inexploré des causes de la mobilité. Vu que la mobilité des jeunes Africains compose un sujet vaste, nous prendrons un cas ethnographique plus restreint comme exemple, pour envisager cette mobilité – généralement désignée « migration » – du point de vue de ces érudits. En les extrayant du matériel empirique, les résultats obtenus seront interprétés à une plus haute échelle. Il s’agira en fin de compte de montrer que d’autres facteurs, processus, voire termes plus intéressants, interviennent aussi dans ce phénomène de migration. Ceci nous permettra, non seulement de comprendre le cas d’étude choisi, mais aussi de mieux appréhender des phénomènes similaires dans d’autres sociétés africaines.

Cette étude se base sur le cas de chefferies installées dans la région des Grassfields au Cameroun. Celles-ci sont composées de populations dites Bamiléké où j’effectue depuis 2010 des recherches ethnographiques. La migration chez les Bamiléké présente un paradoxe intéressant : si ceux qui souhaitent partir sont nombreux, plusieurs désirent néanmoins maintenir le lien avec leur chefferie d’origine. Les travaux consacrés jusqu’ici à la migration au Cameroun (Alpes, 2015 ; Atekmangoh, 2017 ; Geschiere & Nyamnjoh, 2001 ; Mouiche, 2013 ; Ndjio, 2009 ; Pelican, 2014 ; Tabapssi, 1999) n’expliquent pas ce paradoxe. En analysant les diverses causes de la migration, ces auteurs se sont davantage concentrés sur les conséquences des programmes d’ajustements structurels et sur l’opinion des jeunes, plutôt que sur l’arrière-plan cosmologique de la vision du monde des sociétés qu’ils étudiaient. En outre, les raisons pour lesquelles les migrants tiennent à rester en lien avec leur communauté d’origine tout en résidant à l’étranger ne furent pas thématisées. La prise en compte de la cosmologie des chefferies bamiléké peut cependant expliquer ce paradoxe à partir de la perspective des érudits avec lesquels j’ai réalisé des entretiens. Il ne s’agissait pas d’une catégorie distinctive dans ces chefferies-là. Le terme « érudit » que j’utilise dans ce cas présent désigne certains interlocuteurs dont leur particularité était leur connaissance approfondie de la conception du monde de leurs chefferies. Il s’agissait des fo (rois) et des nkam (notables) affirmant avoir été initiés à ce savoir cosmologique dans le cadre d’un apprentissage rigoureux, et certains roturiers qui possédaient des connaissances établies sur les coutumes de leurs chefferies respectives, ainsi que sur leurs fondements. Les données ethnographiques me permettant de décrire cette perspective sont fondées sur les faits suivants : j’ai vécu près de 18 ans dans les Grassfields camerounais. Depuis 2010 je fais des recherches sur le vécu des émigrés africains, Bamiléké en l’occurrence, en Europe (Allemagne, France, Angleterre, Belgique) ayant obligation d’envoyer régulièrement de l’argent au Cameroun. Entre 2012 et 2013, j’y ai effectué des enquêtes de terrain[1] approfondies portant entre autres sur les relations de dépendance et les causes de la persistance du statut servile. C’est dans ce contexte que j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec diverses personnes sur le thème de la migration des jeunes bamiléké. Tandis que ceci était un projet irrépressible pour plusieurs, d’autres m’affirmaient cependant vouloir à tout prix rester au lah (nom local de la structure que les colons appelèrent ultérieurement chefferie). Les personnes interviewées étaient des femmes et des hommes, mineurs et majeurs, issues des chefferies suivantes : Bafoussam, Bagangté, Baleng, Bamendjinda, Bamougoum, Bangoulap, Bazou et Bangoua[2]. Les langues utilisées étaient le français et quelques langues locales. Il s’agira donc dans ce présent texte d’aborder la migration des jeunes et ses causes de la perspective des érudits dans les chefferies bamiléké.

Notes préliminaires sur les chefferies bamiléké

Pour mieux comprendre les enjeux de la mobilité des jeunes de la perspective des érudits bamiléké – thème de ce présent texte – quelques éléments de contexte relatifs aux chefferies bamiléké doivent être clarifiés. Qui sont les Bamiléké ? Combien sont-ils ? Combien parmi eux ont migré ? Qu’entend-t-on par jeune chez les Bamiléké ?

Il faut d’abord préciser que le terme « bamiléké » n’est pas utilisé à l’origine par les populations locales pour se désigner. Ce terme serait probablement né d’une transcription de colons allemands qui le mentionnèrent pour la première fois dans leurs rapports écrits afin de désigner certaines populations des « Grassfields camerounais » (Barbier, 1981 ; Dongmo, 1981). À travers la politique identitaire de l’administration coloniale (allemande et ensuite française), ces populations commencèrent à se désigner elles-mêmes par le terme « bamiléké ». Quoiqu’affirmant les particularités de leurs différentes chefferies respectives – de nos jours 106 au total (Tanefo, 2012) –, ces populations partagent de fortes similitudes au niveau de la structuration sociale et politique. Ma présente étude se référera cependant aux chefferies bamiléké comprises non pas au sens d’un groupe ethnique homogène, mais comme désignant la population de la région de l’Ouest[3]. Quoique les langues parlées dans les différentes chefferies présentent de ressemblances tangibles (Delarozière, 1950 ; Tardits, 1960)[4], je m’appuierai toutefois sur la langue medumba, que je maîtrise le mieux, pour désigner certaines notions communes à ces chefferies bamiléké.

Les populations originaires de la région de l’Ouest baptisées depuis la colonisation bamiléké, majoritairement les jeunes, se sont progressivement et massivement installées dans les autres régions, et même hors du Cameroun. En parlant des Bamiléké il serait convenable de savoir à combien s’élève cette population et parmi celle-ci, le nombre de migrants. Malheureusement il n’existe pas de statistiques fiables au niveau du gouvernement camerounais (INSC, 2016 ; SPM, 2016). De même que Socpa (2003), le projet d’étude « La diaspora camerounaise en Allemagne » menée par la Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) en 2006, désigne les Bamiléké comme le groupe « ethnique » le plus nombreux. Selon Feldman-Savelsberg (2015), 30% des 20 millions de Camerounais seraient Bamiléké. À cause du flou démographique et terminologique il est du moins à considérer que le terme « bamiléké » renvoie à des millions de personnes vivant hors ou dans la région de l’Ouest.

Cette lacune des données démographiques empêche en outre de déterminer le nombre de migrants bamiléké. Tout compte fait, plusieurs pays européens accueillent de plus en plus ces migrants (Alpes, 2015 ; Fleischer, 2012). Mais dans cette présente étude, le cas de l’Allemagne servira d’exemple précis. Le fait que j’y vis a favorisé des recherches plus approfondies dans quelques communautés de ces migrants camerounais. L’étude de la GIZ citée plus haut mentionne 14.414 ressortissants camerounais vivant légalement en Allemagne en 2006, tout en précisant qu’il y aurait un nombre important de « sans-papiers » non recensés. D’après cette étude, en l’espace de quinze ans (1991-2006), le nombre de migrants camerounais officiellement établis en Allemagne aurait sextuplé (GIZ, 2006). En 2016, la société allemande de statistiques Statista estime leur nombre à 18.301 (Statista, 2016). Côtoyant le milieu des Camerounais (tous sexes confondus) un peu partout en Allemagne (Hesse, Bade-Wurtemberg, Berlin, Hambourg), j’ai été frappé par le nombre de Bamiléké : ils étaient largement majoritaires. La tranche d’âge s’étirait entre 18 et 55 ans.

Il est aussi nécessaire de définir la notion de « jeune » dans les Grassfields. Celle-ci est relative et n’est pas nécessairement basée sur un groupe d’âge défini. Certains facteurs comme l’apparition des cheveux gris, le statut marital d’une personne, le statut social dans sa chefferie, etc. l’influencent aussi. Une personne célibataire même à 40 ans est généralement considérée comme jeune. Tandis qu’une personne mariée à 29 ans n’est plus considérée comme jeune. Par exemple, un nkam (notable) de 20 ans n’est pas considéré dans une chefferie comme jeune. Tout compte fait, dans ce présent texte « jeunes » renvoie aux personnes âgées entre 18 et 40 ans. Certaines (à plus de 40 ans) ne se désignaient plus comme jeunes, mais avaient autrefois migré en tant que jeunes.

Le vécu des jeunes au Cameroun en tant que cas d’espèce

Dans le cadre de mes enquêtes de terrain, j’ai pu recueillir la parole de quelques jeunes camerounais en Europe ou au Cameroun. Quand on les interroge sur les causes de la migration, ils citent : le manque d’emploi, la recherche d’une meilleure formation professionnelle, la dureté de la vie, la pauvreté. Le Cameroun fait en effet partie des pays les plus corrompus et les plus pauvres du monde (Transparency International Cameroun, 2016). Quelques exemples tirés du vécu des Camerounais nous aideront à sonder en quelque sorte les raisons évoquées par mes interlocuteurs.

Rentrons quelques années auparavant en 2008, un point mémorable dans l’histoire du pays. Exaspérée, la population, jeune en majorité, descend dans les rues de Douala et de Yaoundé pour manifester contre le coût de la vie. Des échauffourées avec les forces de « l’ordre » du gouvernement causent la mort de plusieurs dizaines de personnes (Bouopda, 2009). Tandis que les grévistes se plaignaient de la « vie chère », certaines personnes avec lesquelles je m’étais entretenu sur ce sujet exprimaient de façon générale l’idée d’une crise d’identité comme étant la principale cause de ces difficultés-là. Un interlocuteur me confiait par exemple qu’il trouvait aberrant que les jeunes camerounais prennent la route pour protester de ce que le prix du pain avait augmenté. Il trouvait illogique qu’un Camerounais vivant dans un pays doté d’une grande diversité de produits alimentaires (tubercules, légumes, fruits, viandes) ait pour denrées de « premières nécessités » des produits importés au Cameroun (farine de blé, poisson, poulet congelé)  (Guy D., communication personnelle, Darmstad, 2008). Un autre aussi m’expliquait au moment des manifestations que :

Si les gens ont faim, ce n’est pas de nourriture matérielle mais spirituelle. En reniant leurs racines, Dieu leur a repris ce qu’il leur avait donné jadis. La terre les refuse. C’est une malédiction. Ne voyez-vous donc pas les étrangers [Européens et Asiatiques] qui, de plus en plus, achètent les terres ici pour exploiter les ressources agraires et minières ? (Rostand C., communication personnelle par téléphone, Hambourg, 2008).

Six érudits bamiléké qui avaient suivi l’évolution de ces grèves me firent également part de leurs impressions plus tard, pendant mon séjour au Cameroun (2009). Pour ces derniers, les causes principales de celle-ci se trouvaient dans l’acculturation, accentuée par un désordre croissant tant sur le plan spirituel que social. Des années après les grèves, pendant mes différentes études de terrain au Cameroun (2012, 2013 et 2018), donnant leur avis sur les défis de la société actuelle, les érudits – de façon convergente – énonçaient encore l’acculturation comme problème majeur. Ainsi, ils considéraient la pauvreté, la famine ou le coût élevé de la vie qui sévissaient comme symptômes d’un désastre croissant. C’est ainsi qu’à Bagangté, un nkamsi (prêtre, notable de la Divinité Si) m’expliquait que cette conjoncture n’était pas seulement valable pour les Bamiléké, mais pour d’autres Africains dissociés de leurs ancêtres :

Tu vois les Africains souffrir comme ça. Pour nous autres nkamsi, c’est une conséquence logique quand on est coupé de ses ancêtres. Tu me demandes ce que je pense des maladies, des guerres, de la pauvreté en Afrique actuellement. Je répondrai que : la souffrance des Africains a-t-elle même commencé ? Les problèmes que l’on connaît aujourd’hui ne sont rien par rapport à ce qui arrive. La vraie souffrance arrive (Nkamsi [prêtre] Jackson, communication personnelle, Bagangté, 8 octobre 2012).

De façon globale, pour les érudits, la manière dont plusieurs jeunes bamiléké copient de plus en plus les modes de vie et croyances exogènes (européennes ou arabes) tout en rejetant les valeurs en vigueur dans leurs chefferies constituent une menace notoire : Celui de « refuser d’être soi-même ». Les exemples qu’ils arboraient portaient sur des domaines tels que la nutrition, l’éducation, la sexualité, la spiritualité, etc. Mais il est évident que conserver ces valeurs des chefferies ou encore ne pas copier les concepts de vie exogènes ne pourront résoudre le problème des jeunes, à savoir le manque d’emploi, la vie chère, la pauvreté, etc. Cependant, en considérant le fait que les gens s’évertuent de plus en plus à vivre un certain standard (à l’européenne en l’occurrence), sans avoir les moyens nécessaires, peut susciter la convoitise et les frustrations. Il s’agirait du fait, par exemple, que malgré la diversité biologique et alimentaire au Cameroun, le panier de la ménagère est composé majoritairement de produits importés. Nous ne parlons pas ici d’un conflit tradition vs modernité (Nyamnjoh, Durham, & Fokwang, 2002), mais plutôt de la difficulté de vivre le modernisme et des problèmes engendrés. D’ailleurs, les érudits ne m’ont en aucun cas fait allusion à une antipathie vis-à-vis du modernisme, d’autant plus qu’eux aussi modernisent les palais royaux de jour en jour. Ainsi donc, au-delà de la perspective des érudits nous pouvons utiliser leur lexique du « refus de soi » tout en le définissant plutôt comme le fait qu’une personne rejette les éléments fondamentaux de son identité propre. Quand donc un individu assume une certaine identité (tant culturelle que civique) tout en refusant le cadre normatif y relatif, il peut en pâtir. En revenant au cas d’espèce nous voyons que les Bamiléké s’identifient et s’attachent volontiers au lah aussi surtout parce qu’ils y tirent leur vitalité. Cependant ils rejettent de plus en plus de manière consciente ou pas le savoir-vivre, us et coutumes, sans toutefois assimiler dûment les modes de vie exogènes, européenne en l’occurrence, qu’ils veulent copier. Les conséquences sont légions et l’on rejoint le pronostique du désastre croissant dont se désolent les érudits car on peut déjà constater, entre autres, l’évolution contrariée de la parenté, de l’individualisme, la désacralisation de la féminité, de la faune et de la flore, fondements même de leur lah. Cet ébranlement de la structure sociale n’est pas sans conséquences dans les domaines économiques, sociaux, etc.

Une question très importante se pose : Pourquoi est-ce que ceux qui migrent, soit par moyens légaux ou illégaux, sont presque exclusivement ceux qui ont eu de l’argent ? Les problèmes d’ordre économique, tels qu’arborés par les jeunes, n’y apportent pas une réponse. Quoique la notion du « refus de soi » n’explique pas toute la complexité sociologique du phénomène de cette migration, l’enjeu identitaire qu’il met en relief permet néanmoins de répondre à cette question.

Du refus de soi au grand désir de migrer

Le refus du soi dont nous parlons dans cette étude est à concevoir en tant que fait sociologique, donc pas spontané. Il peut être vu comme le produit d’un type de socialisation boostée par le système éducatif, les religions exogènes, l’appareil médiatique (livres, radio, télévision) mis en place depuis la colonisation. C’est-à-dire qu’à côté de leurs desseins d’éducation, ces structures véhiculent aussi des notions tendant à pérenniser l’infériorité des Africains par rapport aux Européens, en se basant le plus souvent sur la couleur de la peau. Quelques exemples nous permettrons de mieux comprendre l’impact de ceci sur les jeunes.

Pendant mon cursus scolaire primaire et secondaire au Cameroun dans les années 1980-1990 plusieurs enfants devaient par exemple réciter par cœur la phrase suivante : « L’histoire, c’est la connaissance du passé basée sur les écrits » du manuel scolaire Histoire du Cameroun (Criaud, 1961, p. 3). N’ayant pas de système d’écriture reconnu comme tel par les colons, notre histoire commençait donc avec la colonisation européenne qui d’ailleurs avait pour but « d’arrêter les pratiques barbares » de nos ancêtres. Ainsi, les gens qui étaient contre cette campagne de civilisation furent présentés comme sauvages, des maquisards, terme péjoratif, collé jadis très souvent aux Bamiléké et aux Bassa. Plusieurs Camerounais se souviendront de la chanson dûment apprise dans les écoles « je m’en vais chercher (A)fricain pour venir planter le chou. (A)fricain ne veut pas planter le chou. Je m’en vais chercher bâton pour venir frapper (A)fricain… ». 

Dans les églises, on nous apprenait que nos ancêtres ne connaissaient pas Dieu et de ce fait l’évangélisation était une chance sublime. Les rois (fo), les notables (nkam), les savants et prêtres (ngakang, kamsi, megnisi) étaient désignés lors des prédications religieuses comme « les représentants du Diable ». Les objets d’art des chefferies étaient vus comme instruments d’idolâtrie. Nous chantions des cantiques tels que : « dans mon âme noire s’est levé le jour » (Toukéa, s.d., chant nº 356) ou encore « lavé dans le sang de l’agneau, je serai plus blanc que la neige » (Toukéa, s.d., chant nº 513). Dans plusieurs bouquins le Diable était dessiné sous les traits d’un homme costaud et noir ; tandis que Dieu, Jésus et les anges étaient représentés dans un idéal de beauté à l’européenne. Les livres que nous lisions présentaient la blancheur comme synonyme de pudeur tandis que la noirceur connotait l’impureté. Certaines personnes auraient pu certes interpréter ces dessins et textes de façon relative. Tout compte fait, on nous avait tout de même octroyé à l’école, à l’église, etc., l’identité « noire » dont la performativité péjorative se ressentait dans plusieurs aspects de la vie sociale, religieuse et dans les supports médiatiques. Ainsi ancrée dans la société, même au sein des familles actuelles, la personne la plus nantie et s’occupant financièrement de ses pairs est appelée couramment le « Blanc de la famille ». Un pasteur d’une église dite pentecôtiste au Cameroun m’a dit un jour : « je regrette d’être né Camerounais et non Israélien, car c’est le peuple de Dieu. Naître et vivre en Israël auraient été une grâce divine sublime » (Pasteur Pascal, communication personnelle, Douala, 1998).

Avec ce « formatage » intellectuel, religieux, médiatique, l’on comprend qu’un jeune, victime de ceci, réagissant à cela, éprouve un désir vif de s’identifier aux « Blancs ». De même l’on pourrait aussi plutôt s’étonner que malgré cet impact, un jeune n’éprouve pas ce désir-là. Le fait que les jeunes veulent manger et vivre comme les Européens tout en « se refusant » devient donc une conséquence logique avec des sources socio-politiques bien définissables. L’une des conséquences est le fait de mettre tous les moyens en jeu pour aller vivre chez les « Blancs ». Projet surtout accessible à ceux qui ont les moyens financiers.

Si le refus de soi permet de comprendre les motivations et choix de la destination des jeunes migrants, il n’explique cependant pas le paradoxe bamiléké énoncé à l’introduction : Pourquoi est-ce que plusieurs jeunes veulent absolument migrer mais tout en maintenant à tout prix des liens avec leurs chefferies respectives ? Ceci nous amène donc à comprendre pourquoi la terre et le territoire de leurs chefferies leur sont essentielles et en quoi consiste ce lien-là.

La signification de la terre et du territoire dans la pensée bamiléké : « C’est le lien avec la terre qui vivifie l’Homme »

Selon les érudits bamiléké la terre dans leurs chefferies n’est pas la propriété d’un seul homme. Dans la construction de l’identité culturelle et religieuse bamiléké, le territoire n’est pas perçu comme une notion essentielle. La terre est appelée couramment tcha ou ta ; le sol ou le bas, si ; tandis que terme le plus utilisé pour désigner leur Divinité suprême est Si. Ce lexique signale une corrélation entre le bas, le sol et le sacré, et la Divinité Si s’exprime elle-même par la terre. La Terre est le plus souvent appelée « Si-tcha », que l’on pourrait traduire mot à mot par « Divinité-terre » ou encore « Divine-terre ». Les fondements socio-politiques des lah (chefferies) reposent sur Si qui de manière figurative, les aurait établis en tant que structures permettant aux Hommes d’avoir la possibilité d’accéder à un état d’être et de connaissance « élevé ». En tant que fondatrice du lah, Si est aussi perçue comme première souveraine et force immanente se réincarnant dans tous les fo (rois) « Si be fo » (Si est fo) (Garnier & Fralon, 1951 ; Hirsch, 1987) et établit les règles de vie appelées nkohn[5]

Dans un lah, la terre possède un caractère sacré ; elle est inaliénable. Au cours d’un entretien dans sa chefferie à Bamendjinda, le fo Tanefo renchérissait que : « c’est un sacrilège de vendre la terre » (J.-M. Tanefo, communication personnelle, Bamendjinda, 13 janvier 2013). Le lah étant établi sur une terre qui n’appartient pas à ses habitants, les érudits envisagent le territoire comme nécessaire à l’établissement du lah sans toutefois être essentiel. Ce point marque – à mon avis – une différence fondamentale, et trop souvent ignorée, entre chefferie et lah. Employé par l’administration coloniale dans le cadre de la territorialisation, le terme « chefferie » fixe géographiquement un lah. Or le lah existe au-delà du territoire, il est avant tout une communauté spirituelle sur terre (tcha) avec pour dessein principal le renforcement des liens entre l’Homme et le sol, entre l’Homme et Si-tcha (Divinité-terre). Quoique cette conception ne soit pas spécifique aux Bamiléké, il est impératif de la prendre en considération afin d’analyser les raisons pour lesquelles appartenir au lah est pour ces derniers d’ordre vital (Samen, 2018). La sacralité du sol renvoie donc à un rapport complexe entre l’Homme, la terre, le territoire et la chefferie.

L’établissement d’un lah sur une terre, ainsi que la garantie de son intégrité territoriale, dépend des bons rapports que les habitants entretiennent avec le sol ou la Divinité Si. La qualité de ces rapports est influencée surtout par l’observation ou non des lois sacrées, et a en retour un impact sur l’épanouissement d’un individu. Les bonnes relations garantissent aussi l’intégrité territoriale, physique, matérielle et spirituelle, ainsi que la descente du défunt dans le monde souterrain des ancêtres[6].

L’idéal bamiléké sera de renforcer ce lien avec Si-tcha, la Divinité-terre. Ce lien est d’ores et déjà établi dans la mesure où l’Homme vit sur terre. Pour le renforcer, les Bamiléké utilisent divers procédés, symbolisés par des rites. Par exemple, dès la naissance, le symbole du renforcement de ce lien entre l’Homme et la terre se fait par l’enterrement du cordon ombilical du nouveau-né sur le domaine de son père social[7] afin de marquer son appartenance à un réseau social et à un lieu géographique donné, indispensables à son épanouissement dans la vie future. L’enterrement du cordon ombilical s’apparente à une « formalité d’identification de la personne », car l’Homme appartient au lieu où son cordon ombilical a été enterré. Tout au long de sa vie, cet endroit exact demeure, pour un Bamiléké, le lieu de référence pour l’exécution de rites qui lui permettent de grandir sur le plan physique, social et spirituel (Kamga, 2008).

L’immense Terre abrite en son sein les ancêtres. Afin d’établir le contact entre un Homme et ses ancêtres, il devient nécessaire de trouver un endroit approprié pour rentrer en relation. En enterrant le cordon ombilical, l’enfant est relié symboliquement à ses ancêtres grâce au lieu en question (Kamga, 2008). La « terre » d’un Bamiléké se trouve là où demeurent ses ancêtres, représentés par leurs reliques, en l’occurrence leurs crânes (Tanefo, 2012 ; Tchoutezo, 2006). Ceci explique, comme nous le verrons dans la section suivante, pourquoi quitter sa terre n’est pas sans conséquences pour l’identité d’un Bamiléké ou sa perception de soi.

Les notions du « partir » et du « rester »

Ainsi que nous l’avons vu, la notion de territoire n’est pas indispensable pour la perduration d’une mémoire collective en tant que lah. Ceci peut expliquer pourquoi plusieurs migrants bamiléké, indépendamment de leurs lieux de résidence, gardent le sentiment de vivre au lah du moment où leurs cordons ombilicaux y sont enterrés et les reliques de leurs ancêtres respectifs s’y trouvent. C’est donc partant de ces faits qu’on peut mieux comprendre pourquoi les notions bamiléké du « partir » ou du « rester » ne traduisent pas forcément l’idée d’un mouvement géographique. La sémantique de la langue bamiléké medumba dépeint d’ailleurs la particularité de ces notions. Nen signifie « partir », tandis que yock possède les significations suivantes : « rester », « vivre » et « vie ». La formule de salutation « ou yock le », qui veut dire mot à mot « es-tu resté ? », peut être également traduite par « vis-tu ? ».

« Rester » c’est appartenir au lah et « partir » implique son contraire. Puisque le concept du lah se pense indépendamment du territoire, il devient concevable qu’une personne puisse restée physiquement dans les Grassfields sans pour autant encore appartenir à son lah. Dans pareil cas, on parle de « a nen e djeu nessa  » (elle est partie loin) ou de « a ke yock » (elle n’est pas restée ou encore elle ne vit pas). À l’opposé, une personne peut vivre très loin et « rester » en même temps dans son lah. Même si la distance géographique n’influence pas le fait de « rester » ou de « partir », l’idéal reste cependant « yock lah » (rester et vivre au lah), car c’est du lah que plusieurs Bamiléké puisent leur force mentale, spirituelle et sociale. Dans tous les aspects de leur vie – cérémonies de mariage, de naissance, de deuil, maladies et traitements médicaux, culte des ancêtres, fertilité, réussite, vitalité –, les Bamiléké se réfèrent à leur lah. L’appartenance à un lah requiert au moins trois formalités. La première c’est l’enterrement du cordon ombilical sur la terre du lah. Ensuite, la préservation des crânes des ancêtres dans un sanctuaire. Enfin, la construction d’une demeure, où l’on sera enterré, ceci aussi vu en tant que signe de réussite et de stabilité (Ndjio, 2009). Choses faites, le Bamiléké fournit à son entourage la preuve qu’il est là : « a yock ».

La mise en œuvre de ces trois formalités réclame le concours de ceux qui sont « restés » et qui résident au lah. Il s’agit principalement des nkam (notables), des ta-nkap (pères sociaux), des ngakang (prêtres) et des fo (rois). L’ensemble des résidents du lah serve ainsi d’intermédiaire entre les émigrés bamiléké et les ancêtres. Bien que « rester » et vivre au lah soit un idéal, il faut noter que des millions de Bamiléké résident aujourd’hui hors des Grassfields. Il y a trois raisons principales à cela. Avant la colonisation la transgression des lois sacrées nkohn n’était pas tolérée et conduisait, dans les cas graves, au bannissement. Les malfaiteurs, par exemple, étaient expulsés du lah. Ce bannissement peut s’étendre à leur progéniture. Pendant la colonisation, il eut des affrontements violents opposant les forces armées coloniales allemandes puis françaises aux Bamiléké insoumis. Ces turbulences ont causé un « génocide bamiléké »[8] et entraîné la migration de plusieurs jeunes. Après la colonisation, l’établissement des nouvelles structures tant économiques que sociales, le système d’urbanisation calqué sur un modèle « européen » a attisé la migration des jeunes bamiléké principalement vers le littoral et le centre du Cameroun, en l’occurrence Douala, Nkongsamba et Yaoundé. Par la suite, ceux-ci se sont propagés fortement et durablement dans tout le Cameroun.

La majorité de mes interlocuteurs bamiléké vivant au Cameroun ou en Europe m’ont affirmé avec véhémence leur attachement au lah. Une Bamiléké vivant depuis près de 25 ans en Allemagne me dit ceci : « On ne peut pas renier son lah. Quoique l’on fasse, on doit s’y rendre pour des rituels afin de se fortifier. Quand on mourra, on y reposera » (Chantale N., communication personnelle, Wiesbaden, 28 avril 2016). Malgré les ouvertures économiques et sociales dues à la colonisation et à la globalisation, les Bamiléké, même immigrés, tiennent à « rester ». C’est dans cet esprit que la diaspora bamiléké reproduit les structures des lah là où elle s’établit avec la désignation d’un fo (roi) et de nkam (notables) sous le patronage des royautés d’origine (Geschiere & Konings, 1993). Certains Bamiléké s’efforcent donc à « rester » car « partir » dans le sens de la rupture avec la Divinité Si se révèle d’autant plus désastreux pour eux dans la mesure où ceci entrave à la mort leurs chemins vers les siens dans le monde souterrain des ancêtres. De ces faits nous pouvons dire que « rester » c’est maintenir des liens affectifs et historiques qui forment le socle de l’identité, nécessaire à leur équilibre tant sur le plan psychologique que physique. Les données permettant ce maintien sont codifiées dans le savoir-vivre des chefferies, donnant à certaines de leurs formalités sociales (rituels) une performativité manifeste. La détérioration de ces liens peut être provoquée de différentes manières.

Les causes et conséquences du « partir »

« Partir » traduit notamment dans le savoir élitaire des érudits bamiléké la rupture entre l’Homme et la Divinité-terre. Les causes de cette rupture sont multiples. Principalement on peut citer l’excommunication du lah-familial (grande famille)[9]. Ceci peut survenir lorsqu’un Homme n’est plus en contact avec ses ancêtres ou est banni (excommunié) de la famille. Il faut ajouter que les membres d’un même lah-familial, en particulier le matrilignage, peuvent avoir des relations sexuelles entre eux. Il s’agit du hohne, assimilable à l’inceste. Une rupture se concrétise par l’expulsion de l’individu hors de son réseau familial, ce qui, par ricochet, l’oblige à rompre avec ses ancêtres. Nous pouvons aussi citer l’individualisme. Étant donné que l’identité profonde d’un Bamiléké est définie par rapport à son appartenance à un groupe, notamment le lah-familial, l’individualisme conduit à l’inévitable rupture avec le lah et la terre. Les ouvertures économiques marquées par un modèle capitaliste, ainsi que les mœurs et les religions provenant d’Europe, ont encouragé l’esprit d’individualisme chez certains, attisant ainsi leur « départ ». La perte des valeurs morales dans les lah est aussi une cause du « partir ». L’évangélisation, la colonisation, et d’autres facteurs exogènes ont altéré la transmission des savoirs du nkohn chez certains Bamiléké ; par exemple : la sacralisation de la maternité, de la flore et l’interdiction d’ôter la vie à tout être ne sont plus des principes observés par plusieurs jeunes[10]. Les mariages et procréations illicites aussi y jouent un grand rôle car l’union maritale selon nkohn (lois sacrées) est l’un des piliers de la vie sociale et religieuse. Elle fusionne les membres des deux grandes familles concernées y compris leurs ancêtres respectifs. Hors de cette réglementation, l’union maritale peut provoquer une rupture entre la progéniture des protagonistes et leurs aïeuls respectifs. Enfin, le bwen ntak, communément traduit par le terme français « maudire », provoque aussi le « partir ». Il s’agit de « malédictions » proférées dans les familles contre un enfant par les parents biologiques ou sociaux. Ceci provoque selon eux la rupture entre l’individu et ses parents, voire ses ancêtres (Samen, 2018).

Vues sous l’angle de la migration des jeunes, les explications des érudits sur les rapports entre l’Homme et la terre acquièrent un sens plus significatif. Nous retenons par-là que « partir » signifie tout d’abord la détérioration des liens affectifs et historiques qui – dans cette structure sociale des Bamiléké – garantissent l’équilibre psychologique, physique et spirituel. Ainsi, « partir » se traduit par des ruptures dans la transmission des données permettant au Bamiléké de raffermir son identité culturelle, familiale, sociale, voire spirituelle dans un lah. Donc, une telle rupture dévitalise ce dernier. Il est nécessaire de souligner que dans leur cosmologie, les Bamiléké établissent un lien très étroit entre l’essence vitale de l’Homme et le sol. Cette essence provient du souterrain et le lah est une structure socioreligieuse permettant de l’amplifier. Lorsque les liens qui enracinent l’Homme dans son lah sont déstabilisés, son départ (ou celui de sa progéniture) – au sens géographique du terme – devient, pour les érudits, une conséquence logique et inévitable. Les érudits m’expliquèrent – à titre d’exemple – que la plupart des jeunes bamiléké qui migrèrent dans la région du Moungo (littoral) dès la première moitié du XXe siècle étaient des roturiers défavorisés ou des malfaiteurs bannis. Leurs descendants y sont demeurés et représentent jusqu’à nos jours la majeure partie de ces Bamiléké qui n’ont plus de lien avec le lah d’origine de leurs parents. J’ai pu observer onze cas de personnes nées et vivant hors de la région de l’Ouest qui y sont revenues à la recherche du lah de leurs géniteurs. Certains ngakang (prêtres) avec qui j’ai conversé établissaient même un lien entre le fait de ne plus avoir de contact avec le lah de leurs ancêtres et l’accumulation de maux (maladies, échecs, attaques de sueh, dit « sorcellerie ») dont souffraient ces derniers, signe de dévitalisation.

Selon les érudits, en « partant », un Bamiléké amoindrit donc considérablement la vigueur de son essence vitale, un phénomène qui peut s’intensifier avec sa descendance. En d’autres termes, nous pouvons traduire cela par le fait que perdre certains repères sur le plan culturel, familial et socioreligieux, fondamentaux pour consolider son identité dans le sens de Mbembe (2013), peut produire des Hommes limités. À en croire les érudits, « partir » ou encore un certain niveau de dévitalisation dans une famille, est l’une des causes principales pourquoi certaines générations ne peuvent plus vivre sur une terre, se dispersent ensuite. Elle peut entrainer, dans les cas les plus poussés, l’effacement d’un nzuit (lignée) de la surface du tcha (terre). « Partir » peut également conduire à la perte du territoire. Les érudits ont établi une liste de symptômes capables d’évaluer si, dans un lah-familial, les ancêtres sont « partis » jadis : stérilité, mort des membres de la famille à la fleur de l’âge, maladies chroniques durables ou incurables, manque de réussite, pauvreté, désunion, rétrécissement du nombre des descendants de génération en génération. Ces familles sont baptisées tchounda ke po (signifie littéralement tchounda pas bon). « Partir » n’a pas seulement des conséquences au niveau individuel et familial, mais aussi au niveau communautaire. Le bouleversement croissant des fondements sociaux, religieux et culturels des chefferies, accentué depuis la colonisation, a des conséquences fatales pour les jeunes bamiléké. Si l’on en croit les érudits, ces traumatismes ne cessent de s’exprimer à travers divers symptômes (terres infertiles, épidémies, criminalité, pauvreté, etc.) poussant en revanche plusieurs à migrer.

De la migration au « better life »

Les jeunes migrent avec pour objectif principal le « better life ». Atteignent-ils donc le « better life » en migrant ? Pendant mon séjour au Mali en 2016 par exemple, j’ai conversé avec sept Camerounais (quatre hommes et trois femmes) ayant quitté le Cameroun avec pour dessein d’atteindre l’Europe par voie terrestre. Les maintes tentatives restèrent – jusqu’à lors – infructueuses. Au Mali, où ils demeuraient provisoirement, ils avaient créé l’ONG Association des Refoulés d’Afrique Centrale au Mali (ARACEM) aux fins d’encadrer les « refoulés ». Malgré le fait que certains avaient déjà pu établir des activités commerciales et obtenaient du soutien de certaines organisations humanitaires internationales, tous mes interlocuteurs étaient cependant prêts à récidiver. Tous avaient laissé leurs activités professionnelles au Cameroun, vendu leurs biens, dépensé d’énormes sommes pour gagner le pari du « better life ». Comme ces derniers, plusieurs autres jeunes déboursent plusieurs milliers d’euros et parfois abandonnent des postes de travail ou leurs enfants pour atteindre leurs destinations idéales, l’Europe ou les Amériques, de manière légale ou pas. Donc, contrairement aux causes de la migration énoncées par les jeunes et les études y relatives, ce n’est manifestement pas la pauvreté qui anime principalement plusieurs jeunes.

Il est difficile de statuer si le « better life » est généralement atteint ou pas car les buts visés diffèrent d’un individu à l’autre. Cependant, un rapport étroit entre la quête d’une vie meilleure et la notion de « rester » (de la perception symbolique des érudits) est constatable. Pour atteindre les objectifs visés en migrant, plusieurs de mes interlocuteurs en Europe – demandeurs d’asile, travailleurs, étudiants, prostituées, voire fay-men[11] – semblaient beaucoup nécessiter le maintien des liens avec le lah duquel provenaient forces, bénédictions et protections via ceux qui étaient « restés ». Des relations de dépendance manifestes s’étaient établies entre ces jeunes migrants en majorité cadets sociaux (bun en tant que pluriel de mun) et leurs protecteurs au Cameroun, en l’occurrence les parents sociaux (ta-nkap ou ma-kap), des prêtres locaux (ngakang) ou autres marabouts et gurus quelconques (Samen, 2018). Il est notable que ce sont principalement les cadets sociaux qui projettent de migrer[12]. En scrutant le « better life » il devient nécessiteux de comprendre la complexité de ces liens de dépendance.

Dans les codifications sociales des chefferies, les cadets sociaux se trouvent sous la tutelle de leurs parents sociaux, appelés ta-nkap (hommes) ou ma-nkap (femmes) (Warnier, 1995)[13]. Pour augmenter la masse des cadets sociaux le moyen perpétuel est l’union maritale. Des trois types de régime d’union maritale incombant aux cadets sociaux, à savoir le régime ta-nkap et le régime d’acquisition ta-nkap, le régime dotal est le plus approprié et le plus répandu de nos jours. Ici le prétendant fournit la dot et acquiert seulement certains droits matériels sur l’épouse et sa progéniture (Pradelles de Latour, 1991). Mais le ta-nkap, possesseur de l’épouse, maintient ses droits immatériels (les plus importants d’ailleurs) sur la femme et ainsi que sur sa progéniture. Dans le cadre de ces relations de dépendance, les cadets sociaux sont utilisés par leurs « propriétaires » de diverses manières (Röschenthaler & Argenti, 2006 ; Warnier, 1995). Par exemple, pendant le commerce triangulaire, dans les ports de déportation (Bimbia, Douala, Calabar), ils constituaient la majorité des esclaves destinés à la déportation vers les Amériques. Pendant la colonisation ils furent mis en travail dans les plantations de leurs propriétaires ou des Européens (Samen, 2018). Toujours est-il que, comme nous le verrons dans la section suivante, plusieurs cadets sociaux, migrants, se trouvent dans relations de dépendance entravant considérablement la réalisation du « better life ».

Migration à servitude

Avec les ouvertures économiques et sociales leur utilisation est devenue plus rentable en termes d’envoi d’argent (remittances). La colonisation a facilité l’illicite production et l’exploitation des bun du fait que plusieurs familles de nos jours, se dérobant du créneau traditionnel, essayent de copier la recette des ta-nkap « légitimes » pour eux-aussi posséder des cadets sociaux (bun) et de les utiliser et ce très souvent sans les fondements et connaissances requises. Grâce aux religions étrangères, surtout le pentecôtisme et d’autres mouvements ésotériques appelés couramment « maraboutisme » au Cameroun, ces « usurpateurs » cherchent moyens de protection contre les menaces naturelles ou surnaturelles des ta-nkap « légitimes ». Chacun peut donc créer son propre réseau avec des structures de répression y relatives. De ce fait, les ta-nkap « modernes » sont dans plusieurs cas aussi les gourous, pasteurs et marabouts divers, percevant de droit le nkap (argent) sur leurs sujets auxquels ils promettent protection ou représailles (Geschiere, 2000 ; Nyamnjoh, 2005 ; Samen, 2018). Ces nouveaux ta-nkap « illégitimes » se servent du modèle et de la pédagogie traditionnelle pour instaurer un nouveau système pluricéphale, plus dynamique en parlant de remittances et plus déstabilisant pour la société. En fin de compte, il s’agit dans plusieurs cas d’envoyer des enfants en Europe, par exemple, aux fins de régulièrement recevoir de l’argent d’eux. Il aurait fallu scruter le « better life » pour déceler cette autre cause majeure de la migration des jeunes bamiléké. Ces liens de dépendance ne sont pas seulement basés sur la contrainte mais aussi sur la docilité, celle-ci étant forgée et consolidée par une pédagogie bien définie. L’éducation chez les Bamiléké est avant tout basée sur la transmission des informations nécessaires à un individu afin qu’il puisse prendre part activement à la vie sociale et trouver sa place dans l’univers. Or l’éducation des bun – surtout dans les familles des ta-nkap « illégitimes » – est expressément basée sur la réduction ou la manipulation des informations concernant un individu et son environnement à dessein de produire des Hommes limités. De ce fait, le « partir » dont nous avons fait mention en tant que l’amoindrissement des liens affectifs et historiques s’extériorisant par un certain déséquilibre, n’est pas seulement l’œuvre des facteurs exogènes (colonisation, évangélisation, islamisation, etc.). Dans le but de mieux huiler la machinerie d’exploitation de leur bun, certaines familles laissent expressément les enfants dans de grandes lacunes surtout en ce qui concerne leur langue, identité, statut, histoire de leur famille respective, de leur chefferie, etc. Ces lacunes vont en s’empirant, d’une génération à une autre. Elles forgent, avec la peur permanente des représailles du phénomène sueh (traduit par sorcellerie), un état mental de servitude qui devient des chaînes plus dures que l’acier pour les gens de condition servile (Samen, 2018).

Non seulement le vécu en Europe n’était pas si facile comme ils l’imaginaient avant de migrer, mais la plupart vivaient dans une précarité notoire tout en finançant le luxe et le superflu de certaines personnes au Cameroun[14]. Était-ce une forme d’altruisme propre à ces jeunes bamiléké-là ? Je crois que non, dans la mesure où ces derniers m’avaient indiqué qu’eux aussi aspiraient – tout comme les autres personnes – à vivre bien. Peut-on aussi parler de solidarité ? Je dirai que non ! car ils envoyaient de l’argent plus par contrainte que par besoin et ce soumis à de graves pressions et menaces. Plusieurs me disaient d’ailleurs qu’ils devaient le faire pour « payer leur tête ». C’est donc dans cette optique et en se basant sur la charte universelle de 1948 (ONU, 2018) garantissant les droits de l’Homme, qu’on peut aussi qualifier la situation de plusieurs jeunes migrants bamiléké de nos jours de servitude. La servitude ici c’est quand dans le cas d’espèce, une personne ne réussit pas à vivre de manière décente mais est obligée de financer le luxe d’une autre personne au Cameroun. Ceux qui perçoivent de l’argent de ces derniers depuis le Cameroun profitent donc le plus de la migration de ces jeunes-là.

Lutte contre la migration « illégale »

Les ONG et les politiques ont engagé la lutte contre la migration. En 2017 par exemple, le ministère camerounais de la Jeunesse et de l’Éducation civique et l’ONG allemande The African Network of Germany avaient initié une « campagne de lutte contre les migrations irrégulières ». Le Parlement européen avait aussi décidé en 2016 d’allouer un fonds spécial de 1,8 milliard d’euros pour lutter contre les causes de la migration illégale en Afrique (Parlement européen, 2016). Dans cette lutte, la perspective étique des ONG et des politiques par exemple, est orientée vers les difficultés économiques et sociales en tant que causes premières de la migration des jeunes ; par exemple : les conséquences des programmes d’ajustement structurel, le chômage des jeunes, les déficiences de l’État. Or dans le contexte bamiléké nous constatons plutôt deux principaux facteurs de la migration des jeunes. L’une c’est l’existence d’un système d’exploitation des cadets sociaux basé sur une structure de relation de dépendance qui ne croise, ni n’enfreint les lois issues du code civil. L’autre cause c’est le « refus de soi », c’est-à-dire, les crises identitaires et culturelles.

De cette complexité on peut en dégager trois attitudes par rapport au phénomène de la migration. D’une vision que je qualifierai d’eurocentrique, c’est la migration qui est un problème à résoudre, pas le « partir ». De la perspective des érudits bamiléké ce n’est pas la migration mais plutôt le « partir » qui est le problème majeur. Pour les profiteurs du système d’exploitation des bun, la migration et le « partir » sont une solution, un succès. En ne considérant pas ses deux dernières perspectives émiques, les actions de solutionnement proposées par les ONG et les politiques semblent bien manquer leurs cibles. D’une part, ils huilent les crises identitaires au niveau local, causes du « partir » et de la migration même. D’une autre part, ils ne contrarient pas la servitude, autre cause de la migration. Ainsi, nous pouvons donc déduire que : résoudre les problèmes de la migration de la perspective étique revient, dans un sens métaphorique, à traiter les symptômes et pas le mal, ce dernier d’ailleurs croissant. En traitant les symptômes et pas le mal, les crises identitaires et culturelles croissantes pourraient s’extérioriser par une pathologie plus acerbe.

Rejoignant les idées déjà énoncées par plusieurs autres chercheurs, comme Sallaberry (2010) ou Mbembe et Sarr (2017), la migration des jeunes africains est en premier plan un problème européen. La notion de territoire, imposée par les Européens dans le cadre de la colonisation, ne trouve à nos jours pas encore d’ancrage dans les convictions locales de plusieurs Bamiléké. Par exemple, étant donné que le lah existe au-delà du territoire, migrer en Europe ne donne pas au Bamiléké le sentiment d’être « parti » de son lah, tant que ce dernier remplit les formalités requises. Cette propriété culturelle lui donne une certaine latitude à pouvoir aller partout dans le monde. Il est donc difficile de faire comprendre à une telle personne qu’il devrait idéalement vivre seulement sur le territoire camerounais tels que délimité par les accords européens d’antan (Mbembe, 2010). Or nous nous souvenons que c’est la classe dirigeante européenne même (se voulant de manière pérenne de fixer les barèmes de l’évolution de l’histoire de l’humanité) qui lorsqu’elle avait besoin de la main-d’œuvre aux Amériques, conceptualisa la traite des esclaves, en d’autres termes, la migration forcée. Elle exporta ce concept vers l’Afrique en employant tous les moyens nécessaires y compris génocides et ethnocides. Maintenant se sentant menacé par les effets du « repeuplement du monde » (Mbembe & Sarr, 2017), elle conceptualise cette fois-ci la lutte contre la migration et l’exporte de nouveau, par tous les moyens nécessaires (financiers, politiques, infrastructurels).

Dans le cadre d’une solidarité diplomatique, le gouvernement et les ONG camerounais apportent – avec grande peine – leurs contributions à résoudre ce problème européen. Cependant, solutionner efficacement ce problème au Cameroun revient aussi à combattre le « partir » et la servitude générée par les relations de dépendance. D’une part, il faudra donc revoir les concepts médiatiques, religieux ou éducatifs introduis et établis, inculquant aux jeunes camerounais leur infériorité par rapport aux Européens. Ceci renvoie, dans le sens de Mbembe et Sarr (2017), à la nécessité de se réinvestir de certains « concepts endogènes ». D’une autre part, l’on devra aussi lutter contre certaines structures traditionnelles d’interdépendance. C’est au moins le profit que plusieurs Camerounais pourront en tirer du solutionnenemt du problème de la migration, en l’occurrence ceux qui sont parti des lah et les victimes de la « migration à servitude ». Autrement, le solutionnement du problème européen de la migration ne les apporterait rien d’assez profitable.

Cette étude sur les Bamiléké peut à juste titre être considéré comme un cas d’école. Les notions du territoire, du « partir », des relations de dépendance et d’exploitation des migrants élucidés dans ce texte sont similaires à celles existant dans d’autres sociétés africaines. De ce fait, le regard des érudits bamiléké sur la migration des jeunes africains peut pertinemment contribuer aux débats actuels sur la migration.

 

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Recebido: 29 de julho de 2018

Aceite: 17 de maio de 2019

 

 

Notes

[1]   Ces recherches de terrain dans le cadre de ma thèse de doctorat furent financées par le DAAD (Office allemand d’échanges universitaires).

[2]   Il n’est pas facile de caractériser ces chefferies en termes de ville ou de village. Le terme ville renvoie à la présence d’une forme d’urbanisation de type européen dans une agglomération donnée, tandis que village désigne les agglomérations rurales (Tchatchoua, 2009). Or, la population locale utilise le terme français « village » exclusivement pour définir leur chefferie d’origine.

[3]   Depuis 2008, les dix provinces du Cameroun ont été renommées les dix régions. Les Grassfields s’étendent sur les régions Ouest et Nord-Ouest. La région de l’Ouest comprend exclusivement les chefferies dites bamiléké et bamoun.

[4]   C’est fort de cela que Nkwi et Warnier (1982) les classent dans le sous-groupe qu’ils nomment « Mbam-Nkam ».

[5]   Nkohn en langue medumba est l’une des appellations des lois sacrées.

[6]   Il est à noter que le sens du monde dans cette conception du monde est du haut vers le bas.

[7]   Au sein des lah, il existe une différence entre le père biologique et le père social. Le père social est celui qui possède un individu. Il peut par exemple s’agir d’un njeunda, propriétaire d’un tchounda, un chef de famille (Hurault, 1962). Il peut aussi s’agir d’un ta-nkap. Ce dernier possède ses filles et les marie avec des cadets sociaux. Ainsi les enfants issus de tels mariages lui reviennent. Voir Kamga (2008) ; Tanefo (2012).

[8]   Terme utilisé par Deltombe, Domergue et Tatsitsa (2011).

[9]   Aussi appelé tchounda (lignée, parenté).

[10]  Un érudit m’expliqua qu’il était, avant la colonisation, interdit par exemple de tuer, même les animaux. Seuls les ngakang (prêtres) étaient habilités à commettre pareille action. Immoler un animal requérait des rituels d’expiations, car le sang versé entrainait l’impureté. Avec la christianisation, par exemple, ces valeurs ont été combattues.

[11]  Le terme fay-man est utilisé par les Camerounais et maintenant dans d’autres pays africains pour désigner les malfrats comme les arnaqueurs et faussaires quelconques. La faymania est très souvent associée avec la migration (Pelican, 2014).

[12]  Il est notable qu’il ne s’agit pas d’un système de caste. Les sociétés bamiléké, quoique fortement hiérarchisées, offrent cependant des possibilités de mobilité sociale. De ce fait, le fils d’un roturier peut accéder à la notabilité. Ou encore la fille d’un roi peut être de condition servile.

[13]  Dans la structure « légale » des chefferies, seules les personnes puissantes, ayant atteint un certain échelon dans la société, dans leur conscience du moi et dans la religiosité peuvent devenir ta-nkap en vue de fortifier le groupe et aussi donner une certaine assurance et protection.

[14] Phénomènes tout à fait récurrents dans plusieurs sociétés africaines.

 

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