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Ex aequo

versão impressa ISSN 0874-5560

Ex aequo  no.47 Lisboa jun. 2023

https://doi.org/10.22355/exaequo.2023.47.20 

Recensões

Modalidades de memoria y archivos afectivos: Cine de mujeres en Centroamérica, par Ileana Rodríguez. San José: Universidad de Costa Rica, CIHAC/CALAS - Laboratorio Visiones de Paz, 2020, 100 pp.

Héloïse Elisabeth Ducatteau* 
http://orcid.org/0000-0002-0129-9679

*Sciences Po, campus de Nancy, France. heloise.ducatteau@sciencespo.fr

Modalidades de memoria y archivos afectivos: Cine de mujeres en Centroamérica. Rodríguez, Ileana. San José: Universidad de Costa Rica, CIHAC/CALAS - Laboratorio Visiones de Paz, 2020. 100 ppp.


Le cinéma centraméricain est peu diffusé en France, encore moins le féminin. Il ne fait l’objet d’un traitement spécifique qu'à partir de 2005, grâce à l’ouvrage de María Lourdes Cortés qui retrace un siècle de cinéma centraméricain. Ce livre est d'ailleurs mentionné dans la présente publication. Le fait que Cortés ait par ailleurs rédigé un chapitre d’ouvrage traduit en allemand sous le titre „Zentralamerika auf Zelluloid“ (2008) a facilité la diffusion de ses idées. Mais ce n'est qu’en 2015 que l'une des élèves de María Lourdes Cortés présente sa thèse de doctorat en français sur la même thématique. Auparavant, des études ont été publiées qui abordaient le cinéma centro-américain sous le prisme national. Bien que la monographie de María Lourdes Cortés soit mentionnée dans le livre ici recensé, ce n'est pas le cas de la thèse d'Andrea Cabezas Vargas. Pourtant, Ileana Rodríguez aurait pu y reprendre des éléments de contextualisation. Quels éléments historiques transcendent les frontières nationales centraméricaines et justifient leur rapprochement ? Quelles sont les particularités juridiques et économiques qui expliquent que le cinéma féminin y ait pu prendre racine plus tôt dans un pays que dans un autre et différemment ?

La publication de Rodríguez n'omet pas le cinéma masculin et le cinéma abordant la Centramérique depuis l'étranger. Elle aborde ainsi des films sur le Nicaragua réalisés par la gent masculine, comme Nicaragua... el sueño de una generación des Argentins Roberto Persano, Santiago Nacif Cabrera et Daniel Buak (2011), et des films réalisés conjointement par les deux sexes : Nicaragua, una revolución confiscada des Français-es Clara Ott et Gilles Bataillon (2012). Avec Antonio Gómez, l'autrice avait déjà consacré un article à un film monté par le Suédois Peter Torbiönson trois ans après sa sortie, Adiós Nicaragua. Chaque chapitre se focalise sur une réalisatrice, à l'exception du sixième et dernier qui en englobe deux. Les films considérés remontent tous à la dernière décennie et ne sont qu'une infime partie de la production. Ileana Rodríguez s'est focalisée sur des films où le témoignage occupe une place centrale au Salvador, au Guatemala et au Nicaragua.

Granito: How to Nail a Dictator (2011), le premier film considéré, a été réalisé par une États-Unienne, Pamela Yates. Il relate la bataille menée par l'avocate Almudena Bernabéu pour rendre justice à un groupe de femmes autochtones guatémaltèques. On doit à Fredi Peccerelli d'avoir trouvé des os dans une fosse commune et d'avoir amené son équipe à les déterrer. L'archiviste Kathy Doyle a reçu anonymement des documents rassemblant les ordres de l'armée. La persévérance de Bernabéu a porté ses fruits, puisque le général Efraín Ríos Montt et l'ex-ministre de la Défense (entre 1983 et 1989) Carlos Eugenio Vides Casanova ont pu être jugés, ce dernier ayant d'abord dû être expulsé des États-Unis. Le film de Ana Lucía Cuevas El eco del dolor de mucha gente (2013) aspire également à une justice rétributive et transitionnelle. Cette fois-ci, la cinéaste a directement été touchée personnellement, étant donné qu'elle est retournée au Guatemala pour retrouver la dépouille de son frère Carlos tué. La parole est donnée aux femmes indigènes mais aussi métisses. Si les premières ont davantage été victimes d'homicides, les secondes ont surtout subi des séquestrations et des disparitions. En arrière-fond, le bruit des hélicoptères rappelle les bombardements. La justicière est ici Nineth Montenegro, fondatrice du Groupe d'Aide Mutuelle. Ileana Rodríguez met en lumière les nombreuses photographies, les morgues et prisons traversées avec la Shoah telle que présentée par Ka-Tzetnik.

Passons maintenant au Salvador. Dans Los ofendidos (2006), Marcela Zamora questionne une série de témoins plus diversifiée : son propre père, un médecin, le directeur d'un Centre de mémoire historique sur les droits humains du Salvador, et même un tortionnaire. Le médecin détaille les supplices qu'il a subis : chocs électriques, brûlures avec cigares, violences sexuelles, doigts collés l'empêchant d'exercer de nouveau la chirurgie par la suite. Piétiné, il a été forcé à manger des vers. Les accords de paix ne gomment pas les inquiétudes vis-à-vis d'une nouvelle guerre. El lugar más pequeño (2011) de Tatiana Huezo se distingue des autres films en ceci qu'il est une docufiction. Il narre le retour de familles dans leur village de Cinquero après l'avoir déserté.

Et finissons avec le Nicaragua. La protagoniste de Heredera del viento (2017), réalisé par Gloria Carrión, cherche à connaître ses parents disparus, torturés après avoir milité contre la dictature, après avoir dû emprunter des pseudonymes pour se protéger. Une voix off nous recontextualise les événements. La douleur est analysée sous l'angle du close-up conceptualisé par Deleuze et du self-touching qui l'a été par Catherine Malabou. Dans le cas nicaraguayen, le gouvernement se déclarait de gauche, à la différence de ceux guatémaltèque et salvadorien. Les conséquences sociétales sont tout autant graves. La caméra de Mercedes Moncada dans Palabras mágicas para romper un encantamiento (2012) balaie de jeunes drogués, de l'eau polluée, des chenaux emboués. Les désastres à la suite du tremblement de terre en 1972 et de la tempête Mitch en 1998 nous sont racontés par une voix off. Les déséquilibres politiques comme le retour au pouvoir de Arnoldo Alemán, homme corrompu, nous sont expliqués. Exiliada (2019) de Leonor Zúñiga se concentre sur la féministe Zoilamérica Narváez, violée et harcelée sexuellement à douze ans par Daniel Ortega. Le futur président s'est alors mis en couple avec la mère de la jeune fille, Rosario Murillo, vice-présidente depuis 2017. Lorsque sa fille porte plainte, elle protège son mari. La prescription étant dépassée, Daniel Ortega est resté impuni. Zoilamérica a été contrainte de s'exiler au Costa Rica.

La zone géographique d'Amérique centrale n'est pas ici délimitée, alors qu’elle ne fait pas l'unanimité selon les pays et les chercheurs. Si l'on comprend que le Belize ne soit pas représenté, étant donné que le pays a été une colonie britannique jusqu'à son indépendance en 1983 et qu'il en garde l'anglais comme seule langue officielle, on regrette que la publication présente n'inclut pas de films costariciens, panaméens et honduriens. Même si la production cinématographique est moindre, assez logiquement du fait de la taille de ces pays, plus modeste que celle des autres pays traités, elle y aurait eu sa place. Andrea Cabezas Vargas avait ainsi écarté le Belize mais intégré le Panama et l'Honduras. On peut notamment citer le court-métrage de trente minutes de la photographe panaméenne Sandra Eleta, El imperio nos visita nuevamente. Tourné en 1990, il traite de l'invasion nord-américaine survenue un an plus tôt par le biais de témoignages. Le docudrame de la Hondurienne Elizabeth Figueroa, Fantasmas del huracán, réalisé en l'an 2000, aborde la violence engendrée par une catastrophe naturelle, un ouragan, et les pertes familiales traumatogènes qui en découlent. Un autre documentaire aurait été très pertinent : ¿Quién dijo miedo ? Honduras de un golpe, de l'Hondurienne Katia Lara. Datant de 2010, ce long-métrage nous donne à voir le coup d'État de l'année précédente par l'armée qui a chassé le président Manuel Zelaya.

On reste aussi sur sa faim en ce qui concerne la réception des films que ce soit dans leur pays de tournage ou à l'étranger. On doit se contenter de la réception académique en langue espagnole et dans une moindre mesure anglaise. Et le film dont l'accueil est le plus documenté est Palabras mágicas, dont la réception par le public généraliste n’est d’ailleurs pas étayée par des sources (pp. 84-85). Aucune indication ne nous est fournie concernant l’accueil réservé aux autres films. Un écueil du présent ouvrage qui risque d’impacter l’utilisation pédagogique : l’absence d’indications sur le timing (avec heure, minute et seconde). Pour chaque citation, nous avons une note de bas de page qui nous rappelle le film dont elle est tirée. Sur certaines pages, nous avons ainsi huit notes de bas de pages identiques car les huit citations sont issues du même film. Les scènes sont donc nettement plus compliquées à retrouver. L’absence de screenshots ou même d’affiches de film(s) nuit certainement à la mémorisation de ces derniers.

On déplorera aussi que la composante civilisationnelle n’apparaisse que sous forme d’insertions au sein des chapitres. Une frise chronologique, des encarts placés dans les marges auraient permis de mieux saisir le déroulement historique du dernier demi-siècle centraméricain, aussi bien dans le champ politique que cinématographique.

Références bibliographiques

Cabezas Vargas, Andrea. 2015. « Cinéma centraméricain contemporain (1970-2014) : la construction d'un cinéma régional : mémoires socio-historiques et culturelles. » Thèse de doctorat en arts. Bordeaux: Université de Bordeaux III - Michel Montaigne. Disponible sur https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01298559Links ]

Cortés Pacheco, María Lourdes. 2005. La pantalla rota. Cien años de cine en Centroamérica. Col. del Valle, México: Santillana. Disponible sur https://hdl.handle.net/10669/82043Links ]

Cortés Pacheco, María Lourdes. 2008. „Zentralamerika auf Zelluloid.“ Traduit par Alexandra Ortiz Wallner. In Zentralamerika heute: Politik, Wirtschaft, Kultur, édité par Sabine Kurtenbach, 643-657. Frankfurt am Main: Vervuet. Disponible sur https://publications.iai.spk-berlin.de/receive/riai_mods_00001126Links ]

Rodríguez, Ileana. 2020. Modalidades de memoria y archivos afectivos: Cine de mujeres en Centroamérica. San José: Universidad de Costa Rica, Vicerrectoría de Investigación, Centro de Investigaciones Históricas de América Central, CALAS - Laboratorio Visiones de Paz. Disponible sur https://kerwa.ucr.ac.cr/handle/10669/85243 [ Links ]

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